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THÉATRE

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Du même auteur chez le même éditeur

PASSEZ MUSCADE.

UN MORCEAU DE ROI.

PAUL ET VIRGINIE.

NOUVELLES AVENTURES DE PAUL ET VIRGINIE.

LES QUATRE CENTS COUPS DE VIRGINIE.

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MARCEL MITHOIS

THÉATRE

CROQUE-MONSIEUR LES COUPS DE THÉATRE LES VACANCES RÊVÉES UN CRIME DE BON TON Préface de Jean-Jacques GAUTIER

JULLIARD

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© Julliard, 1969.

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Depuis un quart de siècle que je vais au théâtre presque chaque soir de la semaine, de septembre à juin, jamais une répétition générale ne m'a tant fait souffrir que celle du 2 mars 1964... Attendez... Ce fut une des plus fastes que je devais connaître, mais avant, je n'en savais rien et, de toute mon amitié en éveil, je vécus les mêmes affres que l'auteur de la pièce qu'on donnait ce jour-là. Horrible, je me rap- pelle, c'était horrible ! J'étais assis, très blanc, non, plus que pâle, tout à fait décomposé, dans mon fau- teuil, et j'appréhendais une de ces déconvenues où

« le pire n'est pas toujours sûr ». Puis le rideau se leva, la principale comédienne, Jacqueline Maillan, apparut, elle lança ses trois premières répli- ques. A la première, on rit, à la seconde on s'esclaffa, à la troisième on se tordait, et l'on n'allait plus cesser de s'amuser jusqu'à l'en- tracte... où je connus un trait de confraternité rare dans ce métier : des critiques d'autres journaux, qui

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s'étaient bien divertis eux aussi tout au long de la première partie, s'approchèrent de moi et, me tapant sur l'épaule, me dirent d'un air heureux pour moi :

« Alors, vous êtes content, hein ? » Ils savaient quels liens amicaux m'unissaient à Marcel Mithois et se réjouissaient du soulagement qu'ils imaginaient.

Hélas ! mes craintes étaient si vives et ancrées qu'il fallait davantage pour les dissiper, que cette amorce de triomphe. Exceptionnellement vissé sur mon siège pendant tout l'entracte, je répliquai, contracté :

« Oh, attendons la fin, on en a trop vu de ces soirées qui commencent en chandelle et finissent en étei- gnoir ! » Je n'osais me réjouir. Quand, sur l'ultime tomber de rideau, les choses tournèrent à l'apo- théose, quand les gens qui ne cessaient d'applau- dir et d'entremêler leurs bravos de « ouâ-ouâ » ravis, se décidèrent à se lever, mais à regret, un par un, uniquement parce que le théâtre Saint-Georges commençait d'éteindre les lumières, alors je pus enfin librement soupirer de satisfaction détendue, et je me jetais en voiture pour aller faire l'article où je pousserais mon cri de guerre qui était un cri de joie. (Souvenons-nous d'un autre auteur convenant que je lui avais fait une critique uniquement élo- gieuse et qui pourtant m'opposait une figure de carême, sous prétexte que, si je ne lui avais décerné que des compliments, « c'était sans chaleur ! ») Là, je pouvais me réjouir de tout mon cœur. Circons- tance d'autant plus opportune, figurez-vous, que Marcel Mithois n'est pas n'importe qui ni tout le monde. Au cours d'une de nos premières rencontres, après m'avoir manifesté une sympathie qui me fai- sait plaisir, il me prévint loyalement : « Il faut que

