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Entretien de l enfant : évolution en cours

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(1)

E

STELLE DE

L

UZE1

I. Introduction

La réforme législative consacrée à la responsabilité parentale traite, dans son deuxième volet2, de l’entretien de l’enfant mineur3. Cette révision, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, concerne principalement le Code civil, mais entraîne également la modification d’autres textes législatifs et en particulier du Code de procédure civile4.

Depuis l’entrée en vigueur du Code civil suisse le 1er janvier 1912, la perception de la famille5 et, en particulier, de la place de l’enfant dans la société a beaucoup évolué. Concernant les enfants et outre l’entrée en vigueur de la Convention relative aux droits de l’enfant6 en 1997, la modification du droit de la filiation de 19787 avait déjà marqué une étape déterminante dans cette évolution en réalisant une plus grande égalité entre enfants nés de parents mariés et non mariés8. La révision du droit de l’entretien tend à poursuivre cette évolution en renforçant, d’une part, la place de l’enfant dans le droit de l’entretien et en garantissant, d’autre part, une meilleure égalité entre enfants, indépendamment du statut civil de leurs parents9. Le nouveau droit est par conséquent axé sur la question des besoins de l’enfant et des conditions qui doivent être mises en œuvre pour la meilleure réalisation possible de son bien-

1 L’auteure remercie Monsieur Patrick LOMBARDI, MLaw, assistant diplômé à l’Université de Lausanne, pour sa précieuse relecture de la présente contribution.

Les références de la présente publication sont arrêtées au 30 novembre 2016.

2 Le premier volet de la modification, entré en vigueur le 1er juillet 2014, traitait de l’autorité parentale conjointe.

3 Message du Conseil fédéral concernant la révision du code civil suisse (Entretien de l’enfant) du 29 novembre 2013, FF 2014 511 (516). Pour une présentation du contexte politique de la révision : RUMO-JUNGO/HOTZ, p. 1 s.

4 RO 2015 4299 (avec un erratum publié au RO 2015 5017).

5 Pour une présentation complète, voir : BADDELEY, p. 39 ss.

6 RS 0.107.

7 RO 1977 237.

8 Message du Conseil fédéral concernant la modification du code civil suisse (Filiation) du 5 juin 1974, FF 1974 II 1. Voir également : ALLEMANN, N 5 s.

9 Département fédéral de justice et police, Rapport explicatif relatif au projet soumis à la consultation concernant une modification du code civil (entretien de l’enfant), du code de procédure civile (art. 296a) et de la loi fédérale en matière d’assistance (art. 7) de juillet 2012, p. 5 et 15 ss. Voir notamment : RUMO-JUNGO/HOTZ, p. 4 s.

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être plutôt que sur la réglementation des rapports du couple à la suite d’une séparation.

Dans cette contribution, je me limiterai à aborder certains points de la révision du droit de l’entretien, à savoir les règles permettant de renforcer la place de l’enfant, la notion de contribution de prise en charge ainsi que la question de la répartition des compétences en matière de droit de la famille.

II. Le renforcement de la place de l’enfant

Le renforcement du droit de l’entretien de l’enfant mineur10 est l’un des grands axes de la révision législative11. Lorsque les parents sont séparés, l’entretien de l’enfant demeure une responsabilité qu’ils doivent assumer en commun ; la situation pouvant être conflictuelle entre les père et mère, il est important que le droit définisse clairement les prétentions auxquelles l’enfant a droit et le soutienne dans les démarches permettant leur mise en œuvre lorsque cela s’avère nécessaire12.

A. La priorité de l’obligation d’entretien à l’égard de l’enfant mineur

1) Le principe

Le nouveau droit contient une disposition, l’art. 276a CC, qui prévoit la priorité de l’obligation d’entretien en faveur de l’enfant mineur sur les autres obligations d’entretien du droit de la famille13. La modification vise en particulier à faire primer l’entretien de l’enfant sur celui du conjoint divorcé14 ; la primauté de l’entretien de l’enfant mineur sur celui de l’enfant majeur étant pour sa part déjà admise depuis longtemps par la jurisprudence15.

10 La révision du droit de l’entretien dont il est question dans cette contribution concerne l’entretien de l’enfant mineur (voir MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (516)) ; sans précision spécifique, l’emploi du terme « enfant » dans cette contribution se rapporte par conséquent expressément à l’enfant mineur.

11 Rapport explicatif (note 9) p. 16.

12 Rapport explicatif (note 9) p. 16.

13 Art. 276a CC : « 1L’obligation d’entretien envers un enfant mineur prime les autres obligations d’entretien du droit de la famille. 2 Dans des cas dûment motivés, le juge peut déroger à cette règle, en particulier pour éviter de porter préjudice à l’enfant majeur qui a droit à une contribution d’entretien ». A ce sujet, voir notamment : ALLEMANN, N 7 s. ; GUILLOD, Neuchâtel, p. 17 ss.

14 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (555). Certains auteurs de doctrine s’étaient déjà exprimés en faveur de la priorité de la contribution d’entretien due à l’enfant mineur par rapport à celle du conjoint divorcé ; voir notamment : MEIER/STETTLER, n. 1061 et les références citées.

15 ATF 132 III 209 et TF 5A_743/2012, 6.03.2013. Voir également : GUILLOD, p. 169; GUILLOD/BURGAT, n. 277 ; MEIER/STETTLER, n. 1063.

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La nouvelle disposition ancre désormais dans la loi un principe de priorité dans l’ordre des contributions d’entretien16.

2) Les dérogations

Le législateur a prévu, au deuxième alinéa de la disposition, que dans des « cas dûment motivés », le juge peut déroger à la règle de la priorité de l’enfant mineur. La dérogation sert en particulier l’enfant majeur, dans le but de ne pas trop le désavantager, notamment lorsqu’il est encore en formation17. D’autres bénéficiaires pourraient également profiter de dérogations, en particulier l’ex- conjoint qui se trouverait dans une situation financière très précaire à la suite de la séparation alors que l’enfant jouirait d’un niveau de vie agréable, ce cas de figure devant toutefois être interprété restrictivement18.

