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Parti et société en RDA et en Tchécoslovaquie: une histoire comparée des partis communistes au pouvoir du début des années 1950 à la fin des années 1970

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Thesis

Reference

Parti et société en RDA et en Tchécoslovaquie: une histoire comparée des partis communistes au pouvoir du début des années

1950 à la fin des années 1970

CHRISTIAN, Michel

Abstract

Ce travail entreprend de comparer les deux partis communistes au pouvoir en RDA et en Tchécoslovaquie entre le début des années 1950 et la fin des années 1970, en adoptant pour cela une démarche d'histoire sociale du politique. Tout au long de la période, c'est dans l'appareil d'Etat que les partis communistes sont le plus présents. Cependant, la majorité des effectifs restent recrutés dans le monde du travail, surtout parmi le personnel d'encadrement et dans une moindre mesure parmi les ouvriers et les actifs agricoles. Les deux partis conservent une base ouvrière, mais celle-ci change peu à peu de sens : dans les années 1950, il existe encore un habitus protestataire s'exprimant dans les rangs du parti, qui s'efface cependant avec le renouvellement générationnel. L'encadrement des membres évolue beaucoup : au début des années 1950, l'appartenance à un parti communiste de masse exerçant le pouvoir est une expérience neuve pour la plupart de leurs membres et de leur responsables. Par un lent processus d'apprentissage, des procédures bureaucratiques et des normes de comportements se diffusent au cours [...]

CHRISTIAN, Michel. Parti et société en RDA et en Tchécoslovaquie: une histoire

comparée des partis communistes au pouvoir du début des années 1950 à la fin des années 1970. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2011, no. L. 734

URN : urn:nbn:ch:unige-214083

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:21408

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:21408

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Remerciements

L’ouvrage qui va suivre n’est pas seulement le produit des recherches de mes années de thèse, il conclut un projet qui a débuté dans les dernières années du siècle dernier par un mémoire de maîtrise sur le parti communiste est-allemand. Dès l’origine, Sandrine Kott a été présente à mes côtés, c’est donc elle que je souhaite remercier le plus vivement, pour son dévouement et pour son exigence, mais aussi pour son ouverture et pour la confiance qu’elle m’a accordée lorsque je me suis engagé dans ce projet.

Je souhaite également remercier Danielle Tartakowsky qui m’a accompagné dans mes années de thèse de manière constante et efficace dans les moments les plus importants.

Mes séjours en Allemagne m’ont permis d’entrer en contact avec des chercheurs de ces deux pays, dont l’influence sur moi s’est révélée profonde. Je pense à Thomas Lindenberger, Hartmut Kaelble, Peter Heumos et Jens Gieseke. Pendant ces années de recherche j’ai été hébergé par plusieurs institutions que je souhaite ici remercier : le Centre Marc Bloch et ses directrices successives, Catherine Colliot-Thélène et Pascale Laborier, le Centre d’histoire du temps présent de Potsdam dirigé par Thomas Lindenberger, où Jens Gieseke anime le pôle d’histoire de la RDA, ainsi que l’Institut d’histoire contemporaine de Prague où Jaroslav Cuhra et Marie Černa m’ont accueilli et soutenu.

Ce travail ne serait pas non plus ce qu’il est sans les longues discussions que j’ai pu avoir pendant toutes ces années avec Emmanuel Droit, Ondřej Matejka, Alix Heiniger, Jérôme Bazin et Simon Godard. J’ai en outre une dette particulière à l’égard de Muriel Blaive qui a montré beaucoup d’intérêt pour mon projet et m’a fait profiter de ses remarques.

Mes remerciements vont également aux personnes qui ont bien voulu relire mon travail au cours de son élaboration : Germaine Christian, Barbara Christian, Françoise Plassart, Christian Plassart, Raymond Aucante et Maryse Aucante. Je n’oublie pas non plus Simon Godard, Sabine Pannen et Rüdiger Bergien, qui ont effectué pour moi des vérifications dans les archives.

Enfin, l’ouvrage que je présente aujourd’hui doit beaucoup à Marie Plassart, présente sur tous les fronts, qui a tout au long de ces années favorisé et soutenu, mais aussi discuté et enrichi mon travail.

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Introduction générale

Les partis communistes ont joué un rôle décisif dans les pays où ils ont exercé le pouvoir. On a souvent souligné le paradoxe de leur omnipotence apparente et de leur effondrement si soudain et général en 1989. Ces « révolutions » de 1989, qu’elles aient été

« pacifique » ou « de velours », ont fait apparaître les partis communistes essentiellement comme des institutions de pouvoir et de répression, que l’on pouvait condamner en tant que telles pour fonder la légitimité démocratique des nouveaux régimes. On a ce faisant laissé dans l’ombre le fait que ces institutions politiques ont aussi produit des fonctionnements sociaux et ont constitué le cadre de socialisation d’une partie de la population encore vivante après 1989 et jusqu’à aujourd’hui. Or, dans les discours officiels sur la « mémoire du communisme », c’est presque toujours comme une réalité institutionnelle que le parti communiste apparaît, et non comme une réalité vécue. Cette absence m’a toujours semblé affaiblir en grande partie la portée de projets de « travail sur le passé » tels qu’ils ont pu apparaître après 1989. C’est donc parce qu’un discours sur la « mémoire du communisme » ne me semble pas possible sans une histoire du communisme que j’ai entrepris le projet d’une histoire sociale comparée de deux partis communistes au pouvoir, le SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands ou Parti socialiste unifié d’Allemagne) et le KSČ (Komunistická strana Československa ou Parti communiste de Tchécoslovaquie).

L’historiographie actuelle du SED et du KSČ

Etant donné le poids et le rôle central des partis communistes en Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS) et dans les pays du bloc soviétique, toute histoire d’un parti communiste au pouvoir engage une vision des rapports entre Etat et société. Sur ce point les débats sont anciens entre les partisans du modèle totalitariste et ceux d’une histoire sociale.

Pour les premiers, l’essence des régimes communistes se trouve contenue dans un projet idéologique « total » porté par des institutions qui le mettent en œuvre par l’usage massif de la répression au point de faire disparaître la société comme réalité autonome de l’Etat. Pour les seconds, ces régimes, malgré l’incontestable concentration des pouvoirs qui les caractérisent, restent des systèmes mus par des acteurs particuliers dans des sociétés dont les évolutions conservent leur autonomie.

C’est sur le terrain de l’histoire de l’URSS que s’est d’abord exprimé ce clivage. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le modèle totalitariste a dominé le champ universitaire

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et politique. Il est né de l’expérience et des réflexions d’émigrés allemands aux Etats-Unis comme Franz Neumann ou Hannah Arendt sur la nature et la structure du nazisme et du stalinisme1. Cette dernière voit cependant dans le totalitarisme avant tout une logique sociale correspondant à une phase d’« atomisation de la société ». Au contraire, pour Zbigniew Brzezinski et Carl J. Friedrich, le totalitarisme est un système stable, caractérisé par une série de critères renvoyant à chaque fois à des réalités institutionnelles, lesquelles garantissent à un pouvoir central le monopole des moyens de contraintes, d’information et de production2. Ces options méthodologiques se retrouvent en Allemagne, à une époque où la République démocratique allemande (RDA) est appelée « la zone » (die Zone) et où elle est considérée comme un régime d’occupation imposé dans la contrainte permanente à une population hostile. Elles se retrouvent aussi chez les historiens tchèques libéraux qui utilisent ce modèle pour caractériser le passage de la République tchécoslovaque d’un Etat démocratique à une dictature où le parti communiste étend son pouvoir à tous les domaines3.