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je vous dise : je suis très susceptible »... Depuis lors, il avait écrit une pièce, je redoutais donc qu'il fût ulcéré de ce que celle-ci ne me plût point à tous égards (car son plus haut orgueil est de ne pas déce- voir ses amis). Quant à la manière de le dire, l'ex- périence m'a appris qu'il n'y a qu'une façon suppor- table pour un auteur, d'écrire qu'on n'aime pas son ouvrage, c'est de publier que celui-ci est un chef- d'œuvre ! Un petit dieu bienveillant voulait que je pusse sincèrement me dispenser d'émettre des réser- ves et je ne me privai pas de profiter d'une telle permission. Quelle chance : pouvoir annoncer, comme j'étais fondé à le faire : enfin un auteur dramatique, enfin une pièce drôle avec des person- nages de théâtre campés d'une main sûre, autant de rebondissements et de péripéties qu'il en faut pour soutenir l'intérêt, un mouvement fou fou fou, un dialogue excellent qui ne fait pas fi des « mots », mais de mots dépassant le fameux mot d'auteur, en ce sens qu'ils viennent « en situation » et suffiraient déjà à définir les personnages si l'intrigue n'y contribuait largement de surcroît. Ce qui frappait dans cette « entrée dans la carrière » de Marcel Mithois, qui pour son coup d'essai voulait un coup de maître, c'était l'étonnante sûreté de patte, la sécurité technique qui, à ce degré de science, devient art, la connaissance quasi intuitive des règles cons- tantes de la tradition classique du spectacle. Autre sujet d'agrément : il avait fait une comédie de situation, presque un vaudeville, et pourtant la satire de mœurs s'y trouvait. De quoi s'agissait-il en effet ? D'une pièce sur l'argent, sujet tabou, à ce qu'on prétend. Elle y était sous le tourbillon burlesque,

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car l'auteur avait su en envelopper la cruauté dans un merveilleux emballage de bouffonnerie.

Ce qui amuse Mithois, c'est de mettre en pré- sence, non comme Feydeau, « des gens qui ne doi- vent pas se rencontrer », mais des individus qui ne parlent pas le même langage, discordance d'où il tire ses effets les plus cocasses ; de mélanger des types de milieux différents pour créer des dénivel- lations. De Scapin à Devos en passant par Charlot, tout le secret du rire est dans la marche manquée.

Et comme Marcel Mithois connaît bien le Monde (il n'aime pas l'argent, il aime la richesse, le sno- bisme également l'attire — pour s'en amuser), une certaine inconscience du ridicule le fascine, il en fait son miel. Sain équilibre entre le divertissement et la leçon de morale à peu près imperceptible : la morale au théâtre ne doit pas davantage se faire remarquer que l'élégance des gens bien habillés.

Il y a du Robert de Flers dans notre Mithois.

C'est un chat au poil lustré, un angora. Sa tenue est soignée, ses manières affables, précautionneuses.

Avant tout, parfaitement élevé. Il a le goût des beaux objets, l'instinct du raffinement dans les petites choses.

Il a de la défense. Il ne faut pas l'attaquer. Mais il ne sera jamais « celui qui commence ». D'abord ne rien dire ou faire qui puisse désobliger. Il apporte un maximum de bonne volonté dans les rapports humains, parce qu'il aime « être en bons termes ». Il aime qu'on l'aime. Mais si point Alceste, pas non plus Philinte. La franchise ne lui fait pas peur. Simplement, il n'est pas de ceux qui, sous couleur de sincérité, accablent leurs intimes de

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remarques déplaisantes. Discret, réservé, pudique, sensible. Modeste, non de cette modestie forcée qui appelle les protestations, mais de l'autre qui ne se volatilise pas sous l'effet du succès. Il va jusqu'à se réjouir de celui de ses confrères. Intelligent donc.

Cependant la lucidité n'est pas son moindre don.

Aisance, élégance, courage (dont jamais il ne se vante : la guerre qu'il a menée ne figure dans aucun de ses récits). Enfin esprit, mordant. Surtout en société. Là, patte de velours, et dent acérée. Un de ses tours les plus brillants dans la conversation de salon, c'est, en gardant un visage de marbre, de pro- férer toutes sortes de petites constatations aiguës, entre cuir et chair, entre le ziste et le zeste, entre le sucre et le citron. Il faut voir la tête des interlocu- teurs qui ne savent plus sur quel pied danser : « Ce n'est pas méchant, ce n'est qu'humoristique, sans doute. Mais, n'est-ce pas, il ne peut pas être en train de dire ce qu'il pense... On ne peut pas dire ces choses-là en les pensant vraiment ! »... Si, justement.

C'est là que c'est drôle. Et combien adroit, subtil même : trop vrai pour paraître désagréable !

« Il faut savoir tout faire avec le sourire ».

Marcel Mithois est l'homme au sourire.

Jean-Jacques GAUTIER.

