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Cancer de la prostate : les chiffres français de l’excès de dépistage et de ses complications

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Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

9 avril 2014

actualité, info

avancée thérapeutique

On observe depuis plusieurs années une critique récurrente d’une forme de dépistage «exces- sif» du cancer de la prostate. Elle se fonde pour l’essentiel sur les complications handicapantes de thérapeutiques dont la justifica- tion n’était pas véritablement démontrée. Il y a aussi, bien sûr, la question de son coût. Une étude française de grande ampleur dont les résultats viennent d’être pu- bliés 1 fournit, dans ce domaine, de nouveaux et précieux éléments chiffrés. Ce travail a été mené sur onze millions d’hommes de 40 ans et plus. Il s’agissait d’estimer les fréquences des dosages de l’antigène spécifique de la prostate (PSA), des biopsies et des cancers de la prostate (CPr) nouvellement pris en charge, ainsi que d’estimer les taux de complications.

Il apparaît ainsi qu’en 2011, environ 30% des hommes sans CPr ont eu au moins un dosage du PSA, 0,5% une biopsie de la prostate et 0,4% un CPr nouvellement pris en charge. Les médecins généra- listes avaient prescrit 87% des tests. Le PSA libre rendait compte

de 21% des 4,2 millions de tests effectués. Après un dosage du PSA en 2010, 2,1% des hommes ont eu une biopsie l’année suivante et 1% un CPr pris en charge. Parmi ceux présentant un CPr, près de 80% ont eu au moins un traitement spécifique dans les deux années suivantes. Chez les hommes de 50-69 ans, près de 66% ont eu une prostatectomie isolée et, parmi eux, 61% un traitement médicamenteux pour troubles de l’érection et 18%

pour troubles urinaires lors des deux ans de suivi.

«Le dosage du PSA en France cor- respond à un dépistage de masse, contrairement aux recommanda- tions de la Haute autorité de santé, concluent les auteurs. L’hétérogé- néité géographique des pratiques et l’utilisation importante du PSA libre, plus coûteux, doivent con- duire à une réévaluation des pratiques. L’information du patient doit prendre en compte la fréquence élevée des troubles liés aux traitements.»

La problématique n’est pas nou- velle mais l’équation semble comme insoluble, faute notam-

ment de recommandations contraignantes. En janvier 1999, les autorités sanitaires françaises recommandaient de ne pas mettre en place un dépistage systématique et organisé du cancer de la prostate.

Il n’est pas inintéressant, quinze ans plus tard, de relire leurs con- clusions.

«De nombreuses interrogations persistent quant à l’efficacité des traitements du cancer de la pros- tate localisé : le meilleur traitement n’est pas défini ; la morbidité des traitements et leur impact sur la qualité de vie participent grande- ment à cette conclusion, peut-on lire dans le rapport de 1999.

L’intérêt du traitement curatif par rapport à la surveillance et un traitement différé n’est pas dé- montré (même s’il est suggéré pour certaines tranches d’âge et certains types de tumeur). Il est, en 1998, impossible d’identifier, parmi les tumeurs de prostate détectées, celles qui feront courir un risque vital au patient au cours de son existence et celles qui ne seront pas la cause de son décès.

Le degré de différenciation de la tumeur est cependant le facteur pronostique connu le plus déter- minant. Les hommes ayant des antécédents familiaux de cancer de la prostate pourraient repré- senter une sous-population à risque, toutefois il n’existe pas de critères spécifiques (âge, nombre de personnes atteintes dans la fratrie et degré de parenté) défi- nissant cette sous-population.»

Ces mêmes autorités ajoutaient, concernant l’analyse économique, que l’étude de la littérature montrait qu’il était prématuré d’envisager la mise en place d’un dépistage de masse du cancer de la prostate – sans pour autant condamner certains dépistages spontanés.

«Le dosage du taux de PSA sanguin total serait en cas de dépistage la modalité à utiliser, poursuivaient-elles. En effet, ce dosage permet d’identifier une anomalie biologique en faveur de l’existence d’un cancer de la pros- tate. Cependant, des problèmes de variabilité des résultats existent en routine selon les méthodes utilisées (valeur seuil). De plus, les performances de ce test (valeur prédictive) en situation de dépis- tage systématique restent mal connues.»