A partir des années 1970, dans un contexte de détente et de coexistence pacifique, le modèle totalitaire a été remis en cause, aux Etats-Unis d’abord, par des historiens du social comme Moshe Lewin ou Sheila Fitspatrick qui ont constitué l’école dite « révisionniste ». Ils étaient attachés à inscrire l’expérimentation soviétique dans la longue durée de l’histoire russe4 et à montrer que la société soviétique était plus qu’un simple objet passif, victime des manipulations et des mobilisations forcées du régime, comme les tenants du modèle totalitaire le prétendaient5. La société redevenait un objet d’étude légitime. En Allemagne, cette évolution méthodologique contribue à la naissance de la « recherche sur la RDA » (DDR- Forschung), une désignation qui reconnaît explicitement cet Etat comme une réalité durable.

Ce courant, mené par Peter-Christian Ludz, s’inscrit dans un climat d’« évolution par rapprochement » (Wandlung durch Annäherung) caractéristique de la période de détente. Il est fondé sur une « immanence critique » (kritische Immanenz) par rapport à son objet, qui consiste à prendre au sérieux les sources documentaires existantes, la plupart officielles, pour

1 Hannah Arendt, Le système totalitaire (Paris: France Loisirs, 1989).

2 Carl Joachim Friedrich et Zbigniew Brzezinski, Totalitarian Dictatorship and Autocracy (Cambridge:

Harvard University Press, 1956).

3 Voir notamment Edward Taborsky, Communism in Czechoslovakia, 1948-1960 (Princeton, N.J.:

Princeton University Press, 1961).

4 Moshé Lewin, La formation du système soviétique: essais sur l’histoire sociale de la Russie dans l’entre-deux-guerres (Paris: Gallimard, 1987); Moshé Lewin, Le siècle soviétique (Paris: Fayard, 2003).

5 Sheila Fitzpatrick, éd., Russia in the Era of NEP: Explorations in Soviet Society and Culture (Bloomington: Indiana University Press, 1991); Sheila Fitzpatrick, Le stalinisme au quotidien: la Russie soviétique dans les années 30 (Paris: Flammarion, 2002).

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tenter d’y lire des tendances, notamment sociales, plus profondes6. L’historiographie de la Tchécoslovaquie à partir des années 1970 s’inscrit également dans ce mouvement : aux historiens libéraux des années 1950 et 1960 succède une génération d’historiens issus des rangs sociaux-démocrates et communistes réformateurs, exilés en Europe et aux Etats-Unis, tels que Jaroslav Krejči, Karel Kaplan ou Zdeňek Mlynář, qui a dirigé une série de travaux sur les « crises dans les systèmes de type soviétique ». Ces historiens, en s’appuyant notamment sur des travaux de sociologie alors tout récents7, développent une attention nouvelle pour les phénomènes sociaux dans les régimes communistes. En conformité avec leur projet politique d’origine, ils pensent aussi possible la convergences des deux blocs, traversés par des processus commun d’égalisation des conditions et de bureaucratisation.

L’année 1989 marque une rupture historiographique fondamentale, non seulement parce qu’elle a redéfini les conditions de travail de l’historien qui a désormais accès à des archives abondantes, mais aussi parce qu’elle a entraîné une brusque revalorisation du modèle totalitariste8. C’est à ce moment que sont créées ou largement diffusées un certain nombre d’expressions devenues d’usage courant, médiatique aussi bien que scientifique, pour désigner ces régimes : les termes d’« Etat-SED » (SED-Staat) et d’« Etat de non-droit » (Unrechtsstaat) en Allemagne, et celui de « totalité » (totalita) en République tchèque. Une partie de ce succès provient de la découverte de l’ampleur des pratiques de surveillance et de répression, qui accrédite la thèse d’un contrôle total de l’Etat sur les individus. Une autre partie de ce succès provient de la demande politique dominante : en Allemagne, l’ex-RDA devient la « deuxième dictature allemande » et le Bundestag charge une commission d’enquête du « traitement de l’histoire et des conséquences de la dictature du SED en Allemagne »9 ; en République tchèque, le communisme est déclaré « régime criminel » et un

« Bureau pour la documentation et l’investigation des crimes du communisme » est chargé d’enquêter sur ses crimes10.

Cette renaissance a cependant relancé le débat méthodologique sur le primat accordé par le modèle totalitariste aux formes politiques institutionnelles. Selon cette approche, l’« Etat »

6 Peter Christian Ludz, « Entwurf einer soziologischen Theorie totalitär verfaßter Gesellschaften », dans Studien und Materialien zur Soziologie der DDR, éd. par Peter Christian Ludz (Cologne, Opladen:

Westdeutscher Verlag, 1964), pp.11-58.

7 Pavel Machonin, Československá společnost: sociologická analýza sociální stratifikace (Bratislava:

Epocha, 1969).

8 Jay Rowell, « L’étonnant retour du “totalitarisme”. Réflexions sur le “tournant” de 1989 et l’historiographie de la RDA », Politix, no. 47 (1999): pp.131-150.

9 le Bundestag, éd., Materialien der Enquete-Kommission « Aufarbeitung von Geschichte und Folgen der SED-Diktatur in Deutschland », 9 vol. (Baden Baden: Nomos, 1995).

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ou le « parti-Etat », distinct de la « société », en viendrait à l’englober et à en déterminer le développement interne, ce qui suppose que les actions historiques soient avant tout déterminées par les pensées et les discours politiques. En traduisant en termes idéologiques et politiques l’ensemble des fonctionnements sociaux, ce modèle explicatif propose une sorte d’automatisme entre pensées et actions qui ferait de ces dernières le produit des premières.

Dans ce débat, Sigrid Meuschel a la première tenté un rapprochement entre interprétation totalitaire et approche sociale11. Elle a développé pour cela une interprétation sociologique du phénomène totalitaire, qui essaie de saisir comment un pouvoir politique omniprésent empêche le développement indépendant des différents « sous-systèmes » d’une société devenue « paralysée » (stillgelegte Gesellschaft)12. Au contraire, en reprenant l’expression de « société dominée de part en part » (durchherrschte Gesellschaft), déjà utilisée par Ald Lüdtke, Jürgen Kocka a voulu montrer que les processus sociaux autonomes ne cessaient pas d’exister mais que leur étude exigeait de tenir compte des conditions politiques qui étaient celles de la RDA13. De fait, les études empiriques menées dès les années 1990 ont rapidement mis en évidence certaines « limites de la dictature » (Grenzen der Diktatur), imposées aussi bien par des groupes sociaux et professionnels que par les contradictions endogènes du système politique14.

Dans les historiographies tchèques et slovaques, le modèle totalitaire est resté au contraire dominant. Dans l’historiographie des années 1990, la société est avant tout décrite comme un objet auquel s’appliquent transformation, contrainte et répression15. Cela s’explique en partie par la concentration de l’historiographie sur l’histoire politique, avec les moments clés que constituent les périodes 1945-1948, 1948-1953 et 1968-197016. La succession de ces épisodes dramatiques a contribué à entetenir un discours historique de victimisation, dans lequel le régime et ses excès sont isolés du reste de la société jugée passive ou parfois même dépositaire d’une « tradition démocratique tchèque », sans jamais

10 Françoise Mayer, Les Tchèques et leur communisme. Mémoire et identités politiques, Editions de l’EHESS. (Paris, 2004), pp.66–69.