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CROQUE-MONSIEUR

COMÉDIE EN DEUX ACTES ET QUATRE TABLEAUX

La pièce a été créée au théâtre Saint-Georges le 2 mars 1964 dans une mise en scène de Jean-Pierre Grenier et un décor de Roger Harth.

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PERSONNAGES par ordre d'entrée en scène

Coco BAISOS JEAN AUGUSTE ANNA-MARIA NICOLAS MAGGY FAUCHOIS ANATOLE LONGVY Mademoiselle VALÉRIE Monsieur BÉCOT PASCAL DE VONTAUBAN L'AMBASSADEUR

Jacqueline Maillan Jean-Pierre Delage Hubert Deschamps Annie Sinigalia Claude Leblond Françoise Engel Henri Virlojeux Noëlle Musard Jacques Dynam Mike Marshall René Marc

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ACTE PREMIER

TABLEAU I

Les trois coups... Un silence. Puis un coup de feu. Le rideau se lève sur un living-room de milliar- daire dans un hôtel particulier. Un grand escalier côté cour. Au centre, une table chinoise, devant un canapé. Côté jardin, une table à jeu Louis XV sur laquelle est affalé un homme dont on ne voit que la nuque. Au bout de son bras, pend un revolver.

La pièce est dans la pénombre. Un temps. Puis, au premier étage, apparaît Coco en chemise de nuit, un déshabillé sur les épaules. Elle est très sédui- sante. Elle fait jouer le commutateur, descend dans le living maintenant éclairé, s'arrête au milieu de l'escalier, regarde le cadavre.

Coco. — Allons, bon ! (Elle descend plus rapide- nient, s'approche, soulève la main inerte du mort.) Veuve, encore ! (Elle examine la table.) Franche- ment ! il aurait tout de même pu laisser un mot ! (Exaspérée, elle arrache le téléphone qui est sous le bras du mort, fait un numéro à deux chiffres,

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prend l'écouteur, s'impatiente.) C'est vous, Jean ? Mais non, non, voyons, c'est Madame... Madame tout court... (Regardant le cadavre.) Oui, tout court.

Descendez au galop. C'est ça, au galop... Comment voulez-vous qu'à une heure pareille je sache l'heure qu'il est ? Attendez. (Elle regarde la montre qui est au poignet du mort.) Il est deux heures vingt du matin... Mais bien sûr, en pyjama. Qu'est-ce que vous voulez que ça me fasse ? Descendez vite... Assez grave, oui. (S'éloignant du cadavre. A mi-voix.) M. Baisos est mort. (Elle raccroche, puis se met à marcher autour du cadavre.)

Entre Jean, le secrétaire, en pyjama et robe de chambre. Il a une trentaine d'années.

Précieux et affolé.

Coco, très calme, montrant le cadavre d'un geste large. — Voilà !

JEAN, bégayant et tournant autour du mort. — Mais... C'est abominable ! Mais c'est inimaginable ! Mais c'est incroyable !...

Coco. — Incroyable, mais vrai. Vous n'aviez rien entendu ?

JEAN, tournant toujours autour du cadavre, sans oser l'approcher. — Rien... quand est-ce que c'est arrivé ?

Coco. — Il y a cinq minutes.

JEAN. — Vous pensez ! Mon premier sommeil...

Coco, qui virevolte autant que Jean. — Ah ! ces- sez de tourner comme un vautour, vous me donnez mal au cœur. Déjà que je ne suis pas dans mon assiette. Jean, deux suicides, c'est trop pour une femme seule !

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JEAN. — Comment, deux ?

Coco. — Eh oui ! Sur cinq maris, ça fait deux. Le premier, c'était de la neurasthénie. Celui-là, savez- vous ce que c'est ?

JEAN. — C'est-à-dire, Madame, que... (Des gestes vagues.)

Coco. — Enfin, vous étiez son secrétaire... Vous devez savoir. C'est votre métier, il me semble.

JEAN. — Je soupçonne...

Coco. — Alors, soupçonnez clairement, Jean. Une veuve doit tout savoir. Tout, même si ce n'est pas...

(Geste douteux de la main.) très catholique.

JEAN. — Oh ! mais c'est très catholique ! Soyez sans crainte. Vous pouvez, Madame, pleurer la tête haute. M. Baisos a dû se suicider parce que nous étions ruinés. Tout bonnement.

