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Erosion naturelle et disparition des sites préhistoriques immergés du Léman

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Erosion naturelle et disparition des sites préhistoriques immergés du Léman

CORBOUD, Pierre

Abstract

Les sites préhistoriques immergés du Léman sont connus depuis le milieu du siècle dernier.

On compte actuellement 63 établissements identifiés ou conservés sur les rives lémaniques.

La plupart des stations littorales sont conservées sous 2 à 4 mètres d'eau. Parmi celles-ci 34 possèdent encore des pilotis et 10 montrent des restes de couche archéologique en place.

Les descriptions et relevés effectués dans la rade de Genève entre 1881 et 1985 ont montré la disparition d'une part importante des vestiges. L'érosion naturelle, accélérée lors de ce siècle par la stabilisation des rives, est la cause principale de la disparition des sites palafittiques dans le Léman. L'inventaire des sites immergés des rives suisses du Léman à été réalisé entre 1982 et 1991. Cette étude à permis de prendre conscience de la nécessité et de l'urgence d'un programme de protection des sites les plus menacés.

CORBOUD, Pierre. Erosion naturelle et disparition des sites préhistoriques immergés du Léman. In: Ramseyer, D. & Roulière-Lambert, M.-J. Archéologie et érosion : mesures de protection pour la sauvegarde des sites lacustres et palustres. Rencontre

internationale . Lons-le-Saunier : Centre jurassien du patrimoine, 1996. p. 85-96

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:34065

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Les sites préhistoriques immergés du Léman sont connus depuis le milieu du siècle dernier. On compte actuellement 63 établissements identifiés ou conservés sur les rives lémaniques. La plupart des stations littorales sont conservées sous 2 à 4 mètres d'eau. Parmi celles-ci 34 possèdent encore des pilotis et 10 montrent des restes de couche archéologique en place.

Les descriptions et relevés effectués dans la rade de Genève entre 1881 et 1985 ont montré la disparition d'une part importante des vestiges. L'érosion naturelle, accélérée lors de ce siècle par la stabilisation des rives, est la cause principale de la disparition des sites palafittiques dans le Léman. L'inventaire des sites immergés des rives suisses du Léman à été réalisé entre 1982 et 1991. Cette étude à permis de prendre conscience de la nécessité et de l'urgence d'un programme de protection des sites les plus menacés.

Die im Genfer See versunkenen prähistorischen Siedlungsplätze sind seit Mitte des letzten Jahrhunderts bekannt. Zur Zeit lassen sich 63 dokumentierte oder erhaltene Stationen nachweisen. Davon besitzen 34 noch Pfähle, und bei 10 sind Reste einer archäologischen Fundschicht in situ nachweisbar.

Beschreibungen und Bestandsaufnahmen aus der Zeit zwischen 1881 und 1985, die «Rade››, das unterste Seebecken, von Genf betreffend, haben gezeigt, dass ein gewichtiger Teil der prähistorischen Überreste verschwunden ist. Die natürliche Erosion, im vergangenen Jahrhundert beschleunigt durch die Konstruktion von Uferbefestigungen, ist Hauptursache der Zerstörund von Pfahlbausiedlungen im Genfer See.

Zwischen 1982 und 1991 wurde ein Inventar der überfluteten Stationen erstellt. Diese Studie hat zur Erkenntnis geführt, dass es dringend notwendig ist, Massnahmen zum Schutze der gefährdeten Gebiete zu ergreifen.

The prehistoric underwater sites of Lac Léman have been known since the middle of the last century. The present count is 63 sites recorded or still existing along the lake shores, most of them under 2-4 m of water. Of these, 34 still have piles, and 10 have occupation deposits in situ. Records from the area of Geneva roadstead between 1881 and 1985 indicate the loss of a significant number of sites. Natural erosion, accentuated during the present century by shore-line works, is the main reason for the loss of Lake Leman shore settlements. Between 1982 and 1991, a survey of the remaining sites was undertaken. The results have brought home the urgent need for a program of protection of the most threatened sites.

