FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DEBORDEAUX
ANNÉE 1897-4898 95
CONTRIBUTION A L'ETUDE
DE LA
et de l'Hospitalisation des Tuberculeux
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue
publiquement
le 10 Juin 1898Marie-Antoine-Gustave BARDET
Né à Saint-Silvain-Bellegarde (Creuse), le 14janvier1871
!MM. LAYET
™RONDOTLEDANTEC agrégéagrégéprofesseur.... Président.
professeur j;1 Juges.Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL GASSIGNOL
91 — RUK PORTE-DIJKA.UX — 91
1898
Facilité de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DE NABIAS,doyen — M. PITRES, doyenhonoraire.
IMtOFIlSSKt II*
MM. MIGE AZAM DFIPTJY MOUSSOUS.
Professeurs honoraires.
Clinique interne Médecine légale...
Physique
Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matièremédicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique desmaladies chirurgicales des en¬
fants
Clinique gynécologique Clinique médicale des maladiesd<senfants Chimiebiologique...
EXERCICE : ie interneetMédecine
MM. SABRAZÈS.
Le DANTEC.
MM.
MORACHE.
BERGON1É.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
de NABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
P1ECHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS.
DENIGÈS.
MM.
\ PICOT.
I PITRES.
. . \ DEMONS.
Clinique externe...
j
laNElONGUK.Pathologie et théra¬
peutique générales. VERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecineopératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments N...
Anatomie palliologi-
que COYNE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie VIAULT.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
aurégés km
section de médecine(Pathologie interneetMédecine légale.) MM. MESNARD.
CASSA ET.
AUCHn. |
sectiondechirurgie et accouchements
IMM.VILLÀR. | Accouchements
(MM. RIVIÈRE.
Pathologieexterne B1NAUD. |
Accoucnemenis..
.■ CHAMBRERENT ( BRAQUEHAYE |section dessciencesanatomiques et physiologiques
jMM. PRINCETEAU | Physiologie MM. PACHON
i CANN1EU. | Histoire naturelle BEILLE.
section dessciencesphysiques
Physique MM. S1GALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
Chimie et Toxicologie N...
€4»tutS (nill'liîiuENTA l ItES :
Clinique des maladies cutanées etsyphilitiques MM. DUBREUILH.
Clinique desmaladies des voies urinaires Maladies dularynx, desoreilles etdunez
Maladiesmentales Pathologie interne Pathologie externe Accouchements Chimie
Le Secrétaire de la Faculté:
Anatomie,
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
RIVIÈRE.
N...
LEMAIRE.
Pardélibération du 5 août1879, la Faculté aarrêté que les opinions émises dans les Thesesqui lui sont présentées doivent êtreconsidérées commepropres àleursauteurs, et qu'elle n'entend leur donner ni approbationni improbation.
A MON PÈRE, A MA
MÈRE
Faible témoignage de
reconnaissance.
A MON GRAND-PÈRE
A MA SŒUR
A MON BEA U-FRÈRE
A MES PARENTS, A MES AMIS
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR LATET
ANCIEN MÉDECIN PRINCIPAL DE LA MARINE
PROFESSEUR D'HYGIÈNE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
INTRODUCTION
Il semble que
tout ait été dit depuis trente ans, depuis
dix ans surtout, sur
la plus terrible des maladies humaines,
la tuberculose. De
toutes parts, dans les Congrès, dans les
Sociétéssavantes, dans
la
presse,grande et petite, on a si¬
gnalé
les méfaits de cette maladie, ce fléau, cette peste des
temps
modernes. On
acalculé le nombre de ses victimes et
on a dit, avec raison,
qu'à elle seule elle fait plus de malades
etde morts que toutes
les autres maladies contagieuses.
Nous savons de science
certaine
quela tuberculose est
contagieuse,
qu'elle l'est d'homme à homme et d'animal à
homme.
Aussi l'esprit des
médecins du monde entier, orienté dé¬
sormaisvers la
pathogénie,
nepeut plus se détacher de ce
grave et
obsédant problème : la prophylaxie de .la tubercu¬
lose.
Atel point que
le professeur Grancher vient encore de
faire une communication
à l'Académie de médecine sur la
nécessité de la
prophylaxie tuberculeuse dans tous les mi¬
lieuxoù peut s'exercer
facilement la contagion.
La Société
médico-chirurgicale de Bordeaux
aémis égale¬
ment, dans une
de
sesséances, l'idée de faire œuvre de pro¬
phylaxie contre la tuberculose, surtout dans les hôpitaux.
Aussi, surles
conseils de M. le Dr Rondot, nous avons cru
bon de revenir sur cette
question de la contagion et de la
prophylaxie de la tuberculose, et d'en faire le sujet de notre
thèse inaugurale.
Mais comme cette question
de la contagion, envisagée à
— 8 —
un point de vue général, nous eût entraîné
trop loin,
nous nous sommes contenté de traiter la contagionhospitalière
de la tuberculose et les moyens d'éviter cette contagion par l'isolement des tuberculeux dans des établissements spé¬
ciaux, en donnant notre appréciation personnelle sur cette gravequestion, objet de tantde discussions actuelles.
Avantd'entrer dans le
développement
du sujet, qu'il nous soitpermis d'adresser ici unhommage
public à nos maîtres de la Faculté etdeshôpitaux
pour l'attention qu'ils nous onttoujours portée.
Que M. le professeur
agrégé Rondot,àqui
nous sommesredevable de l'idée première de ce travail, veuille accepter
nos sincères
remerciements,
non seulement pour les con¬seils qu'il nousa donnés pour faciliter notre tâche, mais en¬
core pour les excellentsenseignements que nousavons pui¬
séspendant l'année passée dans son service,et pourl'intérêt et la bienveillance qu'il nous a toujours
témoignés
pendantle coursde nos études médicales.
