R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
E. L E R OY L ADURIE
La méthode historique et le climat (conférence)
Revue de statistique appliquée, tome 12, n
o2 (1964), p. 53-70
< http://www.numdam.org/item?id=RSA_1964__12_2_53_0 >
© Société française de statistique, 1964, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Revue de statistique appliquée » ( http://www.
sfds.asso.fr/publicat/rsa.htm ) implique l’accord avec les conditions générales d’uti- lisation ( http://www.numdam.org/conditions ). Toute utilisation commerciale ou im- pression systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou im- pression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
http://www.numdam.org/
53
LA MÉTHODE HISTORIQUE ET LE CLIMAT
(Conférence)
E. LE ROY LADURIE Ecole Pratique des Hautes Études
Il existe une méthode
simple
etrapide qui permet
de se faire une idée du climatouest-européen depuis
le XVIe siècle. Cetteméthode,
con-nue
depuis
troisquarts
de siècle enFrance,
est fondée sur l’étude et la connaissance des dates de fructification desvégétaux.
C’est
la méthode dite"phénologique".
Leprincipe
en est très sim-ple :
la date de maturité des fruits est fonction pour l’essentiel des tem-pératures
reçues par laplante
entre laformation
desbourgeons
et l’a-chèvement
complet
de la fructification. Plus cettepériode
a été chaude etensoleillée, plus
lamaturité,
-donc larécolte,
s’ils’agit
d’uneplante cultivée, -
estrapide
etprécoce. Inversement,
si ces mois de lavégé-
tation ont été
froids, nuageux,
peulumineux,
la maturité et la récolteseront tardives. Il existe une corrélation
étroite,
et vérifie avecpréci- sion,
sur ungrand
nombre devégétaux,
entre les sommes detempéra-
tures des
périodes végétatives
et les dates de floraison et de fructifica-tion,
datesqui
s’avèrent ainsi deprécieux
indicateursclimatologiques.
A vrai
dire,
pour unhistorien,
lechamp
des recherches dans cedomaine est immédiatement très limité :
l’ancien régime
ne nous aguère
laissé de documents sur les dates annuelles de floraison des lilas et des
roses... Il est une seule date que bien des
registres
de délibérations oudepolice municipale
notent fidèlementchaque année, c’est
celle des ven-danges, lorsque
celles-ci sontréglées
par un ban. Cettedate,
fixée par desexperts
nommés par la communauté urbaine ouvillageoise,
est évi-demment fonction de la maturité du raisin et constitue de ce fait un bon indicateur de la
météorologie
moyenne de l’année pour lapériode
de vé-gétation,
de mars-avril àseptembre-octobre. "Les
raisins sont assezmûrs et même par endroits
sèchent",
écrivent le 25septembre
1674 lesexperts, "juges
de lamaturité
duraisin"
et les neufprud’hommes
nom-més par la communauté de
Montpellier.
Et de fixer lavendange "à demain"
et la
première cuvée "comptée
dejeudi prochain
27 du courant... una-nimement
conclu". "Les
raisins sont àmaturité",
déclarent le 12 sep- tembre 1718 lesexperts
de Lunelqui
fixent lavendange
au 19septembre
et leur avis
rejoint
ceuxexprimés
par toutel’Europe viticole, puisque
cette année
1718,
duLanguedoc
à la ForêtNoire,
lesvendanges
furentparticulièrement précoces.
Naturellement,
des facteurs d’ordreéconomique
et social interfèrentavec les facteurs
purement climatiques
dans la fixation du ban des ven-Revue de Statistique Appliquée. 1964 - Vol. XII - N’ 2
54
danges.
EnBourgogne,
au début du XIXesiècle,
lespropriétaires
devignes fines,
engénéral
aisés etcapables
deprendre
desrisques,
re-cherchent la
qualité
etpréfèrent
lesvendanges
tardives. Lesproprié-
taires des
vignes
communess’inquiètent
assez peu de laqualité
de leurvin et cherchent à
vendanger
tôt. D’autrepart, l’époque
de la maturité du raisin varie suivant lescépages. Malgré
ces facteurs"parasitaires",
Garnier a pu montrer
qu’il
existe une concordanceexcellente,
sinon unecorrélation
parfaite,
entre la courbephénologique
desvendanges
d’Ar-genteuil,
deDijon
et deVolnay
au XIXe siècle et lestempératures
moyennes
d’avril
àseptembre
des annéescorrespondantes,
tellesqu’elles
furent relevées par l’observatoire de Paris
(graphique 1).
Graphique
1 - Dates devendanges
ettempératures (moyennes
mobilesquinquen- nales).
Nota : pour
permettre
unecomparaison
avec la courbephénologique A,
la courbe destempératures
T a été inversée.Source : W. M.
Garnier, "Contribution
de laPhénologie
à l’étude des variationsclimatiques".
Le
graphique permet d’affirmer
leprincipe
suivant :vendanges pré-
coces, année
chaude ; vendanges tardives,
annéefroide,
ouplus
exac-tement
période végétative
froide. Onconçoit
l’immense intérêt quepré-
sente la connaissance des dates de
vendanges
pour lespériodes
sur les-quelles
nous n’avons pas de séries continues d’observations detempérature,
et en
particulier
pour le XVIIe siècleeuropéen,
à laclimatologie
si con-troversée parce que si mal connue.
