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LA HOUILLE BLANCHE

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L E G I S L A T I O N

Chutes d'eau sur les rivières navigables et flottables.- Délimitation du lit (plenissimum flumen)

p a r P a u l BOUGAULT, Avocal à la Cour d'Appel de Lyon

L'auteur, s'in.spiranl de l'intérêt que les demandeurs en concession sur les rivières classées auraient à connaître facilement les limites du domaine de l'Etat par rapport aux riverains en

bordure de ces rivières, expose certains principes généraux.

A quelles conditions une rivière appartient-elle au domaine public ? —r P e n d a n t longtemps, la réponse à cette question pouvait être r a p i d e m e n t donnée p a r la simple lecture de l'ar- ticle 538 du Code civil : « Les chemins... les fleuves et rivières a navigables et flottables sont considérés comme des dépendances

« du domaine public. » Le Code doit être envisagé sur ce point comme l'héritier direct de la Révolution française dont l'As- semblée nationale, par la loi du 22 novembre et du 1e r décembre 1790, déclarait : « les fleuves et rivières navigables sont consi-

« dérés comme dépendances du domaine public. » E t la Révo- lution française répétait l'article 41 de l'ordonnance de Louis X I V qui avait précisé : « L a propriété de tous les fleuves et rivières A p o r t a n t (1) b a t e a u x de leurs fonds sans artifices, ni ouvrages

« de mains, fait p a r t i e de notre couronne, sauf les droits de

« moulins et a u t r e s usages q u e les particuliers p e u v e n t y avoir

« par titres et possessions valables auxquels ils seront main-

« tenus. »

P e n d a n t très longtemps, en effet, on a a d m i s q u e la d o m a n i a - (1) P a r ces mots « rivières p o r t a n t b a t e a u x de leurs fonds, sans artifice ni ouvrage de mains, » c'est-à-dire les rivières qui, naturellement, ont sur leur lit un volume d'eau assez épais pour pouvoir soutenir un bateau, il semblerait que le roi eut voulu faire rentrer dans le domaine de la couronne, les rivières navigables à l'exclusion des rivières flottables qui ne p e u v e n t supporter qu'un train de bois, c'est-à-dire des arbres ou des planches reliés ensemble, et que, p a r conséquent, le Code civil, en employant les deux termes navigables ou flottables ait. fait une innovation. I ! n'en est rien.

Comme le fait observer, dans une note remarquablement rédigée, M. Louis Sarrut, sous un arrêt de la Chambre civile, de la Cour île Cassation du 20 juin 1922 (Dalloz 1 9 2 6 ; \™ partie, page 17-1, Etat, français contre, commune de Livron et Combier) qui a assi- milé catégoriquement, à ce point de vue les rivières navigables et les rivières flottables, l'ordonnance de 1669 (citée dans la jurisprudence générale de Dalloz, Vo, Forêts page 15 et suivantes) emploie indiscutablement, dans les articles 12, 13, 14, le mot

« navigable » seul ou les mots « navigables et flottables ». Il en résulte que les rivières flottables aussi bien que les rivières navi- gables, dépendant, les unes et les autres du domaine public de la couronne, sont devenues inaliénables depuis le premier édit de Moulins de 1566, enregistré au Parlement le 13 mai suivant, décla- rant inaliénable le domaine public de la couronne, et que les rivières flottables ne rentrent en aucune façon dans le second édit de Moulins de février 1566 qui, enregistré au Parlement le 27 mai et le 5 août de la même année, est relatif au domaine privé de la couronne (domaine aliénable) comprenant les terres, prés, marais, etc. (consulter un arrêt du 17 mai 1S4S de la cour de Caen, Dalloz, 1818, 2, 11», Domaine contre Beaurepaire), décla- rant non seulement aliénables, mais prescriptibles les biens du Petit domaine de la couronne, visés dans le second édit de Moulins, dont les dispositions se trouvent, consacrées p a r l'article 31 de la loi du 22 novembre 1790.

lité d ' u n cours d'eau dépendait uniquement de son a p t i t u d e à la navigation ou du flottage par t r a i n s , et que la navigabilité é t a i t un fait qui n'était, pas nécessairement subordonné à u n e décision de l'autorité compétente. Toutefois, l'intérêt pra- t i q u e d ' u n e déclaration de navigabilité étant évident, t a n t pour l ' E t a t que pour les tiers, u n e décision a d m i n i s t r a t i v e interve- n a i t dans la plupart des cas pour consacrer officiellement l ' é t a t de fait qui e n t r a î n a i t la domanialité publique. L e classement le plus i m p o r t a n t résultait ainsi de l'ordonnance royale du 10 juil- let 1835, rendue en exécution de la loi sur la pêche fluviale, à u n e époque où les cours d'eau étaient pris en considération b e a u c o u p plus en raison des services qu'ils rendaient à la pis- ciculture qu'en raison de leur a p t i t u d e a u x prises industrielles (1) et ultérieurement, de nombreux décrets avaient classé d a n s le d o m a i n e public de nouvelles portions de cours d'eau devenues navigables et déclassé inversement celles q u ' u n e modification de l ' é t a t naturel des lieux r e n d a i t inaptes à la navigation. Mais ces classements administratifs n ' a v a i e n t de force obligatoire que s'ils correspondaient à u n é t a t de fait, et t o u t intéressé pou- v a i t arguer de la navigabilité d'une rivière non classée, p a r exemple, pour éluder la t a x e de curage qui ne frappe, q u e les rivières du domaine privé, ou inversement la non navigabilité d ' u n e rivière classée, p a r exemple pour éviter la servitude d e halage ou demander la nullité d ' u n procès-verbal de c o n t r a - vention de g r a n d e voirie.

