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et environnementaux de l’âge subjectif lors de l’avancée en âge.
Alban Jaconelli
To cite this version:
Alban Jaconelli. Identification des déterminants dispositionnels, cognitifs et environnementaux de l’âge subjectif lors de l’avancée en âge.. Psychologie. Université Grenoble Alpes, 2015. Français.
�NNT : 2015GREAS017�. �tel-01292093�
THÈSE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES
Spécialité : Mouvement et comportement pour la santé et l’autonomie
Arrêté ministériel : 7 août 2006
Présentée par
Alban JACONELLI
Thèse dirigée par Yannick STEPHAN et codirigée par Philippe SARRAZIN
préparée au sein du Laboratoire Sport et Environnement Social dans l'École Doctorale Ingénierie pour la Santé, la Cognition et l’Environnement
Identification des déterminants dispositionnels, cognitifs et
environnementaux de l’âge
subjectif lors de l’avancée en âge
Thèse soutenue publiquement le 27 novembre 2015, devant le jury composé de :
Monsieur Stefan AGRIGOROAEI
Maître de conférences, Université catholique de Louvain, Examinateur
Madame Fabienne D’ARRIPE-LONGUEVILLE
Professeur, Université de Nice Sophia-Antipolis, Rapporteur
Monsieur Olivier DESRICHARD
Professeur, Université de Genève, Rapporteur
Monsieur Jérôme ROSSIER
Professeur, Université de Lausanne, Examinateur, Président du jury
Monsieur Philippe SARRAZIN
Professeur, Université Grenoble Alpes, Co-directeur
Monsieur Yannick STEPHAN
Maître de conférences HDR, Université de Montpellier, Directeur
« Everybody wants to have a long
life, but nobody wants to be old »
Benjamin Franklin
Remerciements
Comme le dit le proverbe, « Il faut rendre à César ce qui appartient à César », et c’est pourquoi je tiens à commencer ce travail doctoral en remerciant l’ensemble des personnes sans qui je n’en serais pas là aujourd’hui, et plus particulièrement :
Yannick Stephan, mon directeur de thèse. Tu es le premier à avoir cru en moi, et ce, malgré le fait que je débarquais de mon petit village perdu dans la Drôme et que je parlais difficilement français, « un mélange de patois drômois et d’italien », c’est ça, non ? Je ne te remercierai jamais assez de m’avoir fait découvrir et surtout donné goût à la recherche. Je te remercie aussi pour ton temps, ton écoute, ta patience et nous savons tous les deux ô combien ce n’était pas facile tous les jours. Au-delà du côté professionnel, je te remercie énormément pour la dimension humaine que tu as apportée à notre relation durant toutes ces années, tu sais à quel point cela compte pour moi. Ah oui, prépare toi, maintenant que je vais avoir (un peu) plus de temps, c’est fini, tu ne seras plus jamais devant moi lors de nos futures sorties running.
Philippe Sarrazin, mon co-directeur de thèse. Je te remercie d’avoir accepté de co-dirigé mon travail doctoral. On se connait depuis encore plus longtemps que Yannick, depuis ma deuxième année de licence à Valence si je me rappelle bien. Je te remercie particulièrement, car tu es celui qui a suscité en moi l’intérêt pour le domaine qu’est la psychologie. Je te remercie aussi de ta disponibilité et de ton aide au cours de ces trois dernières années. Merci aussi pour les claques derrière la tête. P.S. N’oublie jamais, ce n’est pas le nombre de bougies que tu as sur ton gâteau d’anniversaire qui compte.
Je tiens également à remercier Fabienne D’Arripe-Longueville et Oliver Desrichard de m’avoir fait l’honneur d’être les rapporteurs de ce travail doctoral, mais aussi Stefan Agrigoroaei et Jérôme Rossier d’avoir accepté de faire partie de la commission d’examen.
Un grand merci à l’ensemble des participants et plus particulièrement à tous les mamies et papis qui ont pris part aux différentes études de ce travail doctoral.
Je remercie également les membres de l’UFR STAPS de Grenoble que ce soit les enseignants, le personnel administratif ou le personnel technique. Un merci spécialement à Jocelyne et à Cendrine.
Je tiens aussi à sincèrement remercier Julie, car même si tu n’as pas co-encadré ce travail doctoral, tu as eu la chance (ou pas) de le vivre au jour le jour.
