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Chapitre III.4 ARMES ET OUTILS EN MATIÈRES DURES ANIMALES

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Michèle Julien, Marian Vanhaeren, Francesco d’Errico

To cite this version:

Michèle Julien, Marian Vanhaeren, Francesco d’Errico. Chapitre III.4 ARMES ET OUTILS EN MATIÈRES DURES ANIMALES. Le Châtelperronien de la grotte du Renne (Arcy-sur-Cure, Yonne, France). Les fouilles d’André Leroi-Gourhan (1949-1963), 2019. �hal-02412737�

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Chapitre III.4

ARMES ET OUTILS EN MATIÈRES DURES ANIMALES Michèle JULIEN, Marian VANHAEREN, Francesco D’ERRICO

Dans son article de synthèse sur la Grotte du Renne, André Leroi-Gourhan décrit quelques dizaines de pièces d’industrie osseuse provenant des couches châtelperroniennes de ce site (Leroi-Gourhan et Leroi-Gourhan 1964). Une première analyse de l’ensemble du matériel découvert dans ces couches est publiée en 1990 (Baffier et Julien 1990). Elle décompte 120 pièces classées en huit grandes catégories d’outils (poinçons, épingles, sagaies, bâtonnets et fûts, tubes en os d’oiseau, lissoirs, brunissoirs et pioches). Plus récemment, une étude détaillée des poinçons des couches châtelperroniennes et aurignaciennes (d’Errico et al. 2004a, 2004b) met en évidence le caractère original des premiers et fait remarquer la cohérence de leur distribution spatiale et stratigraphique avec les structures d’habitat identifiées par André Leroi-Gourhan. L’objectif de cette étude est de documenter par une analyse détaillée l’ensemble de l’industrie en matières dures animales des couches châtelperroniennes (VIII-X) de la grotte du Renne. Nous allons décrire ce matériel en fonction de la matière première, de la typologie des outils, de leur technique de fabrication, de leur fonction présumée et de leur distribution stratigraphique. Une comparaison avec l’industrie osseuse issue de la couche aurignacienne (VII) de la grotte du Renne et d’autres sites de cette époque permettra de discuter de l’originalité de cet assemblage.

III.4 - 1. Présentation du corpus

Les niveaux châtelperroniens de la grotte du Renne ont livré 202 pièces en matières dures animales travaillées et/ou utilisées, en dehors des objets de parure. Nous avons ajouté à ce corpus les deux poinçons, de facture très semblable, mis au jour dans les couches moustériennes sous-jacentes, XI et XII, et qui proviennent très vraisemblablement du niveau châtelperronien Xc. Le nombre total de pièces décrites dans ce chapitre est donc de 204. Cette étude ne prend pas en compte 14 objets en os, identifiés comme des possibles artefacts à la fouille, qui se sont révélés à l’observation être des pseudo-outils. Il s’agit dans huit cas de pseudo-pointes en os et en bois de cervidé « Xc-Z12 », « 58 Xc-Z12 », « 59 VIII-D11 », « VIII-B7.1 », « VIII-B7.2 », « Xb-A6.145 », « Xb-Z11.952 » et « Xc-B6 » présentant des altérations typiques d’une action produite par les sucs gastrique de grands carnivores ou par leur dents (Villa et d’Errico 2001 ; Binford 1981), de cinq os polis naturellement « XI-B16 », « Xa-B6 », « Xb-X12 », « IXc-A7.952 » et « VIII-A11 » et d’un fragment de côte ocré mais dépourvu de modifications « Xa-Y12 ». Nous avons également fait abstraction de neuf fragments d’ivoire de provenance stratigraphique incertaine.

On observe dès l’abord que la répartition par couche est très hétérogène, la couche X ayant livré à elle seule 168 pièces soit plus de 82 % de l’ensemble (tabl. 1). L’ensemble comporte des outils, des préformes et des ébauches d’outils (supports déjà grossièrement silhouettés et donc reconnaissables, mais sans travail de régularisation globale et, encore moins, de finition), des

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fragments qui se rapportent à ces deux catégories et des déchets de fabrication. Ces objets portent à des degrés divers, des traces de débitage, de façonnage et, dans certains cas, d’usage. Les matières sélectionnées sont l’os et l’ivoire (tabl. 1). L’unique pièce en bois de renne correspond à l’extrémité d’un andouiller scié provenant de la couche VIII « 59 VIII-C11.393 ».

En dehors de cette pièce en bois de renne et de celles en ivoire extraites des défenses de mammouth, les espèces animales ayant fourni des supports d’os sont d’une part les mammifères (194 objets) et, d’autre part, les oiseaux (10 objets)1 (note 1). Leur distribution en fonction des

couches est donnée dans le tableau 2. Parmi les mammifères et les oiseaux, certains supports attribués à des herbivores, des carnivores ou à des oiseaux en général sont trop transformés pour pouvoir en reconnaître l’espèce. L’origine anatomique sera précisée lors de l’analyse de chaque type d’objet.

Dans ce qui suit, nous étudierons successivement les pièces en ivoire puis, pour les supports en os, les poinçons, les gros outils (lissoirs, brunissoirs et « pioches »), les fragments retouchés ou utilisés (retouchoirs et billot), et les objets sur os d’oiseau.

III.4 - 2. L’industrie en ivoire

Parmi les 97 éléments en ivoire, on peut distinguer des objets finis, une préforme, des ébauches, et un certain nombre de déchets (tabl. 3.1-2-3-). La plupart des éléments diagnostiques sont des pièces allongées, de section circulaire à polygonale, dont les bords sont parallèles, et les extrémités, quand elles sont préservées, convergentes. La relation largeur/épaisseur semble identifier cinq groupes de fûts (fig. 1). Le groupe le plus important (groupe 1) est composé d’objets dont le diamètre varie entre 2 et 5,5 mm. Quatre autres groupes comprennent quelques pièces avec un diamètre d’environ 6,6 mm (groupe 2), 10 mm (groupe 3), 13 mm (groupe 4) et 16 mm (groupe 5). Les pièces considérées comme des objets finis (symboles pleins dans la figure 1) ont dans tous les groupes, à l’exception du groupe 2 de section légèrement elliptique, un rapport largeur/épaisseur proche de 1. Les ébauches des fûts des groupes 1 et 2 présentent, au contraire, des rapports largeur/épaisseur plus variables : certaines rentrent dans la variabilité des objets finis mais la plupart ont des largeurs entre 1,5 à 2 fois supérieures à leur épaisseur.

III.4 - 2.1 - Les fûts en ivoire de grande taille (classe A)

Parmi les 16 pièces d’un diamètre supérieur à 9 mm (tabl. 3.1 et fig. 2), appartenant morphométriquement aux groupes 3, 4 et 5, toutes ne présentent pas le même stade de finition : 13 ont une surface externe, lorsque non altérée, soigneusement polie, une autre, sans doute complète (avec un petit fragment s’y raccordant), correspond à une préforme présentant encore des traces de mise en forme (fig. 3 - nos 1 et 2), deux s’apparentent plus à des supports modifiés (fig. 3 - nos 3 et 4).

Les pièces à surface polie ne sont jamais complètes : il s’agit dans huit cas de fragments mésiaux dont les bords sont légèrement convergents (fig. 2 - nos 2-9). Leur section est en segment de

1 Nous remercions vivement F. David et C. Mourer-Chauviré pour les déterminations spécifiques

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cercle, avec une face de délitage plane ou légèrement concave dépourvue de traces de fabrication ou d’usure, ce qui fait supposer qu’à l’origine, le fût était circulaire et qu’il s’est fendu le long d’une face de clivage de l’ivoire (Poplin 1995). Une pièce fait exception (fig. 2 - no 3). Elle

présente des traces de raclage et un émoussé sur sa face de délitage démontrant ainsi que ce délitage longitudinal s’est produit au Châtelperronien et que les fûts de grande taille en ivoire ont pu être transformés en d’autres types d’outils après une fracture accidentelle ou volontaire. La pièce la plus longue (fig. 2 - no 2) est un élément mésial de 57 mm dans sa longueur actuelle et dont la largeur varie de 14,8 à 13,4 mm d’une extrémité à l’autre. L’épaisseur résiduelle est estimée à environ un tiers de son épaisseur d’origine. La surface originelle, très régulièrement convexe, est entièrement polie, les traces de raclage longitudinal apparaissant à peine sous les fines stries de polissage (fig. 4a)2 (note 2). On peut inclure dans la même catégorie les six autres éléments mésiaux en segments de cercle qui présentent les mêmes caractéristiques bien qu’ils soient en plus mauvais état (fig. 2 - nos 4-9). Après avoir été raclé et poli, un fragment de fût (fig. 2 - no 8) a été marqué avec une pointe (fig. 4b). Le graveur a incisé avec le même outil cinq traits courts, obliques par rapport à l’axe majeur de l’objet.