3) La priorité de l’entretien de l’enfant mineur et la contribution de prise en charge dans les situations financières serrées

Lorsque plusieurs enfants mineurs ont droit à une contribution de prise en charge19 et que le débiteur de l’entretien n’a pas les moyens de verser l’intégralité de l’entretien à ces enfants, la question se pose de savoir si le principe de la priorité de l’entretien de l’enfant mineur pourrait justifier de supprimer la contribution de prise en charge.

En effet, lorsqu’un enfant mineur a droit à une contribution d’entretien avec contribution de prise en charge, cette part de prise en charge vise en réalité à couvrir les besoins du parent qui s’occupe de l’enfant20. Si les moyens du débiteur se révèlent insuffisants pour couvrir les besoins de tous les enfants, la répartition du déficit se fera de manière proportionnelle entre toutes les contributions d’entretien des enfants mineurs21. La couverture des besoins du parent qui prend l’enfant en charge – la contribution de prise en charge – pourrait alors avoir pour conséquence que d’autres enfants mineurs ne bénéficient pas de l’intégralité de la contribution d’entretien qui leur serait due, voire même ne bénéficient pas de l’intégralité de la couverture de leur minimum vital22. Ainsi, en quelque sorte, la couverture des besoins du parent de l’enfant ayant droit à une prise en charge prendrait le pas sur l’entretien d’un autre enfant mineur au bénéfice d’une contribution d’entretien du même débirentier ;

16 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (523).

17 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (555). Voir également : ALLEMANN, N 7 ; GUILLOD/BURGAT, n. 277 ; MEIER/STETTLER, n. 1063 ; SPYCHER, p. 7.

18 GUILLOD/BURGAT, n. 277 ; SPYCHER, p. 7.

19 Sur cette notion, voir infra : « La contribution de prise en charge ».

20 Voir infra : « Les composantes de l’entretien de l’enfant ».

21 MEIER/STETTLER, n. 1060 ; SPYCHER, p. 33.

22 SPYCHER, p. 33 s.

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le principe de la priorité de l’entretien de l’enfant mineur pourrait alors être invoqué pour s’opposer à ce mécanisme.

La réponse à cette problématique n’est pas évidente car la contribution de prise en charge fait expressément partie de l’entretien de l’enfant et non de celui du parent qui prend l’enfant en charge. Si toutefois l’octroi d’une contribution de prise en charge a pour effet que d’autres enfants mineurs ne peuvent pas recevoir l’intégralité de la contribution permettant de couvrir leur minimum vital et que la suppression de la contribution de prise en charge permettrait de pallier ce manque (d’autres formes de prise en charge de l’enfant s’avérant moins onéreuses), la contribution de prise en charge devrait à notre sens être exclue23.

B. Changements procéduraux

Toujours dans le but de renforcer la place de l’enfant en matière d’entretien, le Code de procédure civile a subi différentes modifications.

Comme c’est déjà le cas en matière de garde et de droit aux relations personnelles, le tribunal peut désormais, en matière d’entretien, exhorter les parents à tenter une médiation gratuite et désigner un représentant à l’enfant24. La médiation gratuite – qui n’était ouverte que dans les affaires concernant le droit des enfants qui ne sont pas de nature patrimoniale – est ainsi élargie, depuis le 1er janvier 2017, aux litiges sur les contributions d’entretien25. Cela notamment car ces litiges peuvent naturellement également porter préjudice à la relation entre parent et enfant mais aussi parce qu’ils sont souvent étroitement liés aux litiges concernant la garde, la prise en charge et les relations personnelles pour lesquels la médiation gratuite existe déjà26. L’art. 218 al. 2 CPC est dès lors modifié pour que le juge puisse exhorter les parties à entreprendre la médiation indépendamment de la nature patrimoniale ou non de l’objet du litige.

Quant à la représentation de l’enfant dans la procédure, elle est également élargie à la question de l’entretien dans le cadre d’une procédure de droit matrimonial, une telle représentation étant déjà prévue pour la demande d’aliments fondée sur l’art. 279 CC27. L’art. 299 al. 2 let. a CPC impose que le tribunal examine d’office s’il doit instituer une curatelle qui ne sera toutefois pas systématiquement mise en œuvre ; le tribunal n’a pas à rendre de décision

23 Pour une prise de position également critique, voir : SPYCHER, p. 33 s.

24 Art. 218 et 299 à 301 CPC. BOHNET, p. 32 ss.

25 BOHNET, p. 33.

26 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (565).

27 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (566 s.) ; BOHNET, p. 33 ss.

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formelle au sujet de la représentation de l’enfant, il suffit qu’il ait procédé à l’examen requis28.

Ces deux modifications n’ont d’intérêt réel que si elles sont effectivement mises en pratique, ce qui dépend grandement de la mise en œuvre du droit au sein des autorités chargées de son application29.

C. Suspension de la prescription

Finalement, une modification du Code des obligations (art. 134 al. 1 ch. 1 CO) permet que la prescription soit suspendue à l’égard des créances des enfants contre leurs père et mère, jusqu’à la majorité des enfants30. Par rapport à la précédente version de la disposition légale, la modification réside dans le fait que la suspension de la prescription n’est plus liée à l’autorité parentale, mais uniquement au lien de filiation. La modification légale ôte ainsi une inégalité de traitement entre enfants en ne les distinguant plus selon que leurs parents sont ou non détenteurs de l’autorité parentale. La modification permet, pour les créances en entretien de l’enfant, de ne pas faire courir de prescription, même si le débiteur n’a pas ou plus l’autorité parentale sur l’enfant31 ; dans tous les cas, les créances ne commencent à courir que dès la majorité de l’enfant32. L’autorité parentale conjointe étant la règle de principe depuis le 1er juillet 201433, les cas dans lesquels les enfants ne seraient soumis qu’à un seul détenteur de l’autorité parentale devraient toutefois aller en diminuant.

Si la collectivité publique a assumé l’entretien de l’enfant, elle bénéficie d’une subrogation légale en vertu de l’art. 289 al. 2 CC34 ; elle ne bénéficie toutefois pas de l’interruption de la prescription de l’art. 134 al. 1 ch. 1 CO, aucune relation personnelle méritant d’être sauvegardée n’existant entre elle et le débiteur de l’entretien35.