La source à peu
près unique
pour la connaissance des dates de ven-danges
reste legrand
articled’Angot qui
a centralisé les résultats d’uneenquête
nationale(et
mêmeeuropéenne)
faite par le bureau central mé-téorologique
de France vers1883 ;
pour le XVIIIe et le XIXesiècle,
de très nombreuses stations viticoles ont livréd’abondants renseignements
à
Angot.
Pour le XVIIe et la fin du XVIesiècle, Dijon, Salins,
Kürnbach(Forêt Noire), Lausanne, Lavaux,
Aubonne(Suisse)
ont donné des séries à peuprès
sans lacunes de dates devendanges.
Les séries deDijon, Salins,
Lausanne remontent au début du XVIesiècle,
avec des lacunes.Celle de
Dijon
au XIVe siècle. Résumons : les donnéesphénologiques
sont
surabondantes
pour le XIXesiècle,
extrêmement fournies pour leXVIIIe,
suffisantes pour leXVIIe, trop
raresauparavant.
Au terme de son
enquête, Angot
a conclu -commeaujourd’hui
lesdendroclimatologistes
américains- à la stabilité du climatfrançais
etouest-européen
du XVIe siècle à nosjours. Cependant, n’étant
pas his- torien et seulementmétéorologiste,
il nes’intéressa qu’à
cette idée destabilité et n’étudia pas les fluctuations pour elles-mêmes : c’est sur ces fluctuations que nous voudrions attirer
l’attention (graphique 2).
Revue de Statistique Appliquée. 1964 - Vol. XII - N’ 2
55
Le
graphique
construit par nousd’après
les donnéespubliées
parAngot, présente
en ordonnée les dates devendagnes comptées
àpartir
du 1er
septembre
d’un certain nombre de villes oulocalités,
toutes com-prises
entreAlpes,
Forêt Noire et MassifCentral ;
en abscisses lestemps (de
1600 à1800).
On y note tout
d’abord l’excellente,
-sinontotale, -
concordance an-nuelle
qui
sefait jour
entre les courbesdiverses ;
ainsi l’année1675,
où les
vendanges
sont universellement etremarquablement
tardives dans toutel’Europe,
de la Forêt Noire auLanguedoc.
L’été y fut effective- ment trèsfroid,
et Mme deSévigné
écrit à safille,
alors en Provence :"Il
fait un froidhorrible,
nous nous chauffons et vousaussi,
cequi
estune bien
plus grande merveille" (28 juin 1675) ;
le 3juillet
lamarquise
note à nouveau
"un
froidétrange" ;
enplein été,
le 24juillet 1675,
en-core :
"Vous
avec donctoujoursvotre
bise. Ah ! t mafille, qu’elle
estennuyeuse ! "
et de se demander"si le procédé
du soleil et des saisons étaitchangé".
Demême,
l’année1725, qui
futmarquée
par une nébulo- sité et despluies
continuespendant
toutl’été,
et par un formidable en-chérissement des
grains
dont laplupart pourrirent
surpied
dans leschamps,
estremarquable
par sesvendanges partout
très tardives. Inver-sement, l’année 1718,
dont leprintemps
et l’été furent très secs et trèschauds,
où les fontaines et lespuits s’assécèrent,
où le foin manqua dans tout leLanguedoc,
sesignale
sur legraphique
par sesvendanges
universellement
précoces.
Demême, l’année 1636,
année de trèsgrande sécheresse, l’année 1645,
année belle etchaude,
année d’un fort beauvin,
d’un"vin furieux".
La concordance
apparaît également
bonne entre nos diverses loca-lités dans les
périodes courtes,
entre 2 ou 3 ans et 10 ou 15 ans. Des sé-- ries d’années(ou plus
exactement depériodes végétatives) particulière-
ment chaudes
apparaissent
defaçon
lisible sur nosgraphiques : 1635-1639 ; 1680-1686 ; 1704-1710 ;
1718-1719(deux
étés desplus
chauds et desplus
secs du XVIIIe
siècle) ; 1726-1728 ;
et aussi1757-1762,
enfin 1777-1785.Ces dernières années
particulièrement
chaudes etsèches, s’accompagnent
d’une
surproduction
et d’une mévente du vin et desgrains.
Inversement,
notons des séries depériodes végétatives
froides : legraphique
confirme que la France a connu entre 1639 et 1643 et à nou-veau entre 1646 et 1650 une série d’étés froids et humides
qui
se révé-lèrent
catastrophiques
pour laproduction
desgrains.
Se fondant sur unedocumentation
purement traditionnelle, Roupnel
note lui aussi :"Après
1646 au
contraire,
on rencontre une succession d’annéeshumides,
avec desprintemps glacés
et des étésorageux qui
détruisentpartout
les ré- coltesdéjà
fort insuffisantes de ces pays(la Bourgogne) dépeuplés
etruinés".
Cequi
confirme la courbephénologique.
