A NNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE T OULOUSE
E RIC R EYSSAT
Approximation de nombres liés à la fonction sigma de Weierstrass
Annales de la faculté des sciences de Toulouse 5
esérie, tome 2, n
o1 (1980), p. 79-91
<http://www.numdam.org/item?id=AFST_1980_5_2_1_79_0>
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APPROXIMATION DE NOMBRES LIES A LA FONCTION SIGMA DE WEIERSTRASS
Eric Reyssat (1)
Annales Faculté des Sciences Toulouse Vol
Il, 1980,
P. 79 à 91(1 ) Mathématiques,
Université Pierre et MarieCurie,
ParisVl,
Tour45-46,
4 PlaceJussieu
- 75230 Paris Cédex 05.Résumé : On prouve ici des mesures de transcendance de nombres liés à une fonction
sigma
de Weierstrass d’invariantsalgébriques ;
on montre enparticulier
que les nombres considérés ont untype
de transcendance fini.Summary :
Wegive
here transcendence measures for some numbers connected with a Weierstrasssigma-function having algebraic invariants ;
inparticular,
we show that these numbers have a finite transcendencetype.
I - INTRODUCTION
On considère un réseau A de
~,
et les fonctionso, ~ , ,~ de
Weierstrass associés à ceréseau. On suppose que les invariants
g2, g3
de A sontalgébriques.
Nous avonsentrepris
dans unpapier précédent [R]
une étudesystématique
des mesures de transcendance de nombres liés auxfonctions §
et:~.
Nousprolongeons
ici ce travail en étudiant des nombres liés à la fonction a ,dont M. Waldschmidt a montré la transcendance
([A
etW] ).
La démonstration utilise une fonction définieplus bas,
vérifiant un théorème d’additionalgébrique ;
nous donnons dans cepapier
une forme
explicite
de ce théorème d’addition.80
Précisons
quelques
notations avant d’énoncer les résultats. On notej3
un nombrealgé- brique,
et u unpoint algébrique
de,~
sanstorsion,
c’est-à-dire un nombrecomplexe
tel que pour tout entier n nonnul, ~~ (n u)
soit défini etalgébrique.
On définit alors la fonction par la formuleLorsque! n’y
aura pas derisque
deconfusion,
on noterasimplement
f la fonctionSoient 8 un nombre
complexe,
et g : fN x[1, ~ [ -~ IR+
une fonction. On dit que g est une mesure de transcendance de 03B8 si pour tout nombrealgébrique
û! dedegré
d et de hau-teur
H,
avec H >ee,
on aI 8 - a
I> g(d,H).
La remarque suivante facile à vérifier sera utile pour démontrer les corollaires énon- cés
plus
bas.Remarque.
Soient81
et82
deux nombrescomplexes
liés par une relation du typeP( 91,6 2)
= 0où
degx
P ~ 0. On suppose que g est une mesure de transcendancede 81,
véri-fiant les
propriétés
suivantes(ce qui
seratoujours
le cas enpratique) :
,a)
g est fonction décroissante enchaque
variable., ,
c)
Pour tout entier a ~1,
il existe un entier a’ ~ 1 tel queIl existe alors une constante C ne
dépendant
quede 03B81
etf) 2
telle que la fonctiong
soit unemesure de transcendance On peut alors énoncer.
_~
THEOREME,
Soit v unpoint algébrigue
de tel que v et v-u nesoientpas pôles
de . Ilexiste
une constante effectivement calculable
C1
nedépendant
que de., 03B2,
u, v telle quef(v)
admettepoùr
mesure de transcendance° ’
si v est un
point
detorsion,
etsi v est sans torsion.
La fonction f admet des
quasi-périodes multiplicatives :
où ~
est laquasi-période de §
associée à ce. Enremarquant
que si w est unepériode primitive
de.~, alors
où rc est un nombre
algébrique
non nul nedépendant
que de u et ce, on déduit du théorème le corollaire suivantCOROLLAI RE 1. Soit ce une
période
non nulle de.
. Il existe une constante effectivement cal- culableC2
nedépendant
que dea,
u, v telle que la fonction soit une mesure detranscendance de la
quasi-période ex p ~
ce~’ ( u ) -
r~ u +~3
de f.Remarque.