Cinq fragments (fig. 2 – nos 1 et 10-13) sont interprétés comme les parties proximales d’armes de jet. Ils conservent dans deux cas, une extrémité ogivale non appointée et sont couverts dans quatre cas d’incisions irrégulières. L’élément le plus complet, fendu dans son épaisseur, en est cependant dépourvu (fig. 2 – no 1). Son extrémité est couverte de pigment rouge et garde sur sa surface un fragment millimétrique d’os spongieux qui semble collé à celle-ci par une substance brunâtre (fig. 5a). Cette association pourrait être le résultat d’un concrétionnement fortuit ou le

témoin d’un emmanchement composite. L’extrémité distale de cette pièce semble avoir été grossièrement réappointée à la suite de sa fracture pour garder son pouvoir pénétrant. Les trois autres fragments proximaux présentent des zones couvertes de fines incisions perpendiculaires à l’axe de l’objet, réalisées en marquant la surface avec un tranchant non retouché par des gestes rapides et répétés (fig. 2 – nos 10-12 et fig. 5b-d). Le fait que les incisions soient superposées les unes aux autres et le manque d’attention mis dans leur orientation suggèrent que l’objectif de l’artisan était de produire un maximum de traits sans se soucier de la régularité du résultat, au contraire de ce qui sera observé sur le fût de quelques autres éléments (voir plus loin). Sur une pièce les incisions sont remplies d’un résidu marron qui pourrait représenter ce qui reste du mastic ayant permis d’assurer l’adhérence de cette base sur un autre élément (fig. 2 – no 11 et fig.

5d). L’analyse d’un échantillon de cette matière, confié à P. Richardin (Laboratoire de Recherche

des Musées de France) n’a malheureusement pas fourni de résultat probant (voir analyse en annexe).

Il convient de rapprocher de ces objets une longue baguette d’ivoire légèrement incurvée et de section polygonale irrégulière sur laquelle on a pu raccorder une petite squame portant des traces de travail (fig. 3 – nos 1-2). La baguette mesure 230 mm de longueur sur environ 13 mm de diamètre. Ses deux extrémités, assez mal conservées, présentent des bords convergents et la petite squame porte des traces raclage (fig. 6a). Contrairement aux objets précédents, la surface de la

2Il faut indiquer que la plupart des pièces décrites dans ce chapitre ont été enduites d’un vernis de conservation, ce qui a parfois oblitéré les modifications anciennes de surface.

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pièce n’est pas polie et l’on observe sur le bord convexe du fût un raclage grossier laissant des ondulations caractéristiques, appelées chatter marks (d’Errico et al. 1984), prolongées vers l’une des extrémités par de courtes stries obliques. Selon l’orientation des fissures de délitement qui suivent le plus grand axe de la pièce, il semble que le support a été dégagé dans la longueur d’une défense dont elle a conservé la courbure naturelle. Par sa morphologie et son module, cette pièce peut être considérée comme une préforme destinée à façonner un objet analogue à ceux dont les fragments polis, mésiaux et proximaux, viennent d’être décrits.

Deux autres fragments allongés d’ivoire pourraient peut-être représenter un stade encore plus précoce de la chaîne opératoire de fabrication de ces pointes en ivoire (fig. 3 – nos 3-4). Il s’agit vraisemblablement de fragments délités naturellement, dont les faces supérieures, plus ou moins lisses, correspondraient à la surface de la défense ; les faces inférieures, quoique déjà fort corrodées, conservent un aspect naturellement strié typique des surfaces de jonction des lamelles constitutives d’une défense. Ces pièces présentent cependant sur leurs bords des traces de raclage longitudinaux indiquant qu’elles ont subi une tentative de mise en forme (fig. 6b).

III.4 - 2.2 - Les fûts en ivoire de taille moyenne (classe B)

Les quatorze fûts de diamètre moyen (tabl. 3.2 et fig. 7), identifiés par la morphométrie comme groupe 2, ont une largeur/épaisseur variant de 6 à 7,5 mm à l’exception d’une pièce de même largeur mais ayant une épaisseur de 3 mm (fig. 7 - no 15). Ces pièces ont une section originelle circulaire ou, pour celle qui est aplatie, elliptique. Les deux éléments les plus complets mesurent 93 et 75 mm (fig. 7 – nos 1 et 2), les autres fragments ne dépassant guère 50 mm. En revanche, quatre extrémités sont amincies en biseau (fig. 7 – nos 7-8-10-11, fig. 8a et b) et une à la forme d’une pyramide (fig. 7 – no 12, fig. 8c). Cette pièce offre la particularité d’avoir été sectionnée à

20 mm de l’extrémité par de petites percussions exercées sur sa circonférence, suivie d’une flexion. Ce procédé, qui a laissé un petit appendice de 6 mm de longueur, ressemble à celle employée pour les « sagaies à base raccourcie » en bois de renne du Magdalénien (Sacchi 1986 ; Mons 1988), interprétées comme des rejets de fabrications de fûts (Chauvière et Rigaud 2005). Toutes les pièces ne présentent pas le même degré de finition : les extrémités, la pièce aplatie (fig. 7 – no 14, fig. 8d) et un fragment allongé (fig. 7 – no 13) sont soigneusement polis alors que le plus grand fût (fig. 7 – n° 1) s’apparente plus à une préforme avec des traces irrégulières de raclage longitudinal. La surface des autres, plus corrodée ou desquamée, conserve quelques plages de fins raclages.

III.4 - 2.3 Les fûts en ivoire de petite taille (classe C)

Les 32 fûts en ivoire de petite taille (tabl. 3.3 et fig. 9), appartenant au groupe 1, très proches morphologiquement de ceux de taille moyenne, ont une section circulaire ou rectangulaire. Aucune pièce complète n’a été mise au jour et les fragments les plus longs mesurent 40 à 45 mm. Une pièce (fig. 9 – no 9) porte à une extrémité des traces indiquant que son diamètre a été réduit sur une des faces par de petits enlèvements en percussion puis segmenté par flexion. Ce procédé a pu être employé dans la dernière phase de production des supports ou pour recycler certains fûts après utilisation. Quatre pièces ont des extrémités dont les bords convergents se terminent en pointe émoussée (fig. 9 – nos 5-6-7-8). Dans quatre autres cas, les fûts ont été amincis sur deux côtés par un raclage longitudinal produisant une section rectangulaire et une morphologie en

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biseau (fig. 9 – nos 1-4 et fig. 10a). Enfin, trois fragments, d’une vingtaine de millimètres de longueur, s’isolent du lot précédent en raison de leur finesse et de la présence de pointes acérées, parfois courbes, façonnées par raclage (fig. 9 – nos 29-30-31 et fig. 10b et c). Le diamètre des pointes, à 5 mm sous l’extrémité, est de 1,5 à 1,8 mm. Ces pointes portent des stigmates de réaffutage effectué au burin (fig. 10b) et d’usure compatible avec le perçage de matières souples – micro esquillement, émoussé et disparition des traces de façonnage sur l’extrémité des pointes -(fig. 10c), comme cela a pu être démontré par des expérimentations effectuées avec des répliques de poinçons en os analogues aux poinçons châtelperroniens (D’Errico et al. 2004 a ; 2004 b). Une pièce (fig. 9 –no 32), presque complète, se distingue des précédentes. Il s’agit d’un outil entièrement façonné par raclage, de 29 mm de longueur, présentant une pointe de section circulaire à une extrémité, une zone mésiale renflée, et à l’autre extrémité, un fin biseau appointé (fig. 10d).