En pratique, la stratégie apparem- ment la plus performante (combi-

ner le PSA et le toucher rectal et faire une biopsie lorsque l’un des deux est positif) ne correspondait pas à une stratégie de référence gold standard. La stratégie optimale restant à définir en prenant en compte également des critères économiques. Conclusion de 1999 :

«les connaissances actuelles ne permettent pas de recommander un dépistage de masse du cancer de la prostate. Il semble indispen- sable de conduire une réflexion complémentaire sur l’information au patient et sur l’opportunité d’un dépistage individuel par la bonne prescription du dosage du PSA».

L’affaire rebondissait dix ans plus tard avec deux études majeures et de grande ampleur, publiées en mars 2009, dans le New England Journal of Medicine : un essai amé- ricain 2 et un essai européen.3 Pour tenir compte de ces données, la Haute autorité (française) de santé (HAS) procédait à une éva- luation de ces deux publications pour déterminer si elles devaient conduire à une modification des recommandations existantes.

L’analyse critique de ces deux études était confiée à un expert en méthodologie, le Pr Rachid Salmi, directeur de l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (ISPED).

Cancer de la prostate : les chiffres français de l’excès de dépistage et de ses complications

Adénocarcinome prostatique

CC by KGH

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pour toute information La HAS s’était en outre appuyée

sur les commentaires d’un groupe de travail et sur l’avis de sa Com- mission d’évaluation économique et de santé publique, pour décider s’il convenait de réévaluer l’oppor- tunité de la mise en place d’un dépistage systématique du cancer de la prostate par le dosage du PSA.

«Les deux études américaine et européenne sont de qualité inégale et trop hétérogènes pour être comparées, expliquait-elle alors.

L’analyse critique de l’ensemble de ces données montre que le dépistage systématique n’a pas fait la preuve de ses bénéfices. Ses inconvénients démontrés ou sug- gérés par l’essai américain et par l’essai européen paraissent impor- tants : fréquence de faux positifs, sur-diagnostic et traitements inu- tiles notamment. L’analyse critique de ces deux études permet de con- clure qu’il n’y a aucun élément supplémentaire de nature à re- poser la question du dépistage systématique du cancer de la prostate par le dosage PSA ; elle souligne au contraire le besoin de recommandations pour un usage plus rationnel du dosage du PSA.»

En conclusion, la HAS considérait qu’aucun élément scientifique nouveau n’était de nature à justi- fier la réévaluation de l’opportu-

nité de la mise en place d’un programme de dépistage systé- matique du cancer de la prostate par dosage du PSA. Elle rappelait ses recommandations antérieures et, une nouvelle fois, «insistait sur l’importance de l’information à apporter aux hommes envisageant la réalisation d’un dépistage indi- viduel du cancer de la prostate».

Nous sommes désormais quinze ans après les premières recomman- dations françaises concernant le PSA. Il apparaît de manière crue que ces recommandations n’ont jamais été réellement suivies d’effet. Le dépistage de masse et le sur-diagnostic sont une réalité et, qui plus est, une réalité croissante et désormais chiffrée. En France, plus de quatre millions de tests sont réalisés chaque année chez des hommes sans éléments de suspicion de cancer prostatique mais à des seules fins de «dépis- tage» (87% par un généraliste, 3,6%

par un urologue). Des différences régionales dans les prati ques apparaissent, que rien a priori ne justifie. Quant aux complications des interventions pratiquées, elles apparaissent de manière indirecte sous la forme de consommation de spécialités pharmaceutiques contre les troubles de l’érection et les incontinences urinaires. Il ne reste plus qu’à connaître le coût

de cette forme, moderne et médi- cale, de gabegie.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

Tuppin P, Samson S, Fagot­Campagna A, et al. Dépistage et diagnostic de can­

cer de la prostate et son traitement en France (2009­2011) selon le Sniiram.

Bull Epidémiol Hebd 2014;9­10:163­71.

2 www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJM oa0810696

3 www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJM oa0810084

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