Il n ' e n est plus ainsi depuis l'article 128 de la loi de F i n a n c e s du 8 avril 1910 (Voir le t e x t e dans Dalloz, a n n é e 1910, 4e partie, page 145.), d o n t les termes a u r a i e n t pu être très clairs, si le législateur avait voulu préciser simplement u n e pensée q u e t o u t le monde connaissait : il voulait que la question de clas- sement d'une rivière comme navigable ou flottable ne p u t plus à l'avenir, dépendre d'une relation e n t r e la réalité et l'acte administratif qui avait classé le cours d'eau, mais q u e ce clas- sement se suffit à lui-même ; il n ' a v a i t donc q u ' à s'exprimer

(1) L'ordonnance royale du 10 juillet 1835 qui donne par dépar- t e m e n t « le tableau général de toutes les parties des fleuves,

« rivières et canaux auxquels sont applicables les dispositions

« des articles 1 et 3 de la loi du 15 avril 1<S29, comprend 68 dépar-

« t e m e n t s ; les autres départements, tels que le Cantal, la Corse, etc.

« n ' é t a n t arrosés que par des rivières flottables à bûches perdues

« n e figurent pas dans l'énumération. » (Ces termes sont extraits du r a p p o r t du Ministre des Finances qui précède l'ordonnance ; voir la note de M. Sarrut, sous l'arrêt précipité du 20 juin 1922.

D. 1926, I, page 173, colonne I. Le tableau est reproduit dans l'ouvrage de Duvergier, Collection complète des lois, ordonnances, décrets, année 1835, page 293 ; il figure, aussi dans l'ouvrage de Fabreguettes, Traité des eaux publiques, page 415, t o m e I.) Article published by SHF and available athttp://www.shf-lhb.orgorhttp://dx.doi.org/10.1051/lhb/1930015

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84 LA HOUILLE BLANCHE ainsi : « Les cours d ' e a u qui figurent à r é m u n é r a t i o n contenue

dans l'ordonnance du 10 juillet 1835, en t e n a n t c o m p t e des modifications a p p o r t é e s p a r des classements ou déclassements postérieurs, et ceux qui sont entrés d a n s le d o m a i n e public, à la suite de l'exécution de t r a v a u x déclarés d'utilité publique, ne p o u r r o n t être distraits du domaine public q u ' e n v e r t u d'une loi. » E t comme c e t t e déclaration v a se t r o u v e r figée pour tou- jours dans une i m m u t a b i l i t é presque absolue (une loi est tou- jours lente à venir q u a n d il s'agit de dépouiller l ' E t a t ) , on invite les intéressés à faire valoir les droits qu'ils p o u r r a i e n t avoir dans le délai d'un an à p a r t i r de la promulgation de l.i loi.

P e u t - ê t r e cette rédaction eût-elle été t r o p simple, et pour des raisons mystérieuses, t e n a n t p r o b a b l e m e n t a u x usages du P a r l e m e n t , on a voulu lui d o n n e r un lien de p a r e n t é avec l'article 67 de la loi de F i n a n c e s du 26 décembre 1908 (Dal- loz, 1909, 4e p a r t i e , p a g e 28) qui a soumis à l'obligation de consulter le Conseil général t o u t d e m a n d e u r en concession d'eau sur des cours d'eau du domaine public fluvial, v o u l a n t transpor- ter un certain volume en dehors du d é p a r t e m e n t . Le rédacteur de la loi nouvelle a voulu p a r a î t r e se contenter de préciser ce qu'il fallait e n t e n d r e par « d o m a i n e public fluvial », et il en a pro- fité pour faire ,sous ces apparences, u n e loi nouvelle, ainsi con- çue : « L ' a r t i c l e 67 de la loi du 3 décembre 1908 est complété ainsi qu'il suit :

« Les cours d'eau visés dans le présent article (il faut tra- d u i r e : les cours d'eau qui sont du d o m a i n e public), sont :

« 1° Ceux qui figurent au tableau a n n e x é à l'ordonnance

« du 10 juillet 1835, en t e n a n t compte, des modifications a p -

« portées à ce tableau par les décrets postérieurs de classement

« et de déclassement. »

« 2° Ceux qui sont entrés d a n s le d o m a i n e public à la suite

« de l'exécution des t r a v a u x déclarés d'utilité publique, ou

« d'actes de r a c h a t .

« Les cours d'eau, portions de cours d'eau et c a n a u x ainsi définis ne p o u r r o n t ê t r e distraits du d o m a i n e public qu'en vertu d'une loi.

« Toutes actions en reconnaissance de droits acquis sur les cours d'eau compris a u p a r a g r a p h e premier ci-dessus devront, à peine de forclusion, être i n t r o d u i t e s d a n s le délai d'un an à partir de la promulgation de la présente loi. »

« Cette disposition ne s'applique pas a u x usines a y a n t une existence légale. »

R e t e n o n s donc cette conclusion : à p a r t i r de la loi du 8 avril 1910, l'ordonnance du 10 juillet 1835 ,bien que ne c o n s t i t u a n t q u ' u n a c t e administratif, en lui-même, devient immuable, plus e x a c t e m e n t , ne p e u t ê t r e transformée que p a r un acte législatif.

E l la jurisprudence a d m i n i s t r a t i v e a m ê m e encore accen- tué la rigueur de la loi nouvelle. Celle-ci p o u v a i t présenter une lacune, une sorte de fissure p a r laquelle p o u v a i t se faire jour des discussions sur le classement i n t e r v e n u dans l'ordonnance.