III.4 - 2.4 - Les ébauches en ivoire et les déchets

De module comparable aux fûts de moyenne et petite taille, mais de section et de surface plus irrégulière, 15 bâtonnets en ivoire ont été interprétés comme des ébauches de fût des groupes 1 et 2 ou des rejets de fabrication de ces derniers (tabl. 3.4 et fig. 11). Il s’agit de produits de section polygonale irrégulière, qui portent parfois des traces de raclage (fig. 12). Cinq autres fragments sont plus irréguliers mais deux d’entre eux portent des traces de segmentation par petits enlèvements concentriques probablement en percussion posée d’après la régularité des stigmates de compression conservés (fig. 11 – nos 16 et 17). Une fine squame d’ivoire présente des incisions perpendiculaires à l’axe de la défense (fig. 12 – no 21). Enfin, 13 fragments d’ivoire (fig. 12 – nos 22-34) sans trace de débitage mais provenant des mêmes niveau (Xb) et mètre carré (X12), correspondent sans doute à des morceaux éclatés d’un même bloc. Ils témoignent peut-être d’un lieu de travail de l’ivoire.

III.4 - 2.5 – Un brunissoir

Un fragment aplati de défense de 60 mm de longueur, 22 mm de largeur et 9 mm d’épaisseur est fortement émoussé (tabl. 3.4 et fig. 13). De fines stries perpendiculaires à l’axe majeur de l’objet traversent la zone émoussée. L’outil pourrait avoir travaillé en attaque semi-oblique, sur une matière souple et hydratée, à la manière des lissoirs ou brunissoirs en os que nous décrirons plus loin (III.4 - 5 et 6).

III.4 - 2.6 - Techniques de fabrication III.4 - 2.6.1- Le débitage

Aucun bloc-matrice de défense de mammouth portant des traces de débitage par percussion ou de rainurage longitudinal n’a été mis au jour dans la grotte du Renne, à l’instar de celles qui ont été signalées par exemple dans l’Aurignacien de la grotte Goyet en Belgique (Otte 1974).

En absence d’un tel témoin, toute information sur l’extraction des supports doit venir de l’analyse des préformes. Il paraît évident que la longue préforme incurvée (fig. 3 – no 1) a bien été découpée dans une défense car un élément de cette morphologie et d’une telle longueur a peu de chances de se détacher de façon naturelle. Les traces d’un débitage longitudinal sont peu visibles, mais des séries de petites concavités en ligne sur l’un des bords suggèrent que la défense a été

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progressivement creusée longitudinalement par enlèvement de copeaux épais à l’aide d’un outil à pointe robuste. L’hypothèse que les préformes des grands fûts aient été extraites par « usure en profondeur » selon la terminologie Averbouh-Provenzano (1998-1999) est confortée par l’analyse morphométrique. Alors que les quelques préformes des fûts de classe A (fig. 1 - groupes 3-4-5) ont, comme les pièces finies, un rapport épaisseur/largeur proche de 1, ce n’est pas le cas pour les préformes des pièces finies appartenant aux classes B et C (fig.1 - groupes 2 et 1), qui ont souvent une largeur bien plus importante que l’épaisseur. Ce fait indique que les artisans ont graduellement réduit la largeur de petits supports aplatis pour obtenir des fûts de largeur et épaisseur identiques (groupe 1) ou légèrement elliptiques (groupe 2). Le fait que les ébauches appartenant aux fûts de plus grande taille ne suivent pas la même règle indique que le diamètre des supports était calculé au plus juste lors de leur extraction, selon une technique permettant une forte prédétermination de la préforme, différente de celle utilisée pour la production des ébauches pour les fûts de plus petite taille. Ces derniers pourraient avoir été obtenus de façon plus opportuniste à partir de fragments issus de l’extraction des fûts de plus grande taille ou, plus probablement, naturellement délités sur des supports présentant déjà des fissures de dessication.

III.4 - 2.6.2 - La mise en forme et le façonnage

Un raclage de mise en forme est visible sur le support triangulaire (fig. 3 – no 2 et fig. 6a), qui raccorde à la préforme, afin d’amincir la largeur de l’extrémité. On observe également un travail de raclage longitudinal, ayant produit des facettes jointives, sur le cône sectionné (fig. 7 – no 12 et fig. 8c – no 1) et sur les très fines pointes (fig. 9 – nos 28-31 et fig. 10b-c). Sur la grande ébauche, les traces sont multiples : raclage longitudinal à l’aide d’un outil tranchant ou d’un flanc de burin ayant provoqué des chatter marks, ou enlèvement en surface de copeaux épais avec une lame tranchante ayant laissé des stigmates d’enlèvements concaves associés à de fines entailles perpendiculaires à l’axe. Ce type de stigmate est également fréquent sur les fûts et ébauches de mince diamètre et, notamment, sur le bord des petits biseaux. Ces opérations visent à donner une forme aux objets en même temps qu’elles régularisent la surface.

Mais quelles formes l’artisan châtelperronien a-t-il voulu produire ? Répondre à cette question est plus aisé pour les fûts de grande taille que pour ceux de taille moyenne et petite. Les premiers étaient des pointes robustes à base ogivale destinées à être insérées dans un autre élément (cf. ci-dessus). Les fûts de moyenne taille sont représentés d’une part, par un fragment d’objet fini à section aplatie dont on ne connait pas les extrémités et de l’autre, par des baguettes avec des bases en biseau qui ont pu en faciliter l’emmanchement. Il reste à comprendre pour quelle raison une baguette finie et pointue a été sectionnée près de la pointe (fig. 7 – no 12). Cela pourrait s’expliquer par une attention portée à la longueur des outils. Il est possible que la standardisation observée dans le rapport largeur/épaisseur s’applique également aux longueurs. Les fragments rassemblés dans la catégorie des fûts de petite taille incluent des objets qui à l’origine devaient avoir des morphologies différentes : soit des micro-pointes courtes et fines avec un biseau (fig. 9 – no 32) destinées peut-être à être utilisées comme armatures, soit des micro-alènes, ou encore des

baguettes avec des extrémités ogivales ou en biseau, qui pourraient appartenir à des types d’objets différents ou correspondre aux deux extrémités du même type d’objet.

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III.4 - 2.6.3 - Le tronçonnage transversal

Le sectionnement transversal semble attesté par deux procédés : sur la petite « pointe raccourcie » (fig. 8c-2), les impacts d’enlèvement plus ou moins irréguliers et le visible arrachement des fibres suggèrent une attaque de la circonférence en petites percussions lancées alors que, sur les supports des ébauches de fûts de diamètre plus réduit, on observe un entaillage plus minutieux correspondant peut-être à ce que Semenov appelle le « whittling » (Semenov 1970 - p. 158-159) : entaillage progressif au couteau en percussion posée (fig. 7 – n° 12, fig. 11 – nos 16-17). Dans les deux cas, ce travail d’amincissement du diamètre se termine par une fracture en flexion.

III.4 - 2.7. – La finition

Sur plusieurs pièces les traces de raclage sont estompées par un polissage qui a eu l’objectif d’homogénéiser les surfaces des objets (fig. 2 – no 2 et fig. 4a). Il a été observé

expérimentalement que cela peut-être obtenu en frottant les objets avec du cuir mouillé ou une peau fraîche (Averbouh et Provenzano 1999), avec ou sans l’ajout d’un abrasif fin, comme cela a été constaté pour un poinçon (voir plus loin- partie 3.2.1). On observe que ce polissage n’apparaît que sur les pièces les plus soigneusement élaborées et il ne peut s’agir, en aucun cas, d’une modification d’ordre taphonomique.

Certaines bases de fûts portent, on l’a vu, des séries d’incisions transversales qui ont été interprétées comme des marques permettant une meilleure adhérence dans un emmanchement à l’aide d’une substance collante. La morphologie et profondeur de ces incisions, qui entament superficiellement la matière, ont été produites par un tranchant non retouché.