Pierre Corboud Université de Genève

Département d'Anthropologie et d'Ecologie Groupe de Recherches en Archéologie Préhistorique 12, rue Gustave-Revilliod

CH-1227 Carouge-Genève

RÉSUMÉ

Archéologie et érosion. Mesures de protection pour la sauvegarde des sites lacustres et palustres. Actes de la rencontre internationale de Marigny, lac de Chalain. 1994. Centre Jurassien du Patrimoine, Lons-le-Saunier, 1996

Pierre C

ORBOUD

DES SITES PRÉHISTORIQUES IMMERGÉS DU LÉMAN.

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INTRODUCTION

Dès l'hiver 1853-1854, une soixantaine de «stations lacustres» ont été signalées par les archéologues sur les rives immergées du Léman. Quelques mois seulement après la découverte de pilotis dans le lac de Zurich, des observations identiques sont signalées sur les rives du Léman. Tout d'abord à Morges par François-Alphonse Forel, puis mentionnées dans la rade de Genève par Hippolyte-Jean Gosse. Les stations lacustres du Léman ne vont pas tarder à apparaître tout autour du lac, notamment dans les cantons de Vaud et de Genève, mais aussi sur la rive française, d'Her- mance à Thonon.

Entre 1854 et 1870, plus de 60 établissements préhisto- riques immergés sont découverts sur les anciennes rives du Léman. Ces trouvailles sont le résultat d'une véritable frénésie de la recherche sous-lacustre, dans cette deuxième moitié du XIXe siècle. Nous en trouvons les témoignages, aujourd'hui, dans les réserves des musées de Suisse et de France voisine, sous la forme de monceaux d'objets préhis- toriques, principalement des outils de bronze et de pierre.

La rade de Genève est le théâtre des recherches les plus intenses. Il nous en reste des milliers d'objets récoltés sur la

«Cité de Genève» et la station des «Eaux-Vives». Une pre- mière carte des stations lacustres de la rade de Genève est proposée en 1881 par H.-J. Gosse (fig. 1). Cette carte signale des vestiges d'occupations préhistoriques dans presque toute la rade. Elle distingue les trois principales périodes recon- nues à l'époque, c'est à dire «l'âge de la pierre», «l'âge du

Fig. 1. Carte de H.-J. Gosse, repré- sentant les occupations préhisto- riques de la rade de Genève, d'après ses observations de 1854 à 1881. Les traitillés de part et d'autre des rives actuelles représentent la rive romaine de 375 m, ceux dans la rade le niveau le plus bas admis pendant le Bronze final (368 m).

bronze» et «l'âge du fer» (Gosse 1881). Un doute subsiste quant à l'attribution à l'âge du fer, car cette période n'est pas connue parmi les stations littorales lémaniques.

Le premier relevé topographique précis de stations immergées lémaniques est réalisé dans la rade de Genève, en 1921 par Louis Blondel (fig. 2). A l'occasion d'une baisse exceptionnelle du niveau du lac (environ 1.50 m par rapport au niveau moyen), consécutive à la sécheresse de l'hiver 1920-1921, Blondel effectue un relevé topographique de tous les pieux visibles depuis la surface de l'eau (Blondel 1923). Nos propres relevés, effectués en 1982 et 1985, ont confirmé les travaux de Blondel, mais ils ont révélé la disparition de plusieurs groupes de pieux, usés par l'érosion en une soixantaine d'années (fig. 3). En outre, si l'on com- pare ces relevés à la carte de H.-J. Gosse, on constate qu'il ne subsiste actuellement qu'une part infime des surfaces obser- vées en 1881.