Ilajoute
une réflexiond’ordre
général : "Il
sera certes intéressant de déterminer unjour
lecaractère de ces
périodes
humides. Au XVIIesiècle,
l’excédent despré- cipitations atmosphériques
estdonné, semble-t-il,
par lespluies d’été,
c’est-à-dire par les orages de
juin
etjuillet. Actuellement,
lesplantes fourragères
en bénéficient et l’annéepluvieuse apporte
ainsi souvent le bien-être au cultivateur. Dans levignoble,
elle restetoujours
un désastre.Revue de Statistique Appliquée. 1964 - Vol, XII - N’ 2
56
Graphique
2 : Lesvendanges
aux XVIIe et XVIIIe siècles.Les courbes et la moyenne
générale
ont été construitesd’après
les chiffresd’Angot. Quelques
datesmanquantes
ont étéinterpolées, lorsque
c’étaitpossible
à
partir
de courbes concordantesprovenant
de localités voisines.Pour
permettre
lacomparaison
avec les fluctuationsagricoles,
nous avonsfait
figurer,
en bas de cetableau,
la courbe desprix
du blé au XVIII’siècle,
due à M. Labrousse(Esquisse,
p.98).
Revue de Statistique Appliquée. 1964 - Vol. XII - N’ 2
57
Revue de Statistique Appliquée. 1964 - Vol. XII - N’ 2
58
Mais,
dans laBourgogne
du XVIIesiècle, l’année
sèche était mieux ac-cueillie de nos anciens que de nous. Au
contraire,
l’annéepluvieuse,
avecses orages et ses
grêles,
entraînait souvent la destruction descéréales qui
étaient alors la culture essentielle et la ressource presqueunique
del’alimentation".
Il n’hésite pas à écrire encore :"Six
annéespluvieuses,
de 1646 à
1652, provoquent
auprintemps
de 1652 une terriblemisère".
Après
deuxpointes
très violentes en1673,
et surtout1675,
on netrouve réellement une "série
noire"
d’années très froidesqu’à
l’extrêmefin du XVIIe
siècle,
entre 1687 et 1704.Presque partout,
lesvendanges
de 1692 et 1698 sont les
plus
tardives connues entre 1675 et1725 ;
et dans cette mêmedécennie,
à Salins comme àDijon,
iln’y
a pas de ven-danges précoces comparables
à celles de1684,
1686 ou 1718. On connaîtdéjà
l’effetcatastrophique
de l’hiver de 1693 sur l’économieeuropéenne.
On sait moins sans doute que c’est l’ensemble des années 1690
qui
ontété
marquées, quant
à lapériode végétative,
par un déficitthermique prolongé,
déficitqui,
dans les pays de laBaltique, grands
fournisseurs decéréales,
a dûretarder, entraver, parfois
mêmeempêcher complè-
tement la maturation des
"bleds".
Ainsid’éclaireraient,
-au moins enpartie, -
les difficultéspersistantes d’approvisionnement
engrains,
no-tamment dans les pays du Nord à cette
époque,
les cours élevés des cé-réales,
et les émeutes de subsistancesgénérales
dans toutel’Europe
etjusqu’en Sibérie, pendant
toutes cesannées :
émeutes et difficultés que le seul hiver de 1693 et les guerres ne suffisent pas àexpliquer.
Après
une accalmie(1704-1710),
une nouvelle série d’années froides s’ouvre entre 1710 et 1717 : autotal,
lapériode
1687-1717 semble avoir étéparticulièrement
desservie par leclimat, puisque,
outre les deuxlongues
séries d’années froides que nous venonsd’énumérer,
elle aessuyé
les deux hiverscatastrophiques
de 1693 et 1709.Le hasard a voulu que la seconde
partie
durègne
de Louis XIV aitconnu diverses
périodes d’adversité climatique
--. une telle situationn’est
sans doute pas entièrement
étrangère
auxdifficultés
de subsistances de la"crise
de la fin durègne".
Par lasuite,
les"périodes froides"
lesplus remarquables
se situent entre 1740 et1752,
autour de1770,
enfinen 1785-1789. Là encore, la
comparaison
instituée avec la courbe desprix
du blé au XVIIIesiècle, d’après
E.Labrousse, indique
que cespériodes
froidess’accompagnent
assez souvent de la cherté des blés et des difficultés de subsistances. Apartir
de1765,
cette amorce de cor- rélation entre sérieéconomique
et sériephénologique
se transforme en unparallélisme
assezétroit ;
les vagues de hautsprix
et de basprix,
de
surproduction
et de déficit des récoltes coïncident assez exactementavec les séries d’années froides autour de 1770 et d’années chaudes au-
tour de 1780. Cela tient sans doute au
fait,
très net sur notrecourbe,
que ces
épisodes météorologiques
des années 1770 et 1780 ont été beau-coup
plus groupés, beaucoup plus marqués
et tranchés que lesépisodes analogues
dans lapériode
antérieure du XVIIIe siècle etqu’ils
ont dupeser ainsi d’un
poids beaucoup plus
lourd sur l’économieagricole.