Enfin, que M. le professeur Layet reçoive
l'expression
de notregratitude et de notre très vive reconnaissance pour l'honneur qu'il nous fait en acceptant la présidence de notre thèse.DIVISION DU SUJET
Dans un
premier chapitre
nousrepassons brièvement
l'histoire de la contagion de la
tuberculose,
enindiquant ses
défenseurs, ses
adversaires et les différents
moyensdont
elle se fait.
L'étudede la contagion dela
tuberculose dans les hôpitaux
fera l'objetde notre
deuxième chapitre. Après avoir étudié
les diverses maladies soignées dans
les hôpitaux et la pré¬
disposition
qu'elles donnent à la contagion tuberculeuse,
nous montrerons comment se propage
la phtisie dans les
hôpitaux, nonseulement chez les malades, mais parmi le
personnel.
Dans un troisième chapitre, nous
chercherons les
moyens d'éviter cette contagion dans leshôpitaux,
parl'établisse¬
ment de salles spéciales ou
de maisons spéciales, où les
ma¬lades seront distribués par ordre, suivant
leurs lésions. Et
nousjetterons un coup
d'œil rapide
sur cequi
aété fait jus¬
qu'à présent
dans
ce sens, enFrance
commeà l'étranger.
Enfin, dans un quatrième chapitre, nous
rappellerons le
vœu émis par laSociété
médico-chirurgicale des hôpitaux de
Bordeaux pourla
création d'un hôpital spécial de tubercu¬
leux à Pellegrin.
Viendrontensuite nosconclusions.
CHAPITRE
PREMIER
§ I. Historique de la contagion de la tuberculose.
Le 5 décembre 1865,
M.Villemin disait ceci à l'Académie de
médecine:
« La tuberculose est
l'effet d'un agent causal spécifique,
d'unvirus en un mot.
Cet agent doit se retrouver, comme
sescongénères,
dans les produits morbides qu'il a détermi¬
nés par son
action directe sur les éléments normaux des
tissus affectés.
» Introduit dans un
organisme susceptible d'être impres¬
sionné par
lui, cet agent doit donc se reproduire et repro¬
duire en même temps
la maladie dont il est le principe
essentiel et la cause
déterminante.
»L'expérimentation est venue confirmer ces données de
l'induction.
Il y a trente ans
déjà, Villemin, en arrosant de la ouate
avec des crachats de
tuberculeux, qu'il laissait se dessécher,
et en faisant piétiner
cette ouate
pardes cobayes, les voyait
devenir tuberculeux, et
proclamait la nocuité des crachats
desséchés et des
poussières bacillifères, avant d'avoir
vule
bacille dont il affirmaitl'existence sans
le connaître.
M. Cornet vientde refaire ces
expériences
pourrépondre
à quelques
expériences négatives et aux objections de
Pfiiigge. Il a semé sur un
tapis des crachats bacillifères et
versé de la cendre sur ces crachats. 48
cobayes ont été mis
dans la chambre, sur le
tapis même, et à diverses hauteurs
sur des
planches
-,puis l'expérimentateur, M. Cornet, a
— 12 —
balayé
rudement le tapis. 46cobayes
sur 48 sont devenus tuberculeux.M. Villemin a fait, pour prouver la contagion de la tuber¬
culose, unesérie
d'expériences
concluantes sur:1° L'inoculation des matières liquides de
l'expectoration
des
phtisiques,
soit à l'aided'injections hypodermiques,
soitau moyen d'un fil à ligatureimbibé de la matière inoculable.
2° La production dela tuberculose au moyen des matières desséchées de
l'expectoration
desphtisiques.
3° La production de la tuberculose par ingestion de la ma¬
tière tuberculeuse et des crachats de
phtisiques.
Et de ces expériences on peut tirer avec M. Villemin les conclusions suivantes :
1° Le tubercule et les matières de
l'expectoration
des phti¬siques se comportent comme les substances virulentes : ils reproduisent la tuberculosepar l'inoculationet par
l'absorp¬
tion des voies naturelles
(digestion
etrespiration).
Les cra¬chats rejetés
depuis
plusieurs heures et desséchés ne per¬dent pascette propriété.
2° La phtisie doit être transmissible : la propagation peut et doit se fairepar des produits émanés des individus ma¬
lades.
La pathologie expérimentalenous fait voir dans la
tuber¬
culose une maladie spécifique,
infectieuse,
transmissible de l'hommeaux animaux et d'une espèceanimale à l'autre; unemaladie facilement reconnaissable, parce que, sous la diver¬
sité apparente de ses aspects, elle a toujours les mêmes caractères
fondamentaux,
et parcequ'on trouve, danstoutes sesmanifestations,
superficielles ou profondes, un micro¬organisme nettement
défini;
la première conclusion quenous
impose
la doctrine nouvelle, c'est que la tuberculose doit être contagieuse.Après les travaux de Villemin, on pouvait encore dire, en citant
l'exemple
de la syphilis, que si la tuberculose étaitinoculable,
elle n'était pas contagieuse à distance. Les tra-— 13 —
vauxde Chauveau et de
Tappéiner ont répondu victorieuse¬
mentà cette objection. Pour
nier la transmissibilité à dis¬
tance, il faudrait
maintenant s'inscrire
enfaux contre les
résultats moins contestables
de l'expérimentation.