LA SITUATION DES SITES LITTORAUX LÉMANIQUES

Par rapport à d'autres lacs du Plateau suisse, les sites préhistoriques immergés signalés tout autour du Léman sont mal connus et relativement peu nombreux. Contrairement aux autres lacs de Suisse, les palafittes lémaniques n'ont pas bénéficié de l'apport de fouilles de sauvetage, nécessitées par de grands chantiers, tels ceux qui se sont déroulés sur la rive nord du lac de Neuchâtel, avec la construction des

368 m

rive actuelle

rive romaine à 375 m

500 m pilotis de l’âge de la Pierre

pilotis de l’âge du Bronze

âge du Fer

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sition aux vents et la constitution des sédiments du littoral, influencent fortement la possibilité d'existence ou de conser- vation d'un habitat littoral en un point précis du rivage.

La distribution actuelle des sites immergés reflète la combinaison de ces deux paramètres, sans qu'il soit toujours possible de distinguer la part de l'un ou de l'autre. Les stations conservées sont tout de même concentrées dans routes nationales.

Actuellement, après des travaux de prospection menés menés depuis 1982 et pendant plus de dix années, nous connaissons la situation et la conservation de la plupart des sites immergés des eaux suisses du Léman. Ces sites se répartissent de manière irrégulière sur les rives. La topographie de la côte et de la terrasse sous-lacustre, l'expo-

rive actuelle

500 m 368 m

Pâquis A

Pâquis B

Pâquis C

Plonjon

Eaux-Vives

La Grange

375 m

500 m 368 m

375 m Fig. 2. Cartes des sites palafittiques

de la rade de Genève, relevés en hiver 1921 par L. Blondel.

Fig. 3. Cartes des sites préhisto- riques conservés actuellement dans la rade de Genève, d'après nos relevés de 1982 et 1985.

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l'absence de terrasse sous-lacustre, propice à l'établissement littoral et à sa conservation.

Aujourd'hui, on recense 63 établissements littoraux sur l'ensemble du Léman. Certains possèdent plusieurs phases d'occupation, d'autres sont constitués de restes archéo- logiques très érodés appartenant à une seule période (fig. 4).

Parmi ces stations seules 34 possèdent encore des pilotis conservés, dont la plupart ne dépassent du sol que de quelques centimètres (fig. 5). La couche archéologique n'est présente que sur 10 sites, souvent réduite à un lambeau de niveau organique, déposé en bordure externe du village et recouvert par des sédiments limoneux (fig. 6).

LES CAUSES DE LA DISPARITION DES STATIONS LITTORALES

Les facteurs responsables de la disparition des sites pré- historiques immergés du Léman sont multiples et com- plexes. On peut en évoquer les mécanismes, mais sans pouvoir toujours les mesurer et les quantifier. Deux types de causes se distinguent: d'une part l'augmentation de l'érosion naturelle dans la tranche de profondeur d'eau où sont conservées les stations littorales et, d'autre part, les menaces ponctuelles relatives à l'aménagement de ports ou de digues ou l'accroissement du trafic des bateaux à moteur.

D'une manière générale, les rives du Léman ont été stabilisées et aménagées depuis le milieu du siècle dernier.

Aujourd'hui, il reste moins de 4% de rives non aménagées, sur lesquelles l'énergie des vagues peut se briser naturel- lement. Les autres rives sont toutes modelées par l'homme, soit par des remblais artificiels, soit par des enrochements ou des murs abrupts qui limitent l'érosion sur la ligne de rivage mais la repoussent plus au large sous une profondeur de 2 à 5 m.