On peut améliorer les mesures et moyennant deshypothèses
surl’approximation
de certainesquasi-périodes
de f par les racines del’unités,
vérifiées enparticulier
si l’on sait que les
logarithmes
de cesquasi-périodes (Le
les nombresce§ (u) -
r~ u +~i ce)
formentun réseau dans ~.
Lorsque ~3
=0,
le théorème permet enfin de montrer les deux corollaires suivantsCOROLLAI RE 2. Si u est un
point algébrique
de.
sanstorsion,
il existe une constante effecti-vement calculable
C3
nedépendant
que de.~
et u, telle queg’(C3,d,H)
soit une mesure de trans- cendance de Q(u)é u ~ (u)/2,
Cela résulte en effet du théorème si l’on remarque que
f o,-u (2u)
.o(u) 4 , (u)
est un nombre
algébrique
nedépendant
que de u et,~.
COROLLAIRE 3. On suppose que A admet une
multiplication complexe
par i(resp. p
=/3)
,et que u est un
point algébrique
de,~
sans torsion. Il existe une constante effectivement calcula- bleC4
nedépendant
que de u, telle queg’(C4,d,H)
soit une mesure de transcendance deEn
effet,
les formules demultiplication complexe
de o montrent que~~
(resp. ~~)
est un nombrealgébrique
nedépendant
que de u et;/.
La démonstration du théorème fera
l’objet
duparagraphe
!!!. On étudie auparavant la fonctionf~t~,.
introduiteplus
haut.I l -
QUELQUES
PROPRIETES DE LA FONCTION fLes fonctions o et of sont entières d’ordre 2. Ainsi la fonction test une fonction mé-
romorphe
d’ordre 2. Elle vérifiel’équation
différentiellequi
permet de vérifier le lemme suivant :LEMME 4. Soient
k,
L deux entiers > 0. On noteoù P est un
polynôme
à coefficients entiersrationnels,
dedegré
2k et de hauteur(L k) co k
,où
C
est une constante absolue.Démonstration. Grâce à
l’équation
différentielle def,
il suffitd’écrire, pour j
ket de
majorer
par récurrence ledegré dj
et lalongueur Qj
deTj
en utilisant les relationsLe lemme suivant
explicite
le théorème d’additionalgébrique
de la fonction f.LEMME 5. Si on note
zo
= - u, alorsoù l’on
prend
les indices modulo3,
et oùl’égalité
est uneégalité
entre fonctionsméromorphes.
Enparticulier
Démonstration. La deuxième formule se déduit de la
première
par passage à la limite. Pour démon- trer lapremière,
on remarque que le membre degauche
est une fonctionelliptique
de u, depôles simples z~
etz2,
le résidu enz~
étantAinsi,
la fonctionest
elliptique
en u et sanspôle,
doncindépendante
de u. Sa valeur en u = 0 montre queet le théorème d’addition de la fonction
~’
donne le résultat.COROLLAIRE 6. Pour tout entier m >
0,
il existe despolynômes Am, Cm, Dm,
vérifiant2Q)
Cespolynômes
sont dedegré
~c 1 m2
et leurs coefficients sont des éléments de Z[g2 / 4, g3 ] de
taillec 1 m 2,
oùc 1
nedépend
que de,~
,30)
Soit v unpoint algébrique
de.~
tel que mv, v+u et v-u ne soient paspôles
de,~
. AlorsDémonstration. Les assertions concernant
Am
etBm
résultent du lemme 4.8 de[R] .
PourCm
etD ,
on commence par construire despolynômes C(1 )
etD(1 )
vérifiant seulement les conditions1 ° )
et2° )~
cequi
se fait par récurrence : l’existence deC(1 ) m
etD(1 ) m
est assurée pour m = 1 etm = 2
grâce
au lemme 5. Deplus,
ce lemmepermet d’exprimer f(2mz)
etf((2m+1 )z)
en fonctionde
f(mz)
etf((m+1 )z),
cequi
assure l’existence deC(1 )
etD(1 )
vérifiant1 °).
En outre, si on notet
unmajorant
de la taille(maximum
dudegré
et des tailles descoefficients)
deC(1 )
etD(1 ),
alors ces
expressions
def(2mz).
etf((2m+1 )z)
ainsi que les formules demultiplication de
per- mettent d’établir les formules de récurrence suivantesd’où l’on déduit la condition
2~)
pour etD~.