Avec la découverte de
Koch
nous avonsfait
un pas en avant. Nonseulement nous sommesforcés d'avouer
quela
phtisie estcontagieuse, mais, à moins d'admettre la généra¬
tion
spontanée du bacille,
nousdevons nier la phtisie spon¬
tanée. Toute tuberculose
naît d'une autre tuberculose,
comme l'enfant naît desa
mère
; unorganisme n'est infecté
parle
bacille tuberculeux qu'à condition d'avoir emprunté
ce bacille à un autre organisme.
Il fallait bien se rendre à l'évidenceou
s'enfermer dans
un scepticismesystématique. Comment nier la contagion quand
desexpériences
précises et multipliées la rendaient palpable
et en montraient l'agent ?
Aussi, la majorité des médecins,
tanten France
qu'à
l'étranger,émerveillée
parles acquisi¬
tionsnouvelles, a-t-elle
suivi le mouvement. Nous pourrions
citer chez nous les leçons
de Landouzy et Debove, les tra¬
vauxde Sée, de
Corail; Bouchard, de Jaccoud, dé Potain, etc.
Maisil reste encore une
opposition tenace.
C'est
peut-être
parce queles faits cliniques ne sont encore
ni asseznombreux ni assez
probants
pournousconvaincre.
Les faits cliniques,
voilà,
eneffet,
cequi
nousmanque le
plus ! Dans une
étude de ce genre, nous devrions pouvoir les
citer par
centaines, et
nousserions peut-être embarrassés
pour en
rapporter cinquante qui fussent absolument dé¬
monstratifs.
Mais tels
qu'ils
sont,les faits confirment la théorie et cor¬
roborent les résultats de
l'expérimentation plutôt qu'ils
ne les contredisent. Les adversaires dela contagion n'ont
pour¬tant pas encore
désarmé.
« Si la phtisie
était contagieuse, dit Peter,
onne discute¬
raitplus
depuis longtemps; tout le monde serait d'accord,
la conviction se serait imposée de
vive force,
carla phtisie
serait la plus
contagieuse, elle qui dans
salongue durée
— 14 —
pourrait contagionner
etde la façon la plus évidente, des
milliers de personnes. Si la phtisie était contagieuse, elle contagionnerait nécessairementau plus haut point ceux qui
voient le plus
fréquemment
les phtisiques etqui en voient le plus. De sortequ'il n'y aurait plus ni étudiants
enméde¬
cine, nimédecins, nigardes-malades;nousserions tous morts
ou mourants. »
C'estlà évidemment de l'exagération. En effet, pour
être
transmissiblede l'homme à l'homme, la tuberculose l'est à
coup sûr, mais cette
transmission n'est
pasfatale. Est-ce
une raisonsuffisante pour nier
la contagion? Faut-il donc
que tout
individu exposé à la tuberculose la contracte
pour que lamaladie soit déclarée contagieuse? On n'est aussi exi¬
geant ni pour
le choléra, ni
pourla variole, ni
pourla diph¬
térie. Dece qu'une
maladie infectieuse
etspécifique
nepeut
se développer que
si elle
aété transmise à
unorganisme
sain par un
individu malade, faut-il conclure
quetout sujet
malade infectera fatalement les sujets sains avec lesquels il
se trouveraen contact? En bonne logique une telle
conclu¬
sion estinadmissible.
Les cliniciens à qui répugne encore
l'idée
dela contagion,
oublient que d'illustres
ancêtres l'ont admise
avant nous.Aristote, Hippocrate, Galien, dans
l'antiquité
;plus près de
nous, Morton, Sennert, Valsalva, Fernel,
Anglada,
Baumeset tant d'autres l'ont positivement acceptée. Les Anciens, en effet, admettaient à peu
d'exception près la contagion de la
phtisie pulmonaire,et c'est à peine si,
versla fin du siècle
dernier, nous trouvons quelques
dissidents,
ayantà leur
tète Starck et Portai. Mais au commencement de ce siècle
une révolution
complète
se fit dansles idées,
etles
auteurs, obéissant jenesais tropà "quelleimpulsion, nièrent
non seu¬lement l'existence de la contagion, mais sa possibilité.
Laënnec l'a combattue : elle s'accommodait mal à sa con¬
ception
de la phtisie. Quelques hommes cependant, haute¬
ment
placés
dansle monde médical, parmi lesquels je cite¬
rai Andral, et plus encore
de
nosjours, Guéneau de Mussy,
— 15 —
Perroud, Delamare,
etc., surent résister à l'entraînement
général,
et,s'appuyant autant
surles idées de leurs devan¬
ciers que sur
leur pratique personnelle, proclamèrent que
dans bien des casla phtisie
pulmonaire pouvait être conta¬
gieuse.
Malgréce
mépris du monde savant l'idée ancienne n'était
point morte : on
la retrouvait vivace dans les campagnes où
les phtisiques
sont
peunombreux et où la contagion peut
être facilement suivie. De loin en
loin,
oncitait des faits qui
qui lui
étaient favorables
:quelques auteurs même, comme
Bernardeau, Tholozan,
Michel Lévy, Bonnet, de Malherbe,
avouaient
qu'ils
ycroyaient
encore,mais ils ne formaient
qu'une
imperceptible minorité. Après les travaux de Hardy,
Hérard, Cornil,
Bouchard
;après les faits curieux publiés par
Bruchon, Guibout,Vialettes, Lancereaux,
Bernard; après les
travaux mémorables deKoch, il n'est
plus permis de douter
de la contagion.
Aujourd'hui tout le monde,
ouà peu près,
accepte la
contagion de la tuberculose, et M. le professeur
Grancher vient de l'affirmer d'une façon
irrécusable à la tri¬
bune del'Académie de médecine..