Un très grand merci à l’ensemble des (ex)membres du laboratoire SENS avec qui j’ai eu l’occasion de passer du temps et plus particulièrement : Aïna, Géraldine Sandrine H., Sandrine I., Mais aussi Michaël, mon tuteur pédagogique, David à qui je crois que je dois encore des cafés, et Boris pour les soirées au Hazard, claro que sí! Une dédicace spéciale au bureau R03. Merci Jules pour nos discussions engagées. Merci Clément pour nos pauses « Intérieur Sport » et nos moments
« informatiques ». Un énorme merci à toi Brice, merci pour ton écoute et ton aide durant toutes ces années. Merci aussi pour nos fous rires, nos sorties running, nos repas ensoleillés, ton envie de refaire ma culture musicale et j’en passe !
Je tiens également à remercier tous mes amis de la Drôme qui n’ont pas toujours compris ce que je faisais et tant mieux ! Mention spéciale aux Chatus qui ont grandement contribué au recrutement de participants en harcelant sans répit leur entourage.
Je remercie par-dessus tout l’ensemble de mes proches et ma famille. Merci pour votre soutien sans failles et surtout de m’avoir rappelé que la vie ne se cantonnait pas à ma thèse. Une pensée toute particulière à mes sœurs et à mes petits parents, merci d’avoir toujours cru en moi, même si ce n’était pas gagné d’avance.
Last but not least, le plus grand des mercis à toi Tiffanny, mon cœur, mon amour, car je te
dois tellement. Sans toi, tu peux me croire, tout ça n’aurait pas été possible…
Table des matières
Introduction ... 9
Chapitre 1. De l’âge chronologique à l’âge subjectif ... 19
1. Le vieillissement subjectif ... 20
2. L’âge subjectif ... 24
2.1. Le biais d’âge subjectif ... 24
2.2. Le biais de rajeunissement : une stratégie d’autopromotion et d’autoprotection . 26 2.3. La multidimensionnalité de l’âge subjectif ... 27
2.4. Un biais de rajeunissement mnésique ? ... 29
3. Les implications de l’âge subjectif ... 30
3.1. Âge subjectif et santé mentale ... 30
3.2. Âge subjectif et santé physique ... 32
3.3. Âge subjectif et risques de mortalité ... 34
3.4. Âge subjectif et fonctionnement cognitif ... 35
3.5. Âge subjectif et comportements de santé ... 36
3.6. Âge subjectif et évolution de la personnalité ... 37
3.7. Quels déterminants de l’âge subjectif ? ... 40
Chapitre 2. Les déterminants de l’âge subjectif ... 42
1. Facteurs sociodémographiques et âge subjectif ... 42
2. Santé mentale et âge subjectif ... 44
3. Santé physique et âge subjectif ... 44
3.1. Fonctionnement biologique et âge subjectif ... 46
4. Le fonctionnement cognitif contribue-t-il à l’âge subjectif ? ... 47
5. Facteurs psychologiques et âge subjectif : le rôle de la personnalité ... 48
5.1. Le modèle en cinq facteurs ... 49
5.2. La théorie des cinq facteurs ... 52
5.3. Traits de personnalité et âge subjectif ... 53
5.4. Est-ce que la personnalité contribue à l’âge subjectif mnésique ?... 55
5.4.1. L’apport des travaux sur le lien entre la personnalité et la plainte mnésique ... 56
5.5. Quel est le poids relatif de la personnalité et du fonctionnement cognitif dans l’âge subjectif ? ... 57
6. L’âge subjectif en contexte de pathologies ... 58
6.1. Quelle évaluation de l’âge dans la maladie d’Alzheimer ? ... 59
7. Environnement social et âge subjectif ... 61
7.1. Stéréotypes liés à l’âge et âge subjectif ... 61
7.2. Discrimination liée à l’âge et âge subjectif ... 64
7.3. Processus de comparaison sociale et âge subjectif ... 64
7.4. L’influence de l’environnement social est-elle dépendante du domaine cognitif versus physique ? ... 66
7.5. Quels effets des processus d’assimilation sur l’âge subjectif ? ... 68
Chapitre 3. Questionnement et programme de recherche ... 70
1. Quel est le poids relatif de la personnalité et du fonctionnement cognitif dans l’âge
subjectif lors de l’avancée en âge ? ... 73
2. Dans quelles conditions l’environnement social est-il susceptible de générer des
modifications de l’âge subjectif ? ... 76
Étude 1. Personnalité et âge subjectif mnésique lors de l’avancée en âge ... 78
1. Objectif et hypothèses ... 80
2. Méthode ... 81
2.1. Participants et procédure... 81
2.2. Mesures ... 82
2.3. Analyse des données ... 84
3. Résultats ... 86