Un riverain p o u v a i t dire, en effet : « Sans d o u t e , l'ordonnance de 1835 a déclaré telle rivière (l'Ain, p a r exemple) flottable depuis un point déterminé, mais le sieur J..., propriétaire d'une usine, p e u t d é m o n t r e r q u ' a u droit de c e t t e usine, le flottage n ' a jamais été. p r a t i q u é p a r ce qu'il é t a i t impraticable : donc, je profite de la faculté donnée p e n d a n t un an à partir de la loi du 8 avril 1910, pour revendiquer cet é t a t de fait. » Le Conseil d ' E t a t , dans l'arrêt du 2 mars 1923 (affaire J o b e z contre E t a t français, D., 1923, 3, 25), saisi par J o b e z sur renvoi du tribunal civil de Lons-le-Saulriier, a s t a t u é , en la forme d'une décision r e j e t a n t un recours pour excès de pouvoir formé contre

la décision implicite de rejet r é s u l t a n t du silence du ministre a u q u e l J o b e z avait d e m a n d é de dire (pie la rivière de l'Ain n ' a v a i t j a m a i s été navigable, ni flottable au point où étaient situées ses usines : il a déclaré que la rivière d'Ain, a y a n t été classée comme a p t e au flottage depuis le P o n t de N a v o y , situé en a m o n t des usines de J o b e z , j u s q u ' à un point, en aval, ce classement s'imposait à tous, alors m ê m e q u ' a u droit des usines envisagées, le flottage n ' a u r a i t été ni p r a t i q u é , ni praticable : il faut donc considérer c o m m e terminée cette longue contro- verse des sections non navigables intercalées dans les rivières navigables (1).

R é p é t o n s donc que l ' o r d o n n a n c e du H) juillet 1835 est deve- nue i n a t t a q u a b l e (2).

Quels sont les éléments qui rentrent dans la domanialité ? Est-il besoin de répondre, tout d ' a b o r d , que l'élément donui-

(1) T o u t ce qui précède est expliqué avec une remarquable autorité dans la note signée : 1,. J., à la référence précitée de Dalloz, 1923, 3, 25 ; on trouvera à la même référence un arrêt du S décembre 1922, affaire Ridaut. dans lequel le Conseil de Préfecture s'étant déclaré incompétent pour connaître, des droits privés réservés par l'article 128 de la loi précitée, le Conseil d'Etat, statuant comme juge de droit commun en matière administrative, a décidé que la rivière la Chée a y a n t été déclarée navigable-par l'ordonnance de 1835, le juge n'a point à savoir si, à cette époque, le classement correspondait à la réalité.

(2) R e m a r q u o n s que l'article 128 de la loi du 8 avril 1910 qui a rendu immuable le classement des rivières publiques, ne s'ap- plique pas à la servitude de halage qui, comme nous allons le voir, dans la présente note, est toujours liée à cette question de fait : la navigabilité existe-t-elle toujours ? Le halage est prévu par l'article 46 de la loi du 8 avril 1898 : article qui est inscrit au cha- pitre des servitudes et est ainsi conçu : « Les propriétaires rive- rains des fleuves et rivières navigables ou flottables sont tenus, dans l'intérêt du service de la navigation et p a r t o u t où il existe un chemin de halage, de laisser le long des bords desdits fleuves et rivières, ainsi que les îles où il en sera besoin, un espace libre de 7 m. 80 de largeur. Ils ne p e u v e n t p l a n t e r d'arbres ou se clore par haies ou a u t r e m e n t q u ' à une distance de 9 m. 75 du côté où les b a t e a u x se tirent et de 3 m. 25 sur le bord où il n'existe pas de chemin de halage. » On sait que le chemin de halage (situé sur le côté où sont tirés les b a t e a u x ) et de marchepied du côté- opposé au halage, sont régis par les mêmes principes, empruntés aux servitudes d'utilité publique, puisque le propriétaire reste propriétaire du chemin. (Voie Répertoire p r a t i q u e , V°, Kaux, n° 600.) Un sieur Wells, propriétaire d'une terre en bordure de la Boutonne, affluent de la Charente, avait reçu une contra- vention pour avoir planté j u s q u ' a u bord de la rivière des peu- pliers empêchant le halage ; il fut condamné par le Conseil de Préfecture à l'enlèvement de ses plantations, pour l'unique motif que la rivière é t a n t classée par l'ordonnance du 10 juillet 1835, et cette ordonnance é t a n t devenue incommutable, la servitude, de halage devait par le fait même, être conservée. Le Conseil d ' E t a t , p a r arrêt du 23 janvier 1920 (D. 1922, 3, 13, affaire Wells), suivant en cela les conclusions du Commissaire du Gouvernement Corneille, a décidé que l'article 128 de la loi du 8 avril 1910 n'était relatif q u ' à la question de la domanialité de la rivière, et demeu- rait inopérant à l'égard de la servitude de halage qui restait régie par les principes admis depuis de longues années par le Conseil d ' E t a t . La servitude de halage ne survit pas du l'ait de la naviga- bilité : si la rivière n'est plus susceptible, de navigation, la ser- vitude de halage ou de marchepied disparaît ; c'est ce qui déjà avait été décidé pour le Cher dans l'arrêt du 26 avril 1890 (affaire Penin, D., 1891, 3, 102), le Conseil d ' E t a t avait ordonné une instruction par un inspecteur général des P o n t s pour examiner si le Cher n'est plus susceptible de navigation. Si le Conseil d'Etat a condamné le sieur Wells à l'enlèvement des arbres parce que la rivière de la Boutonne, d'après l'instruction qui a été faite, a été considérée comme accessible à la navigation j u s q u ' à un point situé en a m o n t de la propriété Wells, et le l'ait q u ' a u droit eîe cette, propriété la navigation était délaissée par l a , batellerie, a été considéré comme n ' a y a n t aucune importance sur la ser- vitude de halage qui a été maintenue.

