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À combien estimez-vous la valeur d'un orignal

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Monsieur le juge...

À combien estimez-vous la valeur d'un orignal

"braconné"çau Québec?

Marcel Lacasse Économiste

Québec, 1986 MLCP

(2)

d

Le lecteur est. prié de noter que les propos exprimés au sein du présent texte n'engagent que l'auteur seulement.

La première version de l'actuel document établissait la valeur monétaire d'un orignal braconné au Québec à plus de 5 000 $. À la demande de la revue

Sentier, Chasse et Pêche, l'auteur a bien voulu apporter des modifications au texte en recourant à des statistiques plus

récentes. Le rajeunissement du texte a, de fait, permi d'obtenir une valeur monétaire plus conforme au contexte actuel.

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Cette interrogation, chacun l'aura très certainement deviné, surgit plusieurs fois au cours d'une même année. En fait, elle se pose autant de fois qu'il est question de déterminer l'importance de l'amende devant être imposée à quiconque est reconnu coupable d'avoir abattu illégalement un orignal au Québec. L intérêt de pouvoir répondre à une telle interrogation réside, bien sûr, dans le fait qu'une démarche dans ce sens offrirait, pour la première fois, une valeur de référence à la magistrature à qui revient précisément la tâche d'établir la juste valeur des amendes imposées dans de tels cas, mais plus spécifiquement dans le fait qu'une telle démarche permettrait de sensi- biliser les Québécois(ses) quant à-la valeur économique et sociale de cette ressource faunique et quant aux répercussions néfastes du "braconnage".

Même si, a priori, la réponse à cette question apparaît être des plus banales puisqu'il ne suffit, somme toute, que de déterminer une valeur monétaire au spécimen récolté illicitement, la démarche permettant l'établissement de cette valeur demeure d'un tout autre ordre et s'avère des plus délicates. La première difficulté associée à la détermination de cette valeur monétaire tient au fait que la faune est une ressource collective renouvelable ayant un haut potentiel récréatif. La seconde difficulté est liée à l'inexistence' d'un marché au sein duquel la dynamique des forces (offre/demande) permet->

trait de fixer le prix cette ressource collective. Dans le cas d'un bien pri- vé, le jeu de l'offre et de la demande permet d'établir aisément la valeur monétaire de ce bien. Dans toute économie de marché, le mécanisme des prix joue le rôle de régulateur quant au niveau de, l'offre et celui de la deman- de. Ainsi, du côté de l'offre, le prix indique aux entrepreneurs s'il est rentable ou non de produire par exemple des planches à voile alors que du côté de la demande, il indique au consommateur s'il est avantageUx ou pas d'acquérir ce bien. Le mariage de ces deux forces permet, à un prix donné, de déterminer le niveau de production et le niveau de consommation du bien privé.

On comprendra facilement que l'absence de marché pour ce bien collectif est l'orignal, rend complexe la tâche de fixer une valeur monétaire à cette ressource. Toutefois, en dépit des• embûches évoquées précédemment et malgré les critiques auxquelleS s'expose toute démarche prospective-, il m'ap- paraissait malgré tout important de relever le défi et de présenter une pre- mière approximation de la valeur d'un orignal "braconné" au Québec.

La prémisse de base qui soutend la présente démarche a donc consisté à asso- cier la valeur des préjudices imposés à la collectivité suite à l'infraction repréhensible à la valeur de l'animal récolté illicitement. En d'autres ter- mes, la valeur de cette ressource collective équivaut à tout le moins à la valeur des pertes que la collectivité est théoriquement appelée à subir dans de telles circonstances. Or, ces'pertes sont, en fait, de trois ordres, soit

I. Il existe quelques exceptions à la règle, soit notamment dans le cas du liè9re et de', fen - eee(,s d'espèces sauvages.

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la biomasse prélevée aux dépens de la collectivité, soit les ressources con- sacrées annuellement par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche à la gestion de cette espèce et soit enfin la perte socio-économique infligée à la collectivité intégrant le nombre de jours de récréation que perdent les chasseurs à l'orignal et leurs dépenses non réalisées dans l'économie régio- nale.

La formule qui suit traduit l'essentiel de la démarche et précise les hypo- thèses de base qui ont servi à l'établissement de la valeur d'un orignal

"braconné" au Québec. Pour illustrer cette approche, considérons le cas du prélèvement illicite d'un orignal d'environ 6 ans et demi et celui d'un spé- cimen plus jeune soit d'un an et demi.

1) V E = BM +. RF + PSE

2) V E = Valeur estimée d'un spécimen = adulte (6î ans)

1 035 $ + 235 $ + 5 600 $ = 6 870 $

3) V E = Valeur estimée d'un jeune = 381 $ + 235 $ + 5 600 $ = 6 216 $ spécimen (li an)

V E: réfère à la valeur estimée des pertes encourues par la col- lectivité et conséquemment à la valeur estimée d'un orignal

"braconné" au Québec.

