A NNALES DE L ’I. H. P., SECTION C
L AURENT C ARRARO
J EAN D UCHON
Équation de Burgers avec conditions initiales à accroissements indépendants et homogènes
Annales de l’I. H. P., section C, tome 15, n
o4 (1998), p. 431-458
<http://www.numdam.org/item?id=AIHPC_1998__15_4_431_0>
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Équation de Burgers
avecconditions initiales à accroissements indépendants et homogènes
Laurent CARRARO
Département Méthodes et Modèles Mathématiques pour l’Industrie, École des Mines de
Saint-Étienne,
158, Cours Fauriel, 42023 Saint-Étienne Cedex 2, France.
E-mail: carraro@emse.fr
Jean DUCHON
CNRS - URA 740, Université Claude Bernard,
43, Boulevard du 1 novembre 1918, 69622 Villeurbanne Cedex, France.
Vol. 15, n° 4, 1998, p. 431-458 Analyse non linéaire
RÉSUMÉ. - On s’intéresse ici aux solutions de
l’équation
deBurgers
non
visqueuse
avec condition initiale à accroissementsindépendants
ethomogènes,
à sautsnégatifs.
Ondégage
la notion de solutionstatistique intrinsèque
de cetteéquation
d’évolution et on montrequ’une
famille(X (t); t
>0)
de processus deLévy homogènes
est solutionstatistique intrinsèque
del’équation
deBurgers
si et seulement si les fonctionsexposants 1b (t, w)
satisfontl’équation :
= L’étude de cetteéquation permet
d’établir l’existence d’une telle solution. Le cas d’une condition initiale brownienne estexplicité.
©Elsevier,
ParisABSTRACT. - We
study
here solutions of inviscidBurgers equation
witha stochastic initial value with
homogeneous
andindependent
incrementswithout
positive jumps.
We define the notion of intrinsic statistical solution of this evolutionequation
and show that afamily (X (t) ; t
>0)
ofhomogeneous Lévy
processes is an intrinsic statistical solution ofBurgers équation
if andonly
if theexponent functions 1b (t, w) satisfy
the differentialAMS Classification: 35 R, 60 G, 76 F, 35 Q.
Annales de l’Institut Henri Poincaré - Analyse non linéaire - 0294-I449
. Vol. 15/98/04/@ Elsevier. Paris
equation:
= z1fJ ~~.
The existence ofsuch
solutions follows then from the examination of that lastequation.
The case of a brownian initial condition is madeexplicit.
@Elsevier,
ParisINTRODUCTION
Une
approche
de la turbulencehydrodynamique
consiste à chercher des solutionsstatistiques (i. e.
à donnée initialealéatoire)
deséquations régissant
le mouvement d’un fluide.
L’équation
deBurgers :
est considérée dans ce contexte pour son
analogie
avec celles de Navier- Stokes(c
>0)
ou d’Euler(c
=0), malgré
bien des différences.Les solutions de cette
équation
sont connuesexplicitement
via latransformation de
Hopf-Cole (voir [5]).
Dans le cas nonvisqueux (E
=0),
cette
technique
est notamment utilisée pouranalyser
les solutionslorsque
la condition initiale est aléatoire. Par
exemple,
Sinai[8]
s’intéresse au cas d’une condition initiale nulle sur et brownienne surShe,
Aurellet Frisch
[7],
à l’aide de calculsnumériques,
examinentparticulièrement
des conditions initiales du type browniens fractionnaires. Néanmoins les
expressions
obtenues seprêtent
difficilement à des évaluations de natureprobabiliste (moments, densité,
loi duprocessus...).
Formellement,
si ~co est une condition initiale aléatoire pourlaquelle
laméthode de
Hopf-Cole s’applique,
si u(t, . )
est la solution del’équation
deBurgers
avec condition initiale u0 et sidésigne
la loi de u(t, . ),
la famillet de
probabilités
définies sur unespace E
de fonctions réelles d’unevariable
réelle,
vérifie pour toute fonction test v appartenant àl’espace D
des fonctions de classe à support compact:
Compte
tenu de l’invariancegaliléenne
del’équation
deBurgers (comme
de celles d’Euler ou de
Navier-Stokes),
nous définissons des solutionsstatistiques
«intrinsèques » qui généralisent
les solutionshomogènes (i.e.
invariantes par translation en la variable
d’espace
Annales Je l’Institut Henri Poincaré - Analyse non linéaire
La
première partie
introduit lesprincipaux
outilsprobabilistes
concernantles processus de
Lévy qui
seront utiles dans la suite. Nous définissons alors dans une deuxièmepartie
les solutionsstatistiques
et les solutionsstatistiques intrinsèques
del’équation
deBurgers
et montrons comment cesdernières
généralisent
les solutionsstatistiques homogènes.