Coco, riant nerveusement. — Tout bonnement ! Jean, ne soyez pas stupide et macabre à la fois.

Baisos ruiné ? Baisos, la deuxième fortune du Pérou ! Vous plaisantiez, n'est-ce pas ? Jean, voyons, on ne badine pas avec l'argent. (Silence de Jean.

Inquiétude croissante de Coco.) Enfin, Jean, toutes les mines du Pérou ? Toutes.

JEAN. — Nationalisées, Madame. Et Monsieur entièrement dépossédé. La nouvelle n'est encore que confidentielle, mais elle ne le sera sans doute plus d'ici une semaine.

Coco, qui s'était assise de saisissement, se relève aussitôt, agressive. — Mais, enfin, je lui interdis ! Mais c'est monstrueux, c'est criminel ! (cherchant un mot pire et ne le trouvant pas.) C'est.., c'est...

pfutt...

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JEAN. — Oh ! ça, Madame peut le dire... Ce Pérou s'est conduit d'une façon...

Coco. — Et qui vous parle du Pérou ? Le Pérou, je lui réglerai son compte quand le moment sera venu. (Montrant le cadavre.) Mais lui..., lui... Qu'est- ce que vous dites, Jean, d'un homme qui brûle la politesse à sa veuve en la plantant là, dans le pétrin ? Moi, je dis que c'est un criminel..., que c'est un... un... (Cherchant et ne trouvant pas.) un pfutt...

JEAN, indulgent. — Il n'a peut-être pas réfléchi.

Coco. — Taisez-vous, Jean, vous devenez malhon- nête à force d'être poli. Vous mériteriez, pour votre punition, d'épouser un Péruvien... (Ricanant.) Ah!

ah ! vous verrez alors, quand vous vous retrouverez veuve... On m'avait bien dit que ces Péruviens n'étaient que des sauvages... (Au comble de la ner- vosité.) Est-ce qu'un homme du monde se laisse ruiner ? C'est un déserteur : il mériterait d'être fusillé ! (Se précipitant sur le cadavre.) Tenez, Jean, enlevez-le, je ne sais pas ce que je serais capable de lui faire...

JEAN. — Je ne demande qu'à enlever Monsieur, Madame, mais je crains que mes forces ne me trahissent.

Coco prend le téléphone, tandis que Jean demeure au garde-à-vous, près du corps, la

tête baissée.

Coco. — Attendez. Je vais appeler les communs.

(Elle se saisit du téléphone.) Auguste ! (Hurlant, pour le réveiller tout à fait.) Auguste ! Auguste, vou-

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lez-vous descendre immédiatement pour aider M. Jean à transporter le corps... Non, pas le mort, le corps... Mais non, enfin oui, si vous voulez, le mort aussi... Auguste, ne soyez pas stupide ! Le corps du mort... Non, le corps. C, comme Charente- Maritime... O, comme... (cherchant.) et puis, zut ! Descendez, vous verrez bien. (elle raccroche et s'as- sied.)

JEAN. — Pauvre Monsieur !

Coco. — Pauvre de nous, vous voulez dire. Ah ! qui l'eût cru ? Pas moi, en tout cas, lorsque je l'ai épousé... Quand je pense qu'il m'a réservé ça à moi, Coco, sa troisième femme, la seule sûrement qui n'a pas eu le temps de le tromper...

Auguste, le maître d'hôtel, en pyjama à raies, la veste d'habit sur les épaules, les yeux à demi fermés, arrive en titubant tout contre le cadavre. Il écarquille les yeux et fait un signe de croix.

AUGUSTE. — Ciel ! Monsieur ! (Se penchant vers vers Coco comme pour lui faire des condoléances.) Ah ! Madame, comme disent les Turcs : « La mort est un chameau noir qui s'agenouille devant toutes les portes, les plus pauvres comme les plus riches... »

Coco. — Les plus pauvres, Auguste, les plus pau- vres. Soyez gentil, aidez Jean à l'installer un peu plus loin... Non, pas en haut. Pas à l'étage des chambres ! Oui, là-bas, sur le divan de son bureau...

AUGUSTE, aidant Jean, qui sanglote, à transporter le corps. — Ne pleurez pas, monsieur Jean. Jamais

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les pleurs, a dit le poète, n'ont réveillé un mort...