III.4 - 2.8 Hypothèses fonctionnelles

Plusieurs éléments permettent d’interpréter les fûts de grande et moyenne taille comme des pointes de sagaie : 1) l’analyse technologique des outils, des préformes et des rejets de fabrication identifie clairement la volonté de produire des supports allongés et fusiformes ; 2) la morphométrie des objets témoigne d’un effort visant à la production de supports de section circulaire ; 3) la présence d’extrémités en biseau ou couvertes de fines incisions, clairement fonctionnelles, démontre que ces objets étaient destinés à être emmanchés ; 4) les dimensions de ces objets sont tout à fait comparables à celles des sagaies en os et en bois de cervidé associés à d’autres technocomplexes du Paléolithique supérieur. Ces observations suggèrent qu’il s’agissait d’éléments solidement emmanchés, utilisés comme des pointes de trait.

Si la fonction de pointes de trait est la plus raisonnable pour les fûts de grande taille et un certain nombre de celles de taille moyenne, cela semble nettement moins probable pour les éléments de petite taille. Le seul objet fini pourrait du fait de son extrémité biseautée avoir été utilisé comme élément d’une pointe barbelée. Cela pourrait également être le cas pour les objets de petite taille présentant des biseaux à leur extrémité. La finesse et les traces d’usure et de réaffutage présentes sur les « micro-pointes » (fig. 9 – nos 29-31) indiquent que leur fonction devait être celle de perçage. Au-delà des hypothèses fonctionnelles classiques on peut également envisager pour les fûts de petit diamètre celles d’instruments destinés à une certaine forme de parure corporelle – épingles à cheveux, ornements de nez, de lèvre ou d’oreille ou même des épingles à tatouer. Et l’on peut aussi imaginer que ces éléments étaient agencés en peignes pour la chevelure.

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Alors que pour le Châtelperronien, des fûts ou bâtonnets en ivoire n’avaient encore jamais été décrits, on sait que de telles pièces, de diamètres variables, sont connues à partir de l’Aurignacien et que leur présence est attestée dans les technocomplexes postérieurs. Plusieurs auteurs ont supposé que ces baguettes ou bâtonnets en ivoire correspondaient à des supports-matrices préparés afin de pouvoir les tronçonner en segments façonnables en perles. Cette hypothèse a été suggérée par l’existence de baguettes déjà prédécoupées (Otte 1974 ; White 1993, 1995). En dehors des perles en panier mises au jour au sommet de la couche VIII et dont nous verrons qu’elles proviennent vraisemblablement de la couche aurignacienne sus-jacente, aucun élément cylindrique d’ivoire n’a été rencontré dans les objets de parure châtelperronienne et la minceur d’un grand nombre de fûts ne permet pas de soutenir cette hypothèse. Rappelons que quelques bâtonnets de module comparable (diamètre < 5 mm) ont été rencontrés dans les couches VII et V de la grotte du Renne (12 en os à l’Aurignacien et 6 en ivoire au Gravettien), et il peut s’agir d’objets domestiques usuels sans valeur chronologique. Il en est probalement de même pour les fûts de plus gros diamètre, interprétés comme des armatures de sagaie, également présents dans les couches VII et V (1 à l’Aurignacien et 3 au Gravettien) (Julien et al. 2002; Goutas 2013). III.4 - 3. Les Poinçons

Le Châtelperronien de la grotte du Renne a livré 52 outils en os interprétés comme des poinçons (tabl. 4.1, 4.2, 4.3). Il s’agit, après les fûts en ivoire, de la catégorie d’objets la plus représentée pour l’industrie en matières dures animales de ces niveaux d'occupation. Deux poinçons supplémentaires, découverts dans les couches XI et XII, entrent probablement dans ce lot. Même s’il est possible qu’ils aient été façonnés par les Moustériens, leur morphologie et leur facture sont très proches de deux des types de poinçons châtelperroniens et, comme nous le verrons dans l'analyse spatiale (chap. IV.4), il est hautement probable qu’ils proviennent des niveaux châtelperroniens.

Comme pour les autres objets, le nombre de pièces attribuées à la couche X est nettement plus important : 44, dont la moitié en Xb, soit 85 % des poinçons. Ces pièces ont déjà été décrites et comparées avec les poinçons du niveau sus-jacent aurignacien dans deux publications (d’Errico

et al. 2004a et b). Nous reprenons ici, dans les grandes lignes, les résultats de ces travaux. Cette

étude comporte néanmoins quatre pièces supplémentaires, identifiées depuis dans les restes de faune. La provenance spatiale de certains poinçons a pu aussi être précisée grâce aux plans redressés, ce qui explique que quelques informations contextuelles concernant ces pièces aient été rectifiées.

III.4 - 3.1 - Origine taxinomique et anatomique des supports de poinçons

Pour les pièces sur lesquelles l’origine spécifique et anatomique des supports est encore reconnaissable, le cheval et le renne ont été privilégiés : stylet, métapodes et péroné pour la première espèce, ulna et tibia pour la seconde (tabl. 4). Des péronés de carnivore - deux d’hyène, un de loup et un de jeune ours probables - ont également été sélectionnés ainsi qu’un radius de gros renne ou de boviné. Sur le reste des pièces, le degré de transformation ou de fracturation empêche leur identification anatomique et spécifique.

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La morphologie, le mode de production et le degré de façonnage des supports permettent de distinguer quatre types de poinçons, diversement représentés.

III.4 - 3.2.1 - Poinçons allongés issus du débitage d'os longs – type A

Le premier type est le plus abondant et le plus élaboré de la série châtelperronienne. Il concerne 26 pièces allongées, entièrement façonnées sur des fragments d’os longs, symétriques sur l’axe longitudinal et à section circulaire ou subcirculaire (tableau 4.1 et fig. 14). La pointe est dégagée dans le prolongement direct d'un fût rectiligne et la base présente parfois un léger épaulement. Quand elles sont entières ou encore pourvues de leur extrémité proximale, ces pièces conservent toujours une partie de l’épiphyse ou de la métaphyse de l’os dont provient le support utilisé pour leur façonnage. Trois stylets résiduels de cheval et un métapode de renne ont été identifiés. L'épaisseur de l'os compact des autres poinçons suggère qu'ils ont été façonnés pour la plupart à partir d’os de cheval. De vigoureux raclages longitudinaux et une finition par polissage ont entièrement effacé les traces du débitage originel des supports ainsi que toute trace de surface périostale et médullaire. Deux pièces se distinguent des autres (fig. 14 – nos 1-2) par une double symétrie axiale et leur degré de finition. Sur le poinçon no 2 « XI-C8 »3 (note 3) A. Peltier a observé « un polissage de finition couvrant les parties proximales et mésiales : le micropoli est réparti uniformément sur l’ensemble des faces avec une coalescence dure-plate, une trame parfaitement unie et une brillance intense. La surface présente de nombreuses stries très fines (≤ 3 μ), courtes, en tous sens et de minuscules piquetages correspondant à l’abrasif contenue dans la matière utilisée pour le polissage (fiche d’observation non publiée - 1984). Les extrémités proximales de ces deux poinçons de section cylindrique ont été soigneusement sciées et régularisées (fig. 15a et b) et, sur la pièce no 1 « 61 Xb1c-B11.2880 », l’artisan a dégagé une base trapézoïdale, soulignée par une gorge aux extrémités non jointives. Des incisions plus fines et plus irrégulières sont également visibles sur la base de la pièce no 3 « 61 Xb1-C8.1265 ».

Cette catégorie de poinçon est représentée par quatre pièces complètes (fig. 14 – nos 1-4), quatre fragments mésio-proximaux (fig. 14 – nos 5-8), six fragments mésiaux (fig. 14 – nos 9-13) un fragment mesio-distal (fig. 18 -no 9) et onze fragments distaux (fig. 14 – nos 14-25). Plusieurs des extrémités des pointes ont été cassées anciennement (fig.14 - nos 3, 18, 20) et, sur d’autres, les cassures anciennes ou les micro dommages observés présentent des émoussés de réutilisation (fig.14 - nos 15, 19, 21, 22, 24, 25).