Laproduction
céréalière sur leplateau Central,
parexemple,
a durementressenti ces années
froides ;
entre 1767 et1773,
le blé du Causse fait à peuprès
défaut sur le marché de Montauban.Inversement,
la criseRevue de Statistique Appliquée. 1964 - Vol, XII - N’ 2
59
de
surproduction
viticole de 1777-1785 a étéaggravée
par les succes-sions de
printemps
doux et d’étés chauds et secs que révèle notre gra-phique.
Jusqu’ici
les conclusionsqu’on peut
tirer de laphénologie
ouest-européenne rejoignent
celles inférées de ladendroclimatologie
ouest-américaine,
du moins pour lapériode postérieure
au XVIe siècle :pri-
mauté desfluctuations décennales (la plus remarquable étant
la variation froide de1687-1704) ;
existance assezplausible
de fluctuations interdé-cennales, qui s’ordonneraient
ainsi(voir graphique =
moyennegénérale),
pour les
plus
nettesd’entre
elles :Série
d’étés
et deprintemps
dansl’ensemble
Chauds Frais
1651-1687 1687-1717
1717-1739 1739-1758
A l’échelle interdécennale le lien avec la
conjoncture agricole
etpar la même avec la
conjoncture générale
restevraisemblable,
en par- ticulier sous LouisXIV ;
pour le froment de la Brie et pour leseigle
des pays du
Nord,
le tournant de 1687 est décisif : Jean Meuvret a bien montréqu’à
unepériode
de basprix
et desurproduction (toute relative)
de céréales
qui
durait pour le moinsdepuis 1661,
succède àpartir
de1685-1690
jusque
vers 1715 unelongue période
de difficultés de subsis- tance et de hautsprix : printemps
et étésplus frais,
céréalesplus
rareset
plus
chères ? Notonsenfin,
sur nosgraphiques,
l’absence totale depériodicité régulière :
est-il besoin dedire,
eneffet,
que lecycle
so-laire n’exerce pas d’influence visible sur les courbes
phénologiques ?
Intéressons-nous maintenant à l’histoire des
glaciers
àpartir
duXVIIe
siècle, puisque
aussi bien la sérieglaciologique européenne
débutepar la
grande
crueglaciaire
desAlpes,
dont le paroxysme se situe en1599-1602 ;
c’est lapremière,
en tout cas, surlaquelle
existe une chro-nologie
solidement établie : elle estparticulièrement
favorable à l’obser-vation : d’une
part
le paroxysme en estremarquablement
net etsynchrone
dans les Massifs du
Mont-Blanc,
de Suisse et duTyrol ;
d’autrepart
lesantécédents,
lesprogressions
des frontsglaciaires qui
l’ontprécé- dée,
se laissent facilement étudier.Dans les
Alpes Suisses,
la côte d’alerte semble atteinte en 1588avec une forte crue du
glacier
de Grindelwald et en 1589 dans le groupe desglaciers
de Mattmark où un lac s’est créé par l’avance duglacier
d’Allain à la suite du
barrage
d’unevallée
latérale : le lac rompu dèsl’été 1589,
aravagé
toutl’aval.
En
1594-1596,
nous trouvons de nouveaux et nombreuxsymptômes d’avance :
lesglaciers
de Grindelwald sont très étendus cesannées-là ;
Revue de Statistique Appliquée. 1964 - Vol, XII - N’ 2
60
celui de
Gietroz,
dans lesAlpes Pennines,
obstrue lethalweg
de laDranse dont il est
aujourd’hui
trèséloigné ;
celui duMiage, près
deC ourmayeur,
courpe unvallon,
transformé aussitôt en lac.Le sommet de la courbe est atteint en 1599-1600 :
l’ampleur
desdégâts subis,
lavariété géographique,
la simultanéité desdifférents
té-moignages,
suffisent àl’indiquer.
Référons-nous toutd’abord
aux témoi-gnages
chamoniards :"Dès
lareformation
destailles, c’est-à-dire
dès 1600 lesélassters, rivière d’Arve
et autres torrens ontruyné
et~asté
cent nonantecinq jornaulx
de terre en divers endroictz de la dicte parroesse
(Chamonix)
etparticutiè-
rement nonante
jornaulx
et douze maisons ru~nes auvillage
du Chastellard au-quel
n’estresté
que la douziemepartie
duterroir,
leuittai~e
de Bois desha-bitté à
cause desilassiers ;
auuitlai~e
de laRozière
etArgentier sept
mai- sonscouvertes des susd.élassiers,
dont leravatée
continue etfaict
dejour à aul tre pro~rès...
deux autres maisonsruynés
auvillatée
de la Bonneville...à Z’occasion
desd. ruynes la cense du disme estgrandement diminuée".