11 Sigrid Meuschel, « Totalitarismustheorie und moderne Diktaturen. Versuch einer Annäherung », dans Die DDR. Analysen eines aufgegebenen Staates (Berlin: Duncker & Humblot, 2001).

12 Sigrid Meuschel, Legitimation und Parteiherrschaft: Zum Paradox von Stabilität und Revolution in der DDR, 1945-1989 (Francfort sur le Main: Suhrkamp, 1992).

13 Jürgen Kocka, « Eine durchherrschte Gesellschaft », dans Sozialgeschichte der DDR, éd. par Jürgen Kocka, Hartmut Zwahr, et Hartmut Kaelble (Stuttgart: Klett-Cotta, 1994), pp.547-553.

14 Richard Bessel et Ralph Jessen, éd., Die Grenzen der Diktatur: Staat und Gesellschaft in der DDR (Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht, 1996).

15 Peter Heumos, « Probleme des Neuanfangs: Bemerkungen zu Konzeptionen und Methoden der tschechischen zeitgeschichtlichen Forschung nach 1989 », Bohemia Zeitschrift für Geschichte und Kultur der böhmischen Länder 34, no. 2 (1993): pp.359-380.

16 Pour une présentation de ces travaux, voir Oldřich Tůma, « Czech Historiography of Contemporary History (1945-1989) », Historica. Historical Sciences in the Czech Republic 9 (2002): pp.125-144; pour une

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que soit posée par exemple la question de la popularité du régime17. Ce sont de fait des chercheurs étranger qui ont établi les premiers un projet de recherche en histoire sociale du communisme18. Ils ont été suivis par une nouvelle génération de chercheurs et chercheuses tchèques et slovaques apparue à partir des années 2000 et travaillant sur le communisme à partir de la société et non à partir du déroulement politique événémentiel19. Ce courant coexiste encore cependant avec une recherche tchèque en histoire sociale, qui tout en ne se revendiquant pas de l’école totalitariste20, continue à entretenir d’après Pavel Kolář un

« schéma totalitaire », qui tend à appréhender la société avant tout dans sa capacité à résister ou à ménager des « îles » protégées du régime21. Cette critique rejoint celle formulée en Allemagne à l’encontre de la « société de niches » (Nischengesellschaft) qui aurait garanti aux citoyens une liberté dans le domaine privé22.

Le débat ainsi engagé a aussi contribué à faire réfléchir aux notions même d’« Etat » et de « société » : se concentrer sur les « limites de la dictature » ne conduit-il pas finalement à aborder la société dans les catégories mêmes qui sont celles du régime ? L’intérêt exclusif porté à la réalité sociale considérée comme exerçant une forme de résistance aboutit en effet à politiser des comportements qui ne sont pas par nature dirigés contre le régime lui-même.

Pour surmonter la dichotomie traditionnelle entre « Etat » et « société », Thomas Lindenberger a proposé une approche relationnelle du pouvoir23 : toute domination (Herrschaft) exige non seulement le monopole de la contrainte, mais aussi le consentement minimal des sujets qu’elle entend soumettre. La domination peut s’extorquer par la violence ou la terreur policière, mais ne peut perdurer que par le compromis, voire par la séduction ou la bienveillance, ce qui revient à dire que la domination ne s’exerce pas sans la participation de ceux qui la subissent et que ces derniers disposent ce faisant d’une marge de manœuvre,

approche plus critique de cette historiographie, voir Jaroslav Cuhra et Michal Kopeček, « L’historiographie tchèque du communisme depuis 1989 », La Nouvelle Alternative 19, no. 60-61 (juin 2004): pp.199-211.

17 Pour la genèse de ce récit historiographique national, voir Muriel Blaive, Une déstalinisation manquée:

Tchécoslovaquie 1956 (Bruxelles: Editions Complexe, 2005).

18 Peter Heumos, « Industriearbeiterschaft in der Tschechoslowakei 1945-1968. Ergebnisse eines Forschungsprojekts », Bohemia Zeitschrift für Geschichte und Kultur der böhmischen Länder 44, no. 1 (2003):

146-171.

19 Voir par exemple Jakub Rákosník, Sovětizace sociálního státu. Lidově demokratický režim a sociální práva občanů v Československu 1945 1960 (Prague: Université Charles, 2010), voir également le projet de recherche de l’Institut d’histoire contemporaine de l’Académie des sciences à Prague, conduit par Marie Černa et Jaroslav Cuhra et consacré aux pratiques bureaucratiques et à leurs usages sociaux, intitulé « Travail avec les cadres, vérification, purges en Tchécoslovaquie 1948–1968 » (Kádrování, prověřování a čistky v Československu 1948–1989).

20 Lenka Kalinová, Východiska, očekávání a realita povalečné doby. K dějinám české společnosti v letech 1945-1948 (Prague: Ústav pro soudobé dějiny AV ČR, 2004); Karel Kaplan, Proměny české společnosti 1948- 1960, vol. 1 (Prague: Ústav pro soudobé dějiny AV ČR, 2007).

21 Pavel Kolář, « Langsamer Abschied vom Totalitarismus-Paradigma ? Neue tschechische Forschungen zur Geschichte der KPTsch-Diktatur », Zeitschrift für Ostmitteleuropaforschung 55, no. 2 (2006): pp.271–272.

22 Günter Gaus, Wo Deutschland liegt: Eine Ortsbestimmung (Hamburg: Hoffmann und Campe, 1983).

23 Thomas Lindenberger, « Zur Einleitung », dans Herrschaft und Eigen-Sinn in der Diktatur: Studien zur Gesellschaftsgeschichte der DDR, éd. par Thomas Lindenberger (Cologne: Böhlau, 1999), pp.13-41.

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définie par le terme de « quant à soi » (Eigen-Sinn). Le terme de « quant à soi », en relation avec celui de domination désigne donc la capacité à s’approprier une situation de domination pour lui donner un sens conforme à ses intérêts et/ou à ses valeurs, allant de l’enthousiasme à l’opposition en passant par l’indifférence, le cynisme ou le conformisme. Cette approche de la domination en tant que « pratique sociale » (Herrschaft als soziale Praxis) provient de l’Alltagsgeschichte où elle a d’abord été appliquée par Alf Lüdtke non à un système politique, mais au monde de l’entreprise24. Elle exige tout d’abord de replacer chaque relation dans son contexte de production et donc de déplacer la focale au niveau micro. D’après Corey Ross, c’est « sur le terrain » (on the grass-roots) que se réalisent ou pas les arrangements dont dépend le régime pour durer25. C’est donc aussi à cet échelon que l’on trouve une série de personnages qui à la fois représentent le régime et vivent le quotidien des citoyens ordinaires : fonctionnaires, policiers26, responsables syndicaux27 et bien sûr responsables du parti28.