Les ouvrages de génie civil représentent une menace concrète contre laquelle il est possible d'agir, avant que la construction d'un port de plaisance ou l'aménagement d'un nouveau quai ne recouvre une station connue. Encore faut-il que les vestiges préhistoriques littoraux soient signalés et localisés précisément. Pourtant, entre le début de ce siècle et les années soixante, de nombreux sites connus ont été détruits ou recouverts sans que les archéologues ne puissent intervenir. C'est le cas notamment pour trois stations de la région de Lausanne (Pierre de Cour, Grande Rive et Vidy) recouvertes par des remblais et des constructions; pour la station de Rolle dont le centre est actuellement sous une île artificielle (Ile de la Harpe); à Genève c'est la station des Eaux-Vives qui a été recouverte en 1964 par une jetée et celle de la Grange, enterrée au début du siècle sous le nouveau quai; enfin, à Thonon, les deux stations du Néoli- certaines régions plus privilégiées. Ainsi, les rives de deux

zones géographiques sont plus riches en stations littorales, il s'agit des bords du Petit-Lac et de la région lausannoise, comprise entre Morges et Pully (Corboud et Pugin 1992).

La répartition géographique et topographique des sites lémaniques peut recouvrir deux significations. D'une part, elle peut certainement indiquer quelles zones du littoral ont été plus favorables que d'autres à l'établissement humain.

D'autre part, la présence de vestiges préservés peut être liée principalement aux conditions topographiques et géolo- giques de leur conservation. Ainsi, la présence apparente des sites littoraux autour du Léman pourrait être plus influencée par l'érosion que par le choix des hommes préhistoriques.

On remarque l'absence absolue de vestiges attestés sur la rive française du Léman entre Thonon et l'embouchure du Rhône. Cette lacune s'explique principalement par la topo- graphie abrupte du littoral immergé, dont la conséquence est

10 km

10 km

Fig. 4. Carte des sites du Léman, stations signalées anciennement ou repérées récemment.

Fig. 5. Carte des stations lémaniques qui possèdent encore des pieux conservés.

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10 km

Fig. 6. Distribution des établissements lémaniques où subsiste une couche archéologique.

d'autre part, le transport et le redépôt des sédiments mis en suspension par l'énergie des vagues dans la zone littorale.

Dans un grand lac, soumis à des vents violents, le proces- sus d'érosion de la zone littorale est prépondérant dans la définition du profil de la rive. L'énergie des vagues qui s'écrasent sur la grève remet en suspension et emporte les sédiments les plus fins et ne laisse en place que les fractions granulométriques les plus lourdes. Les vagues de tempête frappent les côtes pendant des périodes relativement cour- tes, mais ce sont elles qui agissent de façon déterminante sur les phénomènes d'érosion et de transport de sédiments sur la zone littorale. Les périodes de calme des eaux n'ont qu'une influence modérée et superficielle sur les sédiments, elles ne provoquent pas d'enregistrement durable dans le profil littoral.

Lorsque la profondeur de l'eau diminue, le profil des vagues devient asymétrique, jusqu'à déferler sur le rivage sous la forme de rouleaux. Sur la surface de la beine, l'action des vagues induit un mouvement de va-et-vient qui met en thique et du Bronze ont été détruites par la construction du

quai et de la jetée du port de Rives. En revanche, en 1976, le projet de construction d'une digue sur la station de la Poudrière près de Morges donnait lieu à la première fouille de sauvetage sur un site immergé lémanique. Depuis lors, d'autres stations littorales ont été menacées par des projets de ports de plaisance. Cela a été le cas à Corsier-Port (canton de Genève) et en France pour la station de Chens-sur- Léman. Heureusement, sur ces deux sites, les projets de ports ont été abandonnés et les restes préhistoriques sont ainsi sauvegardés, jusqu'à la prochaine alerte... Néanmoins, les interventions archéologiques préliminaires ont permis d'obtenir une très bonne connaissance de ces deux établis- sements littoraux.

Une autre cause de perturbation pourrait participer à la destruction des sites archéologiques immergés, c'est le trafic intense des bateaux à moteur. En général, le mouvement des eaux induit par ce trafic est négligeable par rapport aux vagues produites par les tempêtes. Les seules conditions critiques pour la conservation des sites sont rassemblées lorsqu'une station immergée est proche d'un débarcadère de bateaux en service régulier. Dans ce cas, le passage répété de grosses unités, en un point du rivage où la profondeur d'eau est faible peut créer des remous importants et une érosion accrue (fig. 7).