Texte on ne
peut plus net,
par saprécision topographique,
-les lo-calités atteintes sont
aujourd’hui
àplus
d’un kilomètre des frontsgla- ciaires, -
par ses indicationschronologiques,
-la crue, dès1600,
étaitcatastrophique, - enfin,
par la minutie des détails : leglacier n’agit
passeulement
par lesinondations,
les chutes deséracs,
il recouvre de sesmoraines ou de sa masse
sept maisons, - sept
maisons dont onignore
ladate de
construction,
mais dont onpeut
supposer, avec lesglaciologues qui
ont commenté cestextes,
que lesbâtisseurs,
forts d’une tradition pour le moinsséculaire,
les avaient crues àl’abri
de telles incursions.Même
renseignements
donnés sur les deuxglaciers
de Grindelwalden 1600 : celui
"d’en bas"
traverse unevallée
latérale et y formebar-
rage. Sur le sol dévasté parl’inondation, quatre maisons,
de nombreusesgranges
sont évacuées. La mêmeannée,
l’autreglacier
dumassif,
celui"d’en haut" "occupe l’emplacement"
de deux maisons et decinq granges.
C’est seulement en 1602 que le
glacier
d’en bas amorce unléger
retrait.Au
Tyrol,
mêmetémoignage :
dès1599,
le front duglacier
deVernagt,
dans la haute vallée del’Otzt,
a tellementprogressé , qu’il
barre la vallée
latérale
de laRofen,
yprovoquant
laformation
d’unlac qui
noiequantité
d’excellentesprairies :
larupture
momentanée du bar-rage,
à la Pentecôte de1600, déclenche
unebrusque vidange
du lacqui ravage
leschamps,
les chemins et lesponts
de l’Otztal.Cette
grande poussée
de 1599-1602 apeut-être
été suivie d’unléger
reflux. En tout cas, dès 1608-1610 se
produit
une nouvelle crue, aussicatastrophique
que laprécédente :
-.signalée
par les documents de Grin-delwald,
etégalement
trèsmarquée
dans la vallée de Chamonix.De 1610 à
1641,
les archives deChamonix,
ou cequ’il
enreste,
ne mentionnent
plus
de désastrecomparable
à ceux du début du siècle.Les
glaciers alpins, malgré
un certainrecul,
ont dûpourtant
resterplus
volumineux et
menaçants qu’aujourd’hui :
en 1616 encore, la Mer deRevue de Statistique Appliquée. 1964 - Vol. XII - N’ 2
61
Glace
"joint"
les ruines duhameau
deChâtelard,
leglacier d’Argentière
"joint"
les maisons de laRosière,
dont degrands
bois etplus
d’un ki-lomètre à vol
d’oiseau,
leséparent aujourd’hui.
En1620,
lesglaciers
de Grindelwald sont
proches
de leurs maxima récents. La crue perma-nente du
glacier d’Allalin conduit,
à deuxreprises
aumoins,
à la for- mation d’un lac debarrage ; quand
la fusion estivale et lepoids
de l’eauretenue font céder la
glace,
elle est suivie de l’inévitabledébâcle,
en1620 et
1633.
En1629-30,
et en1640,
des"vidanges" analogues
ont lieudans le val
d’Aoste, provoquées
par le lactemporaire
que crée le mou- vement en avant duglacier
duMiage.
C’est
donc,
àpartir
depositions
très avancéesdéjà,
que lesgla-
ciers entre 1640 et 1643 ont donné le nouvel
assaut, qui submerge,
commeau début du XVIIe
siècle,
les terroirs lesplus exposés.
Dès
1641,
les frontsglaciaires
du Massif du Mont Blanc sontproches
desvillages
desBois,
deTour, d’Argentière
et desBossons ;
en
1644,
ilss’y
trouvent encore. Des trombes d’eau en descendentpé- riodiquement
avec la bellesaison ;
ellesanéantissent
un hameau entieren
juin 1641 ;
en 1643 lasupplique
des Chamoniards à Hélias de Cham-prond,
auditeur en la Chambre descomptes
affirme très nettement la descente desglaciers "supplient
de volloir bienprocéder à
la sommai re ap-prise
d’autrespartes, ravages,
et inondationsfaites fraichement
en la dite paroesse.Supplient
deconsidérer
et voir que les ditesélacters
menacent laperte entière
de ladite paroesse pour estre descendus du haut desmontagnes
en bas etproches
des maisons et terres d’icelle paroesse, abbordans par succession detemps
les dites terres ce que tiennent lessuppléants
en une extrême ap-préhension
pour estre a toute heure endanger
depérir".
Un
"Rapport
desPrud’hommes"
de Chamonix du 28 mai 1642 estplus
net encore."Oultre que ledit
racler appelé
des Bois... vaavançant
dejour à
aul-tre,
et mesmedès
le mois d’Aoust deplus
d’unemousquetade à
l’encontre du dictterritoire,
et s’il vientà
continuerquatre années
enfaisant
de mesmeil court
fortune
defaire périr entièrement
lad. dismerie.Ayant
mesme out direqu’il y
avaitquelques malefices
parmy les dictzilacters,
et que les commu-niers,
lesRoiattons passées, y furent
enprocession, a f in d’implorer l’ayde
de Dieu pour les preserver et
garantir
dudictpéril.