Afin de ne pas être dupe de la dichotomie entre « Etat » et « société », il faut donc localiser les relations de pouvoir là où elles se trouvent. Pour caractériser son projet

« d’histoire sociale du pouvoir », Sandrine Kott appelle ainsi à « contextualiser le pouvoir » à des époques, dans des lieux et dans des situations différents, pour ensuite « analyser les techniques ou stratégies mises en œuvre dans l’exercice du pouvoir et dégager des modes de domination »29. Ce faisant, la domination ne s’exerce pas comme un instrument : elle

« traverse » ceux qui la vivent. En s’appuyant sur la socio-histoire du politique, qui envisage l’Etat dans la perspective de Norbert Elias30, d’abord comme une instance de socialisation31, Sandrine Kott montre ainsi que la domination entraîne des effets de subjectivation :

24 Alf Lüdtke, « Le Domaine réservé : affirmation de l’autonomie ouvrière et politique chez les ouvriers d’usine en Allemagne à la fin du XIXe siècle », dans Des ouvriers dans l’Allemagne du XXe siècle: le quotidien des dictatures (Paris: L’Harmattan, 2000), pp.27-62.

25 Corey Ross, Constructing Socialism at the Grass-Roots: The Transformation of East Germany, 1945- 1965 (New York: Saint Martin’s Press, 2000), pp.6–11.

26 Thomas Lindenberger, Volkspolizei: Herrschaftspraxis und öffentliche Ordnung im SED-Staat 1952- 1968 (Cologne: Böhlau, 2003), pp.269–444.

27 Renate Hürtgen, Zwischen Disziplinierung und Partizipation: Vertrauensleute des FDGB im DDR- Betrieb (Cologne: Böhlau, 2005).

28 Michel Christian, « “Uplatňovat vedoucí úlohu strany” : funkcionáři KSČ a SED ve výborech závodních organisací (od 50. do 70. let) », Acta Universita Carolina (A paraître).

29 Sandrine Kott, « Pour une histoire sociale du pouvoir communiste en Europe communiste. Introduction thématique », Revue d’histoire moderne et contemporaine 49, no. 2 (2002): p.11.

30 Voir en particulier son chapitre « Esquisse d’une théorie de la civilisation » dans La dynamique de l’Occident (Paris: Calmann-Lévy, 1975), pp.181–299.

31 Sur ce point voir Gérard Noiriel, Introduction à la socio-histoire (Paris: La Découverte, 2006), pp.70–

87; pour l’intérêt et les limites de la transposition du questionnement socio-historique aux sociétés dominées par des régimes communistes, voir Jay Rowell, « Socio-histoire der Herrschaft. Eine Einführung », dans Die ostdeutsche Gesellschaft. Eine transnationale Perspektive, éd. par Emmanuel Droit et Sandrine Kott (Berlin: Ch.

Links, 2006), pp.26-34.

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l’intériorisation partielle de normes imposées a produit des valeurs, qui encore aujourd’hui distinguent les Allemands de l’Est de l’Allemagne du reste de la population allemande32.

L’historiographie du SED et, dans une moindre mesure, celle du KSČ ont connu un fort développement depuis 1989. Cependant ce développement ne reflète paradoxalement pas la richesse des débats méthodologiques que je viens de décrire. L’historiographie du SED apparaît la plus développée. Il existe une série de travaux sur la genèse du SED en tant que projet, élaboré avant 1945, et sur l’implantation du KPD dans la zone d’occupation soviétique en 194533. Mais c’est la question de la fondation elle-même du parti par la fusion entre KPD et SPD en avril 1946 qui a occupé le plus les chercheurs sur le SED après 1989. Ceux-ci, en se consacrant principalement à la répression contre les sociaux-démocrates, ont mis en évidence le caractère manifestement « contraint » (Zwangsvereinigung) de cette fusion.

L’évolution du SED entre 1946 et 1953 a été étudiée par Andreas Malycha qui l’envisage comme un processus de « stalinisation »34, désignant par ce terme la transposition au SED des pratiques politiques issues du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS). Au-delà de la date de 1953, les travaux existants ont surtout été consacrés à la description des structures du parti à ses différents échelons ainsi qu’à leurs évolutions formelles35. A côté des structures, les conflits internes et l’évolution des processus de décision ont été également étudiés, en montrant à la fois une centralisation accrue du pouvoir sous Walter Ulbricht36 et l’apparition de rivalités feutrées dès les années 1960 qui aboutissent à l’arrivée au pouvoir d’Erich Honecker en 197137.

32 Sandrine Kott, Le communisme au quotidien: les entreprises d’État dans la société est-allemande (Paris: Belin, 2001), p.18.

33 Gerhard Keiderling, Wir sind die Staatspartei: die KPD-Bezirksorganisation Gross-Berlin, April 1945- April 1946 (Berlin: Berlin Verlag Arno Spitz, 1997); Manfred Wilke, éd., Anatomie der Parteizentrale: die KPD/SED auf dem Weg zur Macht (Berlin: Akademie Verlag, 1998).

34 Andreas Malycha, Die SED. Geschichte ihrer Stalinisierung 1946-1953 (Paderborn: Schöningh, 2000).

35 Thomas Ammer, « Die Machthierarchie der SED », dans Materialien der Enquete-Kommission

« Aufarbeitung von Geschichte und Folgen der SED-Diktatur in Deutschland », éd. par le Bundestag, vol. 2 (Baden Baden: Nomos, 1995), pp.803-867; Lutz Prieß, « Die Organisationsstruktur », dans Die SED:

Geschichte, Organisation, Politik. Ein Handbuch, éd. par Andreas Herbst, Gerd-Rüdiger Stephan, et Jürgen Winkler (Berlin: Dietz Verlag, 1997), pp.124-144; Lutz Prieß, « Kontinuität und Wandel in der Organisationsstruktur », dans Die SED: Geschichte, Organisation, Politik: ein Handbuch, éd. par Andreas Herbst, Gerd-Rüdiger Stephan, et Jürgen Winkler (Berlin: Dietz Verlag, 1997); Monika Kaiser,

« Herrschaftsinstrumente und Funktionsmechanismen der SED in Bezirken, Kreisen und Kommunen », dans Materialien der Enquete-Kommission « Aufarbeitung von Geschichte und Folgen der SED-Diktatur in Deutschland », éd. par le Bundestag, vol. 3 (Baden Baden: Nomos, 1995), pp.1790-1834; Heinz Mestrup, Die SED. Ideologischer Anspruch, Herrschaftspraxis und Konflikte im Bezirk Erfurt (1971-1989) (Rudolstadt: Hain, 2000); Lutz Prieß, « Die Kreisleitungen der SED im politischen Herrschaftssystem der DDR. Ihre Strukturen und Aufgaben. Ein Überblick », dans Materialien der Enquete-Kommission « Aufarbeitung von Geschichte und Folgen der SED-Diktatur in Deutschland », éd. par le Bundestag, vol. 4 (Baden Baden: Nomos, 1995), pp.2464- 2508.

36 Heike Amos, Politik und Organisation der SED-Zentrale 1949-1963. Struktur und Arbeitsweise von Politbüro, Sekretariat, Zentralkomitee und ZK-Apparat (Münster: Lit, 2003).