LE PROCESSUS DE L'ÉROSION NATURELLE

L'érosion naturelle est certainement la principale cause responsable de la disparition des stations préhistoriques immergées du Léman. Cette érosion est qualifiée de naturelle, mais, en fait, de nombreuses interventions humai- nes du Moyen Age jusqu'à nos jours ont favorisé son accrois- sement dans la zone littorale où sont présentes les stations préhistoriques.

L'importance de l'érosion en un point du littoral dépend de multiples facteurs naturels. Ces facteurs sont liés à la qualité du substrat sur lequel l'occupation humaine a été établie, mais aussi et surtout aux phénomènes dynamiques engendrés par les vents et les vagues, qui peuvent tout aussi bien favoriser la conservation des vestiges que les faire dis- paraître complètement. L'importance de l'érosion ou de la sédimentation en un point précis du littoral est donc fonction d'un certain nombre de conditions stables qui découlent de sa situation géomorphologique et géologique, mais aussi d'une condition très instable qui est la tranche d'eau que le recouvre.

Le profil de la terrasse sous-lacustre est le résultat de deux processus physiques et dynamiques. D'une part la précipitation du carbonate de calcium dissous dans l'eau et,

Fig. 7. La station de La Belotte est située à la pointe du débarcadère.

Elle recoupée par deux conduites électriques (perpendiculaires au rivage) et l'érosion due au trafic des bateaux.

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déferlement ligne de brisants intérieure

ligne de brisants extérieure

ZONE D’ÉROSION ZONE DE TRANSPORT ZONE DE DÉPÔT

D = L / 2 berge

barre de lévigation intérieure

barre de lévigation extérieure

rivage faibles profondeurs, zone de réfraction et de déferlement grandes profondeurs

par des mouvements de sédiments qui agissent de manière latérale. L'ensemble de ces mécanismes d'érosion, de trans- port et de dépôt est responsable du phénomène de progra- dation de la beine immergée vers le large (fig. 9).

Les phénomènes d'érosion et de sédimentation sur la terrasse littorale sous-lacustre favorisent la conservation des vestiges déposés sous une tranche d'eau très précise. Mais, compte tenu de la sédimentation littorale, le profil de cette terrasse a tendance à avancer vers le large, d'où l'observation des archéologues du siècle dernier, qui plaçaient plus au large les sites les plus récents.

Actuellement, on admet que les villages préhistoriques immergés connus dans le Léman ne représentent qu'une infime partie de la totalité des établissements préhistoriques qui ont un jour été bâtis sur ses rives. Ceux que nous retrou- vons aujourd'hui ont été conservés à la faveur de circons- tances et de phénomènes sédimentaires très exceptionnels.

Le plus grand nombre de sites littoraux immergés se trouve actuellement sous 2 à 4 m de hauteur d'eau (de 370 à 368 m d'altitude), pour toutes les époques confondues (fig.

10). Cette tranche de profondeurs est critique pour la conservation des vestiges préhistoriques, qui ont été déposés et protégés entre des altitudes très précises.

L'érosion des grèves immergées s'est accélérée de manière considérable depuis la fin du siècle dernier, sous la pression de deux interventions humaines: d'un côté la régu- larisation du niveau de eaux du Léman dans des limites fixées par une convention intercantonale et, parallèlement, la construction des quais, digues et enrochements qui ont fait suspension et entraîne les particules de sédiment dont la

masse critique est inférieure à une certaine valeur. Les parti- cules plus grosses subissent aussi cette action, mais leur mouvement est réduit à un glissement ou un roulement sur le fond, et même à un déplacement par saltation. Ces diffé- rents mouvements superficiels sont responsables de la for- mation des structures sédimentaires de surface que l'on nomme rides de vagues ou de courants ou «ripple-marks».