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LA HOUILLE BLANCHE 85 niai p a r excellence est constitue p a r l'eau des rivières classées,

l ' E t a l a y a n t seul qualité pour donner des permissions à ceux qui désirent user de celte eau, comme il a seul le droit de pro- filer de la pèche en la d o n n a n t à bail, ainsi qu'il le fait si fré- quemment ; il en est de même pour le lit, c'est-à-dire pour celte p a r t i e appelée par les anciens a u t e u r s le fond, qui est recouverte p a r la n a p p e d'eau ; enfin, l ' E t a t sera propriétaire des b'erges, mais- c'est à ce point qu'en p r a t i q u e commencent les difficultés.

On p e u t dire cpie la berge est constituée par le relèvement du lit. qui, sur ses bords, se redresse, f o r m a n t ici un pli à peine accusé, j u s t e suffisant pour diriger les eaux, ailleurs, un véri- table e s c a r p e m e n t . Quand le volume des e a u x a u g m e n t e , le plan horizontal q u e forme la n a p p e se surélève : l'intersec- tion de ce plan avec le plan plus ou moins incliné q u e la berge offre à nos regards donnera là limite de la p r o p r i é t é de l ' E t a t : aucune difficulté ne serait possible si le plan horizontal était immuable. Nous savons tous qu'il n'en est rien, et cela est le point de d é p a r t de b e a u c o u p d'incertitudes.

H e u r e u s e m e n t , ces incertitudes ne résident q u e d a n s des questions de fait a u j o u r d ' h u i , alors q u ' a v a n t la loi du 8 avril 1898, elles se t r o u v a i e n t aussi dans le d o m a i n e du droit : Le Conseil d ' E t a t avait varié : dans certains a r r ê t s (Voir Code des lois politiques et a d m i n i s t r a t i v e s , a n n o t é , V°, E a u x , n° 313.), ii avait a d m i s que, dès que les eaux a r r i v e n t à un point tel que la navigation n'est plus praticable, la limite de la propriété de l ' E t a t est d é t e r m i n é e p a r le niveau. E n s u i t e , il a a d o p t é un système plus s t a b l e : le niveau qui sera u n i q u e m e n t pris en considération, d a n s c h a q u e section de la rivière, sera celui auquel s ' a r r ê t e n t les h a u t e s e a u x coulant à pleins bords a v a n t tout d é b o r d e m e n t . C'est le s y s t è m e que la loi du 8 avril 1898 sur le régime des e a u x a fait t r i o m p h e r p a r la r é d a c t i o n de l'article 36. « Des arrêtés préfectoraux r e n d u s après enquête

« sous l ' a p p r o b a t i o n des T r a v a u x publics (1) fixeront les limites

(1) C'est le système auquel la 'jurisprudence des tribunaux civils a toujours été fidèle. La cour de Toulouse, par exemple, a été appelée à déterminer la h a u t e u r , du plenissimum flumen entre deux riverains, l'un qui, dépossédé par le changement de lit d'un fleuve, avait le droit, d'après l'ancien article 563 du Code civil, de prendre, à titre d'indemnité, la portion du lit abandonnée en face de l ' a u t r e : elle devait, par conséquent, se préoccuper de la conséquence exacte de ce lit (c'est-à-dire la Surface du fond et celle des berges qui en étaient, le prolongement) ; elle a décidé (arrêt du 22 juin 1860, affaire de Beaufort contre dame de Mauvoisin, Dalloz, 1860, 2,128) que le lit du fleuve doit être déter- miné par le niveau des plus h a u t e s eaux provenant de causes habi- tuelles qui se renouvellent, plus spécialement à certaines saisons bien connues ; que ce niveau n'a rien de commun avec celui à partir duquel, exceptionnellement, les eaux font irruption dans les propriétés voisines, n ' a y a n t rien de régulier dans leur retour ni dans la zone du terrain sur lequel elles s'étendent ; les rives sont donc les points fixes marqués par la nature pour contenir le fleuve ; elles doivent être assez étendues pour servir à son cours dans ses divers é t a t s , pourvu qu'il ne les franchisse pas.

La cour de Lyon, jugeant contre l ' E t a t , lé 10 janvier 1849, pour le condamner à payer avec indemnité, à raison d'un terrain qui, incorporé définitivement au Rhône par un arrêté préfectoral de délimitation, était cependant la propriété d'un sieur Combalot (Dalloz. 1819, 2, 118) a constaté que, si l'arrêté avait fixé la limite à 3 mètres au-dessus de l'étiage. il était certain que cette limite laissait à découvert entre elle et. le niveau des plus hautes eaux avant de déborder, une surface de 13 hectares environ, déterminée par des experts (pie la cour avait nommés par un arrêt devant faire droit du 11 février 1848 ; la cour a admis qu'elle devait, sans rien modifier à l'arrêté de délimitation, condamner l'Etat à rembourser la valeur des terrains appréhendés par lui.