37 Monika Kaiser, Machtwechsel von Ulbricht zu Honecker: Funktionsmechanismen der SED-Diktatur in Konfliktsituationen 1962 bis 1972 (Berlin: Akademie Verlag, 1997); Peter Grieder, « The Overthrow of Ulbricht

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L’historiographie du SED, fortement marquée par le primat des institutions, compte cependant aussi quelques recherches d’histoire sociale. Il y a tout d’abord des travaux consacrés au personnel politique régional et local38, qui s’ajoutent à ceux qui existaient déjà sur le personnel politique central39. Il y a ensuite la contribution de travaux qui tout en étudiant des professions, des milieux ou des classes sociales déterminés, ont souvent intégré la présence du SED dans leur approche, notamment dans les entreprises40 et dans les organes d’Etat41. Cependant, les travaux qui envisagent le parti comme un groupe s’inscrivant dans la société existante sont rare. Thomas Klein, dans son travail sur les organes disciplinaires du SED, a décrit entre 1945 et 1970 le passage de la répression de l’hétérodoxie idéologique à celle de la déviance sociale, exemplaire selon lui de la manière dont l’inscription sociale du SED évolue pendant cette période42. Le Centre de recherche en histoire contemporaine de Potsdam a récemment entrepris un projet de recherche collectif dirigé par Jens Gieseke sur l’histoire sociale du SED en tant que parti communiste d’Etat. Ce projet, proche de ma démarche, applique les questionnements d’histoire sociale à différents échelons du parti43. Il embrasse une série de questions telles que la composition du parti44, le fonctionnement de l’appareil du Comité central45, l’exercice du pouvoir au niveau local46 et l’évolution de la base du SED dans les années 198047.

in East Germany: A New Interpretation », Debatte: Review of Contemporary German Affairs 6, no. 1 (mai 1998):

8-45.

38 Sur les secrétaires d’arrondissement du SED, voir Heinrich Best et Heinz Mestrup, Die ersten und zweiten Sekretäre der SED: Machtstrukturen und Herrschaftspraxis in den thüringischen Bezirken der DDR (Weimar: Hain, 2003); sur les secrétaires de district, voir Mario Niemann, Die Sekretäre der SED- Bezirksleitungen (Paderborn: Schöningh, 2007); sur les premiers secrétaires de district, voir Helga Welsh,

« Kaderpolitik auf dem Prüfstand : die Bezirke und ihre Sekretäre 1952-1989 », dans Eliten im Sozialismus : Beiträge zur Sozialgeschichte der DDR, éd. par Peter Hübner (Cologne: Böhlau, 1999), 107-129.

39 Peter Christian Ludz, Parteielite im Wandel. Funktionsaufbau, Sozialstruktur und Ideologie der SED- Führung. Eine empirisch-systematische Untersuchung (Cologne, Opladen: Westdeutscher Verlag, 1968);

Eberhard Schneider, Die politische Funktionselite der DDR. Eine empirische Studie zur SED-Nomenklatura (Opladen: Westdeutscher Verlag, 1994).

40 Kott, Le communisme au quotidien, pp.27–74; Christoph Vietzke, Konfrontation und Kooperation:

Funktionäre und Arbeiter in Großbetrieben der DDR vor und nach dem Mauerbau (Essen: Klartext, 2008), pp.226–247; Francesca Weil, Herrschaftsanspruch und soziale Wirklichkeit. Zwei sächsische Betriebe in der DDR während der Honecker-Ära (Cologne, Weimar, Vienne: Böhlau, 2000), pp.21–45.

41 Lindenberger, Volkspolizei, pp.91–134; Silke Schumann, Parteierziehung in der Geheimpolizei: Zur Rolle der SED im MfS der fünfziger Jahre (Berlin: Ch. Links, 1997); Daniel Giese, Die SED und ihre Armee:

Die NVA zwischen Politisierung und Professionalismus 1956-1965 (Munich: Oldenbourg Verlag, 2002).

42 Thomas Klein, Für die Einheit und Reinheit der Partei: die innerparteilichen Kontrollorgane der SED in der Ära Ulbricht (Cologne: Böhlau, 2002), pp.478–487.

43 « SED-Geschichte zwischen Mauerbau und Mauerfall. Gesellschaftsgeschichte einer kommunistischen Staatspartei ».

44 « Arbeitermythos und Staatspartei. Zusammensetzung und Rekrutierung von Mitgliederschaft und Funktionärskörper (1961-1989) », sujet traité par Sandra Meenzen dans le cadre de recherches en cours.

45 « Der Apparat des Zentralkomitees - das Regierungszentrum der DDR. Politik- und Gesellschaftssteuerung als Problem des Staatssozialismus (1963-1989) », sujet traité par Rüdiger Bergien dans le cadre de recherches en cours.

46 « Die SED im Territorium. Parteipräsenz und regionale Herrschaftspraxis », sujet traité par Andrea Bahr dans le cadre de recherches en cours.

47 « ’Wo ein Genosse ist, da ist die Partei!. Der innere Zerfall der SED 1979-1989 », sujet traité par Sabine Pannen dans le cadre de recherches en cours.

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L’historiographie du KSČ est comparativement moins développée que celle du SED. Il existait avant 1989 quelques travaux d’ordre général sur le développement historique du KSČ et sur ses structures48, et quelques recherches sur sa composition49. Le KSČ a été cependant avant tout perçu comme un acteur politique décisif dans les grands moments de l’histoire nationale, essentiellement en 1948 et 1968, et non comme un groupe ou une organisation à étudier en tant que telle : étudier le KSČ revenait alors à étudier l’histoire nationale50. La chute du régime et l’ouverture des archives n’ont pas fondamentalement changé les choses.

Elles ont permis à Karel Kaplan de produire une œuvre importante, principalement sur les procès politiques de 1950-195451, sur les purges du parti52 et sur la construction et l’évolution de l’appareil entre 1948 et 196853. A ces travaux, avant tout consacrés à l’appareil central et à ses acteurs les plus connus, il faut ajouter ceux de Jiří Maňák, moins diffusés mais plus novateurs. Jiří Maňák a en effet le premier entrepris de poser les bases d’une histoire sociale du KSČ en tant que groupe doté de caractéristiques sociales définies. Il a pour cela étudié successivement la composition et l’évolution de la base du parti, celles de ses organes élus et celles de son appareil entre 1948 et 196954, une recherche qu’il a complétée par l’étude des effets de la purge de 1970 sur les effectifs du parti55. En s’appuyant sur ses premiers travaux, il a également posé la question des relations entre parti communiste et ouvriers dans les Pays

48 Pour une histoire générale du Parti communiste de Tchécolsovaquie, voir Zdeněk Suda, Zealots and Rebels: A History of the Communist Party of Czechoslovakia (Stanford, Cal.: Hoover Institution Press, 1980);

pour une description institutionnelle, voir Karel Kaplan, The Communist Party in Power: A Profile of Party Politics in Czechoslovakia (Boulder, Col.: Westview Press, 1987).

49 Heinrich Kuhn, « Zur Sozialstruktur der Kommunistischen Partei der Tschechoslowakei », Bohemia Zeitschrift für Geschichte und Kultur der böhmischen Länder 3 (1962): pp.426-467; Gordon Wightman et Archie Brown, « Changes in the Levels of Membership and Social Composition of the Communist Party of Czechoslovakia 1945-1973 », Soviet Studies 27, no. 3 (1975): pp.396-417; Gordon Wightman, « Membership of the Communist Party of Czechoslovakia in the 1970s : Continuing Divergence from the Soviet Model », Soviet Studies 35, no. 2 (1983): pp.208-222.

50 C’est la perspective de Zdeňek Hejzlar dans Reformkommunismus. Zur Geschichte der Kommunistischen Partei der Tschechoslowakei (Cologne, Francfort sur le Main: Europäische Verlagsanstalt, 1976).