B M: réfère à la valeur de la biomasse de la carcasse au sortir de chez le boucher. Le poids de la carcasse de l'orignal adulte.

a, pour les fins de la présente analyse, été fixé à 190 kilo- grammes, alors que celui du jeune animal a, pour sa part, été fixé à 70 kilogrammes. Par ailleurs, le prix considéré est celui du plus proche substitut de l'orignal, soit celui d'un kilogramme de boeuf hache; maigre à 5,15 (prix au marché en avril 1986).

R F: réfère à la valeur des sommes d'argent investies par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche en 1984/85 au chapitre de l'aménagement, de la recherche, de la conser- vation, des inventaires aériens, de l'informatique et de l'administration.

Cette valeur tient également compte des diverses dépenses effectuées par le central et les bureaux régionaux et asso- ciées aussi bien au tirage au sort qu'à la publication de documents d'information ou de travaux de recherche concernant l'orignal. L'approximation de cette valeur s'est faite en

-e budget 1984/85 que le ministère du Loisir, de 2

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la Chasse et de la Pêche consacre à la gestion de la faune une proportion (58 jours de chasse avec armes à feu et arc sur 365 jours (15,89%)) traduisant ainsi l'importance rela- tive de l'activité de la chasse à l'orignal en 1985. La

valeur ainsi obtenue, est par la suite divisée par la popula- tion estimée d'orignaux au Québec. Ce paramètre exprime con- séquemment une dépense annuelle par orignal, telle qu'encbu- rue par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pèche.1

PSE: réfère à la valeur de la perte socio-économique théorique imposée à la population de la région. Elle prend en considé- ration les jours de récréation théoriquement perdus par la population de chasseurs d'orignaux, et son impact sur le niveau de l'activité économique régional. En considérant le nombre moyen (70 jours en 1984) de jours nécessaire pour abattre un orignal, et en tenant compte de la dépense journa- lière (80 $) effectuée par le chasseur à l'orignal, il devient alors possible de chiffrer la valeur du sacrifice imposé à la collectivité rêgionale.2-3

De =ait, la démarche proposée ici permet de chiffrer les pertes encourues par- ia collectivité à plus de 6 000 $ pour un jeune orignal d'un an et demi et à près de 7 000 $ pour un animal adulte de six ans et demi, prélevé de façon illicite. Les équations (2) et (3) permettent en effet de constater que le poids du spécimen et indirectement son âge, constitue ici la variable expli- quant l'écart quant à la valeur attribuée à chacun des spécimens. La valeur (235 $) des ressources financières consacrées à la gestion de l'espèce lors de la saison 1984/85, et le manque à gagner (5 600 $) de la collectivité sont des paramètres établis à l'échelle du Québec et demeurent identiques quel que soit l'âge du spécimen.

Par ailleurs, il pourrait s'avérer intéressant d'établir ces valeurs à un niveau régional ou même à l'échelle d'une zone de chasse. Dans une telle éventualité, la valeur des deux, spécimens types considérés ici pourrait être grandement modifiée puisque l'effort de chasse qui traduit la rareté relative de l'espèce, varie considérablement d'une zone de chasse à l'autre (ex: 49

1. En 1985, la chasse è l'orignal pratiquée au moyen d'arc et d'armes â feu, s'est échelonnée, en considérant toutes les zones, du 31 août au 27 octo-

bre soit sur période de 58 jours.

2. L'effort de chasse nécessaire pour abattre un orignal a été établi en 1984 à 70 jours pour l'ensemble du Québec. Cette statistique varie beau- coup d'une zone de chasse à l'autre, et comme elle est un indice de la rareté relative.de l'espèce, elle a une influence marquée sur la valeur régionale attribuée à l'orignal braconné.

3. Cette valeur fut actualisée pour 1985 à l'aide de l'indice des prix à la consommation, publié par Statistique Canada.

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jours pour la zone 9, 83 jours pour la zone 2 et 141 jours pour la zone 14).

Cette approche régionale ou par zone fournirait des valeurs, certes différen- tes, mais plus conformes à la réalité régionale.

Bien que cette approche ne soit pas à l'abri des critiques, elle présente suffisamment d'avantages pour la considérer telle une première approximation quitte à la bonifier. ultérieurement. Au nombre des avantages, qu'on lui con- cédera, cette démarche;

1. Constitue une approche souple. et dynamique, en ce sens qu'elle tient compte de la gravité du geste posé et ça à deux niveaux. Ainsi, elle prend en considération le poids du spécimen récolté illicitement de même que la rareté relative de l'espèce selon la région où l'infraction est commise. De fait, l'importance de la biomasse réflètera indirectement d'une part l'âge du spécimen (jeune versus un animal adulte) et d'autre part les ressources financières cumulatives consacrées par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche à la gestion de cette espèce. Par ailleurs, à titre d'indice de rareté relative, plus l'effort régional de chasse (c.i.e. le nombre de jours nécessaire pour récolter sportivement un orignal) sera élevé plus grande sera la valeur monétaire du sacrifice impoSé à l'économie régionale et inversement.