Le courant de transport de masse induit par les vagues possède un profil bathymétrique différent en eau profonde ou sur la beine. Pour une grande profondeur d'eau (hauteur d'eau infinie) il décroît selon une courbe exponentielle depuis la surface. Pour une hauteur d'eau limitée, un courant de retour, de direction opposée au sens des vagues, se crée dans la zone médiane de la tranche de liquide (fig. 8). C'est principalement ce courant de retour qui est responsable du transport vers le large des sédiments fins mis en suspension par l'énergie des vagues.

Le transport des sédiments est donc provoqué par le courant de retour, dirigé vers le large et perpendiculaire à la rive. Ce courant entraîne les sédiments sur le fond ou en suspension vers la zone plus tranquille des eaux profondes, où ils peuvent alors se déposer. En outre, l'énergie des vagues, si elle frappe la rive sur un angle autre que perpen- diculaire, crée un courant longitudinal, parallèle à la rive, qui se combine avec le courant de retour.

Le profil de la zone littorale immergée n'est donc pas déterminé exclusivement par un mécanisme d'érosion- sédimentation qui s'exerce selon un axe rive-lac, mais aussi

Fig. 8. Dynamique de l'érosion de la rive en eau peu profonde. D = niveau de base d'action des vagues, L = longueur d'onde des vagues. D'après Chervet et Huber 1990, p. 23.

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de 1982 à 1991, les cantons de Genève et de Vaud ont financé un programme d'inventaire archéologique des sites littoraux conservés sur leurs rives. Les résultats de ce programme permettent aujourd'hui d'évaluer avec précision les atteintes qui les menacent (Corboud 1991-1992).

On peut classer les sites lémaniques en trois catégories selon leur conservation et selon les moyens nécessaires à leur protection. Tout d'abord, les sites les plus riches en informations sont ceux qui possèdent encore une couche archéologique, généralement conservée en place dans la partie du site côté large. Ces sites comportent aussi des pilotis et parfois une ténevière (ancienne plage de galets aménagée par l'homme) qui recèle le mobilier des couches érodées. Ensuite, nous trouvons des stations dont les seuls éléments organiques sont les pilotis; la couche archéolo- gique a disparu, victime de l'érosion ancienne ou récente.

Enfin, le stade d'érosion ultime d'une station ne montre, le plus souvent, qu'une zone de ténevière qui abrite des objets archéologiques plus ou moins érodés, mais sans pilotis ou couche organique conservée (fig. 11).

Ces trois types de stations exigent des moyens de sur- veillance et de protection différents. La couche archéolo- gique est bien-sûr la plus fragile, car il suffit d'une légère augmentation des courants sur le fond pour que les restes disparaître la presque totalité des rives naturelles.

Dans le cas d'une grève naturelle, les vagues se brisent sur la plage et l'énergie ainsi dépensée agit principalement dans la zone de fluctuation des eaux du lac. En revanche, sur les rives stabilisées artificiellement par des enrochements ou un mur élevé directement dans l'eau, l'énergie des vagues accentue le courant de retour vers le large qui facilite l'érosion et le transport des sédiments lacustres situés entre 0 et 3 mètres de profondeur.

LES MOYENS DE PROTECTION

La protection des sites archéologiques immergés néces- site autant des moyens scientifiques et administratifs que pratiques et techniques. Le contexte archéologique des sites littoraux intervient aussi dans les choix à faire pour leur sauvegarde. En conséquence, la première mesure de protec- tion indispensable est la reconnaissance et l'étude prélimi- naire des sites immergés, pour évaluer leur conservation et leur intérêt. Actuellement, pour le Léman, aucun program- me de protection n'a encore été entrepris. En revanche, de

350 355 360 365 370 372 m

0 100 200 300 400 m

érosion

dépôt

Fig. 9. Évolution de la beine sous-lacustre. Progradation de la beine sous l'effet de l'érosion.

(9)

T P M C rive actuelle

Fig. 10. Répartition des altitudes du sol actuel des stations littorales du Léman, toutes époques confondues.