28 TF 5A_744/2013 c. 3.2.3, 31.1.2014 ; TF 5A_465/2012 c. 4.1.2, 18.09.2012 ; CPra Matrimonial-HELLE, art. 299 CPC n. 16, qui juge cette décision jurisprudentielle douteuse ; MEIER/STETTLER, n. 572.

29 A titre de comparaison et concernant la représentation de l’enfant au sens de l’art. 314abis CC depuis l’entrée en vigueur du droit de la protection de l’adulte le 1er janvier 2013, les expériences sont contrastées, voir : HITZ QUENON, p. 399 ss.

30 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (560) ; BOHNET, p. 44. Le droit allemand connaît une règle similaire : § 207 al. 1 ch. 2 BGB : « Die Verjährung von Ansprüchen zwischen Ehegatten ist gehemmt, solange die Ehe besteht. Das Gleiche gilt für Ansprüche zwischen dem Kind und seinen Eltern ».

31 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (532).

32 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (533).

33 RO 2014 357.

34 MEIER/STETTLER, n. 1187.

35 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (560).

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III. La contribution de prise en charge

A. Introduction

La modification à mon sens la plus marquante de la révision du droit de l’entretien est l’introduction d’une « contribution de prise en charge » en faveur de l’enfant36.

Le législateur est parti du constat d’une inégalité de traitement entre enfants en matière de prise en charge fondée sur le statut civil des parents. Ce constat a motivé une modification légale de la composition de la contribution d’entretien en faveur de l’enfant en créant une part de contribution de prise en charge. Les nouvelles dispositions légales ne précisent toutefois pas exactement l’étendue, ni la durée de cette contribution, pas plus que son articulation avec la contribution d’entretien du conjoint divorcé.

B. L’inégalité entre enfants

Lorsque le couple se sépare, les parents se répartissent la charge de l’entretien de l’enfant qui est fourni, dans la majorité des cas, en nature par celui qui prend l’enfant en charge au quotidien et en argent par l’autre parent ; les apports des parents doivent être équilibrés, en fonction de leur standard de vie37. L’inégalité entre enfants réside ici dans le dédommagement financier du parent qui sacrifie tout ou partie de ses revenus professionnels afin de pouvoir prendre en charge personnellement l’enfant.

Le conjoint divorcé bénéficie, à certaines conditions, d’une prétention en entretien qui couvre les frais impliqués par la prise en charge de l’enfant et compense sa force de travail inférieure par rapport au parent qui ne prend pas l’enfant en charge au quotidien. Cette prétention appartient au conjoint divorcé et découle de l’art. 125 al. 2 ch. 6 CC38 dans lequel la prise en charge de l’enfant est un critère pour déterminer le montant de la contribution d’entretien de l’ex- conjoint39. Les parents qui ne sont pas mariés ne jouissent pas des mêmes règles ; lorsque le couple ne vit pas ou plus ensemble, seul l’enfant a une prétention en entretien et le parent qui le prend en charge ne peut pas prétendre à une

36 BÄHLER, p. 320 ; GUILLOD, p. 172 ss ; GUILLOD, Neuchâtel, p. 19 ss ; HUBER/MURPHY, p. 36 ; RÜETSCHI/SPYCHER, p. 157 ss.

37 HAUSHEER/SPYCHER, n. 08.45 ss ; MEIER/STETTLER, n. 1043.

38 La teneur de cette disposition est la suivante : « Pour décider si une contribution d’entretien est allouée et pour en fixer, le cas échéant, le montant et la durée, le juge retient en particulier les éléments suivants: […] l’ampleur et la durée de la prise en charge des enfants qui doit encore être assurée ». Pour l’application de cette disposition, voir notamment : HAUSHEER/SPYCHER, n. 05.104 ss ; CR CC I-PICHONNAZ, ad art. 125 n. 100.

39 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (522). Pour le conjoint marié et en cas de suspension de la vie commune, c’est l’art. 176 CC qui entre en considération, voir par exemple : CR CC I-CHAIX, ad art. 176 n. 5.

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compensation financière de son activité professionnelle réduite. L’enfant doit par conséquent être pris en charge par des tiers pour que le parent qui s’en occupe au quotidien puisse réaliser un revenu professionnel et subvenir à ses besoins.

Les coûts de prise en charge de l’enfant sont donc :

- soit inclus dans la contribution de l’ex-conjoint lorsque l’enfant est né de parents mariés ;

- soit ignorés lorsque les parents de l’enfant n’ont jamais été mariés : le parent qui subit des coûts indirects liés à la prise en charge de l’enfant ne peut pas prétendre à une contribution d’entretien40.

Le nouveau droit a notamment pour objectif de rétablir l’égalité de traitement entre tous les enfants dans la possibilité d’être pris en charge par leurs père et mère ou par des tiers, selon ce que leur bien commande41. Deux solutions pouvaient être envisagées pour remédier à l’inégalité constatée : soit accorder une contribution d’entretien au parent séparé, même s’il n’a jamais été marié, soit inclure dans l’entretien de l’enfant une contribution pour sa prise en charge, contribution qui servira à couvrir les frais occasionnés par la diminution de revenu du parent gardien. Le législateur a choisi la seconde option et a par conséquent modifié les composantes de l’entretien de l’enfant.

C. Les composantes de l’entretien de l’enfant

Dans une étude intitulée « Le coût des enfants en Suisse », à laquelle le Conseil fédéral se réfère dans son Message et réalisée sur mandat de l’Office fédéral de la justice, les auteurs font la distinction entre les coûts directs et les coûts indirects engendrés par la présence d’enfants dans un ménage42. Les coûts directs comprennent les frais liés au minimum vital (nourriture, habillement, logement, hygiène et santé), à l’éducation, à la formation de l’enfant, aux frais de sa prise en charge par des tiers – crèche, maman de jour, … –, ainsi qu’aux mesures de protection de l’enfant (art. 276 al. 1 CC)43. Les coûts indirects sont

40 SCHWENZER/EGLI, p. 22 ss.

41 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (536). Voir également : SPYCHER, p. 21. Dans ce contexte et comme le relève SPYCHER (SPYCHER, p. 23 s.), le Message du Conseil fédéral est surprenant lorsque l’on y lit que, lors de l’examen de la continuité du mode de prise en charge de l’enfant, la situation est différente pour les enfants dont les parents n’ont jamais fait vie commune par rapport aux enfants dont les parents ont mené une vie commune (MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (536).). Si la différence ne porte pas directement sur le statut civil des parents – mariés ou non mariés –, le Message semble créer une sorte de « sous-catégorie » d’enfants nés de parents non mariés en distinguant ceux dont les parents n’ont jamais fait vie commune de ceux dont les parents ont vécu en couple. GUILLOD, Neuchâtel, p. 21.