Par
ailleurs,
si~ (X,Y)
est lepolynôme
défini au lemme 4.8 de[R],
vérifianton voit facilement que la fonction
’
est une fonction
elliptique
en z,ayant
0 pourunique pôle.
C’est donc unpolynôme en ...~ (z)
et’(z) (et
dont les coefficientsdépendent
deu).
Comme fonction de u, elle admetégalement
0pour seul
pôle ;
c’est donc unpolynôme C
en,!~ (z), ~’(z~, ,~ (u~,..~’(u),
à coefficients constants. Enposant
on en déduit les assertions
1 °)
et3°).
La condition2°)
est vérifiée pourDm d’après
les estimationsclassiques (cf.
lemme 4.8 de[R] ] ).
Elle est encore vérifiée pourCm grâce
à la relationC D(1 ) = C(1 ) D , et au
lemme de Gel’fond(cf. [G] chap. III,
lemme IlI p.135).
Enfin,
la fonction f estalgébriquement indépendante
de.JI,
lepoint
u étant sanstorsion
(cf. [W] ).
On en déduit le résultatsuivant,
dont l’idée de la démonstration est due à D. Brownawell et D. Masser.LEMME 7. Soit P
[X,Y]
unpolynôme
non nul dedegré L
enX,
et dedegré L2
enY,
avec
L1,
,L2
> 1. Soiental,...,an
des nombrescomplexes
nonnuls, bl,...,bn
des nombrescomple-
xes non
pôles
de , tels quebi
~ ± b.j (mod A
si i ~j.
On suppose que pour i = l ,...,n, la fonc- tion =f(z), ~ (z))
a un zéro d’ordreki
aupoint bi.
Alorset en
particulier,
siki
> 20L~
pour touti,
alorsDémonstration. La preuve est
analogue
à celle du lemme 4.4 de[R] . Lorsque degy
P =0,
on voitfacilement que
On suppose maintenant que P est irréductible et que
degx
P.degy
P ~ 0. On peut évidemmentsupposer que
ki
> 1 pour tout i. Pardérivation, l’hypothèse
montre queEn tenant compte des
équations
différentielles vérifiées par f et,~,
on en déduit que si on définit lepolynôme
Ainsi,
si Rdésigne
le résultant de P etQ
par rapport àX,
alorsSi R est non
nul,
on en déduitMontrons que R est effectivement non nul. Dans le cas
contraire,
P diviseQ. Ainsi,
si l’on définit localement une fonction g vérifiantP(g(z), .(z))
=0,
alors -P(g(z), (z)) ~
0 etQ(g(z), ,~(z))
=0,
d’où l’on déduitdz
Or, Px (g(z), ,~(z)~
ne peut êtreidentiquement
nul car P estirréductible,
doncet par suite
g(z)
= cu(z)
où c EC,
cequi
est absurdepuisque
les fonctions,~
et sontalgébriquement indépendantes.
Cela prouve lamajoration (4).
Enfin unpolynôme quelconque
P E C
[X,Y]
peut sedécomposer
sous la formeoù
degx Q = 0, degy
R =0, degx Sk . degy Sk ’* 0,
etSk
irréductible. Enappliquant respective-
ment aux
polynômes Q,R,Sk
lesmajorations (2), (3)
et(4),
on en déduit finalementIII - DEMONSTRATION DU THEOREME
w
On suppose d’abord que v est un
point
detorsion,
soit v = -, où w est unepériode
n
primitive
de.~
et n un entier > 2.D’après
le corollaire6, f(v) f(
w/ 2) 2jn
est un nombrealgé- brique
nedépendant
que de v. La remarqueprécédant
l’énoncé du théorème permet ainsi de supposer que v = w/
2.La fonction
g(C~,d,H)
étant fonction décroissante ded,
on peut supposer que d est ledegré
exact de a. Soit v un entier suffisammentgrand,
nedépendant
que de.~ ~
u, v,~i.
Les cons-tantes
c3
etc4
nedépendent
que deJ,
u, v,~i,
mais non de v .On définit les
paramètres
on suppose alors par l’absurde que l’on a
On construit alors une fonction auxiliaire
F, polynomiale
en f et de lafaçon
suivante : pour m ~0, 0 ~ L~
0 ~À~ L~
À=(À~ À~),
k ~0,
on noteAlors la relation
(1 )
montre queoù est un
polynôme
à coefficients dans Z[g2 / 2] ,
, de taillemajorée
parc3
klog(k + A1
+À2
+1 )
et dedegré
inférieur àc3(k
+Àl ).