51 Karel Kaplan, Sovětští poradci v Československu, 1949-1956 (Prague: Ústav pro soudobé dějiny AV ČR, 1993); Karel Kaplan, K politickým procesům v Československu, 1948-1954: dokumentace komise ÚV KSČ pro rehabilitaci 1968 (Prague: Ústav pro soudobé dějiny AV ČR, 1994); Karel Kaplan, Die politischen Prozesse in der Tschechoslowakei, 1948-1954 (Munich: Oldenbourg Verlag, 1986).

52 Karel Kaplan et František Svátek, « Die politischen Säuberungen in der KPTsch », dans Terror:

stalinistische Parteisäuberungen 1936-1953, éd. par Hermann Weber et Ulrich Mählert (Paderborn: Schöningh, 1998), pp.487-601.

53 Karel Kaplan, Aparát ÚV KSČ v letech 1948-1968 : studie a dokumenty (Prague: Ústav pro soudobé dějiny AV ČR, 1993); Karel Kaplan, Kádrová nomenklatura KSČ 1948-1956. Sborník dokumentů (Prague:

Ústav pro soudobé dějiny AV ČR, 1992).

54 Jiří Maňák, Proměny strany moci, vol. 1, Studie a dokumenty k vývoji Komunistické strany Československa (Prague: Ústav pro soudobé dějiny AV ČR, 1995); Jiří Maňák, Proměny strany moci, vol. 2, Vývoj početnosti a složení funkcionářských sborů KSČ v období 1948-1968 (Prague: Ústav pro soudobé dějiny AV ČR, 1995); Jiří Maňák, Proměny strany moci, vol. 3, Početnost a složení pracovníků stranického aparátu KSČ 1948-1968 (Prague: Ústav pro soudobé dějiny AV ČR, 1999).

55 Jiří Maňák, Čistky v komunistické straně Československa v letech 1969-1970 (Prague: Ústav pro soudobé dějiny AV ČR, 1997).

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tchèques56. Il a enfin édité au cours de ses recherches un grand nombre de documents qui m’ont considérablement facilité la tâche au cours de mes propres recherches.

Pourquoi la comparaison du SED et du KSČ ?

L’idée qui est à la base de ce travail comparatif est de mieux comprendre les processus sociaux à l’œuvre dans un parti communiste au pouvoir dans le bloc soviétique. Mes premières recherches m’ayant conduit à travailler sur le SED et la RDA, une série de possibilités s’offraient à moi lorsque j’ai entrepris de me lancer dans ce nouveau projet. Il y avait tout d’abord la comparaison entre RDA et régime nazi et entre SED et NSDAP (National-sozialistische deutsche Arbeiterpartei). Celle-ci se pense comme une mise en œuvre de la comparaison plus générale entre communisme et nazisme, mais sur le terrain allemand57 ; toutefois, comparer deux régimes successifs pour comparer deux types d’idéologie et de régime me semble donner trop de place aux catégories abstraites et aux structures formelles58. On sous-évalue ainsi les évolutions propres de la société, qui n’est pas un terrain inerte réduit à passer d’un régime à l’autre : « comparer » le régime nazi et le régime communiste, c’est d’abord faire l’histoire de l’Allemagne, ce qui m’éloignait de mon projet initial.

La comparaison entre RDA et URSS et entre le SED et le PCUS, outre qu’elle fait intervenir deux unités spectaculairement dissymétriques et donc difficilement comparables en pratique, introduisait un biais qui encourageait le traitement de l’URSS comme un modèle et celui de la RDA comme une application. On ne peut certes pas nier que l’URSS ait servi de modèle politique aux dirigeants de RDA, mais une telle comparaison se serait trouvée enfermée dans un schéma extérieur à ma question de départ. Une comparaison entre le SED et un parti communiste d’Europe occidentale aurait également été possible. Cette approche, intellectuellement stimulante, m’a semblé laisser de côté la position de parti au pouvoir, qu’il était nécessaire de prendre en compte pour comprendre l’enracinement social du parti. La question des modalités de coexistence entre appareil du parti et appareil d’Etat m’a semblé ne pas pouvoir être abandonnée.

56 Jiří Maňák, « Proměna dělnické strany v organizaci moci. Problematika dělnického charakteru KSČ v letech 1945-1953 ve světle stranické statistiky », dans Bolševismus, komunismus a radikální socialismus v Československu, éd. par Zdeněk Kárník et Michal Kopeček, vol. 1 (Prague: Ústav pro soudobé dějiny AV ČR, 2003).

57 Sur cette comparaison comme projet de recherche, voir Günther Heydemann et Detlef Schmiechen- Ackermann, « Zur Theorie und Methodologie vergleichender Diktaturforschung », dans Diktaturen in Deutschland, Vergleichsaspekte: Strukturen, Institutionen und Verhaltensweisen, éd. par Günther Heydemann et Heinrich Oberreuter (Bonn: Bundeszentrale für Politische Bildung, 2003), pp.9-56.

58 Detlef Schmiechen-Ackermann, « Die Staatsparteien NSDAP und SED als lokale Vermittlungsinstanzen der Diktatur », dans Diktaturen in Deutschland, Vergleichsaspekte: Strukturen,

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Pour toutes ces raisons, j’ai privilégié une comparaison interne au bloc soviétique. Dans le cadre d’un travail sur les partis communistes, la question d’une approche transnationale peut se poser, mais ne va pas sans certaines difficultés : si ce projet peut sembler valable pour les organisations internationales telles que le Conseil d’aide économique mutuel59, il semble difficilement pouvoir se transposer aux partis dans leur ensemble, à moins de se limiter à un aspect précis de leur activité60. De plus, la structure des partis et leur implantation sont essentiellement calquées sur celles des Etats-nations, ce qui encourage donc finalement une comparaison internationale plutôt que transnationale. Il m’a semblé pertinent de choisir deux pays relativement proches, comme le sont la RDA et la Tchécoslovaquie : deux pays précocement industrialisés (du moins pour les Pays tchèques), ayant fait l’expérience de la démocratie parlementaire, dotés d’une tradition sociale-démocrate enracinée et d’un parti communiste de masse dès l’entre-deux-guerres. En faisant ce choix, j’ai voulu éviter que des différentiels de développement économique ou des différences culturelles (comme la place de l’Eglise catholique en Pologne) ne mettent la comparaison entre partis au second plan, au profit d’une comparaison entre les pays et leurs sociétés. Toutefois la comparaison se heurte malgré tout à des difficultés, notamment à l’hétérogénéité de l’historiographie sur les deux pays et sur les deux partis comparés. De plus, si l’entreprise comparative permet un décentrement et à terme un gain de compréhension, elle entraîne aussi une perte de précision dans le traitement de chacun des deux termes : il ne s’agit donc pas de rendre compte de manière exhaustive de l’histoire du SED et du KSČ, mais de mettre en avant des éléments pertinents pour la compréhension des processus sociaux internes au partis communistes lorsqu’ils sont au pouvoir.

Les régimes tchécoslovaque et est-allemand se caractérisent par des trajectoires globalement similaires61 : après une période répressive et volontariste entre 1948 et 1953, ils connaissent une phase de réformes au cours des années 1960, courte dans le cas du SED, suivie d’une stabilisation dans des formes institutionnelles qui n’évoluent plus jusqu’à la fin du régime, plus longue et profonde dans le cas du KSČ et aboutissant à une crise générale et à une reprise en main difficile dans le cas du KSČ après 1970. Mais si leurs trajectoires sont

Institutionen und Verhaltensweisen, éd. par Günther Heydemann et Heinrich Oberreuter (Bonn: Bundeszentrale für Politische Bildung, 2003), pp.150-188.