III.4 - 3.2.2 – Poinçons sur os longs peu modifiés – type B

Ce groupe inclut des poinçons sommairement façonnés sur des os naturellement appointés ou de faible diamètre (tabl. 4.2). Les premiers ont été aménagés par un raclage convergent de l’extrémité propice, les deuxièmes ont été fracturés avant de voir leur surface de fracture appointée par raclage. Trois soustypes peuvent être identifiés sur la base de la morphologie -originelle du support : mince et élancée pour les fibulas (péronés) de carnivore (fig. 16 – nos 1-8,

3 Ce poinçon « A9 (ex C8).1822 » a été marqué comme provenant de la couche XI mais il est

indiqué, dans le cahier de fouille, qu’il se trouvait à la limite supérieure de cette couche, au contact avec le niveau Xc.

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type B1), aplatis pour les ulnas et radius de renne (fig. 16 – nos 9-10, type B2), robuste pour les stylets de cheval (métapodes résiduels) (fig. 17 – nos 1-5, type B3).

Type B1. Parmi les huit poinçons de type B1, un a été façonné sur une fibula appartenant

probablement à un jeune ours, comme l’indique l’extrémité non synostosée (fig.16 – no 1) ; la

diaphyse a été légèrement mise en forme sur le dernier tiers de sa longueur par des fines facettes de raclage convergent produisant une pointe conique. Un autre poinçon (fig.16 – no 2) réalisé comme le précédent sur un os long effilé, présente dans sa partie proximale un large sillon qui évoque celui rencontré au même emplacement sur les fibulas de loup ; le façonnage de la pointe conique s’étend sur un peu plus de la moitié de la longueur du support. Trois extrémités distales ont été cassées anciennement (fig. 16 - nos 2, 3 et 8), et un autre présente un émoussé recouvrant de micro enlèvements recouvrant des micro dommages de la pointe (fig. 16 – no 1). Quatre autres fragments, par analogie de forme et de module, ont été inclus dans cette catégorie (fig.16 – nos 3-6) et le n° 3 porte trois fines incisions parallèles sur sa partie proximale.

Enfin, deux autres poinçons sont attribuables, par leurs épiphyses, à des fragments de péroné d’une hyène de grande taille. Le premier (fig.16 – no 7), sur épiphyse distale, est complet avec un

fût mis en forme par raclage sur un tiers de la longueur et une pointe fortement émoussée. Le second (fig.16 – no 8), sur épiphyse proximale, présente une fracture ancienne mais le raclage longitudinal de la tige est encore visible sur quelques millimètres.

Type B2. Trois poinçons semblent avoir été façonnés sur des ulnas de renne dont la diaphyse en

lame aplatie se termine par une pointe naturelle effilée et fragile. Le premier (fig.16 – no 9), mis en forme à quelques millimètres au-dessous de cette extrémité, présente une pointe triangulaire de section aplatie, déjetée par rapport à l’axe du support. L’émoussé de la pointe recouvre un micro esquillement d’utilisation. Le deuxième correspond à un petit fragment distal, aménagé par des facettes de raclage convergentes (fig.16 – no 10). On peut en rapprocher un troisième fragment, vraisemblablement aussi sur ulna d’herbivore, fortement coloré à l’ocre mais mal conservé (fig. 19 - no 5).

Type B3. Enfin, trois stylets presque complets de cheval, ayant conservé leur épiphyse, auxquels

ont été associés deux fragments mésiaux, entrent dans la catégorie des poinçons robustes (fig.17 – nos 1-5). Il faut noter que l’épiphyse de deux pièces a été fendue dans son épaisseur (fig.17 – nos

1 et 5). Sur les pièces les plus complètes, les traces de raclage longitudinal destinées à amenuiser l’extrémité active se développent sur un peu moins de la moitié de la longueur totale, auxquelles s’ajoutent, pour la pièce no 3, des stigmates de réaffûtage grossier de la pointe sur une longueur

de 15 mm.

III.4 - 3.2.3 –Poinçons sur éclats allongés de diaphyse - type C

Les dix poinçons de type C correspondent à des fragments allongés de diaphyses plus ou moins rectilignes, obtenus en percutant des os longs (tabl. 4.3 et fig. 18). D’après l’épaisseur des supports, le renne domine largement et, parmi les éclats transformés, deux métapodes et un tibia ont pu être déterminés. Une seule pièce, plus épaisse pourrait provenir d’une diaphyse de cheval (fig. 18 – no 7).

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Ces éclats, sans doute aussi sélectionnés parce que l’une de leurs extrémités fracturées avait des bords plus ou moins convergents, montrent différents degrés de modification. Tous présentent une extrémité active mise en forme par raclage sur les surfaces périostales et médullaires afin d’obtenir une pointe de section circulaire ou elliptique (fig. 18 – nos 7 et 114)(note 4), et la

plupart, des stigmates de régularisation des bords longitudinaux de fracture (fig. 18 – nos 1-6, 8 et 10). Plusieurs extrémités distales présentent des micro esquillements d’usage recouverts par un émoussé de réutilisation (fig. 18 - nos 2, 3, 4, 11), d’autres des cassures anciennes (fig. 18 - no 10). III.4 - 3.2.4 – Poinçons massifs à pointe très courte - type D

Une pièce exceptionnelle sur l’épiphyse distale d’un radius d’un renne de grande taille (ou celui d'un boviné) et une autre dont il ne reste que la partie distale (tabl. 4.3 et fig. 19 – nos 1-2) correspondent à une autre façon de faire : le support épihysaire épais a subi un raclage intense en épaulement pour produire, à très courte distance de la base, une pointe très fine de section circulaire. Celle du no 1 est malheureusement cassée mais celle du no 2 présente encore des restes de micro enlèvements sur la cassure. Bien que le mode opératoire en soit différent, l’artisan a peut-être voulu obtenir un support de morphologie analogue à celui des poinçons façonnés sur épiphyse de hyène (fig. 16 -– nos 7 et 8), en privilégiant la massivité de la partie de préhension par rapport à la finesse du « rostre » ?

III.4 - 3.3 – Déchets de débitage et techniques de production

Deux fragments de diaphyse portant de longs sillons creusés sur toute leur longueur pourraient témoigner de la phase de production du support des poinçons de type A (fig. 19 – nos 3-4). Il s’agit dans les deux cas de fragments de métapodes probables d’un herbivore de la taille du cheval. La surface périostale du premier (fig. 19 – no 3) est couverte de fines traces de raclage (fig. 20a et b). Les bords longitudinaux du fragment portent les restes d’incisions qui ont profondément entamé l’épaisseur de l’os. Sur le bord gauche, ce qui reste de l’incision, d’une profondeur de 6 mm, se développe sur les trois-quarts de la longueur jusqu’à la hauteur de la métaphyse qui présente une fracture oblique. Sur le bord droit, les deux pans de l’incision sont conservés et montrent une section en U caractéristique de ce que l’on appelle une rainure. Cette rainure se prolonge presque jusqu’à l’extrémité proximale. Sa profondeur varie d’un bout à l’autre de la pièce : de 4,5 mm vers le haut, elle diminue progressivement vers le bas. D’après les longues stries parallèles et régulières observables sur les pans, il est vraisemblable que le creusement a été effectué à l’aide d’un trièdre de burin plutôt que d’une lame tronquée5 (note 5). Le fond des stries et la surface des pans sont partiellement couverts par des dépôts d’ocre rouge, matière qui a pu faciliter le rainurage (fig. 20a et b). L’objectif de ces deux rainures, très légèrement convergentes, était à l’évidence de dégager une baguette robuste d’environ 7 mm de largeur sur 10 mm d’épaisseur. La profondeur des sillons, qui n’a pas atteint la face interne du

4Le poinçon A12 (fig. 18 – no 11) a été marqué comme provenant de la couche XII mais il se trouvait directement à l’aplomb de l’un des trous de poteau repéré lors de la fouille du niveau de base Xc (voir chap. II.4), ce qui suggère qu’il a probablement été enfoui involontairement lors du creusement de ce trou de poteau.

5Rappelons que l’ensemble du matériel lithique est extrêmement altéré par la patine et qu’aucune analyse tracéologique n’a pu être réalisée sur les outils.