La section 3est consacrée au résultat
principal
de cetravail,
à savoir le lien entre processus deLévy homogènes
de variance finie et solutionsstatistiques intrinsèques. Cependant,
de telles solutionspeuvent
faireapparaître
desfonctions à sauts
positifs,
donc ne vérifiant par les conditionsd’entropie
de Lax. C’est
pourquoi
nous montrons dans laquatrième partie
commentla classe
plus
restrictive des processus deLévy homogènes
de variance finie àtrajectoires dépourvues
de sautspositifs
est conservée par le flot del’équation
deBurgers
et établissons un résultat d’existence et d’unicité de solutions de cetype.
Nousexplicitons
enfin dans la dernièrepartie
les solutions dans le cas d’une condition initiale brownienne et donnons
quelques propriétés
de celles-ci.1.
PRÉLIMINAIRES
PROBABILISTESOn commence par
préciser
le cadre fonctionnel de l’étudequi permet
de définir la notion de fonctioncaractéristique
d’un processus aléatoire.On aborde ensuite les
propriétés
lesplus importantes
des processus à accroissementsindépendants : décomposition
deLévy-Khintchine
et mesurede
Lévy.
Les processus aléatoires considérés dans la suite sont des processus X =
(X
dont lestrajectoires
sontcadlag (i.e.
sont continues à droite etpossèdent
une limite àgauche
en toutpoint).
Si Edésigne
l’ensemble des fonctions réelles d’une variable réelle
qui
sontcadlag,
la loid’un tel processus est la mesure
image
de laprobabilité
Psous-jacente
parl’application
X. E est muni de la tribucylindrique C(E) engendrée
parles fonctions d’évaluation :
C(~) _ ~ (~~c
Eu (~); ~
Eff~~),
choixnaturel vis-à-vis du modèle
probabiliste.
Il est souvent essentiel dans lapratique
que cette tribu coïncide avec la tribuborélienne ;
cequi
n’est pas le cas icilorsque
latopologie
del’ espace E
est celle de la convergence uniforme(essentiellement
car E est alors nonséparable).
C’estpourquoi
on munit cet espace de la
métrique
de latopologie
de Skorokhod sur toutcompact, définie comme suit :
Vol. 15, n° 4-1998.
On note, pour n E
N*,
et si c,~
E On,
on pose :On (définit ensuite pour u, v E E :
où
On montre que muni de cette
métrique,
E est un espacepolonais (voir Billingsley [2]) ;
cequi implique
enparticulier
la coïncidence des tribus borélienne etcylindrique.
On
désigne
par Ml’espace
des mesures de Radon surR,
àsupport compact
et par D le sous-espace vectorielengendré
par les masses deDirac. Dans la
suite,
poursimplifier l’écriture,
si Àdésigne
la mesure deLebesgue
surR,
on identifiera une fonction v appartenant àl’ espace D
desfonctions de classe C°° à
support compact
à la mesure v.À et on écrira parexemple v(A),
si A est un borélien de l~.Avant
d’indiquer
la dualité naturelle entre E etM,
il est nécessaire derappeler quelques propriétés
des fonctions de E.Ainsi,
toute fonction de E estborélienne,
localement bornée et l’ensemble de sespoints
dediscontinuité est au
plus
dénombrable. Parsuite,
il est loisible de poser, pour u E E et v E M :L’ application :
u E E ~(u, v)
va nous intéresserparticulièrement
dansce
qui
suit. Il est bon de noter que cetteapplication
n’est pas continue engénéral (elle
ne l’est paslorsque
v ED ) ;
d’où l’intérêt du :LEMME 1. -
(i)
Si v ED,
u E E ~(2c, v)
est continue.(ii)
Si v E il existe une suite defonctions
de D telle que :Annales de l’Institut Henri Poincaré - Analyse non linéaire
Preuve. -
(i)
Si Un -+ u, u~(x)
- u(x)
en toutpoint x
de continuitén n
de u
(voir [2]).
Comme deplus,
la suite un(x)
est bornée uniformément(en x
ESupp
v et n eN),
on déduit du théorème de convergence dominée la convergencev) vers (u, v ) .
(ii)
Fixons p E D telleque J
p(x)
dx = 1 etSupp
p cR+ ; puis
posons, pour n E
N*,
pn(x)
= n p(nx) .
Il est alors clair que les fonctions vn == Pn * v sont éléments del’espace D,
et si u EE,
on a :Le théorème de Fubini est ici
applicable
par Pn et v sont àsupport compact.