59 Simon Godard, « Le CAEM : construire le bloc de l’Est par l’économie », Vingtième Siècle, no. 109 (mars 2011): pp.45-58.

60 Michel Christian, « Les partis communistes du bloc de l’Est: un objet transnational? L’exemple des écoles supérieures du parti », Vingtième Siècle, no. 109 (mars 2011): pp.31-43.

61 Christoph Boyer, « Sozialgeschichte der Arbeiterschaft und staatssozialistische Entwicklungspfade:

konzeptionnelle Überlegungen und eine Erklärungsskizze », dans Arbeiter im Staatssozialismus: ideologischer Anspruch und soziale Wirklichkeit, éd. par Peter Hübner, Christoph Klessmann, et Klaus Tenfelde (Cologne:

Böhlau, 2005), pp.71-86.

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similaires, leur point de départ ne sont pas du tout les mêmes. Ils renvoient à un rapport profondément différent à l’Etat-nation. Le KSČ est en effet un parti national, voire nationaliste, dans un pays multinational, où il dispose en 1945 d’une légitimité importante. Au contraire les communistes allemands reviennent dans les fourgons de l’ennemi et le SED devient dès 1946 le « parti des Russes ». Le passé et la division de l’Allemagne empêchent le SED de développer un discours national comparable à celui du KSČ.

La comparaison ne se limite cependant pas à énoncer des différences et des points communs. Elle peut se faire d’après Hartmut Kaelble selon deux optiques : une optique

« explicative », qui vise à rechercher les causes des différences entre les objets comparés, et une optique « typologique », qui consiste à rechercher les différentes formes d’un phénomène considéré comme relativement homogène62. Il s’agit bien sûr d’un point de vue : plus l’on accorde de valeur explicative aux différences, plus la comparaison sera individualisante. Au contraire, plus on accorde de valeur aux points communs, plus la comparaison sera généralisante. Ces deux dimensions se retrouvent dans une comparaison entre SED et KSČ : il s’agit de se demander, en se plaçant du point de vue des processus sociaux internes à ces deux partis, ce qui relève de spécificités nationales au sein d’organisations partisanes formellement identiques et exerçant le pouvoir dans deux sociétés aux caractéristiques similaires, au sein d’un bloc dominé par l’URSS. Dans une telle perspective, plus on s’attachera à la recherche des points communs dans le domaine des pratiques partisanes, plus on s’orientera vers la mise en évidence d’une socialisation politique spécifiquement communiste, dont le SED et le KSČ représenteront deux variations. L’existence de l’URSS comme troisième terme joue aussi un rôle dans la mesure où le PCUS est la matrice institutionnelle de ces deux partis. A cette première approche typologisante, s’ajoute une approche explicative, orientée vers les différences : quelles conséquences ont eu les points de départ si différents du SED et du KSČ en 1945 sur les processus sociaux qu’ils ont connu par la suite ? Comment expliquer, dans deux sociétés relativement similaires, des développements politiques si divergents dans les années 1960 ? Dans le cas du SED, il faut en outre se demander si la division allemande a contribué à créer un parti communiste spécifique.

On voit donc que la comparaison conjugue toujours les optiques, « explicative » et

« typologisante », à des degrés divers. Charles Tilly a tenté de formaliser ces différents degrés en allant d’un pôle généralisant à un pôle individualisant63. Il distingue ainsi la comparaison

62 Hartmut Kaelble, Der historische Vergleich: eine Einführung zum 19. und 20. Jahrhundert (Francfort sur le Main [etc.]: Campus Verlag, 1999), pp.12–13.

63 Charles Tilly, Big Structures, Large Processes, Huge Comparisons (New York: Russel Sage Foundation, 1984), pp.82–83.

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« universalisante » (universalising comparison), qui cherche des règles générales à partir de cas particuliers, la comparaison « typologique » (variation-finding comparison), qui s’intéresse aux formes particulières d’un phénomène jugé général, la comparaison

« inclusive » (incompassing comparison), qui met en œuvre la comparaison d’un nombre limité de cas d’une même institution dans des contextes différents, et la comparaison

« individualisante » (individualising comparison) qui se donne avant tout pour but la mise en valeur des spécificités de son objet. Sur cette échelle à quatre degrés, c’est du modèle

« inclusif » que la comparaison des processus sociaux internes au SED et au KSČ semble se rapprocher le plus. Cette caractérisation n’est pas seulement le produit d’un raisonnement logique, elle résulte aussi des contraintes matérielles de la recherche. On peut en effet fort bien imaginer de multiplier le nombre de cas étudiés et ainsi de parvenir à une approche

« typologique ». Mais l’étude des partis communistes du point de vue de leurs processus sociaux demande un long travail dans des sources multiples et une connaissance approfondie des sociétés concernées. Cela limite par conséquent le nombre de cas qu’il est matériellement possible de traiter, même si des références à des développements identiques ou différents dans d’autres pays du bloc sont possibles.

Une histoire sociale du pouvoir dans le SED et le KSČ

L’historiographie existante sur le SED et le KSČ, comme on l’a vu plus haut, ne saurait être tenue pour quantité négligeable. Elle me semble cependant souffrir d’un triple déséquilibre : un déséquilibre chronologique au profit de périodes historiques restreintes à 1945-1953 et/ou 1968-1970, un déséquilibre thématique, qui conduit à se concentrer sur l’appareil central et ses acteurs principaux, et un déséquilibre méthodologique, dans la mesure où les historiographies du KSČ comme du SED continuent souvent à véhiculer des schémas d’interprétation mécanistes pourtant abandonnés dans d’autres secteurs de la recherche historique.

Face à ce déséquilibre, être Français et travailler sur le communisme fournit non pas une objectivité supérieure, mais un décentrement du regard. Au contraire de la RFA depuis 1945 et de la Tchécoslovaquie depuis 1989, la longévité et l’enracinement du PCF dans le paysage politique français, notamment à l’échelon municipal, a certainement contribué au fait que beaucoup de chercheurs et chercheuses français voient dans le communisme un phénomène social autant qu’une dictature64. Cet autre regard peut faciliter la définition de nouveaux

64 Sandrine Kott, « Der Beitrag der französichen Sozialwissenschaften zur Erforschung der ostdeutschen Gesellschaft. Einleitung », dans Die ostdeutsche Gesellschaft. Eine transnationale Perspektive, éd. par Sandrine Kott et Emmanuel Droit (Berlin: Ch. Links, 2006), pp.13-25.

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problèmes. La question qui domine dans l’historiographie consacrée au SED et au KSČ est celle de la prise du pouvoir et de l’établissement des structures de domination. Derrière cette métaphore du pouvoir « pris » et possédé comme une chose, des structures « établies » comme des bâtiments à plusieurs étages, il y a cependant l’oubli des réalités plus fines qui font qu’un pouvoir est capable de durer. Il ne s’agit donc pas de se demander seulement comment le pouvoir a été pris mais par quels moyens il a pu et/ou su se maintenir et évoluer dans le temps. Cela oblige à se consacrer à des pratiques quotidiennes qui impliquent les acteurs individuels dans une multitude de micro-relations de pouvoir dont l’équilibre fait qu’un régime « est établi ».