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support, indique toutefois que l’extraction de la baguette n’a pas été réalisée exclusivement avec la technique du rainurage. D’après les petits enlèvements visibles sur l’un des pans du sillon, il semble que l’artisan ait voulu achever le travail de débitage en ouvrant, probablement par percussions répétées à l’aide d’un outil intermédiaire (fig. 20a), deux fentes d’éclatement dans l’épaisseur restante de l’os. Les rainures étaient donc destinées à diriger la fracture pour obtenir une longue ébauche rectiligne de section plus ou moins quadrangulaire. La partition par fendage latéral paraît avoir réussi sur le bord gauche mais elle a dévié de la rainure préparée sur le bord droit, peut-être parce que celle-ci n’était pas suffisamment profonde.

Par ses dimensions, la baguette qui aurait dû être obtenue correspond bien à une ébauche de poinçon de type A et nous verrons qu’il n’existe dans le reste du matériel façonné aucun autre objet qui puisse être issu de ce type de support.

Les mêmes stigmates sont visibles sur la seconde pièce (fig. 19 – n° 4, fig. 20c et d). Ici encore, la partition a été réussie sur l’un des bords et ratée sur l’autre. S’il avait réussi, ce travail aurait produit une baguette d’environ 10 mm de largeur et d’épaisseur.

La régularité des supports des poinçons de type A peut donc être expliquée par le procédé d’extraction mis en œuvre : prédécoupage par double rainurage d’un os long, extraction finale d’une baguette par fendage latéral (sur ces exemples) mais peut-être aussi longitudinal à partir de la surface articulaire (bien qu’aucun stigmate n’en ait été conservé), régularisation des pans de débitage et mise en forme, enfin, par raclage, suivie sur certaine pièces par un polissage sur toute la surface.

Le mode opératoire de fabrication des poinçons de type B est nettement plus simple dans la mesure où les supports ont été sélectionnés en fonction de leur morphologie naturelle. Il a suffi aux artisans de raccourcir, si elle était trop fragile, l’extrémité effilée, et/ou d’affiner les bords convergents du support par raclage périphérique pour obtenir une pointe active perçante.

Les poinçons de type C sont, on l’a vu, issus de la fracturation d’os longs par percussion – vraisemblablement, au départ, pour en récupérer la moelle. Les fragments allongés qui présentaient des extrémités à la morphologie la mieux adaptée ont ensuite été régularisés et mis en forme par raclage pour obtenir une pointe plus ou moins acérée. Dans la plupart des cas, les bords longitudinaux de fracture ont également été raclés afin, sans doute, d’en rendre plus aisée la manipulation. Le dégagement d’une pointe par raclage a été aussi observé sur les supports épiphysaires des poinçons de type D.

III.4 - 3.4 – La fonction des poinçons

Les poinçons châtelperroniens de la grotte d’Arcy ont fait l’objet de deux études fonctionnelles, l’une à caractère exploratoire, l’autre exhaustive, combinant la microscopie optique et électronique avec une reproduction expérimentale des traces d’utilisation.

L’analyse en lumière réfléchie des traces d’utilisation détectées par A. Peltier sur la pointe d’un poinçon de type A (fig. 14 – no 2) a identifié un micropoli d'utilisation interprété comme le résultat d’une activité de perçage sur peau sèche ou légèrement humide : « micropoli à coalescence douce à dure, vallonnée, escoriée, avec un sens longitudinal du mouvement, après réaffûtage de la pointe par raclage » (fiche d’observation non publiée ; Julien et Baffier 1990 – p.

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330). Dans la deuxième étude, l'identification de différentes traces d’utilisation (émoussés, micro-enlèvements, stries) et de cassures anciennes a révélé que les poinçons châtelperroniens ont été longuement utilisés (d’Errico et al. 2004a). Parmi les 23 extrémités des pièces qui n’ont pas été affectées par des processus post-dépositionnels, une seule ne révèle pas de stigmates d’utilisation (type A fig. 14 – no 17). Huit présentent des cassures anciennes (3 de type A, 3 de type B1, 1 de type C et 1 de type D), et trois, cassées anciennement, montrent un émoussé de réutilisation sur la cassure (3 de type A), ce qui indique que la pointe a continué d’être utilisée malgré la fracture. Quatre sont couvertes de micro enlèvements qui ont emporté l’extrémité de la pointe, mais qui ont ensuite été émoussés, ce qui indique une usure graduelle au contact avec un matériau souple peu abrasif. Six présentent enfin des émoussés associés à des micro-esquillements (2 de type A, 1 de type B2, 3 de type C). Une seule pièce de type B1, sur épiphyse de péroné, présente un fort émoussé sans autre modification de la pointe (fig. 16 – no 7). Tous les types de poinçons sont donc concernés par l’usage.

Dans la plupart des cas, l’usure a emporté les traces de façonnage sur une longueur de 1 cm à partir de la pointe (fig. 21a-c). Sur les pièces à section circulaire (types A et B), les zones usées sont couvertes de stries ne dépassant pas les 5-10 μm de largeur et orientées soit perpendiculairement, soit parallèlement à l’axe de l’objet (fig. 21c). L’utilisation expérimentale de poinçons en os pour percer du cuir tanné (d’Errico et al. 2004a – p. 60-62) a produit des stigmates d’utilisation comparables à celles observées sur les pièces archéologiques, bien que le choix dans nos expérimentations d’effectuer un mouvement rotatif a produit des stries perpendiculaires à l’axe de l’outil (fig. 21d et e). L’expérimentation a montré que les poinçons archéologiques à pointes fines auraient subi une fracture presque immédiate s’ils avaient été utilisés sur du cuir épais. Il est probable que ces outils ont été utilisés pour percer des peaux fraîches, des fourrures, des tissus d’animaux moins durs que le cuir. Malgré leur utilisation sur des matériaux moins durs, les zones usées des pièces archéologiques présentent une usure nettement plus développée que les pièces expérimentales. Cela suggère, en prenant en compte les résultats des expérimentations, que les poinçons châtelperroniens ont dû effectuer des milliers de perforations.

Par ailleurs, il est probable que les poinçons étaient utilisés dans des activités qui les mettaient en contact constant avec des matières colorantes. Plus de la moitié portent des traces de pigment rouge sous la forme de dépôts visibles à l’œil nu ou de résidus présents dans des fractures, dans l’os spongieux ou dans des entailles. La proportion de poinçons avec des traces de pigment est largement supérieure à celle des restes de faune ocrée provenant des mêmes couches, ce qui élimine l’hypothèse d’une coloration accidentelle ou post-dépositionnelle. Des matières colorantes ont pu être présentes sur les matériaux percés par les poinçons et/ou sur les mains des artisans. Ils ont pu contribuer à l’usure des zones actives des outils et accentuer les traces de manipulation.

Certains des fragments mésiaux ou mésiodistaux sont de module analogue à quelques-unes des pointes en ivoire, et l’on aurait pu supposer qu’il s’agissait de pointes de trait plus que de poinçons, d’autant que des fractures en languette suggèraient un bris d’impact. L’analyse des extrémités distales et des stigmates de leur réutilisation après cassure confirme cependant qu’il s’agit bien de poinçons.

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III.4 - 3.5 – Le réaffûtage des poinçons

L’utilisation intense et prolongée de ces outils est confirmée par l’identification de traces de réaffûtage. Le réaffûtage a été appliqué à des pièces ayant subi des microfractures de la zone active au cours de l’utilisation, ce qui devait réduire la performance de l’outil (fig. 14 - no 4, fig.

22). La technique choisie était de frotter à plusieurs reprises la pointe endommagée sur une surface abrasive, et en changeant à chaque fois l’orientation du geste (fig. 22). Ce procédé, semblable a celui qu’on utilise pour réaffuter la pointe d’un crayon en le frottant sur une feuille de papier, a produit des facettes plates traversées de fines stries parallèles.

La réutilisation de fragments, après fracture, est aussi démontrée par le fait que, dans trois cas, la surface de fracture proximale a été raclée (fig. 14 – no 9, fig. 16 – no 10, fig. 23a) ou qu’elle présente un émoussé intense produit par la manipulation (fig. 14 – no 8, fig. 23b) : les Châtelperroniens ont donc récupéré des fragments mésiodistaux de poinçons et ils en ont réaménagé la fracture pour faciliter la manipulation.