42 ALLEMANN, N 12 ;GERFIN/SUTUZ/OESCH/STRUB, p. 3.

43 GERFIN/SUTUZ/OESCH/STRUB, p. 3. Voir également : HAUSHEER/SPYCHER, n. 06.07 ss ; HUBER/MURPHY, p. 37 ; MEIER/STETTLER, n. 1065 ; CR CC I-PIOTET, ad art. 276 n. 27 ; MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (522) ; Rapport explicatif (note 9) p. 7.

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engendrés par le temps que les parents consacrent à leurs enfants. Ils se traduisent « soit par une baisse du revenu professionnel, soit par une hausse des heures consacrées au travail domestique et familial non rémunéré occasionné par la présence des enfants »44. Les méthodes de calcul actuelles de l’entretien n’intègrent généralement pas les coûts indirects comme faisant partie à part entière de l’entretien de l’enfant : soit elles les excluent de l’entretien de l’enfant, soit elles ne les y incluent que de manière très marginale45.

Alors que le placement de l’enfant chez des tiers fait déjà aujourd’hui partie des coûts directs de l’enfant, les coûts indirects liés à sa prise en charge – qui sont naturellement plus difficiles à estimer que les coûts directs de prise charge46 – ne sont pas pris en compte dans la détermination du montant de la contribution d’entretien à laquelle il a droit47. La nouveauté apportée par la révision législative réside dans le fait que les coûts indirects sont désormais inclus dans la détermination de la contribution d’entretien de l’enfant48.

C’est à l’art. 285 al. 2 CC que le législateur a introduit la « contribution de prise en charge » et ainsi inclus cette part de coûts indirects comme élément spécifique de l’entretien de l’enfant : « La contribution d’entretien sert aussi à garantir la prise en charge de l’enfant par les parents et les tiers ». L’objectif de cette disposition est de permettre aux enfants, indépendamment de l’état civil de leurs parents, de bénéficier de la meilleure prise en charge possible49. La prise en charge de l’enfant devient, avec cette modification, un élément qu’il y a lieu de considérer lors de la détermination de la contribution d’entretien de l’enfant50. Le législateur ne privilégie pas, dans le nouveau droit, la prise en charge par les parents de l’enfant ou par des tiers ; le choix de la prise en charge doit uniquement être guidé par l’impératif du bien de l’enfant51.

44 GERFIN/SUTUZ/OESCH/STRUB, p. 3. Voir également : HUBER/MURPHY, p. 37 ; MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (522).

45 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (522). Voir aussi, pour les tabelles de Zurich : MEIER/STETTLER, n. 977.

46 HUBER/MURPHY, p. 37.

47 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (533). Voir également : HUBER/MURPHY, p. 37 ; GUILLOD/BURGAT, n. 279.

48 HUBER/MURPHY, p. 37.

49 HUBER/MURPHY, p. 36.

50 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (556).

51 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (536) ; SPYCHER, p. 23.

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D. Le titulaire de la prétention

La contribution de prise en charge faisant partie intégrante de l’entretien de l’enfant, la prétention appartient à l’enfant lui-même et non pas au parent qui s’occupe de la prise en charge52. Le Conseil fédéral justifie ce choix afin de garantir que l’enfant « continuera de disposer des ressources qui lui sont nécessaires, même si la situation du parent qui assure sa prise en charge se modifie »53. Comme nous le verrons plus loin54, cette solution a toutefois un impact important pour le parent divorcé qui prend l’enfant en charge, lorsque cette prise en charge ne s’avère plus nécessaire, en raison de l’âge de l’enfant par exemple.

C’est donc l’enfant mineur qui est détenteur de la prétention et qui peut la faire valoir. Celui-ci n’ayant pas l’exercice des droits civils, se pose la question de sa représentation en justice pour y faire valoir son droit55. Certains auteurs considèrent que lorsque les parents sont les deux titulaires de l’autorité parentale, ce qui tend à devenir la règle depuis le 1er juillet 2014, le parent qui prend l’enfant en charge ne peut pas le représenter en justice car il se trouverait automatiquement dans une situation de conflit d’intérêts qui lui ferait perdre, de par la loi, tout pouvoir de représentation56. Il faudrait alors, dans tous les cas, nommer un curateur à l’enfant pour qu’il puisse faire valoir sa prétention en entretien57.

D’autres auteurs, auxquels il convient à mon sens de se rallier, soutiennent que le parent qui peut déjà aujourd’hui agir en son propre nom – et non seulement comme représentant de l’enfant mineur – pour protéger les droits patrimoniaux de l’enfant mineur pourra continuer à le faire sous le nouveau droit que les parents soient mariés, divorcés ou non mariés, c’est un cas de Prozessstandschaft58. Ainsi, pendant la minorité de l’enfant et même lorsque les deux parents sont titulaires de l’autorité parentale, les contributions d’entretien sont versées au parent gardien qui peut les faire valoir alors même qu’il s’agit d’une prétention de l’enfant.

52 HUBER/MURPHY, p. 36 ; MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (533). Le droit allemand accorde pour sa part la contribution de prise en charge au parent qui prend l’enfant en charge : le § 1570 BGB se trouve dans le titre « Unterhalt des geschiedenen Ehegatten » alors que le titre du § 1615l est « Unterhaltsanspruch von Mutter und Vater aus Anlass der Geburt ».

53 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (533).