On consultera également un arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 28 février 1850 (D., 1850, 2, 65, affaire E t a t contre héritiers Poulain) : et divers arrêts de l a Cour de cassation, notamment

« des fleuves et rivières navigables et flottables, ces limites

« é t a n t déterminées par la h a u t e u r des e a u x coulant à pleins

« b o r d s , a v a n t de déborder. Les arrêtés de délimitation pour-

« r o n t être l'objet d ' u n recours c o n t e n t i e u x . Ils seront pris

« sous la réserve des droits de propriété. »

Considérations spéciales au « plenissimum flumen ». — Si l'on nous d e m a n d a i t de définir la portée de l'article 3G de la loi du 8 avril 1898, nous dirions volontiers que ce t e x t e indique les principes du « bornage e n t r e la berge a p p a r t e n a n t à l ' E t a t e t la berge a p p a r t e n a n t au riverain », é t a n t entendu, t o u t e - fois, que ce bornage ne comprend pas la pose des bornes ; car le régime des eaux, dans une section considérée de la rivière, p e u t toujours varier, et il y aura lieu alors à une nouvelle déli- m i t a t i o n (1). Ces principes sont les suivants :

1° C'est le préfet qui fixera les limites. E n d ' a u t r e s lermes, la ligne s é p a r a t i v e des deux domaines, celui de l ' E t a t et celui du particulier, sera tracée par le préfet. l'Article 3G le proclame avec une n e t t e t é qu'il est même inutile d e souligner.

2° Mais l ' œ u v r e du préfet ne sera légale que si pour l'accom- plir, il a respecté, la règle que lui t r a c e l'article 36, il doit déter- m i n e r l'intersection de la berge par le plan que présente la surface de l'eau coulant à pleins bords, a v a n t de déborder : s'il prend une a u t r e base, si, par exemple, il fait passer le plan p a r le niveau qui est a t t e i n t , non pas en temps de crue nor- male, mais en temps d'inondation, il incorpore au domaine public, en violation d'un t e x t e formel, une surface qui, en réa- lité, n ' a j a m a i s a p p a r t e n u et n ' a p p a r t i e n t pas à ce d o m a i n e : il ne pourrait le faire légalement q u ' a u moyen d'une expro- p r i a t i o n . Le système indiqué par le Conseil d ' E t a t est a d m i r a - blement résumé dans les conclusions de M. le Vavasscur de P r é c o u r t , reproduites sous l'arrêt du 24 janvier 1890, Dalloz, 1891, 3, 69, affaire D r o u e t ) . L ' a d m i n i s t r a t i o n doit, dans la section considérée, délimiter un niveau d'eau, le m ê m e sur les deux rives, qui fixe la ligne séparative du d o m a i n e public.

L a section, c'est la partie du fleuve soumise à un régime i d e n t i q u e . Des ouvrages publics, tels q u ' u n pont, u n e écluse, p e u v e n t également constituer la limite d ' u n e section parce qu'ils ont u n e indéniable influence sur le régime. Q u a n t au niveau, il est donné dans la section, par le d é b o r d e m e n t sur le terrain plus b a s (2).

l'arrêt du 9 juillet 1846, affaire E t a t contre Vauehel, Dalloz, 1846, I, 270, a rejeté le pourvoi contre u n arrêt de la cour de R o u e n qui a déclaré inaliénable et imprescriptible le lit d'une rivière navigable, et déclaré Vauehel coupable néanmoins d'une antici- pation sur le lit du fleuve déterminé par la h a u t e u r des h a u t e s eaux, avant tout, débordement. (Voir Code des lois politiques et administratives annoté de Dalloz, Vo, E a u x , n° 301.)

(1) P a r l'arrêt du 11 juin 1909, D., 1911, 3, 61, affaire G u y o t de Villeneuve et autres, le Conseil d ' E t a t déclare que l'adminis- t r a t i o n a y a n t fait procéder à la délimitation d'un cours d'eau navigable, a toujours le droit, si elle le juge opportun, de faire une nouvelle délimitation, afin de fixer les limites du cours d'eau telles qu'elles se comportent actuellement. Il s'agissait d'une déli- mitation faite en 1905, sur le lit de la Loire, alors qu'il en avait déjà été pratiqué une en 1876.

(2) Plus loin, le commissaire du gouvernement se d e m a n d a n t si le. chemin de halage peut servir à la délimitation répond néga- t i v e m e n t : car, dit-il, il est souvent nécessaire de l'établir sur ia crête de la berge, et, d'après l'ordonnance de 1669, il doit être aussi sur le bord de la rivière ; rien ne nous p a r a î t empêcher que ce chemin ne soit pas a t t e n a n t au domaine public, et qu'il en soit séparé par une berge inclinée, propriété des riverains, ceux-ci ne p o u v a n t faire sur ce terrain aucun ouvrage ni élever a u c u n e

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86 L.A HOUILLE BLANCHE 3° Si le riverain dépossédé i n j u s t e m e n t v e u t se faire ren-

dre justice, il aura é v i d e m m e n t un premier moyen : c'est celui d ' a t t a q u e r , par la voie de recours pour excès de pouvoir, d e v a n t le Conseil d ' E t a t , l'arrêté de délimitation. Et on peut dire que c'est la voie normale, préférable à t o u t e a u t r e , car si une illé- galité est constatée, elle a m è n e r a la suppression complète de la délimitation. Le Conseil d ' E t a t n ' a j a m a i s hésité à le proclamer, et c'est ce qui a été affirmé p a r la décision du T r i b u n a l des conflits du 11 janvier 1873 (affaire du m a r q u i s de Paris-La- brosse, D., 1873, 3, 65). « Les tiers dont les droits sont réservés

« p e u v e n t se pourvoir, soit devant, l'autorité a d m i n i s t r a t i v e ,