Et pourtant,
malgré les
preuvesaccumulées, il y a encore
des
praticiens qui
necroient
pasà la contagion. Au dernier
Congrès
français de Montpellier, le Dr Revillod s'exprime
ainsi : « La tuberculosepulmonaire n'est pas
si contagieuse
qu'onle croit. Je n'en
veux pourpreuve que sa rareté parmi
les médecins. Si la science du laboratoire nous
dit qu'il suf¬
fît d'être à portée
du bacille
pourêtre infecté etd'être hors de portée
pourêtre préservé, l'expérience de chaque jour et le
gros bon sens nous
disent
quela graine est partout,
quetel
sujet se
tuberculisera dans l'atmosphère
en apparencela
plus salubre, que
tel autre restera indemne, bien qu'il
passeunelongue existence
dans le foyer. Il n'y
a pasdeux indi¬
vidus égaux
devant la tuberculose. Entre celui qui est doué
del'immunitéabsolue etcelui qui est fatalement voué
à
la tuberculose, on observetoutes les
nuances avecleurs varié¬
tés infinies. »
— 16 —
De telles parolesse passent
de commentaire
: carl'obser¬
vation des faits suffit à en montrer le peu de justesse.
Le 14 mars 1866, M. Guibout lit la note suivante
intitulée
: De la tuberculose au point de vuede la contagion.
« De tout temps on
savait
quela tuberculose est tantôt
héréditaire et tantôtacquise. Les travaux de M.
Villemin et
ceux deM. Hérard nous ont
appris qu'elle
seproduit
par inoculation. Mais ces troissources sont-elles les seules .que l'onpuisseassigner à la phtisie pulmonaire, et
ne seproduit-
elle pas
aussi
parla contagion ?
» La tuberculose est-elle contagieuse? Un certain
nombre
de faits nous autorisent à dire que dans certains cas
la
tuberculose peut se transmettre par
contagion, même chez
des personnes
nullement prédisposées.
»Et M. Guibout sedemande si la puissance
contagieuse de
la phtisie ne
s'exercerait
pasd'autant plus sûrement et
avec d'autant plus d'intensitéqu'elle trouverait
pourla recevoir
un terrain plus ouvert et
plus disposé à s'en imprégner ?
Dans ce cas, la contagion devient la cause
occasionnelle et
déterminante. Dès lors, ainsi que le dit le Dr
Devalz dans la
Gazette hebdomadaire des sciences médicales de Bordeaux (3 mai
1885), il semble
queles choses doivent changer de
nom, et
qu'à
la placede propagation,
ondoive dire contagion,
contagion par un agent qui,
selon toute vraisemblance,
mérite cliniquement et
expérimentalement le
nomde virus
tuberculeux.
S II. Modes de cette
contagion.
Mais comment entendre cettecontagion ?Allons-nous avec Sennert, Van Swieten, Valsalva, Morgagni croire que
l'on
peuts'inoculer aussi facilement le virus phtisique
quele
virus
yariolique?Morgagni était tellement imbu de cette idée,
qu'il nous avouenaïvement,dans
seslettres,
quejamais il
n'a fait l'autopsie d'un tuberculeux, et ce, pour sa propre conservation.
Partagerons-nous
les exagérations absurdes de l'espagnol
Luzuriaga, nous
racontant l'histoire d'un individu qui avait
contracté les germes de sa
maladie
enmarchant sur les
crachats d'un phtisique.
Certes, l'influence
miasmatique ainsi considérée serait on
ne peut plus
terrible, et
noussommes le premierà rire d'une
pareille interprétation. Mais personne n'ignore maintenant
qu'il y a eu
des
cascertains et prouvés de contagion tuber¬
culeuse pardes
poussières de crachats tuberculeux répandues
dans l'air et absorbées par
les
poumonsde
gensprédisposés,
il est vrai ; car il faut
admettre aussi le fait de prédisposition
dansla contagion de la
tuberculose.
Mais la transmission delà
phtisie
nepeut-elle
passe faire
de toute autremanière, parla
cohabitation,
parexemple, ou
parla vieintime prolongée*? Les faits que nous pouvons
invoquer en
faveur de cette opinion ne sont que trop nom¬
breux. Pournous, nous croyons
profondément à la conta¬
gion de la
phtisie
parcohabitation, par vie intime prolongée,
et notre opinion,
qui est celle de Morton, d'Andral, de Gué-
neau deMussy, compte, nousen
sommes certain, des adep¬
tes parmi ceux
qui depuis longtemps sont aux prises avec
les difficultés de la pratique.
Nous sommes loin de partager
l'opinion des non contagio-
nistesqui ne
voient dans les faits qu'un de ces singuliers
rapprochements que
le hasard aime tant à faire.
Le hasard,avouons
qu'on lui fait jouer de bien singuliers
rôles ! Avouons que ce
hasard
ades contrastes bien frap¬
pants etdes
caprices bien étranges.
Cinq personnes
de famille, d'âge et de tempérament diffé¬
rents,se trouventen
rapport avec des phtisiques: elles vivent
de leur vie intime, se
l'assimilent
enquelque sorte, et meu¬
rent phtisiques ;
tandis que leurs proches, ceux qui ont
reçu d'un
même père et d'une même mère le même sang, les
mêmes
prédispositions héréditaires, mais qui n'ont pas été
en contact avec des
tuberculeux, jouissent d'une-santé floris¬
sante. C'est un hasard !