De
plus,
par continuité à droite de u,Comme par
ailleurs,
le théorème de convergence dominée
s’applique
et fournit le résultat. D On déduit immédiatement de ce lemme que pour toute mesure v deM, l’application :
est
mesurable ;
cequi permet
de donner un sens à la :DÉFINITION 1. - Soit ~c une
probabilité
sur E muni de la tribuC (E) ;
onappelle fonction caractéristique
de ~cl’application ~c définie
sur M par :Cette fonction détermine la mesure ~, ;
plus précisément :
LEMME 2. -
Une probabilité p
sur(E, C(E))
est caractérisée par :(i) j~ (v),
pour v ED,
ou par :
(ii) ~û (v),
pour v E D.Vol. 15, n° 4-1998.
Preuve. - Le
premier point
estconséquence
del’injectivité
de latransformation de Fourier des
probabilités
sur(n
EN*)
et du théorème d’unicité duprolongement
d’uneprobabilité
du03C0-système engendré
par les évaluations u e E - u(x),
x ER,
à la tribuengendrée C(E).
Lepoint (ii)
est
conséquence
immédiate dupoint (i)
et dupoint (ii)
du lemme 1. 0Nous ne considérons dans ce
qui
suit que la loi des accroissements des processusétudiés ;
il faut pour cela donnerquelques
notations et résultatsanalogues
à cequi précède.
On définit tout d’abord la tribu
C’(E) = 03C3({u
E ~ u(x) - u(y); x, y
Eengendrée
par les accroissements et on note :On
peut
remarquer quelorsque v
EMo, l’application u
E E’ ~(u, v)
estC’
(E)-mesurable ;
cequi permet
de considérer la fonctioncaractéristique
d’une
probabilité
f-l sur(E,
C’(E))
comme une fonction définie surMo
par la formule
(1).
Cette fonction méritetoujours
son nompuisque :
LEMME 3. - Une
probabilité p
sur(E, C’ (E) )
est caractérisée par :(i) ~c (v),
pour vE Do,
’
ou par : .’
(ii) /). (v),
pour vE Do.
Preuve. -
Identique
à celle du lemme 2. DTerminons ces
préliminaires
fonctionnels enrappelant
le résultatsuivant, qui
a trait à la différentiabilité au sens de Gâteaux de la fonctioncaractéristique
LEMME 4. - Soit ~c une
probabilité
sur(E, C(E)). Alors, ~c,
est de classeC2
sur M si et seulement si V v E(~c, v) 2 (~c)
-+-oo ; dans cecas, si v, vi, v2 sont éléments de
M,
on a :Preuve. -
L’implication (V v
+00 =~~c
est declasse
C~)
est immédiate.L’implication
inverse résulte de laconsidération,
pour v e de la
probabilité image
de ~c parl’application :
u e E r-7
(u. v).
Commev
est de classeC2,
on ad v (t)
+oc ;c’est-à-dire J I ~2L. v~ ~’ d~ (u)
+oc. 0Annales de l’Institut Henri Poincaré - Analyse non linéaire
Remarquons
que ce lemme reste valable pour uneprobabilité
sur(E,
C’(E))
à condition de s’intéresser à la différentiabilité dej~
surl’espace Mo.
Avant d’aborder les notions fondamentales concernant les processus à accroissements
indépendants,
il est bon de donnerl’interprétation probabiliste
desprécédentes
notions.On
appellera
processus aléatoire àtrajectoires
dans E touteapplication
mesurable X :
(H, ~’) -~ (E,
C(E)) ;
la loi d’un telprocessus
est alors lamesure
image
de laprobabilité
P sur ~’ parl’application
X. En d’autres termes,si p
est cetteloi,
on a :De
façon analogue,
la loi des accroissements du processus X est la trace de laprobabilité
sur la tribu C’(E) .
Les lemmes 2 et 3 donnent alors des caractérisations de la loi du processus ou de ses accroissements.DÉFINITION 2. -
(i)
Un processus X =(X
est dit àaccroissements
indépendants (en abrégé PAI)
si pour tout n E N(n
>3)
et tous ri x2 ... ~n les variables aléatoires X
(~2) -
XX
(x3 ) -
X(~2 )
..., X(xn ) -
X sontindépendantes.
(ii)
Le PAI X =(X
est dit à accroissementsindépendants
ethomogènes (en abrégé PAIR)
si pour tous ~ y, les variables X{~) -X~ (x )
et X
(y - x) -
X(0)
ont même loi.(iii)
Un processus X est un processus deLévy (resp.
deLévy homogène)
si X est un PAI
(resp. PAIH),
àtrajectoires
dansE,
et continu enprobabilité,
i.e.
vérifiant:
Si X =
(X
est un processus deLévy homogène,
sa fonctioncaractéristique
admet uneexpression simple.