Etquant à
la dismerie de laRozière,
disent avoir veu quauvitta~e
du Tour, il survinct une lavanche deneige
etglace
environ le mois de Janvier en l’année mit six centquarante deux, laquelle emportat
deux maisons etquatre
vaches et huit brebisparmi
les-quelles
il t se treuvat unefille
sans aucun mal t quoyqve elle eust demeure soubz lesneiges
unjour
etdemy ainsy qu’ils
ont ouy dire nyayant
aprésent
que les masures depierre
desdictes deuxmaisons, lesquelles
iln’y
a environ que deux ansqu’ils
lesavoyent
veu en estat... Estant aussiled, village
du Tourfort menacé
duélacter
dict du Tourduquel
sort laditerivière d’Arve, lequel
vagrandement avançant,
ets’estar~issant
sur le territoire : et le dict lieu de laRozière
par leglacier
del’Aréentière
quy est leplus grand
detous,
etqui
vagrandement avançant,
endanger d’emporter
le dictvillage,
en sorte queRevue de Statistique Appliquée. 1964 - Vol. XII - N’ 2
Graphique
3 : Lalongue
durée : lesglaciers
de Savoieà
gauche,
évolution de chacun desglaciers ;
àdroite,
évolution desglaciers,
Sources :
Mougin, op. ci t.,
, p.14, 17, 36, 48, 56,
58.Revue de Statistique Appliquée. 1964 - Vol. XII - N’ 2
Pour éviter d’embrouiller le
graphique
dedroite,
onn’y
a retenu que lespointes caractéristiques
des courbes individuelles dechaque glacier,
données en détail àgauche .
Les
temps
sont donnés en abscisses ; enordonnées,
lespositions
des frontsgla- ciaires,
celles-ci avaient été calculées parMougin
en distanceshorizontales,
àpartir
delignes
conventionnelles situées en arrière de lapointe
dechaque glacier,
dans saposi-
tion de1911,
et à une distance variable de celle-ci.En vue de rendre
possible
lacomparaison
entre les évolutions des diversglaciers ,
toutes ces distances ont été ramenées à une
ligne imaginaire (point 0)
située à 100 m en amont du minimumhistorique
connu dechaque glacier,
dans lapériode envisagée. L’in-
dic.e 100
représente
le maximumhistorique
connu. La valeur de l’écart 0-100 est de 1600 mpour la mer de
Glace,
de 1700 m pour le Glacier desBossons,
1340 m pour leglacier
des sources de l’Arc. De 1800 m pour leglacier
duTour,
1400 m pour leglacier
deGébroulaz,
1150 m pour leglacier d’Argentière.
La
période
1850-1860sépare
nettement 2époques :
marée haute avant, marée descen- dante ensuite(qui
continuerait à descendreaprès 1911,
si les séries étaientprolongées).
N. B. cf.
graphique analogue,
pour lesglaciers d’Islande,
dans Thorarinsson,1943,
article cité.
Revue de Statistique Appliquée. 1964 - Vol. XII - N’ 2
64
les avalanches
qui
dessendent et tombent par dessus le dictglacier approchent
de
jour à
aultre deplus
enplus
le dict territoire etemporte
lesprès
et leschamps qui y
sontlabourables, lesquels
ne sensemencent quedavoyne
etquelque
peu
d’orbe
demeure laplupart
des saisons soubz lesneiges,
si bienqu’ils
nentirent de trois ans uneprise entière,
et encore legrain qu’ils
cullientpourri t
parapprès
et ny a quequel~ques
pauvresgens
quy enmangent
et pour semer ilfaut quordinairement
ils en allentachpter daultre,
etauroyent pris
éarde que les personnes y sont si mal nourriesqu’ils
sont noirs etaffreux
et ne semblent que
lanfuissants"...
En
1644,
leglacier
des Bois est descendu sibas, qu’on
se demandes’il ne va pas obstruer le cours de l’Arve. Le
coadjuteur
deGenève ,
Charles de
Sales,
neveu de saintFrançois, appelé d’urgence,
bénit lesglaciers. Ceux-ci,
par lasuite,
se retirent lentementjusqu’en
1663 :"depuis vingt cinq
ans lesglaciers
sontdescendus,
etfont
un notableravage
etjusques
cela que cellui desBoys
a de si presapproché
larivière
d’Arveque dans
l’appréhension qu’ont
euqu’il
ne bouchat son cours et par ce moyen inondat parforme
de lac oudestan~
le dessus ont heu recours àXonsei~neur
deGenève,
l’hors evesqued’Ebron, afin
d’exorciser les dictsglaciers, lesquelz
dedespuis il
1 sontretirés
de peuà
peu :mais,
ontlaissé
la terrequ’ils
oc-cupaient
sistérile
etbruslé
quedepuis
il ny est creu ny herbe ny aultre chose".Cependant
ce retrait n’a pas dû être aussi immédiat queparaissent
le
suggérer
les textes chamoniards : en1646,
une débâcle lacustre signale
la cruepersistante
duglacier
deMiage ;
en1653,
les riverains serendent en
procession près
duglacier d’Aletsch,
dont lesprogrès
sèmentla
panique.
Le raz de maréeglaciaire
des années 1640n’a
donc reflué vraimentqu’après 1653.
Et ce reflux lui-même n’a pas été bienimpor-
tant
puisqu’en 1664, l’évêque
deGenève,
Jean d’Arenthon est derechefsupplié d’intervenir
pourconjurer
une nouvelle avance des"glacières".