BARDET
2
Unejeune fille issue de parents sains, ayant onze frères
ou sœurs bien portants, présentant elle-même les attributs d'une riche santé, se marie successivement avec deux phti¬
siques : or tous les frères et sœurs continuent à se porter merveilleusement, tandis qu'elle meurt poitrinaire. Simple
et étrange coïncidence dont le hasard fait tous les frais ! Sept enfants ont une santé relativement égale, inaltérable, jusqu'au jour où l'une d'elles va soigner sa parente, phtisi¬
que par hérédité. Orà partir de ce jour, la tuberculisation
commence par elle et successivement les moissonne tous, à l'exception d'une seule. Mais celle-ci, d'un tempérament plus nerveux, plus irritable, d'une constitution plus frêle, plus délicate, n'a pas été en rapport avec sa famille depuis
lejour où la funeste diathèse s'est déclarée ; elle n'a pas pu respirer et vivre dans ce milieu où la contagion semble prendre racine : seule, elle est
épargnée.
Rapprochement bizarre, mois dont le hasard nous offrechaquejour de nou¬veauxexemples !
Aussi le médecin imbu de ces principes inébranlables de la contagion de la phtisie, dans l'intérêt de ceux qui lui confient leur santé, ne devra négliger aucun des moyens que commande la prudence. Il leur interdira de coucher
avecdes phtisiques, de vivre avec eux d'une vie trop intime,
de respirer trop
longtemps
les effluves quis'échappent
de leurpoitrine malade, de se servir sans précaution de leurs vêtements, etc., etc. Ils devront observerd'autantplus rigou¬reusement ces recommandationsque, d'un côté, le malade
sera à une période plus avancée de la maladie, et que, de l'autre, leur vitalité,sera moindre.
Le 5janvier 1890, le D1' Cornet, de l'Institut d'hygiène de Berlin, écrivait à M. GermainSée : « Il fautramenerla conta¬
giosité de la tuberculose à sesjustes limites, ceque l'onpeut formuler ainsi : le phtisique par lui-même n'est pas dange¬
reux, mais le dangerest dans son manque de précaution à cracher dans les crachoirs. Il faudraitque ces mesures pro¬
phylactiques fussent introduites dans la population : ne pas
— 19 -
cracher dans le mouchoirou surlesol, maisseulement dans le crachoir, lequel doit toujours être humide, et éviter de jamais le laisser dessécher.
» Cequ'ily a de certain, c'est qu'il n'y a pasde tuberculose
sans bacille,et nous savons d'autre partque le bacille de la tuberculose ne se
développe
pas en dehors du corps dans les conditions naturelles ; de plus, noussavonsqu'ilest propagé parles crachatsdesséchés,
qu'il nepeut pas sortir des cra¬chats humides.
» En regard de ces faits, les hypothèses de l'hérédité et de la prédisposition nejouent qu'un rôle tout à fait secondaire.
Que l'on soit prédisposé, héréditaireou non/c'est-à-dire sain et robuste, onpeut êtreatteint par la contagion. »
Et quelques jours plus tard, le secrétaire perpétuel de l'Académieproposait
d'accepter
les conclusions suivantes: 1° La tuberculose est une maladie parasitaire et conta¬gieuse;
2° Le microbe, agent de la contagion, réside surtout dans les poussières
qu'engendrent
les crachats desséchés dephtisiques;
3° Le plus sûr moyen d'empêcher la contagion consiste à détruire les crachats avant leur dessiccation par l'eau et par le feu.
Nous savons maintenant que la phtisie est contagieuse par les crachats. Un exemple va nous montrersa contagion par les poussières imprégnées de crachats de tuberculeux.
Observation (Presse médicale,
189(3).
Un fait s'estpasséen Allemagne, qui montre une fois de plus avec
quelle facilité la tuberculose pulmonaire se communique, même par l'intermédiairedesobjets surlesquels sont répandusces germes.
Dans un régiment prussien, trois sergents, occupés successivement dans unepièceoù setrouvaient entassés de vieux effets militaires, mou¬
rurent tour à tour de tuberculose pulmonaire contractée en peu de
— 20 —
temps. Les
médecins, frappés de
cescoïncidences, se demandaient d'où
pouvait
provenir la contagion,
car,évidemment, la contagion seule
pouvait
être l'origine du mal.
On recueillit avectoutesles précautions
nécessaires des échantillons
despoussières
qui
setrouvaient répandues
surles effets contenus dans la
piècesuspecte.
Ces poussières
furent ensemencées et la culture inoculée à' des cobayes,
qui
succombèrent
presquetous à la tuberculose pulmonaire.
L'origine de
la contagion n'était plus douteuse
:c'étaient les pous¬
sières contenuesdansla chambrequi
avaient communiqué la maladie
aux troissergents.
La découverte du bacille de
Koch, survenant après les
expériences d'inoculation de la tuberculose par Villemin, a
donné corps à
l'opinion de la contagion de cette.maladie.
Les
agglomérations de phtisiques devinrent dès lors pour
quelques
médecins
unsujet de méfiance. Le Mont-Dore, qui
reçoit
chaque année
ungrand nombre de tuberculeux, fut
particulièrement attaqué. En voici la raison : un des moyens
de thérapeutique
thermale les plus employés dans cette sta¬
tion, l'inhalation
des
vapeursd'eau minérale, est pratiqué
en commun dans de vastes
salles,
partous les malades
atteints d'affectionsdes
voies respiratoires.
Dans un rapport
présenté à la Société médicale des hôpi¬
taux de Paris
(Gazette hebdom., 18 juillet 1884), M. Vallin
s'éleva contre cet usage
dans les termes suivants: « 11 va
sans direque
l'hygiène
nesaurait approuver le maintien de
salles communes
d'inhalation, qui existent encore dans cer¬
tainesstations fréquentées
surtout
parles tuberculeux, et
où malades etsuspects
respirent, crachent et éternuent au
milieud'une
atmosphère lourde, humide, dans une promis1
cuité
respiratoire regrettable.