« pour faire rectifier la délimitation de la mer ou des pluies

« navigables, soit d e v a n t le Conseil d ' E t a t à fin d'obtenir l'an-

« nidation pour cause d'excès de pouvoir des arrêtés qui por-

« feraient a t t e i n t e à leur droit. »

4° Cette voie est m ê m e tellement préférable que le T r i b u n a l des conflits n'hésite j a m a i s à imposer a u x t r i b u n a u x judiciaires qui, sur réclamation des particuliers intéressés, se préparent à c o n d a m n e r l ' E t a t à payer la valeur d ' u n e parcelle qu'il a u r a i t englobée i n d û m e n t , à surseoir à s t a t u e r j u s q u ' à ce que l'arrêté de délimitation, s'il n'en existe pas déjà, ait été pris. Une des décisions les plus récentes est celle du 28 juillet 1921 (Affaire Préfet du Finistère contre de la B a r r e de N a n t e u i l , D . 1921, 3, 29.). La famille de la B a r r e de N a n t e u i l se disait propriétaire comme l ' a y a n t acquise de l ' E t a t en 1792, d ' u n e parcelle de terre faisant p a r t i e d ' u n e surface sise en b o r d u r e de la rivière le Morlaix, et le préfet du F i n i s t è r e a v a i t donné à un tiers une concession sur ces terrains ; les consorts de la B a r r e de Nanteuil assignèrent l ' E t a t d e v a n t le t r i b u n a l de Morlaix qui ordonna une expertise, pour d é t e r m i n e r si, d'après sa position p a r rap- port au plenissimum flumen la parcelle litigieuse a v a i t été illé- galement a t t e i n t e p a r la concession préfectorale donnée à un tiers. Le T r i b u n a l des conflits a décidé que le préfet a v a i t , à j u s t e t i t r e , revendiqué pour l ' a d m i n i s t r a t i o n le droit absolu de faire au préalable la délimitation p r é v u e à l'article 36 de la loi du 8 avril 1 8 9 8 ; cette formalité est préjudicielle. C'est ce que déjà le T r i b u n a l des conflits a v a i t décidé, le 1e r mars 1873, dans l'affaire Guillié (Dalloz, 1873, 3, 65, 2e espèce), q u a n d il s'agit de « contestation sur les limites actuelles de la mer,

« et des cours d'eau navigables, la d é t e r m i n a t i o n p a r l ' a u t o -

« rite a d m i n i s t r a t i v e est préjudicielle à t o u t e décision de l'au-

« torité judiciaire. »

5° Mais il se p e u t q u ' u n e délimitation ait déjà été faite, qu'elle soit devenue i n a t t a q u a b l e , p a r suite de l'expiration des délais de deux mois donnés a u x particuliers pour i n t e n t e r leur recours ; il se peut encore qu'elle a i t été suivie de l'incorporation d'une parcelle privée à un o u v r a g e public établi sur la rivière, par conséquent d ' u n e incorporation au d o m a i n e de l ' E t a t . Dans ces conditions, l ' a u t o r i t é judiciaire qui est incompétente, en plantation de n a t u r e à empêcher le halage. (Ordonnance de 1669, titre 27, article 42.)

L'arrêt du 24 janvier 1890 est encore intéressant en ce qu'il a statué sur une contravention qui aurait été commise aux dires de l'administration par le simple fait que des arbres auraient été coupés, au-dessous de la ligne séparative. Le Conseil de Préfec- ture, d'après un premier arrêt du 7 août 1886, D., 1888, 3, page 7, é t a n t juge de la contravention, ne doit pas se référer purement et simplement à un arrêté préfectoral de délimitation ; il doit, à l'occasion du procès-verbal dont il est saisi, rechercher si le terrain sur lequel les coupes d'arbres ont été pratiquées font réel- lement partie du fleuve ; le ministre n'est donc pas fondé à sou- tenir que le Conseil aurait dû appliquer l'arrêté de délimitation, et le Conseil d ' E t a t a nommé un inspecteur (les ponts pour faire la vérification nécessaire ; c'est sur cette vérification que le Conseil d ' E t a t par arrêt du 24 janvier 1890 (D. 1891, 3, 69) a prononcé l ' a c q u i t t e m e n t du sieur Drouet.

ce sens qu'elle ne s a u r a i t empêcher la délimitation adminis- t r a t i v e de produire ses effets, ni r e p r e n d r e au lit du fleuve les terrains qui ont été incorporés par a r r ê t é préfectoral, est.

pleinement c o m p é t e n t e pour a t t r i b u e r au riverain une indem- nité s'il est dépossédé d ' u n e terre qui lui a p p a r t i e n t . C'est le principe indiqué d'une manière très heureuse, et très claire par le Répertoire pratique, de Dalloz, Vo E a u x , n° 1816 : « Les limites

« de la propriété privée doivent, coïncider avec celles que Fail- li minislralion a t t r i b u e au d o m a i n e : si elles ne coincidenI pas,

« il y a lieu d'indemniser le riverain dépouillé de t o u t e la pro-

« priété comprise e n t r e les limite•> naturelles et les limites adini-

« nistrâtives. Cette solution consacrée autrefois par la jttris-

« prudence comme une g a r a n t i e nécessaire de la • propriété

« privée alors q u ' a u c u n recours c o n t e n t i e u x n'était, admis

« contre l'arrêté préfectoral o p é r a n t délimitation a été nvain-

« tenue m ê m e après q u e la j u r i s p r u d e n c e a d m i n i s t r a t i v e eul

« admis le recours pour excès de pouvoir. Les tiers lésés par

« l ' a d m i n i s t r a t i o n auront donc le droit : Io de se pourvoir devant

« l'autorité a d m i n i s t r a t i v e pour l'aire rectifier ou annuler la

« délimitation ; 2° s'adresser à l'autorité judiciaire non pas

« pour se faire r e m e t t r e en possession des terrains compris

« à tort dans l'arrêté de d é l i m i t a t i o n , mais pour l'aire recon-

« naître leur droit de propriété, et. pour faire régler, s'il y a

« lieu, une. i n d e m n i t é de dépossession à leur profil. » En réa- lité, c'est la thèse admise p a r le T r i b u n a l des conflits, dans la décision du 11 j a n v i e r 1873 (Affaire m a r q u i s de Paris-Labrosse, D. 1873, 3, 65), décision q u ' à raison de son i m p o r t a n c e , il est bon de résumer.