L’objet de mon travail est donc d’étudier le SED et le KSČ à l’échelle la plus fine, là où se trouvent les membres du parti et là où ils agissent – ou non – en tant que tels, c’est-à-dire dans le cadre de leurs organisations de base (Grundorganisationen / zákaldní organizace), qui formaient la base du parti dans les entreprises, les administrations, les coopératives, les quartiers et les villages. L’échelon des organisations de base fait apparaître une multiplicité de clivages, entre membres et non-membres, mais aussi entre membres et responsables élus et, parmi eux, entre bénévoles et permanents. Cette superposition de « frontières » (Grenzen) dans les organisations de base, ainsi que le fait que les acteurs y soient en face-à-face quotidien, rend particulièrement pertinent le projet d’y analyser la domination « en tant que pratique sociale ». Si cette approche forme la base de ma démarche, il m’a aussi semblé nécessaire de la compléter par des approches aptes à saisir le SED et le KSČ non pas seulement en tant qu’instance de domination, mais aussi en tant que partis politiques.

En tant que parti, le SED et le KSČ peuvent se définir comme des « organisations », c’est à dire comme des « solutions (…) que des acteurs ont créées, inventées, instituées pour résoudre les problèmes posés par l’action collective, et notamment le plus fondamental de ceux-ci, celui de leur coopération en vue d l’accomplissement d’objectifs communs, malgré leurs orientations divergentes »65. A cause ce cette contradiction entre intégration et logiques centrifuges, il y a une indétermination dans la réalisation concrète des buts de toute organisation : cela signifie qu’il n’existe pas d’action collective purement instrumentale66. La sociologie de ces « organisations » partage sans surprise certaines intuitions communes avec une approche en terme de « domination comme pratique sociale » : une conception relationnelle du pouvoir, une approche interactionnelle de son exercice ainsi que la conception du comportement individuel en tant que « stratégie » pour l’une et que « quant à soi » pour

65 Michel Crozier et Erhard Friedberg, L’acteur et le système : les contraintes de l’action collective (Paris:

Éditions du Seuil, 1977), p.15.

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l’autre. Mais la sociologie des organisations tient davantage compte du fait que les partis ne sont pas faits d’une somme d’interactions individuelles, mais d’une structure qui les organise et leur donne leur contexte. La sociologie des organisations s’attache par exemple à comprendre la nécessité de l’écart entre les règles formelles et l’écart de leur mise en pratique, qui est souvent une condition de la stabilité réelle de l’organisation. Elle fournit également une série d’instruments terminologiques utiles pour décrire l’action de l’individu selon sa fonction (relais, détenteur de compétence ou d’informations, énonciateur de règles)67 et selon son contexte, avec la notion de « rôle ». Ce dernier ne se définit pas comme une façade hypocrite, mais comme le résultat de la contrainte d’un contexte donné, pouvant éventuellement s’intégrer par répétition et devenir une identité68.

Le SED et le KSČ sont non seulement des partis, mais plus encore, ce sont des partis politiques. L’approche prédominante dans l’historiographie des partis communistes voit en eux avant tout des « partis de la dictature ». Le terme de « domination », qui s’applique pourtant depuis Max Weber à toute relation sociale, a fini dans le cas des régimes et des partis communistes à se confondre avec celui de la dictature communiste. De ce fait, la spécificité communiste de ces dictatures passe au second plan : la domination y apparaît comme une fin en soi, sans considération du fait qu’elle est en principe au service d’un projet idéologique donné.

Ce projet, indépendamment de la question de la dictature, est celui d’une « subversion de la table des valeurs » et des règles du jeu politique69. Il remet en question les logiques sociales qui excluent les classes populaires de la scène politique70. De ce point de vue, la dictature peut apparaître comme un moyen de redéfinir le champ politique en leur faveur, par la neutralisation de l’élection libre, qui est par nature favorable à l’élection « des meilleurs »71. Comment les partis communistes en viennent à devenir des lieux et des instances de recrutement des élites, voilà bien sûr une première question à laquelle il faudra tenter de répondre. L’accent mis sur la caractère dictatorial des régimes laisse en outre dans l’ombre le fait que les partis communistes sont des partis politiques : leur raison d’être est d’affirmer que ce qui n’apparaît pas politique est politique en son fond ; leur travail consiste à réinscrire les expériences individuelles, notamment locales, dans un cadre plus large celui de

66 Ibid., p.18.

67 Ibid., pp.83–84.

68 Ibid., p.114.

69 Bernard Pudal, Prendre parti: pour une sociologie historique du PCF (Paris: Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1989), p.10.

70 Julian Mischi, Servir la classe ouvrière. Sociabilités militantes au PCF (Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2008), p.11.

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la RDA, voire dans le cadre mondial : elles font ce faisant intervenir la notion du bien commun dans des domaines où celle-ci ne se formulait pas. Ce travail est donc un travail de

« politisation », c’est-à-dire un travail de « requalification des activités sociales les plus diverses, requalification qui résulte d’un accord pratique entre des agents sociaux enclins, pour de multiples raisons, à transgresser ou à remettre en cause la différenciation des espaces d’activité »72. Comment cette politisation se développe dans les partis, mais aussi comment elle s’efface ou peut resurgir, voilà une seconde question à laquelle il faudra tenter de répondre.

A partir de ces différents cadres théoriques complémentaires, mon projet peut donc se définir comme une contribution à une histoire sociale du pouvoir dans le SED et le KSČ. Un tel projet peut se décomposer en plusieurs questions.

Il faut d’abord se demander qui sont les membres du parti en tant que groupe déterminé.

Sur ce point, les travaux de Jiří Maňák sur le KSČ, que je citerai abondamment, constituent une aide considérable. En revanche, il n’existe pas de travaux équivalents pour le SED : celui- ci est encore une « boîte noire »73. La question de la composition et de l’évolution des effectifs du parti renvoie à celle de leur inscription sociale : que nous dit le taux d’appartenance au parti en fonction du secteur sur la présence des partis communistes et donc sur leurs rapports aux sociétés respectives dans lesquelles ils existent ? La question de la composition renvoie aussi aux trajectoires sociales individuelles et collectives de leurs membres : que signifiait être membre du parti du point de vue de l’origine sociale, de la carrière professionnelle et du statut social en général ? Pour reprendre les concepts traditionnels de la sociologie bourdieusienne, le parti est une instance où se définit la nature et l’attribution du capital politique. Les régimes communistes naissent de la délégitimation radicale des autres formes de capital74, mais ne perdurent qu’en arrivant à faire cohabiter, et d’abord en leur sein, le capital politique avec les autres formes de capitaux, principalement le capital culturel.

71 C’est la thèse de Bernard Manin dans Principes du gouvernement représentatif (Paris: Calmann-Lévy, 1995).

72 Jacques Lagroye, « Les processus de politisation », dans La politisation, éd. par Jacques Lagroye (Paris: Belin, 2003), p.360.

73 Jens Gieseke, « Die Einheit von Wirtschafts-, Sozial- und Sicherheitpolitik. Militarisierung und Überwachung als Probleme einer DDR-Sozialgeschichte der Ära Honecker », Zeitschrift für Geschichtswissenschaft 11 (2003): pp.1004–1010.

74 Bernard Pudal et Claude Pennetier, « La volonté d’emprise. Le référentiel biographique stalinien et ses usages dans l’univers communiste (éléments de problématique) », dans Autobiographies, autocritiques, aveux dans le monde communiste, éd. par Bernard Pudal et Pennetier (Paris: Belin, 2002), p.17.

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