(Soulevant le corps.) « O Mort, vieux capitaine, il est temps, levons l'ancré... »

Ils disparaissent dans le bureau.

Coco. — Je me demande pourquoi il est venu faire ça ici ! (A Jean et à Auguste, revenus.) Et, surtout, fermez la porte à triple tour. Auguste, savez-vous, par hasard, si M. Nicolas et Mademoiselle sont ren- trés ?

AUGUSTE. — M. Nicolas n'est pas rentré, Madame.

Je n'ai pas encore été réveillé par le bruit de sa voiture... Quant à Mlle Anna-Maria...

A ce moment, descend Anna-Maria, la fille de Coco. Elle est en tenue de nuit, avec des lunettes sur le nez, un livre à la main.

ANNA-MARIA. — Vous en faites un vacarme ! On ne peut même plus lire tranquille dans son lit. A deux heures du matin, on devrait quand même avoir le droit de vivre sa vie...

Coco, les bras tendus, mélodramatique. — Vivre sa vie ! C'est affreux ! Ma chérie, viens embrasser ta mère... Viens embrasser une veuve...

ANNA-MARIA. — Encore ?

Coco, véhémente. — Encore, oui, ma chérie.

Encore ! Toujours ! N'est-ce pas insensé ? Cela devient ridicule, à la fin ! (Mélo à nouveau.) Une fois de plus, Anna-Maria, te voilà sans beau-père...

ANNA-MARIA. — C'est dommage, il était char- mant. Une attaque ?

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Coco, dégoûtée. — Mais non, penses-tu ! Suicide.

Comme l'autre.

ANNA-MARIA. — Où ? Quand ? Coco. — Ici, il y a cinq minutes.

ANNA-MARIA. — Et où est-il ? Coco. — Là... A côté...

ANNA-MARIA. — Pourquoi ? Tu lui as fait de la peine ? Tu voulais divorcer ? (Coco ne répond pas.) Ne me dis pas que tu voulais divorcer de la deuxième fortune du Pérou ? Toi !

Coco. — Je t'annonce que la veuve Baisos n'est plus qu'une mendiante péruvienne (Montrant son superbe déshabillé.) en guenilles...

ANNA-MARIA, souriante. — Ruinée ? Ce n'est pas grave. Tu sais bien, maman, que, pour moi, l'ar- gent...

Coco. — Ah ! non, Anna-Maria, je t'en prie, pas maintenant. Tu ne vas pas recommencer à dire tes incongruités.. dans la maison d'un mort ! Ne serait- ce que pour sa mémoire... Et puis, je te préviens que, ce soir, je ne suis pas d'humeur à supporter ton couplet sur la pureté, le désintéressement et l'égalité sur la terre comme au ciel. Je ne me sens plus l'indulgence et la gaité des femmes riches... Je te préviens.

Entre Nicolas. C'est un jeune homme, très

« sciences po », élégant, mondain. Il s'a- vance, souriant, et baise la main de sa mère.

NICOLAS. — Bonsoir, mère (Un coup d'œil cir- laire.) Bonsoir, tout le monde. (Silence.) Que se passe-t-il ? Vous en faites une tête d'enterrement !

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Coco. — Nicolas, nous te faisons grâce de ton humour noir.

NICOLAS. — Aurais-je fait de l'humour sans le savoir ?

Coco, l'attirant sur un siège près d'elle. — C'est vrai, pauvre chéri, il ne sait pas. Assieds-toi, Nico- las, parce que je suis sûre qu'à toi au moins cette nouvelle va faire beaucoup de peine.

ANNA-MARIA. — Mais enfin, à moi aussi, maman...

Coco. — Oui, mais lui, c'est plus sérieux. Ce qui va lui faire de la peine, ce n'est pas tellement le mort..., c'est le reste.

NICOLAS. — Quel mort ? Quel reste ?

Coco. — Le mort, c'est ton beau-père. Et le reste, c'est notre ruine à nous... (Montrant le bureau.) Et la sienne, bien sûr. Mais lui, mainte- nant, ça lui est égal. Tandis qu'à nous...

NICOLAS, regarde sa mère avec effarement. — Bai- sos ruiné ? Mort ? Il est mort ?