On a eneffet,
pour y > x et w E R : .est continue et
vérine ~ (0)
= 0. Cette dernièrefonction, appelée exposant
deLévy,
est définie defaçon unique
par X(ou plus
exactement par la loi des accroissements de
X),
on noteradonc ~ == ~~~ .
Notons que
réciproquement,
la donnée de lafonction 1b
détermine la loi des accroissements du processus Xpuisque
la formule(3)
segénéralise
au cas des mesures de
Mo
en : r y ~Vol. 15. n° 4-1998.
Cette
fonction 1b
admet unedécomposition,
dite deLévy-Khintchine, qui
est le reflet de la
décomposition
duprocessus X
en somme de ses sautset d’un processus à
trajectoires
continues.De
façon précise,
notons, pour(R
x et 03C9 E 0 :et
PROPOSITION-DÉFINITION. -
(i) N, appelée
mesure des sauts du processusX,
est une mesure de Poisson aléatoire d’intensité~1,
i.e.:. b A E B
(IR
x~* ),
N(A)
-f-oo ~ N(A)
estune
variable aléatoire de Poissond’espérance
A(A).
. Pour presque tout o, N
( . )
est une mesurepositive
localementfinie
sur R X R*.
. Pour toute suite
Al, ... , An
departies disjointes
de B(I~
xf~* ),
lesvariables aléatoires N
(A1),
..., N(An)
sontindépendantes.
(ii)
A est une mesurepositive
sur (~ xproduit
de la mesure deLebesgue
sur R par une mesure, notée n et
appelée
mesure deLévy
du processusX,
surqui vérifie :
n
THÉORÈME DE PAUL LÉVY
([1], [4]). -
Soit X un processus deLévy homogène
et N sa mesure des sauts.Alors,
si x y, on a :où a > 0, 6 E R et B est un processus dont la loi est celle du mouvement
brownien standard.
De
plus,
lesprocessus B
et ~C 2014 ~ sontindépendants.
Notons seulement à propos de cette
décomposition
quel’expression
attendue ne devrait a
priori
pas comporterd’intégrale
en n ;l’apparition
Anuales de l’Institut Henri Poincarl - Analyse non linéaire
de celle-ci est due aux
problèmes
de convergence del’intégrale
en N auvoisinage
de 0(i.e.
au cumul depetits sauts).
Il découle
simplement
de cettedécomposition
la forme del’exposant
deLévy
du processus X :COROLLAIRE 1. - Sous les
hypothèses précédentes,
on a laformule
deLévy-Khintchine :
Remarquons
que cette écriture caractérise lesexposants
deLévy
desprocessus de
Lévy homogènes
au sens où si1b :
C vérifie(6),
il existeun processus de
Lévy X dont 1b
estl’exposant.
Les processus que nous considérons par la suite seront
toujours
de carréintégrable ;
d’où l’intérêt du :LEMME 5. - Soit X un processus de
Lévy homogène
de mesure deLévy
n; alors.-
y
Dans la
suite, lorsque
la condition du lemme 5 estsatisfaite,
onparlera
pour
simplifier
de processus deLévy homogène
de variance finie. Dansce cas, du fait des
propriétés d’intégrabilité
de la mesure n, la formule deLévy-Khintchine
sesimplifie :
COROLLAIRE 2. -
Soit ~ l’exposant
deLévy
d’un processus deLévy homogène
de variancefinie ;
alors :LEMME 6. -
Soit ~ :
(~ --~~. ~
estl’exposant
deLévy
d’un processus deLévy homogène
de variancefinie
si et seulementsi 03C8 (0)
=0, 03C8
est declasse
C2
et-~"
estdéfinie positive.
Preuve. - Soit X un processus de
Lévy homogène,
on saitvérifie ~ ~ (0)
= 0. Si deplus
X est de variancefinie,
la condition s2 n(ds)
permetd’appliquer
le théorème de dérivabilité sousle
signe intégral ;
on montre ainsi est de classeC2
et queVol. 15. n° 4-1998.
_ ~ ~- (w) = a?
+jL.
x Lafonction - ~ ~-,
transformée de Fourier de la mesurepositive
finiem (ds)
=a2 bo (ds)
+s2
n(ds),
estdonc définie
positive.
Réciproquement,
si~G
satisfait les conditions dulemme,
le théorème de Bochner fournit l’existence d’une mesure m sur (~ dont-~"
est latransformée de Fourier. En isolant la masse éventuelle
de
en0,
on peuttoujours
écrire :où n est une mesure
positive
sur l~* telle ques?
n(ds)
+00.En
intégrant
deux foisl’équation :
r
on obtient immédiatement l’identité
(7),
où b =-Z ~’ (0).