Afin de faciliter la navigation de l'Yonne, le .Service des p o n t s et chaussées a fait construire plusieurs barrages dans le lit de la rivière : les t r a v a u x exécutés eurent p o u r effet de surélever le niveau n a t u r e l des eaux, d'élargir le lit de la rivière et d'y incorporer les terrains a p p a r t e n a n t à M. de Paris-La- brosse : il fut exposé, au nom de l ' E t a t , q u e les terrains qui se t r o u b a i e n t situés dans les limites du lit de la rivière en dépen- d a i e n t déjà en p a r t i e , lorsque ces t r a v a u x de b a r r a g e avaient été commencés et que, p a r c o n s é q u e n t , a u c u n e indemnité n ' é t a i t due pour c e t t e p a r t i e . M. de Paris-Labrosse assigna alors l ' E t a t d e v a n t le t r i b u n a l civil de Sens pour voir ordon- ner une expertise à l'effet de vérifier quelle é t a i t , a v a n t la construction des barrages, la limite naturelle de ses propriétés au droit de la rivière, déclarer q u ' i l é t a i t propriétaire des ter- rains p a r lui désignés et d é t e r m i n e r l ' i n d e m n i t é qui lui était due (1).

Malgré les conclusions contraires de M. le Commissaire du G o u v e r n e m e n t David, le T r i b u n a l des conflits a rejeté l'arrêté de conflit pris par le préfet, pour revendiquer, au profil de l ' a d m i n i s t r a t i o n , le droit de dire quelle était la consistance des t e r r a i n s au m o m e n t où les t r a v a u x a v a i e n t été faits : il a s t a t u é d ' u n e m a n i è r e très précise, d ' a b o r d sur le droit du t r i b u n a l judiciaire de juger la question, et ensuite sur l'absence de t o u t sursis, la q u e s t i o n n ' a y a n t rien de préjudiciel : « il ap- t i e n l à l ' a u t o r i t é judiciaire lorsqu'elle est saisie d ' u n e demande en i n d e m n i t é fournie p a r un particulier qui soutient que sa propriété a été englobée dans le d o m a i n e public, par une déli- m i t a t i o n inexacte, de reconnaître le droit de propriété invoque d e v a n t elle, de vérifier si les terrains litigieux o n t cessé, par le m o u v e m e n t n a t u r e l des eaux, d ' ê t r e susceptibles7 de propriété

(1) M. de Paris-Labrosse avait aussi demandé au tribunal civil une indemnité pour infiltrations dans une partie des terres qui lui restaient. Le Tribunal des conflits a décidé, à très juste titre, que l'on se t r o u v a i t , sur ce point, en présence d'un-dommage causé par un travail public, et que le Conseil de Préfecture était seul compétent.

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LA H O U I L L E BLANCHE 87 privée et de régler, s'il y a lieu, une i n d e m n i t é île dépossession,

dans le cas où l ' a d m i n i s t r a t i o n m a i n t i e n d r a i t une décision contraire à la solution donnée par le tribunal. Le marquis de Paris-Labrosse n'a soumis au tribunal de Sens q u ' u n e question de propriété privée, et une d e m a n d e d ' i n d e m n i t é de déposses- sion p o u r la p e r t e d ' u n e portion de ses t e r r a i n s , occasionnée par une surélévation artificielle des e a u x de la rivière d ' Y o n n e : l'autorité judiciaire é t a n t c o m p é t e n t e pour s t a t u e r sur cette question, c o m m e sur c e t t e d e m a n d e , et la dépossession du marquis de Paris-Labrosse a y a n t été définitivement consommée par suite des t r a v a u x exécutés, la délimitation qui serait faite par l ' a u t o r i t é a d m i n i s t r a t i v e n'est pas u n e opération préjudi- cielle qui puisse réagir sur l'instance d o n t l'autorité judiciaire serait saisie.

Sans doute, c e t t e théorie n'a-t-elle pas été admise à l'una- nimité : elle n'en est pas moins devenue a u j o u r d ' h u i définitive, et elle p a r a î t très conforme a u x principes g é n é r a u x de la déli- mitation du d o m a i n e public (Voir R é p e r t o i r e p r a t i q u e V°, Domaine public, no s 103 et 104.). Il faut considérer comme pra- tiquement sans valeur les récriminations des jurisconsultes qui ne p e u v e n t c o m p r e n d r e q u e la délimitation é t a n t faite par l'autorité a d m i n i s t r a t i v e , elle soit, en réalité, contrôlée par l'autorité judiciaire, au point de vue d ' u n e indemnité à accor- der. (Voir n o t a m m e n t les conclusions de M. David, commis- saire du G o u v e r n e m e n t , dont il n'a été, sur ce point, tenu aucun compte par les décisions précitées du T r i b u n a l des conflits, Dalloz, 1873, 3'ue p a r t i e , page 08, 2e colonne.)