54 Voir infra : « Rapport entre la contribution de prise en charge et l’entretien après le divorce ».

55 Pour un examen de la question : MARANTA/FASSBIND, RMA 2016/6.

56 GEISER, p. 4 s.

57 GEISER, p. 5.

58 MEIER/STETTLER, n. 1130.

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E. La détermination de la contribution 1) Les critères théoriques…

Le Message du Conseil fédéral a le mérite de la transparence en reconnaissant d’emblée que le calcul de la contribution de prise en charge s’avère

« problématique »59. Après avoir rejeté deux méthodes de calcul dont les avantages du schématisme entraînaient avec eux les inconvénients de la rigidité : les méthodes dites des « coûts d’opportunité »60 et des « coûts du marché »61, le Message dresse le constat selon lequel « il manque pour l’heure une méthode convaincante, reposant sur un concept suffisamment abouti, pour estimer la valeur monétaire de la prise en charge des enfants »62.

A défaut de proposer une méthode de calcul de la contribution de prise en charge63, le Message fournit plutôt une liste de critères aux autorités chargées d’appliquer le nouveau droit, auxquelles il laisse un large pouvoir d’appréciation dans la détermination du montant idoine64. Ces critères, qualifiés d’« Anhaltspunkte » dans la version allemande du Message65, sont les suivants : - C’est aux parents de l’enfant de garantir que sa prise en charge soit

effective et d’en assurer les frais66.

- Lorsque la prise en charge est réalisée par le père ou la mère de l’enfant, ce parent va généralement réduire (ou renoncer à augmenter) son activité lucrative et ne pourra pas subvenir lui-même à l’intégralité de ses besoins67. La prise en charge de l’enfant implique par conséquent que la

59 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (534).

60 La première consiste à calculer la part de revenu à laquelle le parent qui prend l’enfant en charge renonce en raison de la prise en charge. Cette méthode ne peut, selon le Conseil fédéral, pas convenir car elle aboutirait à des montants très différents selon les qualifications des parents concernés et pourrait, dans certains cas, aboutir à des montants si élevés qu’il ne serait pas possible de les réclamer au débirentier, MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (534).

61 La seconde méthode a pour but de calculer les coûts engendrés si l’enfant était confié à des tiers – crèche, maman de jour,… – durant le temps de la prise en charge et de donner ce montant au parent qui permet, par sa prise en charge, de ne pas solliciter ces tiers. Outre la difficulté d’arrêter précisément le nombre d’heures consacrées exclusivement à la prise en charge de l’enfant (de nombreuses activités bénéficiant tant à l’enfant qu’au parent qui le prend en charge), la valorisation monétaire de ces heures pose également problème, le choix de la valeur de référence – tarif horaire d’une maman de jour, tarif d’une crèche privée, … – ne pouvant pas être objectivement justifié et variant grandement d’une région du pays à l’autre, MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (534 s.).

62 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535). Voir également : GUILLOD, Neuchâtel, p. 22 ss ; HAUSHEER, p. 1569 ; RÜETSCHI/SPYCHER, p. 159 ; RUMO-JUNGO/HOTZ, p. 10 ss.

63 BÄHLER, p. 321.

64 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535). Voir également : HUBER/MURPHY, p. 37.

65 Botschaft des Schweizerischen Bundesrates zu einer Änderung des Schweizerischen Zivilgesetzbuches (Kindesunterhalt) vom 29. November 2013, BBl 2014 529 (554). Voir également : ALLEMANN, N 15 ; HUBER/MURPHY, p. 37.

66 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535).

67 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535).

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contribution en faveur de l’enfant comprenne le montant nécessaire au parent qui s’occupe de l’enfant pour subvenir à ses propres besoins tout en s’occupant de l’enfant68.

- La contribution de prise en charge est versée dans l’intérêt de l’enfant uniquement et non pas dans l’intérêt du parent qui s’occupe de l’enfant69. - La contribution de prise en charge est due uniquement si la prise en charge a lieu à un moment durant lequel le parent pourrait sinon exercer une activité lucrative70.

- La contribution de prise en charge n’est pas une rémunération du parent qui prend en charge l’enfant71.

- La décision relative à la répartition de la prise en charge de l’enfant et donc de la contribution de chaque parent à cette prise en charge dépend dans une grande partie de l’organisation familiale avant la séparation72. - La détermination du montant de la contribution de prise en charge est

subordonnée en premier lieu au critère du bien de l’enfant73.

Ces lignes directrices permettent de cerner, sur un plan théorique, la manière dont la contribution de prise en charge doit être appréciée. Elles ne permettent pas, d’un point de vue pratique, à l’autorité compétente de se fonder sur un calcul objectif pour fixer la contribution de prise en charge ou, au moins, de déterminer un montant de départ qui serait ensuite adapté en fonction de chaque situation concrète.

2) …et leur mise en œuvre

Sur la base de ces critères théoriques, il reste à déterminer comment l’entretien doit être réparti entre les parents puis comment il doit être calculé.

Pour déterminer le montant de la prise en charge de l’enfant lorsque c’est le père ou la mère qui s’en charge, le Conseil fédéral distingue deux situations74 :

- le parent qui prend en charge l’enfant ne dispose pas d’un revenu professionnel parce qu’il se consacre entièrement à l’enfant, ni d’un revenu provenant d’une autre source ;

68 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535). Voir également : BÄHLER, p. 320 ; HAUSHEER, p. 1569 ; HUBER/MURPHY, p. 37.

69 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535).

70 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (536). Voir également : BÄHLER, p. 320. Ce point ne manquera pas de soulever d’intéressantes questions pendant les heures scolaires : doit-on considérer que le parent gardien peut exercer une activité lucrative pendant ces heures et dans quelle mesure ? Au sujet de ces questionnements, voir : SPYCHER, p. 22.

71 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (536).

72 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (536).

73 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (536).

74 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

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- les parents exercent tous deux une activité professionnelle et soit l’un d’eux prend seul en charge l’enfant, soit ils s’occupent tous les deux de manière déterminante de l’enfant.