D2. SOLUTIONS
STATISTIQUES INTRINSÈQUES
Commençons
par établir formellement la notion de solutionstatistique.
Si
Xo
est un processus aléatoire et siX (t, x)
est la solution del’équation
de
Burgers
autemps t,
à l’abscisse x avec condition initialeXo,
la famille(X (t;
est un processus aléatoire à deux indices t et x. Nous allons voirqu’alors,
la loi du processusX(t)
défini parX (t) (x)
=X (t, x)
suit une
équation
d’évolutionsimple.
Une telleapproche
nepermettra
évidemment pas d’obtenir desrenseignements probabilistes
dutype
loiconjointe
des processusX (s)
etX (t)
en des instants distincts s et t mais estsusceptible
d’aider à la connaissance des lois des processusX (t), t
> 0.En raisonnant donc de
façon formelle,
nous obtenons àpartir
del’équation
de
Burgers
nonvisqueuse l’équation,
valable pour toute fonction v de D :soit :
Annales de l’Institut Henri Poincaré - Analyse non linéaire
soit encore, en notant Mt la loi du processus
X (t) :
d’où :
DÉFINITION 3. - Une solution
statistique
de[’équation
deBurgers
est unefamille
deprobabilités
sur(E, C(E)) vérifiant:
Comme nous l’avons vu
plus haut,
laprobabilité
bien connue dans lecas d’un processus de
Lévy
est la loi des accroissements du processus.Or,
si v EDo, Mt (v)
est bien définie par la tracede t
surC’ (E)
mais parcontre,
l’application : u ~ E ~ 1 2 u2, v’>
exp(i (u, v))
n’est pasC’(E) -
mesurable. Ce
qui
va nous mener à modifier la définition.Pour u E
E,
nousdésignerons,
pour ab,
par(u)a, b
la moyenne de la fonction u sur l’intervalle[a, b] :
DÉFINITION 4. - Une solution
statistique intrinsèque
del’équation
deBurgers
estune famille
deprobabilités
sur(E, C’(E)) vérifiant :
Notons au passage que la définition
précédente
est cohérente carla fonction : u ~ E ~
1 2 (u - u>a, b)2, v’>
exp(i (u, v))
estC’(E)-
mesurable.
Comme nous l’annoncions dans
l’introduction,
il estimportant
de noter, àl’appui
de notredéfinition,
lerapport
entre les deux définitionsprécédentes.
Rappelons
pour celaqu’un processus X
=(X
àtrajectoires
dans E est un processus
homogène
si pour tout y ER,
les processus X(X
et(X (x
+ sont de même loi.Vol. 15, n° 4-1998.
PROPOSITION 1. - Soit X un processus
homogène,
dont le moment d’ordre 2est
fini,
on a :Preuve. - En
développant
le carré du terme degauche
de la formule(10),
il suffit de montrer que :où :
Comme v est à
support
compact, il est évident que le termeB(a, b)
est
nul;
il suffit donc de s’intéresser àA(a, b). Or, d’après
le théorèmeergodique,
siV désigne
la sous-tribu deC(E)
des événements invariants partranslation,
on a :où E
(. /,~) désigne l’espérance
conditionelle relativement à la sous-tribuJ"
et où la convergence a lieu presque sûrement et dansL2 (~c).
Par
ailleurs,
la finitude du moment d’ordre 2indique
quel’application :
~c t--~
(u, v’) appartient
àL2 (~c) ;
parsuite,
Il suffit donc de
voir,
pour achever la preuve, que cetteexpression limite,
notée
A,
est nulle. Comme E est un espacepolonais,
il existe une versionrégulière
de la loi conditionnelle de u par rapport à E(~c (0)/~) _
y. Ennotant cette loi conditionnelle et v la loi de E
(u (0)/~),
on a donc :Annales de l’Institut Henri Poincaré - Analyse non linéaire
Or la
probabilité
est la loi d’un processushomogène (et ergodique)
dont le moment d’ordre 2 est fini. La conclusion sera donc
acquise
si l’onmontre que pour toute loi po d’un processus
homogène
de variancefinie,
on a :
La preuve formelle de cette identité est très
simple : si,
pour v ED,
onconsidère
l’application
T : x(Tx v),
où Txdésigne
la translation par x, la dérivée de cetteapplication
est donnée par la formule :En
particulier,
si le processus considéré esthomogène, l’application
Test constante et sa dérivée en 0 est donc
nulle ;
cequi
fournit(13).