Fig. 11. Schéma synthétique des vestiges archéologiques conservés sur une station lémanique. T:

ténevière, P: pilotis, M: matériel archéologique érodé en surface du sol, C: affleurement d'un reste de couche archéologique.

pieux qui dépassent du sol. Or, la partie du pilotis qui émerge du sédiment offre une prise au ressac qui accélère son déchaussement. Dans de telles situations, la sauvegarde de la station passe par la récolte des informations que peuvent encore livrer les bois conservés (principalement par analyse dendrochronologique). Il convient alors d'envisager un programme d'étude et de prélèvement des pieux les plus menacés, avant qu'ils ne soient arrachés par les tempêtes (fig. 13).

végétaux qui la constituent soient emportés vers le large. Le moyen de protection que nous envisageons est la pose d'un géotextile sur le front d'érosion des niveaux archéologiques, lesté avec une couche de galets et de gravier. En fait, la meil- leure protection pour un site immergé est la présence d'une ténevière, assez dense pour protéger le sol de l'érosion. Les stations où une telle ténevière (naturelle ou d'origine préhis- torique) existe sont celles qui résistent le mieux à l'action des vagues et des courants (fig. 12). Le problème reste de trouver une solution technique pour constituer une ténevière artifi- cielle sur des sites menacés, dont la surface dépasse parfois 2 hectares ?

La protection des sites où sont conservés des pilotis se révèle plus difficile. La pose d'un géotextile sur un champ de pieux est impossible, sans au préalable scier ou arracher les

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POUR UNE POLITIQUE DE PROTECTION ET DE GESTION À LONG TERME

Les stations littorales du Léman présentent des condi- tions de conservation particulière, en fonction du dynami- sme important des eaux dans un grand lac. L'évaluation des possibilités de protection des sites préhistoriques immergés nécessite une bonne connaissance des processus dyna- miques d'érosion et de leur évolution liée à l'aménagement des rives. Actuellement, on déplore l'absence d'un modèle quantitatif, qui permette de prévoir les modifications du régime de l'érosion sur une rive immergée.

Dans le déroulement d'un programme de sauvegarde des sites archéologiques immergés d'un lac tel que le Léman, le premier pas qui s'impose est l'inventaire des stations, l'ap- préciation de leur conservation et l'examen des menaces qui

les touchent. Pour les rives suisses du Léman, avec des moyens limités mais réguliers, il nous a fallu dix campagnes de prospection de deux mois chacune pour examiner quelques 100 kilomètres de rives immergées. A l'exception de la station du Chens-sur-Léman, la rive française reste relativement mal connue des archéologues. Environ 25 kilomètres de la rive savoyarde sont encore à étudier pour étendre cet inventaire à l'ensemble du lac.

Après un premier examen de chaque station conservée, une surveillance régulière est nécessaire, pour apprécier l'évolution des menaces qui peuvent toucher les sites. Cette surveillance peut aisément être assurée lors de la poursuite d'un programme scientifique, dont l'objectif est une meil- leure connaissance des populations qui ont habité ces vil- lages engloutis. En outre, la sensibilisation du public, par le moyen d'expositions ou de publications, est une garantie de ne pas oublier à nouveau ces témoignages de notre passé.

Fig. 12. Ténevière naturelle sur le site Bronze final de Corsier-Port (Genève). Le meilleur moyen de protection contre l'érosion.

Fig. 13. Figure d'érosion autour des pieux de la station Bronze ancien de Préverenges (Vaud). Le culot de craie visible au centre correspond au cône d'enfoncement d'un pieux disparu.

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BIBLIOGRAPHIE

Chervet, Huber 1990 : CHERVET (A.), HUBER, (A.). 1990. Érosion de la rive sud du lac de Neuchâtel : examen des causes, prévision de l'évolution future, recommandations sur les mesures à prendre. Zurich ; labo. de recherches hydrauliques, hydrologiques et glaciologiques de l'école polytechnique fédérale. (rapport : 956/1 F).