III.4 - 3.6 – Morphométrie de la pointe des poinçons

Les extrémités actives des poinçons révèlent une forte variabilité dimensionnelle selon le type, et qui s’accroît en s’éloignant de la pointe de celui-ci (fig. 24). Les poinçons aménagés sur des ossements naturellement effilés (type B1) présentent le diamètre le plus réduit et ils se caractérisent par un rapport largeur/épaisseur proche de 1 tout le long du fût. Les poinçons entièrement façonnés (type A) présentent le même rapport tout en étant plus robustes. Les poinçons sur éclats diaphysaires (type C) se distinguent des précédents pour un gabarit encore plus important et leur tendance à s’élargir le long du fût jusqu’à atteindre à 50 mm de la pointe un rapport largeur/épaisseur proche de 2. Représentés par un seul spécimen mesurable chacun, les types B2 et B3 semblent se ranger respectivement entre le type A et le type C, et au sein de la variabilité du type C.

Pour comprendre la portée de ces différences, nous avons effectué un test non paramétrique Mann-Whitney sur les largeurs et les épaisseurs des types A et C. Contrairement au type B1, dont la taille de la pointe est en grande partie déterminée par celle du support, celle des types A et C est fortement dépendante du degré de modification par l’homme, ce qui justifie une analyse statistique pour établir si les différences observées peuvent être dues au hasard. Ce test identifie une différence significative (p<0.01) entre les largeurs des types A et C à partir de 10 mm de la pointe, et entre les épaisseurs des types A et C à 5, 10 et 20 mm de la pointe. Quelles sont les raisons de ces différences ? L’hypothèse qu’il s’agit du résultat d’une évolution culturelle est à exclure car tous les types de poinçons se rencontrent dans la couche la plus riche (couche X). Les différences observées sont probablement dues au fait que chaque type de poinçon avait une fonction différente. Cela pourrait également être le reflet d’une division sexuelle ou sociale dans la production et/ou l’utilisation de ces outils. Chaque type de poinçon aurait pu être utilisé en priorité ou presque exclusivement par les membres du groupe impliqués dans des activités nécessitant ce type d’outil. Quoi qu’il en soit, l’analyse morphométrique des pointes montre qu’un lien existe dans le Châtelperronien d’Arcy entre le choix du support, les techniques de fabrication, la taille et la morphologie de la partie active des poinçons. Cela étaye l’hypothèse que

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les types identifiés devaient être reconnus comme tels par les artisans qui les produisaient et les utilisaient.

III.4 - 3.7 – Marquage des poinçons

Un tiers des poinçons châtelperroniens présente une ou plusieurs séries de marques (fig. 25 et tabl. 4.4). Sur sept pièces (fig.25 – nos 1-7) ce marquage est presque complètement effacé par une longue manipulation et il se limite à quelques traits superficiels irrégulièrement espacés et orientés, tracés par une pointe lithique ou, dans deux cas, par un tranchant (fig. 25 – nos 4 et 6 ; fig. 26a et b). Six autres pièces (fig.25 – nos 8-13) présentent au contraire de deux à quatre séries d’entailles équidistantes, parfaitement alignées, et façonnées avec des fins tranchants non retouchés (fig. 27). Dans un cas au moins, des séries d’entailles semblent avoir été ajoutées au cours de l’utilisation de l’outil car chaque série se caractérise par un degré d’usure différent (fig. 25 – no 10, fig. 26d-f, fig. 27). Sur deux autres pièces, c’est la base du poinçon qui est plus ou moins délimitée : fines entailles non jointives au-dessus de l’épiphyse dans un cas (fig. 25 – no 14) ou même formant une véritable gorge au-dessus d’une base en tronc de cône bien régularisée dans l’autre (fig. 25 - no 15, fig. 15a). Enfin, une seule pièce est décorée de groupes formés de deux ou trois traits courbes convergents vers la pointe de l’outil et dessinant un motif en V emboîtés (fig. 25– no 16, fig. 26c). Ces traits ont été gravés par le même outil dans une même séquence comme le montre leur morphologie interne.

En résumant, l’analyse microscopique indique que les incisions présentes sur les poinçons sont le résultat de différents degrés d’investissement technique, pouvant correspondre à des fonctions différentes. En considérant leur visibilité, qui devait sans doute déjà être faible à l’époque, certaines entailles ont pu être produites pour faciliter la prise de l’outil plutôt que pour le décorer. Dans d’autres cas, une explication purement fonctionnelle est difficile à retenir soit parce que les entailles sont réalisées dans des zones qui se prêtent mal à une prise au cours de l’utilisation, soit parce que l’artisan à appliqué un soin tout particulier à créer des marques identiques et parfaitement équidistantes. A cet égard ces séries contrastent singulièrement avec celles décrites sur les bases des sagaies en ivoire (fig. 5), pourtant produites avec la même technique, qui se caractérisent par leur manque d’organisation. Les marquages les plus élaborés et soignés reflètent clairement la volonté de l’artisan châtelperronien de donner un cachet distinctif à l’outil, signe peut être d’appartenance à un individu particulier.

III.4 - 4. Instruments à face plane et extrémité mousse : lissoirs plans et lissoirs en biseau sur

côtes

Quatorze fragments allongés de côtes et une côte entière présentent à leur extrémité distale un bord arrondi associé à un émoussé et dans certains cas des stries d’utilisation (tabl. 5). Sept pièces conservent la face latérale et mésiale de l’os (fig. 28 et 29), sept autres ne préservent qu’une face et semblent avoir été volontairement débitées dans le sens de la longueur pour produire des supports plus fins (fig. 30). Une pièce dont l’extrémité est fracturée appartient probablement aussi à cette catégorie (fig. 31) Typologiquement ces objets sont connus sous le nom de « lissoirs » (Tartar 2009 ; Soressi et al. 2013) même si leur fonction, simple ou multiple, n’est pas clairement élucidée. Nous avons distingué les lissoirs-plans, sur côte non fendue, dont la partie active

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s’étend sur une bonne partie mésio-distale de la face utile, et les lissoirs distaux, sur côte fendue, dont la partie active en biseau distal est beaucoup plus courte.

III.4 - 4.1 – Lissoirs-plans sur côtes non fendues

Les largeurs et épaisseurs des côtes permettent d’attribuer cinq de ces outils à du mammouth et deux autres à du cheval - ou boviné pour l’un d’eux (tabl. 5). Deux de ces instruments paraissent à peu près complets (fig. 28). Les autres supports sont des segments de côtes plates de section naturelle plano convexe qui présentent des fractures du côté proximal (fig. 29).

III.4 - 4.1.1 - Un outil-plan épais

Cet objet (fig. 28 – no 1), épais et relativement court, correspond au segment proximal d’une côte gauche de mammouth. Les parties actives de l’outil, dont la largeur varie de 48 à 39 mm, se situent d’une part sur la surface mésiale convexe et d’autre part à l’extrémité distale de la côte. Aucune trace de sectionnement transversal n’est observable mais l’extrémité distale paraît avoir été régularisée après fracture par raclage sur toute la circonférence, puis émoussée par l’usage. Sur la face convexe, les stigmates de frottement oblique sont marqués par des séries irrégulières de fines stries parallèles s’étendant sur 70 à 80 mm de longueur, qui ont entraîné un émoussé des tubérosités dont les parties saillantes sont lustrées. Par ailleurs, un dépôt d’ocre rouge foncé, subsistant parfois en croûte, tapisse toutes les minuscules concavités de la surface active. Il est possible que cette pièce ait travaillé en plan sur une matière relativement souple et elle a peut-être contribué à faire pénétrer dans cette matière le colorant rouge.

L’extrémité convexe épaisse de l’outil probablement aussi servi et, dans cette hypothèse, elle pourrait avoir eu la même fonction que les brunissoirs sur supports épais d’os que nous décrirons plus loin (partie 5). L’hypothèse d’un traitement en surface de peaux, par frottement, paraît donc la plus plausible.