Pour
justifier
la dérivationprécédente,
on utilisel’inégalité !
exp(ia) -
1 -
ial 2 ,
valable pour a réel. Elle fournitici, pour h ~
0 :et
l’hypothèse
faite sur i.e.JE u (X)2 dpo (u)
+00, montre que cettedernière
quantité
tend vers 0lorsque
h tend vers 0. Une dernière utilisation de cette mêmehypothèse
montre enfin que :ce
qui
termine la preuve. D3. SOLUTIONS
STATISTIQUES
INTRINSÈQUES
ET PROCESSUS DELÉVY
Le résultat
qui
suit montre dequelle façon
la famille des processus deLévy
est conservée par le flot del’équation
deBurgers.
THÉORÈME 1. - Soit
(X (t);
t >0)
unefamille
de processus deLévy homogènes.
Ondésigne
par pt la loi des accroissement de X(t)
et on note~ (t, .) l’exposant
deLévy
du processusX(t).
On suppose que :VoL 15, n° 4-1998.
.
(H l )
Pour tout t >0, ~ (t, .)
est de classeC2.
.
(H2)
Pour tout réel(., w)
est dérivable et est localement bornée.Alors,
lafamille
est solutionstatistique intrinsèque
del’équation
de
Burgers
si et seulement si :Notons,
avant d’aborder la démonstration de cerésultat,
que, en vertu du lemme6,
supposer la condition(H 1 )
satisfaite revient à considérer que pour tout t >0,
le PAIHX(t)
est de variance finie.Preuve. - Nous poserons pour
simplifier
lesécritures,
pour v EDo
et x E
!R, w (x)
=v ( ~~, +oo[). Commençons
parexpliciter
le termede
gauche
de l’identité(9) :
on fixe pour cela 0to tl.
Pour toutréel x, la fonction : t
E ~0, ~-oo ~t--~ w (t, w (x) )
est dérivable. Deplus, l’hypothèse (H2) indique
que la fonctionat1/;
est bornée sur lecompact
[to,
xW (Suppv)
et le théorème de dérivation sous lesigne intégral
fournit
ainsi, pour t appartenant
à]to, t1 ~ :
Cette
formule,
liée à la relation(4),
donne alors :L’évaluation du terme de droite de
(9)
estbeaucoup plus délicate ;
nous utiliserons pour cela le :LEMME 7. - Soit X un processus de
Lévy homogène d’exposant
deLévy 1b de
classeC2. Alors,
est deuxfois différentiable
surMo
et, V v, vl, v2 EMo :
Annales de l’Institut Henri Poincaré - Analyse non linéaire
Preuve. - La formule
(4)
montre que pour obtenir(16),
on est amené àétudier la dérivabilité en 0 de la fonction :
J
Or, lorsque h appartient
à unvoisinage compact
de0,
comme1b’
estbornée sur tout
compact,
on a :La formule
(16)
est alors uneconséquence
immédiate du théorème de dérivabilité sous lesigne intégral
et de l’identité(4).
Le même raisonnement est valable pour obtenir
(17) ;
il suffit deconsidérer dans ce cas
l’application :
qui,
du fait que~"
est localementbornée,
est dérivable en 0. DFin de la preuve du théorème 1. - Nous noterons désormais p =
b 1 a
b~et utiliserons dans la démonstration
qui
suituniquement
le fait quelorsque
a -~ -oo et b 2014~ les
probabilités
p. Àconvergent
faiblement vers 0.Évaluons,
pour v élément deDo,
le terme de droite de(9),
c’est-à-dire :v B /
Nous allons
appliquer
le théorème deFubini ;
notons pour cela lamajoration,
valable pour tout réel ~ :De
plus,
en utilisant le lemme4,
on a :où Vx, p est la mesure
d (vx, p) (~) - - d8x (y) -
p(y) dy.
Vol. 15, n° 4-1998.
La relation
(17)
fournit alors :Or, ([y, -~-oo~) ~21K (y),
où K =Supp p
USupp v.
Parsuite,
On déduit de
(19)
et(20)
que la fonction :est d~ Q9
intégrable
et le théorème de Fubini mène à :soit encore, en utilisant à nouveau le lemme 4 :
L’utilisation de la relation
(17) permet
d’aboutir à :avec :
Annales de l’Institut Henri Poincaré - Analyse non linéaire
Explicitons
tout d’abord B(p) :
soit, après intégration
parparties (les
termes toutintégrés
s’évanouissent du fait que v est élément deD) :
Mais comme =
1,
on a :Par
suite,
Après
avoir noté quew (x) ) v (x ) = - ~ ~w ~ (t, w (x)),
onintègre
une deuxième fois parparties ;
nous obtenons ainsi :Comme la
(t,
w(x)) - (t, 0)
est continue etnulle à
l’infinie,
la convergence faible de p vers 0 montre que :Vol. 15, n° 4-1998.