»Le
principe infectieux
nepeut provenir que de l'air exhalé
par
les tuberculeux
oude leurs crachats. Or, l'haleine des
phtisiques
necontient pas de bacilles de la tuberculose (Sor-
mani), pas
plus
queles
gaz sedégageant d'une matière ani-
maie en
putréfaction n'entraînent
avec euxles microbes qui
détruisent celle-ci
(Miquel). M. le professeur Grancher¬
ra ftirmait à la Société de
médecine publique, le 24 mars
1886 : « La contagion de la
tuberculose
nepeut avoir lieu que
par
les crachats et
non parl'air expiré. J'ai fait à cet égard
de nombreuses expériences,
dont je donnerai
unjour com¬
munication à la Société. Sans
vouloir entrer aujourd'hui
dans le détail de ces expériences,
je puis néanmoins dire
dès à présent que
les animaux auxquels j'ai fait inhaler l'air
expiré par
des phtisiques n'ont jamais présenté aucune
lésion tuberculeuse »
(Revue d'hygiène, 20 avril 1886).
Ainsi se trouvent fausses les
idées émises auparavant par
d'autressavants
expérimentateurs français et étrangers.
En effet, enAngleterre,
M. Charley Smith (Bristish médical
journal, janvier 1883),
enfaisant respirer des phtisiques dans
des tubes fermésauxdeuxbouts par
des tampons de ouate,
a constaté laprésence
de nombreux bacilles caractéristiques
dansle tampon
correspondant à l'air expiré.
Et M. ThéodoreWilliams a trouvé ces
mêmes bacilles en
grandnombre dans l'air qui sortait des appareils de venti¬
lation de l'hôpital des
phtisiques à Brompton [Lancet, février
etjuillet 1883).
D'après M. G.
S,ée, la contagion atmosphériquedela phtisie,
c'est-à-dire la contagion
vraie, redoutée et redoutable,
inscrite au frontispice du
Congrès de la tuberculose, n'existe
pas : elle
doit être rayée des instructions populaires qui
avaient, par
suite d'une
graveerreur, d'une véritable hérésie,
affolé lepublic. M.
Sée rejette la contagion atmosphérique,
parce que,
dit-il, les bacilles ne peuvent vivre et se développer
dans l'air. Maison sait que
les
spores oules bacilles de la
tuberculose
peuvent séjourner dans l'atmosphère à l'état
latent, inerte, et que
c'est seulement quand, inspirés, ils
trou ventdesconditions
favorables qu'ils
sedéveloppent èt
pullulent. Des
expériences démontrent le fait de la présence
des bacilles dansl'air.
Dès 1867, Bergeret
(d'Arbois),
endésaccord avec l'école de
— 22 —
son époque, acceptait
l'idée de la contagion delà
tuberculose, puisqu'il cite desobservations probantes
et dont on peutretirer la proposition
suivante
:L'air
qui sort de la poitrinedes phtisiques est
le véhicule qui
transportel'élément
tuber¬culeuxdes corps malades aux corps sains.
Plus tard, en 1882, le Dr Corradi
(de Pavie)
donnait, au Congrès d'hygiènede Genève,
lecture des propositions sui¬vantes:
« 1° La croyance
à
lacontagion de la phtisie
ou consomp¬tion pulmonaire remonte à la plus
haute
antiquité. Elle s'estmaintenue à travers les siècles non seulement comme une
opinion
vulgaire, mais aussi
comme unedoctrine scien¬
tifique;
» 2° Dans la seconde moitié du siècledernier, cettecroyance arrive à son apogée : probablementparce que la maladie se montra avec une fréquence qu'elle
n'avait
pasencoreatteintedans lepassé. L'Etat, en plusieurs lieux, fut obligé d'inter¬
venir et de prendre des mesures dans l'intérêt de la santé publique, et dans le but
d'empêcher
ladiffusion
du contage phtisique;» 3° Aucontraire, dans la première moitié de notre siècle,
la doctrine de la contagiosité perdit du terrain, les recher¬
ches a-natomo-pathologiques ayant pris le devant sur les questions
écologiques;
» 4° Ce n'est que dans ces dernières années que la patho¬
logie expérimentalea repris la question eta tâché de donner
à la doctrine delà contagion l'appui des résultats de l'inocu¬
lation des produits tuberculeux;
» 5° L'hygiène doitserégler vis-à-vis do la phtisie comme
o
elle ferait pour une maladie suspecte, c'est-à-dire capable
de se communiquer ou de se transmettre sous certaines conditions. »
On a si bien compris cette contagiosité de la tuberculose,
qu'après
le Congrès de1891, le D1' Armaingaud(de
Bordeaux) prit l'initiative d'une œuvreutile: laLigue préventive
contre— 23 —
la tuberculose. Et leprofesseur
Verneuil, qui avait déjà créé
l'Œuvre de la tuberculose, n'hésita
à patronner cette philan¬
thropique
institution, qui pourtant n'était pas une nou¬
veauté.
LaLigue contre
la tuberculose est à la fois la conséquence
pratique
des récents progrès de la science, en ce qui con¬
cernel'étiologie et la
prophylaxie de la tuberculose, et le
complément
naturel delà lutte contre la scrofule, telle qu'elle
a été organisée par la
fondation d'hôpitaux marins et par la
vulgarisation de
l'hygiène.
Lebut de cette Ligue est
uniquement de distribuer des
instructions et de faire passer
dans la pratique les prescrip¬
tionsqu'elles
contiennent.