Dans le premier cas de figure, le Conseil fédéral propose de se fonder, comme point de départ, sur le minimum vital du droit des poursuites ; le montant sera ensuite augmenté en fonction des circonstances75. Il faut alors distinguer les critères à prendre en compte pour fixer la contribution d’entretien de l’enfant de ceux utiles à la fixation de la partie de cet entretien qui ne concerne que la contribution de prise en charge. Pour fixer le montant de la contribution d’entretien de l’enfant, la notion du train de vie des parents reste déterminante76, ce n’est toutefois pas le cas pour la détermination de la contribution de prise en charge77. Le parent qui prend l’enfant en charge78 n’a en effet pas le droit, grâce à la contribution de prise en charge, de bénéficier de l’éventuel train de vie (très) élevé de l’autre parent ; ce qui compte, c’est uniquement qu’il puisse subvenir à ses besoins tout en prenant en charge l’enfant79. La prise en considération du train de vie antérieur à la séparation pourra toujours se faire dans le cadre de la contribution d’entretien de l’art. 176 CC ou, après divorce, de l’art. 125 CC80.

Lorsque les parents exercent tous deux une activité professionnelle, soit le second cas de figure envisagé dans le Message du Conseil fédéral, le calcul de la contribution de prise en charge « se fera sur la base du montant qui, selon les cas, manque à un parent pour couvrir ses propres frais de subsistance »81. Si les deux parents travaillent et se partagent la prise en charge de l’enfant, il se peut que l’un des deux ne parvienne pas à subvenir à ses besoins ; dans ce cas, une contribution de prise en charge peut être demandée à l’autre parent82. Cette solution permet d’éviter au parent ne parvenant pas à subvenir à ses besoins de devoir augmenter son taux de travail au détriment de la prise en charge de l’enfant, ce qui pourrait par ailleurs avoir pour conséquence que l’enfant devrait être pris en charge par des tiers avec les frais (peut-être inférieurs !) que cela engendrerait83. Finalement, si le parent qui prend en charge l’enfant dispose de ressources suffisantes pour la couverture de ses besoins, aucune contribution de prise en charge ne sera demandée à l’autre parent84.

75 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (556 s.).

76 Voir également : ATF 116 II 110 c. 3, JdT 1993 I 162 ; HAUSHEER/SPYCHER, n. 06.132.

77 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

78 Et qui bénéficie donc indirectement de la contrbution de prise en charge allouée à l’enfant.

79 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

80 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

81 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

82 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

83 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

84 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557). Voir également : BÄHLER, p. 320.

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Le Conseil fédéral ne propose pas de méthode de calcul pour les situations dans lesquelles le parent débiteur ne dispose pas des ressources financières suffisantes pour assurer le paiement de la contribution de prise en charge85. Il rappelle dans ce contexte que c’est à l’autorité d’application que revient la responsabilité de déterminer le droit à une contribution de prise en charge et, le cas échéant, d’en arrêter le montant86.

Sur la base de ces recommandations de calcul ainsi que des critères énumérés plus haut, la contribution de prise en charge correspond toujours au moins à la différence entre les revenus et le montant du minimum vital du parent gardien, pour autant naturellement que cette différence soit négative.

F. Proposition de calcul

1) Introduction : le choix de la méthode

La détermination du montant de la contribution de prise en charge pourrait être effectuée à l’aide de l’une des trois méthodes classiques de calcul de l’entretien87 : la méthode du pourcentage, les tabelles zurichoises et le calcul du minimum vital avec répartition de l’excédent88. Le Tribunal fédéral n’a pas établi de préférence entre les différentes méthodes de détermination de l’entretien et reconnaît aux autorités judiciaires cantonales un large pouvoir d’appréciation dans ce domaine89.

La méthode dite du pourcentage, même si elle était adaptée au nouveau droit90, est trop schématique et ne permet pas de déterminer précisément quel montant est attribué à la prise en charge de l’enfant. Cela pose en particulier problème s’agissant du rapport entre la contribution de prise en charge et l’entretien après divorce car il faut identifier, dans l’entretien de l’enfant, la part du pourcentage spécifiquement dévolue à la prise en charge de l’enfant91.

85 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

86 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557). On peut souligner ici que le Conseil fédéral a expressément renoncé, dans cette révision législative, à supprimer le principe de l’intangibilité du minimum vital pour introduire la règle du partage de déficit, le débirentier continuera par conséquent à voir son minimum vital garanti : MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (542 s.).

87 Pour un aperçu des méthodes utilisées : RUMO-JUNGO/HOTZ, p. 11 s.

88 Voir par exemple : MEIER/STETTLER, n. 1070 ss.

89 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (521). Pour des exemples jurisprudentiels, voir notamment : TF 5A_589/2009, 24.11.2009 c. 2.3 ; TF 5A_400/2011, 15.8.2011 c. 5.2.

90 Il faudrait, pour que la méthode puisse fonctionner avec le calcul de la contribution de prise en charge, augmenter le pourcentage calculé sur le revenu net du débiteur.

91 Sur cette problématique, voir infra : « Rapport entre la contribution de prise en charge et l’entretien après le divorce ».

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Les tabelles zurichoises ont un poste « Pflege und Erziehung »92 qui pourrait correspondre au montant mensuel, par enfant, de la contribution de prise en charge93. Ce poste des tabelles correspond en réalité plutôt aux frais engendrés par le placement de l’enfant chez des tiers (coûts directs) qu’à un équivalent de la contribution de prise en charge (coût indirect)94. Cette méthode de calcul n’est par ailleurs pas plébiscitée par le Conseil fédéral qui lui reproche une estimation particulièrement basse et non motivée du salaire horaire95, ce qui ouvre la voie aux critiques et au reproche d’arbitraire96.

La méthode de calcul, déjà largement répandue en pratique97, de la couverture du minimum vital avec répartition du bénéfice semble être la plus appropriée pour calculer la contribution de prise en charge selon les critères du Conseil fédéral. La méthode choisie a plusieurs avantages : elle permet de calculer séparément les besoins et les revenus de chaque membre de la famille, de déterminer séparément les minima vitaux à couvrir pour les parents et les enfants et s’adapte aussi bien aux situations d’enfants nés de parents mariés que non mariés.