En ce
qui
concerne le terme C(p),
leprocédé
estanalogue
à celui utilisé pourB (p) ;
la formule(23)
mène à :où :
On obtient alors par
intégration
parparties :
Or,
donc
C (p)
= zjf I (x) c~.~ ~ (t, i~(~c))’~ (x)
De
plus, (t, w (.r)) ~ (x) _ - âx ~ (t, w (x)) ;
comme parailleurs,
la
fonction ~ ( t,
w(.))
tend vers 0 àl’infini,
on obtientaprès
une nouvelleintégration
parparties :
soit :
En
conclusion,
les formules(15), (18), (21), (24)
et(25)
montrent que la famille est solutionstatistique intrinsèque
del’équation
deBurgers
si et seulement si :
Annales de l’Institut Henri Poincaré - Analyse non linéaire
Nous terminerons la démonstration à l’aide du :
LEMME 8. - Soit
f : borélienne,
localementbornée,
telle que=
0 ;
alors .-n
Preuve. - Fixons un réel non
nul w ;
nous supposerons w > 0 pour fixer les idées. Pour E >0,
on construit élement de D tel que :On a alors :
Si on note M la bornée
supérieure de Ifl
sur l’intervalle[0, w],
onobtient :
Le résultat du lemme en découle. D
On achève la preuve du théorème en
appliquant
le lemme à la fonctionf
=qui
s’annule en 0. DNotons que le théorème
précédent
ne donne nil’existence,
ni l’unicité de solutionstatistiques intrinsèques
del’équation
deBurgers
et que les conditionsd’entropie
de Lax ne sont pasprises
encompte.
Dans notre contexte, ces conditionsimposent
à la solution del’équation
deBurgers
d’avoir des sauts tous
négatifs.
Nous allonsdonc
considérer maintenant des processus deLévy homogènes
de variance finie à sautsnégatifs.
4. SOLUTIONS
STATISTIQUES INTRINSÈQUES
ET PROCESSUS DE
LÉVY À
SAUTSNÉGATIFS
Nous allons donner tout d’abord très succintement les
propriétés
desprocessus de
Lévy
à sautsnégatifs qui
seront utiles dans la suite. Avant tout, il convient de bien noter que ce que nousappelons
processus à sautsnégatifs n’impose
pas au processus considéré d’avoir des sauts mais lui interdit d’avoir des sautspositifs.
Vol. 15, n° 4-1998.
Rappelons
que la mesure deLévy
d’un processus deLévy
de variance finie à sautsnégatifs
vérifie la condition :et
permet
d’écrire la formule deLévy-Khintchine
sous la forme :Dans ce cas, en
posant,
pour 03C9 EII+ == {w
EC,
Re >0} :
on définit une fonction
analytique
sur II+qui
seprolonge
continûment àII+,
et :Nous
appelerons
dans cequi
suit secondexposant
deLévy
du processus X la restriction de la fonction cp àI~+ (cp
estappelé exposant
deLaplace
dans
[1]).
,LEMME 9. - La loi des accroissements d’un processus de
Lévy homogène
de variance
finie
à sautsnégatifs
X est déterminée par son second exposant.Preuve. - Si cp est connue sur elle l’est
également
surII+
parprolongement analytique, puis
sur II+ parprolongement
par continuité.La formule
(28)
montre alorsque 1/J
estégalement
connue ; cequi
suffitpour déterminer la loi des accroissements de X
d’après
la formule(4)
et le lemme 3.
Réciproquement,
la donnéede 1/J détermine,
en vertu duprincipe
desymétrie
deSchwarz,
la fonction cp sur donc enparticulier
sur D
Le
précédent
résultatd’injectivité
estcomplété
par le lemmesuivant, qui
a trait à la
surjectivité :
LEMME 10. -
Une fonction yJ : If~+ -~
(F~ est le second exposant deLévy
d’un processus de
Lévy homogène
de variancefinie
et à sautsnégatifs
si etseulement si w est de classe sur
]0,
de classeC2
sur[0,
cp
(0)
=0,
etcp"
estcomplètement
monotone.Preuve. - Nous ne la
reproduisons
pas ; elle est trèsanalogue
à celledu lemme 6.
Rappelons
seulementqu’une
fonctionf : R+ - R
estcomplètement
monotone si elle est de la forme :Annales de l’Institut Henri Poincaré - Analyse non linéaire
où m est une mesure
positive
finie surLe théorème de Bernstein caractérise cette classe de fonctions par la condition nécessaire et suffisante :
f
est continue sur de classe Coosur ]0, +oo[
et vérifie :Remarquons
que le résultat du lemme 9peut également
être établi à l’aide de la formulesuivante,
valable pour toute fonction wpositive, appartenant
à D :Cette formule
permet
en effet de connaître la loi ~c de X sur(E, C’ ( E ) ) .