C'est un devoir pour nous,
médecins, de faire profiter sans
retardnossemblables de l'immense
lumière projetée
surles
causes jusque-là si
obscures de la tuberculose et sur les
moyens de
s'en défendre
parles découvertes de Villemin, de
Pasteur et deKoch.
Villemin démontre que la
tuberculose est une maladie
virulente, transmissible par
inoculation et contagieuse.
Pasteur prouve que
toutes les maladies virulentes et con¬
tagieuses sont la
conséquence de la pénétration d'un microbe
dans l'organisme
humain.
Koch fait connaître lebacille de la
tuberculose et prouve
que sa
culture peut reproduire à volonté la maladie.
Tout s'éclaire et s'explique
subitement. Si la tuberculose
est si fréquente et
multiplie chaque jour ses ravages, c'est
qu'elle est
contagieuse
:et si nous étions impuissants contre
sonextension,c'est que,
ignorant l'existence de cette conta¬
gion et ses différents
modes,
nousnousy exposions sans
méfiance et ne prenions
contre elle aucune précaution,
aucune mesurede défense. Par
contre, elle devient aujour¬
d'hui une maladie évitable, par
le fait même de
satransmis
sibilité.
4
CHAPITRE II
§ I. Contagion de la tuberculose dans les Hôpitaux. Maladies prédisposantes.
« A l'hôpital, dit M. Gui bout, ne
point placer à côté l'un de
l'autre deux phtisiques,l'un,
susceptible de guérison, l'autre
voué à une mort presque certaine.
Craindre
quel'influence
contagieuse exercée par cedernier n'aggrave l'état du
pre¬mier et ne neutralise par
conséquent
tousles
moyensde
traitement. Une personne saine peut
être contaminée
parle
voisinage d'un phtisique. »Et à la même époque, en 1866,M.
Moutard-Martin ajoutait
:« Il vaut en effet mieux, cela est de toute évidence, placer
deux phtisiques l'un à côté de l'autre, que
de placer à côté
d'un tuberculeux un malade non atteint de cette affection et de lui faire courir des chances de contagion. »
En effet, dans nos hôpitaux où les
poitrinaires toussent et
crachent lejour et la nuit, remplissant
l'air
deleurs émana¬
tions et les cours de leurs crachats, la transmission de la
tuberculose n'est-elle pas chose
possible? Est-il
unmédecin
àqui il ne soit pas
arrivé
de voir unmalheureux, entré dans
la salle commune pour une
affection chronique indifférente,
succomberrapidement à une
tuberculisation rapide? Tout le
monde a vu ces faits, mais il n'existe pas de
statistique
pro¬bante, et il ne saurait guère en exister, parce que
les
malades ne peuventpasêtre suivis assezlongtemps.
M. Debovereconnaît lui-même qu'ilest presque
impossible
— 25 —
dedémontrerrigoureusement
la contagion hospitalière de la
tuberculose. Cependant
il la juge très réelle.
Des maîtres, comme M.
François-Franck, ont affirmé que
la tuberculosea fait ses preuves
à l'hôpital
commemaladie
contagieuse.
D'autres, tels que
Jaccoud, Dumontpallier, ont nié la conta¬
gion
hospitalière.
« L'origine
hospitalière de la phtisie, dit Jaccoud, ne peut
jamais être
affirmée, puisque môme dans les cas d'une capa¬
cité démonstrative
exceptionnelle, cette origine peut être
seulement
soupçonnée,
sansqu'il soit possible d'aller au
delà. »
Al'appui desa
théorie, M. Jaccoud cite trois faits qui appor¬
tent à la contagiosité
hospitalière de la tuberculose
une importantecontribution
: carils permettent de montrer
toute la complexité
du problème, et d'établir
parsuite la
constante incertitude de l'origine
hospitalière de la phtisie,
même dans les conditions les plus
significatives
en appa¬rence.
Ils'agit de trois cas,
dans lesquéls la phtisie pulmonaire
semble tout d'abord
pouvoir être attribuée,
sansréserve
aucune, à uneinfection
hospitalière
:et pourtant devant
une analyserigoureuse,la certitude s'efface, remplacée par une
simplepossibilité.C'est qu'en effet on ne
peut prétendre ici à l'évidence fla¬
grante del'infection
expérimentale. On le peut d'autant moins
queles bacilles
tuberculeux peuvent rester pendant un temps
indéterminé des hôtes silencieux de notre
organisme, de
sorte que la source
et la date de la pénétration infectante
peuventtoujours être
discutées.
Les trois cas concernent des hommes robustes, sans
aucunantécédentindividuel ou héréditaire
suspect, et qui
étaienten parfaite
santé lorsqu'ils ont subi l'agression trau-
matique,un
traumatisme thoracique.L'autopsie
adémontré,
indépendamment
des lésions de la tuberculose récente, l'ab¬
sence de toutfoyer
tuberculeux ancien ayant
pudonner lieu
à l'auto-infection.
- 26 -
Pourquoi ces hommes robustes, de 35, 48 et 55ans, sont-ils devenus tuberculeux ?
Où ces hommes ont-ilspris les bacilles qui ont amené la
tuberculose secondaire ?
Trois
réponses
sont possibles.Première : ils les ont pris à l'hôpital où ils sont venus se faire soigner des suites immédiates de leur trauma¬
tisme.
Deuxième : ilsles ont pris en eux-mêmes; ils les portaient
sans dommage, depuis un temps quelconque, dans leur
propreorganisme, et la maladie traumatique, agissant pour ainsi dire à la manière de la tuberculine, a fait passer
les
bacilles de l'état d'inertie à l'étatd'activité.