3.1. Analyses préliminaires ... 86
3.2. Analyse principale ... 89
3.3. Analyses complémentaires ... 91
4. Discussion ... 94
Étude 2. Personnalité, cognition et âge subjectif mnésique chez les personnes âgées ... 99
1. Objectif et hypothèses ... 100
2. Méthode ... 101
2.1. Participants et procédure... 101
2.2. Mesures ... 102
2.3. Analyse des données ... 102
3. Résultats ... 103
3.1. Analyses préliminaires ... 103
3.2. Analyse principale ... 105
3.3. Analyse complémentaire ... 107
4. Discussion ... 107
Étude 3. Âge subjectif et maladie d’Alzheimer ... 110
1. Objectif et hypothèses ... 111
2. Méthode ... 111
2.1. Participants et procédure... 111
2.2. Mesures ... 113
2.3. Analyse des données ... 114
3. Résultats ... 114
3.1. Analyses préliminaires ... 114
3.2. Analyses principales ... 115
3.2.1. Âge subjectif global ... 115
3.2.2. Âge subjectif mnésique ... 117
4. Discussion ... 118
Étude 4. L’induction d’un biais de rajeunissement chez les personnes âgées dépend-elle du domaine cognitif versus physique ? ... 122
1. Objectif et hypothèses ... 123
2. Méthode ... 124
2.1. Participants ... 124
2.2. Mesures ... 124
2.3. Procédure ... 127
2.4. Analyse des données ... 131
3. Résultats ... 131
3.1. Items de vérifications ... 131
3.2. Analyses préliminaires ... 132
3.3. Analyses principales ... 134
3.3.1. Âge subjectif global ... 134
3.3.1.1. Domaine cognitif ... 134
3.3.1.2. Domaine physique ... 135
3.3.2. Âge subjectif mnésique ... 136
3.3.2.1. Domaine cognitif ... 137
3.3.2.2. Domaine physique ... 138
3.3.3. Âge subjectif physique ... 138
3.3.3.1. Domaine cognitif ... 139
3.3.3.2. Domaine physique ... 139
4. Discussion ... 140
Étude 5. L’effet des processus d’assimilation dans le domaine physique sur l’âge subjectif chez les personnes âgées ... 144
1. Objectif et hypothèses ... 145
2. Méthode ... 146
2.1. Participants ... 146
2.2. Mesures ... 146
2.3. Procédure ... 148
2.4. Analyse des données ... 150
3. Résultats ... 152
3.1. Items de vérifications ... 152
3.2. Analyses préliminaires ... 152
3.3. Analyses principales ... 154
3.3.1. Identification au groupe d’âge ... 154
3.3.2. Âge subjectif global ... 155
3.3.3. Âge subjectif physique ... 156
3.3.4. Force de préhension ... 157
4. Discussion ... 158
Chapitre 4. Discussion générale ... 162
Limites et perspectives de recherche ... 168
Implications pratiques ... 172
Conclusion ... 173
Bibliographie ... 174
Table des annexes ... 202
Index des figures
Figure 1. Évolution de l’âge subjectif au cours de la vie (adaptée de Rubin & Berntsen, 2006)
... 25
Figure 2. Synthèse des connaissances existantes sur les implications de l’âge subjectif ... 39
Figure 3. Le modèle en cinq facteurs de la personnalité (adaptée de Plaisant et al., 2010) .... 52
Figure 4. La théorie des cinq facteurs (d’après McCrae & Costa, 2006, p. 234) ... 53
Figure 5. Interaction entre l’ouverture aux expériences et l’âge chronologique pour la prédiction du biais d’âge subjectif mnésique ... 91
Figure 6. Interaction entre le caractère agréable et l’âge chronologique pour la prédiction du biais d’âge subjectif global ... 94
Figure 7. Comparaison du pourcentage de biais d’âge subjectif global entre le groupe contrôle et le groupe MA ... 116
Figure 8. Comparaison du pourcentage de biais d’âge subjectif mnésique entre le groupe contrôle et le groupe MA ... 118
Figure 9. Position standard pour la tâche de force de préhension ... 127
Figure 10. Diagramme de flux du protocole expérimental de l’étude 4 ... 130
Figure 11. Changement dans le biais d’âge subjectif global dans le domaine cognitif... 135
Figure 12. Changement dans le biais d’âge subjectif global dans le domaine physique ... 136
Figure 13. Changement dans le biais d’âge subjectif mnésique dans le domaine cognitif ... 137
Figure 14. Changement dans le biais d’âge subjectif mnésique dans le domaine physique . 138 Figure 15. Changement dans le biais d’âge subjectif physique dans le domaine cognitif .... 139
Figure 16. Changement dans le biais d’âge subjectif physique dans le domaine physique .. 140
Figure 17. Diagramme de flux du protocole expérimental de l’étude 5 ... 151