2. Fait appel à un calcul relativement simple, et à des statistiques actuel- lement disponibles au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

3. Peut éventuellement s'appliquer au cerf de Virginie et au caribou.

4. Permet d'obtenir une valeur dont la mise à jour peut s'effectuer périodi- quement à l'aide des résultats des travaux de recherche entrepris dans le cadre du suivi de cette espèce.

5. Peut être davantage raffinée pour s'appliquer aux régions administratives ou aux zones de chasse.

6. Introduit une plus grande équité en ce sens qu'elle intègre la perte subie par la population des chasseurs à l'orignal en termes de jours de récréation et le manque à gagner pour l'économie régionale en termes de dépenses non réalisées par les chasseurs pour ce spécimen récolté illéga- lement. Il est bien évident que le prélèvement d'un orignal ne se tradui- ra pas dans l'immédiat par une baisse

ou une région donnée. Pourtant, si le à l'autre dans une zone ou une région vitablement influencé à la baisse, et tes fréquentant traditionnellement ce ment le territoire au fur et à mesure

de 70 jours de chasse dans une zone braconnage s'intensifie d'une année donnée, le taux de succès sera iné- il y a fort è parier que les adep- territoire abandonneront graduelle- qu'ils constateront la baisse nota- ble du taux de succès. Les effets négatifs du braconnage (baisse dU nom- bre de jours de chasse et des dépenses dans la région) s'échelonneront donc sur plusieurs années.

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Par ailleurs, il convient de souligner que l'article 167 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune' prévoit pour ce type d'in- fraction une amende variant de 1 000 $ à 3 000 $ pour une première offen- se et, pour toute récidive dans les deux ans de la condamnation pour une même infraction, une amende d'au moins 3 000 $ et d'au plus 5 000 $. Que l'infraction pour laquelle l'individu est condamné implique ou non le prélèvement d'un..orignal, le montant de l'amende demeure le même, si ce n'est qu'il y a une saisie de l'animal dans le cas Où l'infraction a don- né lieu à un prélèvement illicite. Dans cette perspective, l'amende impo- sée dans le cadre de l'actuelle loi réfère spécifiquement à l'infraction commise, de tellesorte qu'aucune autre compensation n'est exigé du con- trevenant à titre de dédommagement pour les préjudices causés à la col- lectivité. La présente démarche vient donc proposer une méthode autori- sant l'établissement d'une telle compensation et permet ainsi d'espérer que la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune puisse être à même de prévoir dans un proche avenir un tel dédommagement à l'en- droit de la collectivité, et ça indépendamment du montant de l'amende prévue à l'article 167. Qui plus est, il serait, de plus, souhaitable que la valeur de cette compensation soit à l'instar de ce que prévoit actuel- lement la loi fédérale2 sur la chasse en Suisse, inscrite au sein d'un nouvel article de loi et qu'elle fasse périodiquement l'objet d'une revi- sion afin qu'elle puisse toujours correspondre à la réalité du moment. De plus, au lieu d'être encaissée par le ministère de la Justice à titre de revenus non fiscaux puis. transférés au fonds consolidé de la province comme c'est le cas pour l'amende prévue à l'article 167, les montants perçus à titre de compensation pourraient être automatiquement versés - à la Fondation pour la conservation et la mise en valeur de la faune et de son habitat ou à tous autres organismes à but non lucratif impliqués dans ce secteur d'activité, afin de financer des projets de recherche ou des travaux visant la protection, la conservation ou l'amélioration des habi- tats fauniques. Ces sommes pourraient éventuellement être dépensées dans la région où l'activité illicite a eu lieu.

1. Le 19 décembre 1986, le Gourvernement du Québec modifiait cette Loi et présentait une structure revisée des amendes imposées en vertu notamment de l'article 167. Cette modification haussait le seuil et le plafond de l'amende relative à la première offensive pour les fixer à 1 500 $ et 4 500 $, allongeait d'une année la période de récidive pour la fixer à trois (3) ans et revisait à la hausse les limites de l'amende s'y ratta- chant pour les fixer respectivement à 4 500 $ et 13 500 $; cette modifi- cation autorisait enfin le juge à condamner le récidiviste à l'emprison- nement d'au plus un an.

2. Le problème des dommages et intérêts est actuellement réglementé en Suisse par les articles 63 et 64 de la loi fédérale sur la chasse et la protection des oiseaux du 10 juin 1925.

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D'autre part, dans le cas où la ou les personnes reconnue(s) coupable(s) d'un tel geste ne verse(nt) pas le montant de la compensation qui serait exigible, la Loi sur les poursuites sommaires prévoirait également soit le recours à des travaux communautaires, soit la saisie des biens soit finalement l'emprisonnement. Si la première éventualité devait être retenue par le contrevenant, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche pourrait avantageusement être mis à contribution, en identifiant au sein de chacune des régions administratives, les travaux d'aménagement pouvant faire l'objet de travaux communautaires et en supervisant l'exé- cution des travaux.

Une telle philosophie serait de nature à sensibiliser autant les contre- venants que le public en général à l'importance de protéger et de conser- ver notre patrimoine faunique pour l'actuelle génération ainsi que pour les générations futures.

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