Après l’épisode
de1664,
dont on ne sait rien deplus,
nous trou-vons le dernier maximum connu du XVIIe siècle dont les effets se font sentir à
partir
de1676.
Leglacier
deVernagt progresse
continuellement cette année-làet,
àl’automne 1677,
barre la vallée de laRofen ;
un lacs’y forme,
serompt
et se reforme tous les ansjusqu’en 1681.
Dès cettemême
année,
le retrait estamorcé,
et sepoursuit
lesannées
suivantes.En
1678-80,
leglacier
duMiage présente
lessymptômes
de crue :bar-
rages,
ruptures
alternés d’un lactemporaire. Quant
auxglaciers
deChamonix,
un texte obscur et de secondemain, indique
unepoussée
sui-vie d’un certain retrait à
partir
de 1680 environ.Aussi se clôt le XVIIe siècle
alpin ;
et le filinterrompu
de la sérieglaciologique
n’est renouéqu’en
1700("desbordement
duglacier
desBois")
et en
1703, quand
leprieur
de Grindelwald seplaint
de ce que leglacier
vient de recouvrir des
prairies
dont il estpropriétaire. Témoignages
iso-lés dans les
Alpes
maisauxquels répondent,
pour lapremière fois,
desemblables et
multiples
échos venus deNorvège
etd’Islande...
Voyons
maintenant legraphique
4. Dans l’évolution desglaciers, depuis 1600,
deux mouvementssuperposés
mais nonconfondus,
se laissent ana-Revue de Statistique Appliquée, 1964 - Vol. XII - N’ 2
Graphique
4 : Lesglaciers
de SavoieCette carte a été réalisée à
partir
de 2 documents :- Carte au 1 : 50 000 I. G. N. pour l’état actuel des
glaciers (1949) ;
- Carte au 1 : 800 000 pour la situation
approximative
desglaciers après
lemaximum de 1850.
Carte tirée de J. Vallot :
Paris, Barrère,
éd.1922,
atlas :pl.
XXIV(Reproduction
d’une carte de G. H.Dufour,
"Topographische
Karte derSchweiz, Martigny, 1861 ",
levée et exécutée sur le terrain entre 1854 et1861).
Sur cette carte, exécutée peu
après
le maximum de1850,
et alorsqu’un léger
retraits’est
déjà
faitsentir,
lesglaciers
du Mont-Blanc sontbeaucoup plus
gros que sur la carte de 1949. Ils ont à peuprès
les dimensions moyennesqu’ils
ont conservées auxXVIIe et XVIIIe
siècles, (cf.
lesglaciers
des Bois etd’Argentières
tousproches
des vil-lages
du même nom : comparer avec1949).
La courbe de niveau de 1400 mètres délimite la vallée. La courbe de 1800 m corres-
pond
à la limitesupérieure
de lavégétation.
66
lyser :
d’unepart,
un mouvementd’oscillation,
sanspériodicité régulière.
se
signale
par d’assez nombreux maxima(plus
d’unedizaine),
suivis deretraits,
auxXVIIe,
XVIIIe XIXesiècles ; et,
d’autrepart,
sousjacente
à ces vagues
nombreuses,
une maréeséculaire,
bienplus ample
etplus lente ; longtemps positive,
celle-ci maintient lesglaciers d’Europe
à unniveau constamment élevé entre 1600 et
1850,
niveau record que les os- cillationspassagères
ne font quelégèrement
et peuprofondément
varier.Au
contraire, depuis
unsiècle,
sans cessedescendante,
cette même ma- réeséculaire
entraîne les massesglaciaires
dans uncycle
derégression ininterrompue (graphique 3).
Oscillationsbrèves,
fluctuationmajeure :
cesdeux
types
de mouvements sont évidemmentdifférents,
àl’échelle
tem-porelle,
-ici lesiècle,
là la dizaine d’années- comme àl’échelle
spa-tiale
-allées et venues surquelques
centaines de mètres à vold’oiseau,
dans le
premier
cas, recul deplusieurs
kilomètres dans le second.Nous avons étudié brièvement deux
types
de documents : notre but était essentiellementméthodologique ;
il visaitsimplement
àsuggérer qu’on peut,
àpartir
de documentsd’archives, quand
ceux-ci forment sé-rie,
restituer certainesséquences climatiques,
soit pour les fluctuations courtes(vendanges),
soit dans lalongue
durée et le trend séculaire(gla- ciers).
NOTE : Les textes et
graphiques
utilisés dans cette conférence sont tirés d’articles que l’auteur apubliés
dans :- Annales
E.S.C.
Janvier 1959("Histoire
etC limat",
Gra-phiques
1 et2)
- Annales
E. S. C.
Mai-Juin 1960("Climat
etrécoltes",
Gra-phique
3 et textescités,
p.436-440).
L’auteur a
publié
d’autres articles sur le mêmesujet
dans Revuehistorique
Janvier1961,
, etAnnales,
’ Juillet1963 ;
ainsi que dans Revue deGéographie Alpine
Janvier 1963(avec
J.Corbel).