On définit les nombres
algébriques
LEMME 8. Le
système
a une solution non triviale
(x~ )
E vérifiantlog max
I Ic4
Klog
KDémonstration. Il 1 suffit d’utiliser le lemme de
Siegel,
sous la forme donnée au lemme 4.2 de[R] ,
en remarquant que
L~ L2 > v MK,
pour obtenir le résultat.On choisit alors une telle
solution,
et on posede sorte pour m M et k
K ;
deplus,
est un nombrealgébrique,
que l’on sait minorerlorsqu’il
n’est pasnul, grâce
au lemme 4.1 de[R] .
De même que dans
[R] ( §
IVB/
etC/ ),
enappliquant
les formulesd’interpolation
à la fonction entière
F(z)
a(z) 2L1 +L2 (lemme
4.5 de[R] )
une récurrence permet de déduire del’hypothèse (5)
et de la construction faite au lemme 8 que~ ~
est nul pour k ~Li L~,
d’oùl’on déduit facilement
Li L2 où ’
8
(z) _~ p(A);~(z) ~1 (a f(z) / f(v)) ~2
À
ce
qui
contredit le lemme 7(où
l’on choisit i== 1, al = a / f(v), bl
=v).
La
première
assertion du théorème est ainsi démontrée.Supposons
maintenant que v est sanstorsion,
et montrons la deuxième assertion. Onse ramène aisément au cas où v + u et v - u ne sont pas
pôles
de,~ .
Eneffet,
si v + u estpôle
de
,~ ,
alorsv/2
est sanstorsion,
et u +v/2
et -u +v/2
ne sont paspôles
de,f puisque
u est sanstorsion. Le théorème étant vérifié pour
v/2
le sera encore pour vd’après
le lemme 5 et la remarqueprécédant
l’énoncé du théorème.De même que
précédemment,
on peut supposer que a est dedegré
d. vdésigne
unentier suffisamment
grand
nedépendant
que de u, v,a.
On définit lesparamètres
On suppose par l’absurde que l’on a
On construit une fonction auxiliaire
F, polynômiale
en f et,~ ,
, de la manière suivante : pourm >
0, 0 A~ Ll’
0À2 L2,
X=(~~ , À2)’
on poseIl résulte alors du corollaire 6 que
où est un
polynôme
à coefficients dans Z[g~/4, g 3 J ,
de taillemajorée
par +L~) m
où
c5 dépend
de,~,
u,v, ~i
mais non de v .D’après
le lemme4,
on en déduit que si on définitoù est un
polynôme
à coefficients dans Z[g~/4, go] ,
, de taillemajorée
par+
+ klog k)
et dedegré majoré
par + +k),
oùc~
estindépendante
de a et 03BD.
On définit les nombres
algébriques
Comme
précédemment,
le lemme 8 reste valable avec les nouveauxparamètres M, L1, L~, K,
cequi
permet d’achever la construction de F par les formules(6)
et(8).
Enappli-
quant ici encore les formulesd’interpolation (lemme
4.5 de[R]
avec =d1/2)
à la fonction entièreF(z) Q (z) 2L 1 +L 2,
une récurrence permet de déduire del’hypothèse (9) et de la construc-
tion de F que
(défini
par(7))
est nul pour 1On considère la fonction B
m(z)
définie parOn vérifie facilement que le
système d’inégalités
et par suite la fonction
admet au
point
z = mv un zéro d’ordre >Kl’
car 03B8m(z)
=Fm(z) Hm(mz)
oùFm
est une fonc-tion
qui
ne s’annule pas en z = v. Cela étant vrai pour 0 mM, l’inégalité
L~ L~
contredit le lemme
7,
cequi
prouve le théorème.91
REFERENCES
[A]
«Nombres transcendants et groupesalgébriques». Astérisque (Société Mathématique
de
France),
àparaître
en 1979.[G]
A.O. GELFOND. «Transcendental andalgebraic
numbers».Dover, New-York,
1960.[R]
E. REYSSAT.«Approximation algébrique
de nombres liés aux fonctionselliptiques
et
exponentielles».
àparaître
en 1980 au Bull. S.M.F.[W]
M. WALDSCHM I DT. «Nombres transcendants et fonctionssigma
de Weierstrass».C.R. Math.