III.4 - 4.1.2 – Un outil-plan de module mince et allongé

Cette pièce d’une longuur exceptionnelle correspond à une côte gauche de cheval presque entière (fig. 28 – no 2). La partie proximale, qui forme un angle avec le corps de la côte, correspondrait d’après le schéma de R. Barone (1966 - p. 457) au segment situé entre les tubercules du long dorsal et du long costal. Le diamètre de ce segment proximal a été réduit de moitié, probablement par des enlèvements en copeaux épais en percussion posée, le tubercule costal ayant été plus ou moins abattu par de petites percussions. Au-delà de l’angle costal, la partie intermédiaire du corps de la côte a été laissée à peu près naturelle et les modifications n’intéressent que sa partie mesio distale sur environ 220 mm de longueur. Dans cette zone, la surface de la côte semble avoir été régularisée et des traces de raclage longitudinal sont visibles sur la face interne. Enfin, sur 80 mm, les bords ont été façonnés de façon à produire un profil symétrique culminant dans un front étroit, légèrement convexe et mousse. Près de l’extrémité, la face externe, qui paraît avoir été aplanie par l’usage, porte des traces de lustre et elle est très ocrée. On décèle sur ses bords de fines stries d’usage perpendiculaires, plus visibles sur le bord caudal de la côte, naturellement plus mince et tranchant que l’autre bord. La configuration de la partie active plane, son lustre d’usage et le mouvement transversal révélé par l’orientation des stries sur les bords de la pièce suggèrent, ici aussi, un travail par frottement sur une substance souple et hydratée que l’on

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souhaitait peut-être assouplir et colorer. Toutefois, l’aplanissement de la surface active de l’outil ne peut s’expliquer que si la matière à travailler était posée sur une surface dure, elle-même plane : ce qui veut dire qu’en complément de cet outil, un support de type chevalet de bois ou, peut-être, une plaque régulière de pierre doivent être envisagés.

III.4 - 4.1.3 – Les autres fragments de côtes plates

Trois fragments mésio-distaux de côtes de mammouth, quoique de taille plus importante, sont de morphologie comparable à celle de l’extrémité distale de la pièce précédente. Le premier (fig. 29 – no 1) dont l’extrémité porte une trace de sectionnement légèrement oblique, présente, sur la face

inférieure de l’objet, le même type de stigmates d’usage que la côte de cheval : aplanissement et lustré, fines stries perpendiculaires sur les bords. On observe en outre des restes d’ocre sur la surface active.

Quoique avec un front un peu plus asymétrique, les deux autres fragments, présentent sur leur face inférieure et sur leurs bords fines stries d’usage perpendiculaires (fig. 29 - nos 2 et 3). Mais l’aplanissement de la partie active est un peu moins développé, ce qui laisse supposer qu’elles ont été moins longuement utilisées. Deux derniers fragments de côte, beaucoup plus abîmés, entrent dans la même catégorie typo-morphologique, avec un front convexe mousse et des bords de côte subparallèles. Les seuls stigmates conservés sont de fines stries plus ou moins obliques ou perpendiculaires sur leur face inférieure plane (fig. 29 - nos 4 et 5).

Dans les cas les mieux conservés, les parties actives de ces outils ont travaillé à plat et, d’après les fines stries d’usage observées, selon une orientation perpendiculaire ou légèrement oblique par rapport au grand axe de l’objet, utilisant aussi le tranchant de la lame de côte sur les côtes plates. Seule la côte épaisse de mammouth (fig. 28 – no 1) ne paraît avoir travaillé que sur sa face convexe.

On peut se demander comment se terminaient des fragments de côtes plates vers la partie proximale de l’outil. S’agissant, pour la plupart, de côtes de mammouth, il est probable qu’il n’était pas souhaitable de conserver l’attache proximale très volumineuse. Toutefois, pour travailler à plat avec une certaine force, une plus grande longueur de lame osseuse était sans doute nécessaire, ce que confirmeraient les grandes dimensions de la côte de cheval (fig. 28 – no 2).

Deux outils avec des modifications semblables, dont un sur un fragment d'une côte de bovidé, , ont été découverts dans les couches moustériennes de la grotte de Axlor, au Pays Basque (Mozota Holgueras 2012). Une côte d'herbivore avec extrémité émoussée, datée du stade isotopique 5, a été identifiée dans la couche 3 des Canalettes (Patou-Mathis 1993). Une pièce semblable est également signalée à Cueva Morin (Gonzalez Echeragay et Freeman 1978), ainsi que sur un métatarsien fendu d’artiodactyle du Trou Magritte (Otte 1974 - p.157 et fig. 53.1), sur des côtes de rhinocéros et mammouth dans le Gravettien de Geissenklösterle (Münzel 2001), sur des côtes de rhinocéros et cheval dans le Solutréen de Solutré (d'Errico 1998). Certains de ces outils évoquent une utilisation transversale d’une sorte de lame à angle aigu sur un chevalet comme dans le cas des beaming-tools (parfois aussi fleshers, fleshing knifes, beaming knifes ou rubbing

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d’arbre (Ben Hunt 1973 ; Barnett 1973). Il pourrait donc s’agir, pour certains d'entre eux, de sortes de queursoirs transversaux. De tels outils à écharner et épiler en métal, bois ou sur côtes de bovin existaient encore dans les tanneries romaines (Leguilloux 2002). Des supports semblables sont cependant aussi utilisés pour le tissage, i.e. les battens des Indiens d’Amérique du Sud-Ouest (Barnett 1973).

III.4 – 4.2 – Un « lissoir » décoré

Un fragment proximal de côte non fendue avec son extrémité distale fracturée se distingue des autres par la présence de plusieurs séries d’incisions (fig. 30). Il s’agit d’une côte de cheval dont n’est conservée que la portion proximale. Cette pièce a été raclée et ensuite marquée avec cinq séries d’incisions perpendiculaires à l’axe majeur de l’objet et trois autres un peu plus profondes parallèles à celui-ci. Toutes les séries sont incomplètes à cause de la fracture de l’objet. Les quatre séries d’incisions parallèles, situées sur les faces interne et externe de l’os, semblent avoir été effectuées de part et d’autre des traits longitudinaux. Leur analyse microscopique révèle l’emploi d’un tranchant rectiligne. Au regard de leur morphologie, toutes ont été probablement réalisées par le même outil au cours d’une même session. Comme les objets précédents, cette côte conserve de larges plages ocrées sur l’ensemble du fragment.

L’absence de la partie distale de cette côte ne permet pas de préciser comment elle a pu travailler. On ne peut d’ailleurs assurer qu’il s’agit d’une fragment d’outil, seul le choix du support, une côte de cheval non fendue, nous l’a fait décrire ici.

III.4 - 4.3 - Lissoirs distaux sur côte fendue

Les sept côtes portant des traces d’usage sur leur partie distale sont toutes volontairement fendues dans le sens de la longueur, mettant à nu la partie spongieuse interne (fig. 31 et tabl. 5). Les différences entre les largeurs et épaisseurs des supports permettent, dans une certaine mesure, de distinguer leur origine spécifique. Deux supports très étroits (fig. 31 – nos 6 et 7), de 11 et 12 mm de largeur, correspondent vraisemblablement à du renne, et cinq (fig. 31 – nos 1-5) à des côtes de la taille de ceux du cheval ou d’un boviné, de 19 à 27 mm de largeur. Il s’agit d’éléments plus ou moins fragmentés de contour allongé avec des bords subparallèles et une extrémité convexe, qui mesurent, pour les plus complets, de 71 à 122 mm de longueur. La convexité des fronts est symétrique ou légèrement oblique par rapport à l’axe de la pièce. Leur épaisseur est faible et elle ne dépasse pas 8 mm : à 1 cm sous l’extrémité active, le rapport largeur/épaisseur varie autour de 3 ou 4 mm.

Ces outils présentent un biseau d’usage sur la face d’éclatement spongieuse de la partie distale dont les alvéoles sont abrasés, ainsi qu’un émoussé le long des bords, sur une longueur de 1 à 1,5 cm à partir du front. On y observe un faible lustre et aussi des traces d’ocre. Sur la plus grande pièce (fig. 31 – no 1) l'os spongieux près de la zone usée est rempli d'une pâte ocrée qui pourrait représenter le reste de la substance étalée sur la surface travaillée par l'outil.

Sur cette même pièce, des groupes de stries obliques irrégulières, visibles sur le tiers inférieur des deux bords, suggèrent que ces outils pouvaient être emmanchés ou, du moins, entourés d’une peau lors de leur usage (fig. 32). Ce même objet est le seul qui présente sur son bord gauche une

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