Il suffit pour cela d’établir un lemme
analogue
au lemme3, qui
utilise la transformation deLaplace
au lieu de la transformation de Fourier.Terminons ces
préliminaires
enévoquant
le cas des processus deLévy
de variance
finie,
à sautsnégatifs
et dont lestrajectoires
sont à variation bornée sur tous lescompacts
deR ;
nous dirons poursimplifier qu’ils
sontà variation bornée. Nous les rencontrerons comme solutions de
l’équation
de
Burgers.
Ils sont caractérisés par une forme nouvelle de la formule deLévy-Khintchine (27) :
ou
qui
traduit au mieux ladécomposition
du processus X en somme de ses sauts :Cette formule permet
également
uneinterprétation simple
du coefficient b : ils’agit
d’un coefficient de dérive(linéaire).
THÉORÈME 2. - Soit
(X (t);
t >0)
unefamille
de processus deLévy homogènes
de variancefinie
et à sautsnégatifs.
Ondésigne
par pt la loi des accroissements deX (t)
et on note c~(t, .)
le second exposant deLévy
du processus
X(t).
On suppose que :(H’ 2)
Pour tout cv >0,
cp(., c~)
est dérivable et est localement bornée.i 5. n° 4-1998.
Alors,
lafamille
est solutionstatistique intrinsèque
del’équation
de
Burgers
si et seulement si cp est solution del’équation
deBurgers :
Preuve. - Nous ne la
reproduisons
pas ; il suffit derépéter
la preuve du théorème 1 enremplaçant chaque
fois que de besoin la transformation de Fourier par celle deLaplace.
DNous allons terminer cette section avec un dernier théorème
qui
donne l’existence et l’unicité de telles solutions
statistiques intrinsèques
à accroissements
inépendants
ethomogènes
à sautsnégatifs (i. e.
vérifiant les conditionsd’entropie).
THÉORÈME 3. - Soit cpo le second exposant de
Lévy
d’un processus deLévy homogène
devariance finie
et à sautsnégatifs
de loi On suppose que :Il existe alors une
unique
solution cp àl’équation
deBurgers (31 )
aveccondition initiale cpo. De
plus,
pour tout t >0,
lafonction
cp(t, .)
est lesecond exposant de
Lévy
d’un processus deLévy homogène
de variancefinie,
à sautsnégatifs,
à variationbornée,
de loiEnfin,
lafamille
estl’unique
solutionstatistique intrinsèque
del’équation
deBurgers formée
de processus deLévy homogènes
de variancefinie,
à sautsnégatifs, vérifiant (H’2),
avec condition initiale po.Remarque. -
La condition(H3) signifie
que le processus deLévy X(0)
de loi tco vérifie E
(X (0) (y) -
X(0) (x))
>0,
pour y > x ; elle fournitla non
explosion
de la solution en temps fini.Preuve. -
Déjà,
du fait quecp~
estpositive
et quecpô (0)
>0,
on en déduitque la fonction
cpô
estpositive.
Parsuite,
pour tout t >0,
la fonction :est une
bijection
et unC~ -difféomorphisme de ]0, sur ]0, +oo[;
onnotera
l’application réciproque h (t, . ) .
On en déduit aisément l’existenceet l’unicité d’une solution
(régulière)
àl’équation (31) :
elle est donnéepar la formule :
Annales de l’Institut Henri Poincaré - Analyse non linéaire
soit :
Montrons maintenant que
cp (t, . )
est le secondexposant
deLévy
d’unprocessus de
Lévy homogène
de variance finie et à sautsnégatifs :
ilsuffit,
en vertu du lemme
10,
de vérifier que cp est de classeC~
sur[0, +oo[
etque cp
(t, . )
estcomplètement
monotone.On tire
déjà
de la formule(33)
les deux identités :On en déduit immédiatement que cp est de classe
C~
sur[0, +oo[
etque
83
cp estpositive.
Pour établir lacomplète
monotonie de83
cp nous utiliserons la caractérisation de Bernstein donnée au lemme 10. Ils’agit
deprouver par récurrence que :
La
propriété
est vrai à l’ordre2 ; supposons-la
satisfaite pour les entierscompris
entre 2 et n - 1. En dérivant n fois(par rapport
à la variablew) l’équation (31),
on obtient :soit, à
l’aide de la formule de Leibniz :L’hypothèse
de récurrence montre alors que :Appliquons
cetteinégalité
en(t,
ce + t po(cv)) ;
en utilisant la relation(33),
on aboutit à :Vol. 15, n° 4-1998.