Corboud, Pugin 1992 : CORBOUD (P.), PUGIN (C.). 1992. Les stations littorales de Morges Vers-l'Eglise et des Roseaux : nouvelles données sur le Néolithique récent et le Bronze ancien lémaniques. Annu. de la Soc. suisse de préhist. et d'archéol., 75, p. 7-36.

Corboud 1991-1992 : CORBOUD (P.). 1991-1992. Dix ans de recherches archéologiques dans le Léman : l'ébauche d'un bilan.

Bull. du Centre genevois d'anthrop., 3, p. 149-151.

Gosse 1881 : GOSSE (H.-J.). 1881. Plan dressé par H.J. Gosse Dr, en Mai 1870 et complété d'après les notes prises de 1852 au 1er Février 1881. Plan déposé aux Archives cantonales de Genève.

Blondel 1923 : BLONDEL (L.). 1923. Relevé des stations lacustres de Genève, Genava, 1, p. 88-112.

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OPÉRATION

CANTON DE VAUD

Veytaux/Chillon, 1991

Saint-Sulpice/La Venoge, 1991 Préverenges/Préverenges I, 1991 Préverenges/Préverenges II, 1991 Morges/Les Roseaux, 1984, 1991 Morges/Vers-l'Église, 1984 Morges/Grande-Cité-Nord, 1984 Morges/Grande-Cité-Sud, 1984 Tolochenaz/La Poudrière, 1984 Tolochenaz/Le Boiron, 1991 Saint-Prex/Fraidaigue I, 1989 Saint-Prex/Fraidaigue II, 1989 Saint-Prex/Fraidaigue III, 1989 Rolle/Île de la Harpe, 1989 Rolle/Fleur d'Eau, 1989 Gland/La Dullive, 1987 Prangins/Sadex, 1982 Nyon/L'Asse, 1982 Mies/Les Crenées, 1983

CANTON DE GENÈVE

Versoix/Versoix-Bourg, 1983 Genève/Pâquis A, 1982 Genève/Pâquis B, 1982 Genève/Pâquis C, 1982 Genève/Eaux-Vives, 1985 Genève/Plonjon, 1985

Cologny/La Belotte, 1985, 1988, 1990 Collonge-Bellerive/Pointe-à-la-Bise, 1985 Collonge-Bellerive/Bellerive I, 1985, 1988 Collonge-Bellerive/Bellerive II, 1987 Corsier/Corsier-Port, 1978-82, 1990 Anières/Bassy I, 1994 (partiellement) Anières/Bassy II, 1987

HAUTE-SAVOIE

Chens/Creux de Tougues, 1987 (étude CNRAS)

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Année de mise en place de la protection : pas de protection, si ce n'est un test réalisé en 1990 protection du front d'érosion de la couche archéologique de Corsier-Port, par la pose d'un géotextile de 2 x 100 m, lesté par des galets.

Coût total de l'opération : pour le repérage et l'inventaire des sites suisses :

Année Total C. de Genève C. de Vaud

1982 70'000 50'000 20'000

1983 80'000 55'000 25'000

1984 85'000 55'000 30'000

1985 89'250 59'250 30'000

1986 93'710 62'475 31'235

1987 98'400 65'600 32'800

1988 125'750 66'250 59'500

1989 125'750 66'250 59'500

1990 125'750 66'250 59'500

1991 125'750 66'250 59'500

Total 1'019'360 612'325 407'035

Financé par : Service de l'Archéologie cantonale de Genève pour un total de 612'325 SF et Section des Monuments historiques et Archéologie du Canton de Vaud pour une somme de 407'035 SF.

Nombre de personnes ayant pris part aux travaux : en moyenne 4 personnes, tous archéologues diplômés, pendant des périodes de 2 mois de terrain (janvier à mars).

Références

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