Situation des particuliers discutant entre eux le « plenissimum flumen ». — Il se p e u t que deux particuliers, l'administration étant désintéressée dans la question, soient en conflit e n t r e eux au sujet des droits q u e l'un p e u t p r é t e n d r e sur u n e parcelle qui, d ' a p r è s l ' a u t r e , ferait p a r t i e du d o m a i n e public ; il en est ainsi n o t a m m e n t q u a n d un riverain fait refouler les e a u x sur une parcelle (pi'un fiers prétend être sa propriété, parce qu'elle ne r e n t r e pas dans le d o m a i n e de l ' E t a t , é t a n t située au-dessus de la ligne de délimitation. Il serait évidemment souhaitable que le tribunal sursit à s t a t u e r j u s q u ' à ce que l'ar- rêté préfectoral fût i n t e r v e n u . P a r ce moyen, la question liti- gieuse serait t r a n c h é e à l'égard de t o u s . L a cour d'Orléans est même allée plus loin et, par l ' a r r ê t du 22 juillet 1898 (D., 1902, 2e p a r t i e , page 31) elle a considéré c o m m e une obliga- tion du t r i b u n a l de surseoir j u s q u ' à ce que la délimitation soit faite.

C'est u n e question très délicate, et l'on p e u t se demander si le t r i b u n a l judiciaire doit, dans ces conditions, s'abstenir de juger et s'il ne doit pas, au contraire, confier à des experts le soin de le renseigner, en définissant eux-mêmes ce plenis- simum jlumen. Il faut, tout d'abord, r e m a r q u e r q u e l ' E t a t n'étant pas eu cause, il n'y aura j a m a i s chose jugée à son égard.

D ' u n e façon générale, q u a n d les droits de l ' E t a t , considéré c o m m e puissance publique, ne sont pas en jeu q u a n d la q u e s - tion soulevée d e v a n t le t r i b u n a l n ' a pas pour b u t de lui im- poser une délimitation, on ne voit pas pour quel motif le t r i - b u n a l judiciaire ne serait pas c o m p é t e n t . Cette compétence a été admise par la Cour de cassation (arrêt du 4 février 1891, D., 1891, I, 265), affaire Cadet contre préfet de la C h a r e n t e - Inférieure, même d a n s un litige où l ' E t a t est p a r t i e . Il s'agis- sait de savoir si un terrain vendu p a r l ' E t a t a v a i t été pris sur le domaine public m a r i t i m e (ce d o m a i n e est régi par les mêmes principes que le domaine fluvial) ou si, au contraire, il a v a i t a p p a r t e n u à un r e v e n d i q u a n t . Toutes les parties, d'ailleurs, reconnaissaient formellement que les parcelles vendues p a r l ' E t a t ne pouvaient, en aucune façon, faire p a r t i e du domaine public, puisque l ' E t a t avait déclassé t o u t son domaine, ("était, en réalité, une origine de propriété à discuter, question sou- levée par une vente. La Cour de cassation a s t a t u é de la façon s u i v a n t e : « A t t e n d u , dit-elle, que s'il est vrai que le droit de

« délimiter le domaine public n ' a p p a r t i e n t en principe q u ' à

« l ' a u t o r i t é a d m i n i s t r a t i v e , et que les t r i b u n a u x saisis d'une

« c o n t e s t a t i o n d o n t la solution dépend du r é s u l t a t de c e l t e

« d é l i m i t a t i o n doivent surseoir à s t a t u e r j u s q u ' a u m o m e n t

« où c e t t e autorité l'aura opérée, cette compétence exclusive

« de l ' a d m i n i s t r a t i o n d é r i v a n t des dispositions qui chargent

« l ' E t a t de veiller à la conservation du domaine public,

« cesse avec le motif qui la j u s t i f i e ; que les t r i b u n a u x de l'or-

« dre judiciaire, juges naturels des questions qui intéressent

« la propriété privée, conservent, pour les résoudre, la pléni-

« t u d e de leur juridiction, m ê m e dans le cas où leur s i t u a t i o n

« implique la recherche des limites du d o m a i n e public, t o u t e s

« les fois que l ' E t a t est désintéressé dans le procès p e n d a n t

« d e v a n t eux, et que la délimitation à laquelle il sera procédé

« n ' a y a n t pour b u t que de déterminer la condition ancienne

« des terrains litigieux et non leur condition présente ne peut,

« quelle que soit la décision intervenue, porter a t t e i n t e à l'inté-

« grité du domaine public. »

Enfin, le 24 janvier 1893 (D. 1893, I, 285), sur le r a p p o r t de M. le Conseiller Rousselier, la Cour de cassation a fait une divi- sion très n e t t e entre ces deux questions : L ' a u t o r i t é judiciaire doit surseoir à statuer sur l ' a t t r i b u t i o n de la propriété et l ' a p - préciation de la possession de terrains revendiqués p a r l ' E t a t comme faisant partie du domaine public, alors que la déli- m i t a t i o n de ce rivage est encore p e n d a n t e d e v a n t l ' a u t o r i t é a d m i n i s t r a t i v e ; mais elle n'est p a s t e n u e de surseoir pour des t e r r a i n s qui, de l'aveu de tous, ont été incorporés au d o m a i n e public (parce qu'il s'agit alors de savoir si cette incorpora- tion n ' a pas englobé des parcelles pour lesquelles les p a r t i - culiers lésés pourraient recevoir une i n d e m n i t é ) ni pour des t e r r a i n s qui, de l'aveu de tous, ne font pas p a r t i e de son d o m a i n e (car, d a n s ce cas, l'administration ne p e u t être intéressée p a r le procès).

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