En se fondant sur les bases données par le Conseil fédéral ainsi que sur les réflexions relatives au choix de la méthode de calcul ci-dessus, l’approche suivante peut être proposée comme base de réflexion pour déterminer le montant de la contribution d’entretien98.

2) Les premières étapes

Dans un premier temps, il faut calculer les revenus de chaque membre de la famille. Les revenus doivent être calculés séparément pour chaque membre de la famille, les allocations familiales versées en faveur des enfants constituant leurs revenus propres.

Il faut ensuite déterminer le minimum vital de chaque membre de la famille.

En fonction de la situation financière du parent débiteur de l’entretien des enfants, son minimum vital, celui de son ex-conjoint ainsi que ceux des enfants peuvent être plus ou moins élargis.

92 Les montants prévus à ce poste vont de 716.- francs par mois lorsqu’il n’y a qu’un enfant et qu’il est âgé de 1 à 6 ans à 192.- francs par mois lorsque la fratrie est composée de trois enfants ou plus et que l’âge de l’enfant est compris entre 13 et 18 ans.

93 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535).

94 BILDUNGSDIREKTION DES KANTONS ZÜRICH, p. 13. Il s’agit d’une évaluation des frais de placement chez des tiers, frais qui seraient versés au parent s’occupant de la prise en charge, soit une des méthodes de calcul expressément refusée par le Conseil fédéral dans son Message (méthode dite « des coûts du marché ») (MCF Entretien de l’enfant [supra note 3], FF 2014 511 [534 s.]).

95 Pour une présentation des coûts des parents nourriciers selon les cantons: RUMO-JUNGO/HOTZ, p. 22.

96 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535). Voir également : Widmer, p. 95 et 267.

97 GUILLOD, p. 165.

98 Pour d’autres exemples de calculs, voir : ALLEMANN, N 73 ss ; SPYCHER/BÄHLER, p. 261 ss ; STOUDMANN, RMA 2016/6.

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Si les revenus du parent s’occupant de la prise en charge des enfants permettent de couvrir l’intégralité de son minimum vital, aucune contribution de prise en charge n’est due et la réflexion peut s’arrêter ici. Par contre, si la différence entre les revenus et le minimum vital du parent gardien est négative, la contribution de prise en charge est équivalente au montant de cette différence.

Le montant de la contribution de prise en charge est alors attribué juridiquement aux enfants99, comme partie intégrante de la contribution d’entretien versée en leur faveur.

Si un solde positif reste disponible auprès du débirentier après la couverture de tous les minima vitaux de la famille, se pose la question de la répartition du bénéfice et c’est à stade qu’il faut distinguer s’il s’agit d’un couple marié ou non.

3) Parents mariés

Lorsqu’il s’agit d’un couple marié, le bénéfice positif réalisé après la couverture du minimum vital de chaque membre de la famille doit être réparti entre tous les membres de la famille selon un pourcentage à déterminer (par exemple : un tiers pour chaque parent et un tiers à répartir entre les enfants). Cette répartition permet d’assurer aux enfants et à l’ex-conjoint un train de vie similaire à celui mené pendant la vie commune en mesures protectrices de l’union conjugale.

Après le jugement de divorce et si l’ex-conjoint qui prend l’enfant en charge a droit à une contribution d’entretien propre, une attention particulière doit être portée à l’articulation entre l’art. 125 al. 1 ch. 6 CC et la contribution de prise en charge100.

4) Parents non mariés

Lorsque les parents de l’enfant n’étaient pas mariés avant la séparation, la contribution de prise en charge est l’unique montant – versé pour et au nom de l’enfant – qui sert à couvrir les besoins du parent gardien101.

Une certaine marge de manœuvre existe ici dans le pourcentage de la répartition du bénéfice entre les enfants et le parent débiteur. En fonction des situations, le parent et les enfants peuvent se répartir le bénéfice selon un pourcentage différent : par exemple 50% pour le parent débiteur et 50% à répartir entre les enfants ou 40% pour le parent débiteur et 60% à répartir entre les enfants, etc. Le choix du pourcentage permet, si nécessaire, d’assurer à

99 En présence de plusieurs enfants ayant des besoins différents en matière de prise en charge (en raison de leur âge, d’une maladie, d’un handicap), la répartition du montant de la contribution de prise en charge doit être pondérée en fonction de ces besoins.

100 Voir infra : « Rapport entre la contribution de prise en charge et l’entretien après le divorce ».

101 Ainsi que cela a déjà été évoqué plus haut, la contribution de prise en charge ne sert pas à assurer au parent gardien le niveau de vie qui était le sien avant la séparation : MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (538).

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l’enfant un train de vie similaire à celui qui prévalait avant la séparation de ses parents.

5) Remarque

Ces propositions de calcul – pour les parents mariés et pour les parents non mariés – sont très schématiques et n’ont pour but que de proposer une base de réflexion pour la mise en œuvre du nouveau droit de l’entretien102. Elles doivent naturellement être affinées en fonction de la situation financière du couple et de l’âge des enfants notamment.

F. La durée de la contribution

Si une contribution de prise en charge en faveur de l’enfant est admise, la durée du versement de cette contribution doit encore être déterminée, ce qui n’a pas été fait par le législateur103. La question est d’autant plus importante si des solutions de garde par des tiers existent et qu’elles s’avèrent moins onéreuses que la prise en charge par le père ou la mère104.

Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral105 rappelée dans le Message, on peut attendre du conjoint qui s’est occupé exclusivement des enfants jusqu’à la séparation qu’il recommence à travailler à un taux d’activité de 30 à 50 % dès que l’enfant le plus jeune a 10 ans, puis à plein-temps lorsque l’enfant le plus jeune a 16 ans106. Comme le relève le Conseil fédéral, ces limites d’âge ne sont pas absolues, mais purement indicatives ; elles s’appliquent selon les cas concrets et le bien de l’enfant permet d’y déroger107. Le nouveau droit de l’entretien, grâce aux règles qu’il contient, est, comme le souligne le Message

« l’occasion de réexaminer cette jurisprudence »108. La durée et l’ampleur de la prise en charge dépendent également de l’organisation du couple et de la famille avant la séparation ; l’autorité compétente doit procéder à un examen au cas par cas109.