DISCUSSION
En
présentant
M. LeRoy Ladurie,
M.Remenieras,
Président de scéancese félicite de voir un historien de formation
apporter
son concours auxhydro- logues
enexploitant
les ancienneschroniques,
en vue depréciser
les caracté-ristiques climatologiques
moyennes ouexceptionnelles
des sièclespassés.
Larecherche de la
"tendance"
des climats dans lepassé
est d’ailleurs à l’ordre dujour ;
uneenquête
est en cours par les soins de l’Economic Commission for Asia and the Far East(ECAFE -
NationsUnies)
aux fins de rechercher le concoursque
pourraient apporter
à cette étude lestechniques
de"datage"
par lesvégé-
taux et les
pollens plus
ou moinsfossilisés,
lesradioisotopës,
les variations desglaciers,
etc...Revue de Statistique Appliquée. 1964 - Vol. XII - N’ 2
67
Après l’exposé
de M. LeRoy Ladurie,
M. le Président remercie le con-férencier de la fructueuse et
agréable promenade
dans lepassé
àlaquelle
il aconvié un auditoire
particulièrement
attentif.M. De
Beauregard
salue laprésence
d’un historien à la S. H. F.laquelle
adéjà
donné des preuves de son éclectisme ; ilsignale
trois articles de M. LeRoy
Ladurie datant de1959,
1960 et 1961. Deux ont paru dans"ANNALES"
et le troi- sième dans la"REVUE HISTORIQUE" ;
dans ces articles totalisent 100 pages etune dizaine de
graphiques,
il estégalement question
de la méthode dendroclima-tologique
des Américains et on note que, non pas dans l’ancienMonde,
mais dans le nouveauMonde,
onpeut
avoir une idée des débits des rivièresdepuis
le 6ème siècle. Il y a là dequoi
de faire rêver ceuxqui
veulentdisposer
depopulations
de débits nombreuses.On
peut
se poser laquestion
de savoir dansquelle
mesure,d’après
les tra-vaux de M. Le
Roy
Ladurie ou de ceuxqu’il signale
dans son abondante biblio-graphie,
onpeut disposer,
non seulement d’indications detendance,
maiségale- ment,
le caséchéant,
de chiffresqui permettraient
uneexploitation statistique classique
des donnéesclimatologiques.
M. Rodier
indique
que l’étude des sérieshistoriques
conduit à ungraphique
de variations relatif à une
grandeur précise ;
parexemple,
dans le cas de ladate des
vendanges,
à ungraphique
relatif à latempérature
moyenne des six mois deprintemps
et d’été.Les
grandeurs qui
intéressent leshydrologues
sont enpremier
lieu les débits moyensmensuels,
les valeurs maximales annuelles des débits et leurs valeurs minimales annuelles. La sériephénologique
relative à la date desvendanges
cor-respond
à unegrandeur
en corrélation avec le débit minimum annuel. L’extension desglaciers peut
donner les variations des modules enrégime alpestre.
Il serait intéressant de rechercher d’autres séries en liaison directe avec les trois gran- deurshydrologiques
citéesplus
haut.. Par
ailleurs,
de telles étudeshistoriques
sontlongues
et difficiles. Dansces
conditions,
il seraitrecommandé, chaque
foisqu’on
se livre à une étude his-torique
relative aux débits moyensannuels,
de recueillir en mêmetemps
les données relatives aux valeurs maximales annuelles dudébit, plus précisément
les indications concernant les niveaux lesplus
élevés atteints par les rivières.En
qualité
degéographe universitaire,
M. Chartier seréjouit
de l’intérêtqu’une compagnie
aussidistinguée d’ingénieurs
a trouvé dans la communication d’un Historien universitaire. Aureste,
il n’en est nullementsurpris :
lesHydrau-
liciens et lesHydrologues forment,
par essence, un milieucultivé,
sans doute parce que la science des Eaux naturelles est une science deconjonction :
ellefait
appel
aux sciencesexpérimentales,
aux sciences abstraites et aux sciences humaines. De sesrecherches,
l’auteur a donné deuxexemple :
ils’agit
d’unesynthèse qui possède
uneoriginalité
certaine etqui
repose sur un travail considé- rabled’analyse,
cequi
en assure la solidité. Mais il en tire des conclusionsméthodologiques prudentes.
M. Chartier aremarqué,
au cours de ses propresinvestigations
sur les crues de laSeine,
que le XVIIème siècle a été un sièclehumide,
cequi apporterait
une confirmation aux caractèresthermiques
souventdéfavorables
présentés
par M. LeRoy Ladurie ;
les inondations furentfréquemment
mentionnées à
Paris,
notamment durant la seconde moitié du sièclequi
connut laplus imposante
crue de la Seine dont on ait des tracespositives.
D’autre
part,
M. Chartierdemande,
si comme il l’adéjà lu,
il estpossible
de penser que certains faits de civilisationimportante,
comme ledéplacement
ducentre de civilisation de la Méditerranée
européenne
etseptentrionale
vers laMéditerranée orientale
pouvait
avoir subi l’influence de l’évolutionclimatique
etdu refroidissement.
Revue de Statistique Appliquée, 1964 - Vol. XII - N’ 2