Troisième
réponse,
applicable aux deux derniers malades seulement, rentrés deux fois à l'hôpital : ils ont. pris les bacil¬les au dehors, dans l'intervallequi a séparéles deux séjours
à l'hôpital.
Entre ces trois interprétations qui épuisent le sujet, pasde
sélection exclusive possible : elles
présentent
respectivementla même sommede
probabilités
; par suite, et malgréla
pré¬cision des faits, la provenance du bacille reste douteuse,
comme elle est invariablement douteuse dans tous les cas de ce genre.
Intégrité héréditaire et individuelle du malade, absence
de
toutcaractère suspectdans la maladie qui
nécessite le séjour
à l'hôpital. Observation suivie qui
permette de constater le
remplacement d'unephase
nonbacillaire
par unephase
bacillaire.Autopsie complète,
démontrant, indépendamment
deslésions de la tuberculose récente, l'absence de tout foyer
tuberculeux ancien ayant pu donner lieu
à l'auto-infection.
Voilà en effet lesconditions nécessaires qui autorisent
réel¬
lementle soupçon de l'infection
hospitalière.
On dira quela contagion
hospitalière n'est
pasdémontrée.
Pour qu'elle le
fût,
il faudraitsavoir si, à
sonentrée et à
sa sortie, un malade est tuberculeux ou non. La chose estbien
difficile à décider, vu le nombre des phtisies latentes.
Il fau-
draitpouvoir faire une
injection
detuberculine
auxmalades
à leur entrée et à leur sortie, etvoir s'ils réagissent; maisce
procédé n'est guère applicable,
parce quela tuberculine
n'est pas démontrée
inoffensive,
etd'ailleurs la tuberculine
nesaurait déceler la tuberculose tout à faitau début.
A cette objection, nous
répondrons
parl'opinion de
M. Terrier, admettant
la contagion hospitalière de la tuber¬
culose.
La tuberculose est une affection essentiellement conta¬
gieuse: seulementcette
contagion n'est
pasimmédiatement
tangible, les
malades,contaminés pendant leur séjour à l'hô¬
pital, ne deviennent
manifestement tuberculeux qu'au bout
d'un temps plus ou
moins long, temps pendant lequel ils
échappentà l'observation du
médecin. De là,dit-on,l'absence
de preuves mathématiques
de la contagion,
ce que nous contestons absolument. Si, eneffet, les malades nesont
pas suivis, sontperdus de vue,il n'en est plus de même de
ceux qui les soignent,qui viventenquelque sorte
avec eux,à leur
contact, nousvoulons parler des
infirmiers, infirmières, des
surveillants, orleur
mortalité
parla tuberculose est consi¬
dérable.
La contagion est aussi démontrée par
le trop grand
nom¬bred'élèvesqui deviennent
tuberculeux. En général,
cesont
les meilleurs élèves, ceux dont le service est
parfait, qui
res¬tent longtemps dans les
salles, près des malades, où ils s'in¬
fectent.
Tout le monde connaît l'importancedes
poussières dans le
transport de la tuberculose.Or,dansles hôpitaux, la produc¬
tion des
poussières
estgénérale.
Lesmalades crachent
par¬tout. Gommentalors éviter la contagion ?
D'ailleurs, consultons les statistiques et
les opinions diver¬
sesémises à ce sujet.
M. Leudet
(de Rouen)
atenté de résoudre le problème. Les
malades admis dans les hôpitaux pour des
maladies étran¬
gères à la tuberculose y contractent-ils
fréquemment cette
maladie ?
— 28 — •
Les recherchesqu'a faites
Leudet ont porté
:1 Sur la fré¬
quence
du développement de la tuberculose chez les indivi¬
dus admis à l'hôpital pour
d'autres affections; 2° Sur le
genre
d'affection dont étaient atteints antérieurement les
individus soignés dans les
salles, et qui sont devenus ulté-
rieurement tuherculeux.
Les matériaux propres
à résoudre cette question ont été
recueillis à l'I-Iôtel-Dieu de Rouen, dans une
division médi¬
cale consacrée àrenseignement clinique.
Cette division,
ousont reçus
des malades de 12 à 60
ansdes deux sexes, a eu
annexée,pendant
vingt
ans,unesa11ed'ônfants des deux sexes.
Les salles ont toutesun cubage d'air
considérable et sont
aérées surtout par
de nombreuses fenêtres. Les malades appartiennent
engrande partie
auxouvriers de l'industrie,
aux travaux du port
maritime. Ces derniers appartenant à
unepopulation
nomade,
sansprofession, sont en grand nom¬
bre alcooliques,
misérables, et couchent dans des réduits
infects et peu aérés.
Ils présentent donc les plus mauvaises prédispositions à la tuberculose.
Les malades qui
fréquentent
noshôpitaux
nesont-ils
pas presquetous dans les mêmes conditions ?
Les matériaux servant de base à ces
recherches sont les
observations écrites de 16.094 malades
adultes de 12 à 60
ans, recueillies dans le même service.Deces 16.094malades, 13.466 sont
entrés
uneseule fois.
2.628 individus sont rentrés plusieurs
fois. Le nombre des
entrées variait de 2 à 29. On pourra se
faire
uneidée de la
fréquencede
cesadmissions multiples du même malade, en
rapportantque480 individus sont entrés trois fois : 188, qua¬
tre fois, etc.
L'espace de temps pendant lequel
cesindividus
ont étéobservés a varié de 1 à 30 ans. 11 a
été de
3 ans pour 345individus, de 19 pour 27, etc.Pendantcette
période de 30
ans,le nombre des malades
atteintsde tuberculose pulmonaire,
relativement
aunombre
total des individusadmis, a été de
2.813
sur16.094,
oude
17,4 0/0.