102 Elles sont en partie et très modestement inspirées de discussions que j’ai eu la chance d’avoir avec Daniel BÄHLER (BÄHLER, p. 326 ss) et Annette SPYCHER (SPYCHER, p. 1 ss) ainsi que par la lecture de leurs écrits sur le sujet.

103 RUMO-JUNGO/HOTZ, p. 18.

104 SPYCHER, p. 23.

105 ATF 115 II 6 c. 3c, JdT 1992 I 261 confirmé par de très nombreux arrêts du Tribunal fédéral dont, pour des exemples récents : ATF 137 III 102 (109) c. 4.2.2.2 ; TF 5A_957/2014, 5.5.2015 c. 3.7.2 ; TF 5A_46/2015, 26.5.2015 c. 5.3.

106 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (558). Pour des exemples de jurisprudence : SCHWENZER, BSK art. 125 n. 10 ; SCHWENZER, art. 125 CC n. 59 ; SIMEONI, art. 125 CC n. 58.

107 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (558). Voir également, pour des exemples récents : ATF 137 III 102 (109) c. 4.2.2.2 et TF 5A_957/2014, 5.5.2015 c. 3.7.2.

108 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (558). Voir également : GUILLOD/BURGAT, n. 279.

109 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (556). Sans fixer d’âge limite ou de durée, le Message du Conseil fédéral mentionne les enfants en « bas âge » et l’importance d’une continuité

(17)

Un éclairage utile pour une modification de la pratique suisse peut être celui de la solution du droit allemand qui a connu une réforme du droit de l’entretien en 2008110. Le droit allemand, qui connaissait également un système basé sur des critères liés à l’âge de l’enfant (« 0/8/15-Modell »111), est passé à un système de contribution de prise en charge pendant les trois premières années de vie de l’enfant et à un examen au cas par cas pour les années suivantes112. Deux dispositions du BGB113 prévoient que le parent qui prend l’enfant en charge pendant les trois premières années de sa vie peut réclamer à l’autre parent une contribution lui permettant de renoncer à son revenu professionnel (« Basisunterhalt »)114. Cette contribution peut être prolongée au-delà des trois premières années de l’enfant si l’équité le commande (« verlängerten Betreuungsunterhalt »)115. La prolongation de la contribution de prise en charge ne doit pas être schématiquement dépendante de l’âge des enfants116. Les critères permettant une prolongation de l’entretien sont en premier lieu liés à l’enfant lui-même : problèmes liés au développement de l’enfant, à son comportement, maladie ou handicap de l’enfant qui nécessitent une lourde prise en charge, mais également toutes les difficultés qui rendent le placement

dans la prise en charge « pendant un certain temps » : MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (536). Critique quant à la mention de ces critères indéterminés : SPYCHER, p. 23.

110 BRUDERMÜLLER, p. 535 ss ; MENNE, p. 1257.

111 Entre la naissance de l’enfant et ses huit ans, aucune activité professionnelle ne pouvait être demandée au parent gardien ; entre la huitième et la quinzième année de l’enfant, le parent gardien devait reprendre une activité professionnelle à temps partiel ; après la quinzième année de l’enfant, le parent gardien pouvait reprendre une activité professionnelle à temps complet.

112 BRUDERMÜLLER,Palandt, ad § 1570 n. 9 ; MENNE, p. 1265 ss ; SCHWENZER/EGLI, p. 25 ss.

113 § 1570 Abs. 1 BGB pour les parents divorcés : « Ein geschiedener Ehegatte kann von dem anderen wegen der Pflege oder Erziehung eines gemeinschaftlichen Kindes für mindestens drei Jahre nach der Geburt Unterhalt verlangen. Die Dauer des Unterhaltsanspruchs verlängert sich, solange und soweit dies der Billigkeit entspricht. Dabei sind die Belange des Kindes und die bestehenden Möglichkeiten der Kinderbetreuung zu berücksichtigen » et § 1615l Abs. 2 BGB pour les parents non mariés :

« Soweit die Mutter einer Erwerbstätigkeit nicht nachgeht, weil sie infolge der Schwangerschaft oder einer durch die Schwangerschaft oder die Entbindung verursachten Krankheit dazu außerstande ist, ist der Vater verpflichtet, ihr über die in Absatz 1 Satz 1 bezeichnete Zeit hinaus Unterhalt zu gewähren. Das Gleiche gilt, soweit von der Mutter wegen der Pflege oder Erziehung des Kindes eine Erwerbstätigkeit nicht erwartet werden kann. Die Unterhaltspflicht beginnt frühestens vier Monate vor der Geburt und besteht für mindestens drei Jahre nach der Geburt. […] ». C’était dans un premier temps un arrêt du Bundesverfassungsgericht de 2007 (Bundesverfassungsgericht, FamRZ 2007, 965) qui avait permis d’unifier la pratique en exigeant que la question du coût de l’entretien de l’enfant ne soit résolue qu’en se fondant sur les besoins de l’enfant et non pas selon le statut civil de ses parents, jurisprudence à laquelle le législateur s’est ensuite conformé lors de la révision législative de 2008 ; sur ces questions voir notamment : BRUDERMÜLLER, 523 ss et 816 ss ; SCHWENZER/EGLI, p. 25 ss.

114 MENNE, p. 1261.

115 BRUDERMÜLLER,Palandt, ad § 1570 n. 10 et § 1615l n. 9 ; MENNE, p. 1261 s. ; MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (549). MENNE souligne qu’il subsiste toutefois une différence conséquente dans le calcul du montant de cet entretien et justifie cette différence par l’obligation de solidarité entre ex-conjoints après un divorce ; la situation ne serait dès lors pas différente en Suisse où la contribution de prise en charge accordée à l’enfant doit être distinguée de l’entretien après divorce en faveur de l’ex-conjoint : MENNE, p. 1263.

116 En Allemagne et après la modification législative de 2008, la pratique a continué à appliquer le système des limites d’âge (« 0/8/15-Modell ») jusqu’à ce que le Bundesgerichtshof mette expressément un terme à cet usage en 2009 : SCHWENZER/EGLI, p. 27 s. ainsi que les références citées.

Références

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