Coco. — Il est mort. Mais ne me regarde pas avec cet air-là ! Je n'y suis pour rien ! Il l'a fait tout seul, chéri, je t'assure.

NICOLAS. — Parce qu'il nous avait ruinés ? Coco. — Et lui aussi par la même occasion, j'ima- gine.

NICOLAS. — Ah ! ça, alors ! Un temps.

JEAN, s'avançant. — Puis-je me permettre de sug- gérer quelque chose ?

Coco. — Allez-y, Jean, suggérez.

JEAN. — Nous pourrions peut-être réveiller la cui-

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sinière et lui demander de nous préparer une bois- son chaude ?

ANNA-MARIA. — J'irais bien vous la faire, mais la manipulation des fourneaux et moi...

Coco, ironique. — Nous savons, ma chérie, que tes mains ne sont faites que pour manipuler des bombes ! (Anna-Maria hausse les épaules.) Nous boirons des whiskies comme tout le monde. Nicolas va nous les servir. (Nicolas s'affaire.) Asseyez-vous...

Vous aussi, Auguste... Si, si, la veillée peut être longue.

AUGUSTE, montrant la porte. — « La mort, a dit Cervantès, est un moissonneur qui ne fait pas la sieste. » Et, justement, je pensais veiller Monsieur...

Coco. — Inutile. Auguste. Il aimait la solitude.

Nous avons des choses plus constructives à faire.

Buvons. (Tous se lèvent machinalement.) Sans toast, please. (Ils portent leur verre à la bouche et se rasseyent.) Et maintenant, la situation, Jean ?

JEAN. — Tragique.

Coco. — Bravo !

JEAN. — Lorsque le gouvernement péruvien nous a avertis officieusement, mais sans ménagements, que nos mines étaient annexées et qu'aucune compen- sation ne nous serait donnée, autrement dit que nous n'avions plus un sou vaillant au Pérou, nous avons fait le compte de ce qui nous restait en Europe. Le yacht, la chasse, le château, les deux villas, l'hôtel particulier, la collection de tableaux, les voitures, vos bijoux...

Coco, sursautant, ironique. — C'est gentil, ça, d'avoir pensé à moi ! Très touchée !

JEAN. — ... Les parts de sociétés et quelques

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autres broutilles.., tout cela faisait... deux milliards, je crois...

ANNA-MARIA. — Hé bien ! Ce n'est pas le Pérou...

Mais c'est...

JEAN. — Rien, Mademoiselle. Ces deux milliards, nous les devons.

Coco. — Des dettes, en plus ?

JEAN. — C'est que le Pérou est loin. Nous ne fai- sions venir l'argent que lorsque nous en avions besoin. Il devait justement arriver ces jours-ci. Nous remboursions le fisc et les dépenses de deux années qui, vu le train que nous menons...

Coco, se levant. — Et que j'ai la ferme intention de continuer à mener...

ANNA-MARIA. — Maman, voyons...

Coco. — Quoi ? Tu veux qu'à mon âge j'apprenne l'économie ? J'ai fait beaucoup de sacrifices dans ma vie. J'ai épousé cinq maris avant de devenir milliardaire. (Elle montre la porte du bureau.) Et je le resterai, que M. Baisos le veuille ou non.

ANNA-MARIA. — Mais enfin, maman, on peut tout de même être heureux sans argent...

Coco. — Sans argent ? Non. J'ai été très long- temps bien payée pour le savoir. Non, non, non et non. Ça n'existe pas. Et, surtout, je t'en supplie, ne viens pas me raconter, avec tous ceux qui ne s'ar- rêtent pas d'en gagner, que l'argent ne fait pas le bonheur. Sinon, je te gifle. Et j'ai le droit de te gifler parce que, moi, je sais ce que c'est que d'être pauvre... Et jusqu'à ma mort, je hurlerai qu'il vaut mieux ne pas être heureux avec cent millions de rentes que d'essayer de l'être en étant fauchés comme les blés.

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Cet ouvrage a été imprimé sur les presses de l'imprimerie Mourral pour Julliard, éditeur à Paris.

N° d'édition : 3910. — N° d'impression : 3617.

Dépôt légal : 2 trimestre 1969.

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