Figure 18. Changement dans l’identification au groupe d’âge pour le groupe contrôle, le groupe expérimental assimilation et le groupe expérimental contraste ... 155
Figure 19. Changement dans le biais d’âge subjectif global pour le groupe contrôle, le groupe expérimental assimilation et le groupe expérimental contraste... 156
Figure 20. Changement dans le biais d’âge subjectif physique pour le groupe contrôle, le groupe expérimental assimilation et le groupe expérimental contraste ... 157
Figure 21. Changement dans la force de préhension pour le groupe contrôle, le groupe
expérimental assimilation et le groupe expérimental contraste... 158
Index des tableaux
Tableau 1. Définitions et mesures des construits représentatifs du vieillissement subjectif (adapté de Diehl et al., 2014) ... 23 Tableau 2. Moyennes (M), écarts-types (ET), et corrélations des variables de l’échantillon sur l’âge subjectif mnésique (N = 924) ... 87 Tableau 3. Moyennes (M), écarts-types (ET), et corrélations des variables de l’échantillon sur l’âge subjectif global (N = 930) ... 88 Tableau 4. Résumé de l’analyse de régression multiple pour la prédiction du biais d’âge subjectif mnésique (N = 924) ... 90 Tableau 5. Résumé de l’analyse de régression multiple pour la prédiction du biais d’âge subjectif global (N = 930) ... 93 Tableau 6. Moyennes (M), écarts-types (ET), et corrélations des variables de l’étude 2 (N
= 240) ... 104
Tableau 7. Résumé de l’analyse de régression multiple pour la prédiction du biais d’âge
subjectif mnésique (N = 240) ... 106
Tableau 8. Moyennes (M) et écarts-types (ET) des variables pour le groupe sain et le groupe
MA ... 115
Tableau 9. Résumé de l’ANCOVA comparant le pourcentage de biais d’âge subjectif global
du groupe contrôle et du groupe MA ... 116
Tableau 10. Résumé de l’ANCOVA comparant le pourcentage de biais d’âge subjectif
mnésique du groupe contrôle et du groupe MA ... 117
Tableau 11. Moyennes (M) et écarts-types (ET) des variables pour le groupe contrôle
mémoire, le groupe expérimental contraste mémoire, le groupe contrôle force et le groupe
expérimental contraste force ... 133
Tableau 12. Moyennes (M) et écarts-types (ET) des variables pour le groupe contrôle, le
groupe expérimental assimilation et le groupe expérimental contraste ... 153
9
Introduction
Le vieillissement de la population est un phénomène mondial. Alors que le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus était de 202 millions en 1950, il devrait plus que doubler d’ici 2050, passant de 841 millions en 2013 à plus de 2 milliards, soit 21% de la population mondiale totale. En 2047, selon les projections les plus récentes, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus dépassera alors le nombre d’enfants de moins de 15 ans (United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division, 2013). En 2013, la France se situait au 13 e rang mondial des pays qui comptaient le plus de personnes âgées de 60 ans et plus (United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division, 2013). En effet, selon les estimations de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), en France métropolitaine, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus est passé de 6.7 millions en 1950 à 15.2 millions en 2013 (Insee, estimations de population, 2015). Si les tendances démographiques se confirment, ce nombre devrait atteindre 22.3 millions en 2050, soit 31.9%
de la population française métropolitaine, et une personne sur trois serait alors âgée de plus de
60 ans (Insee, projections de population pour la France métropolitaine à l’horizon 2050,
2006). Ce phénomène sans précédent s’explique, outre par la baisse de la natalité, en partie
par la réduction de la mortalité. Dans le monde, l’espérance de vie à la naissance globale a
augmenté de plus de 20 ans en l’espace de 60 ans, passant de 46.9 ans en 1950-1955 à 70 ans
en 2010-2015, et devrait atteindre 76 ans d’ici 2045-2050 (United Nations, Department of
Economic and Social Affairs, Population Division, 2013). En France métropolitaine,
l’espérance de vie à la naissance est passée de 69.2 ans pour les femmes et 63.4 ans pour les
hommes en 1950, à respectivement 85.5 ans et 79.3 ans en 2014 (Insee, estimations de
10
population, 2015). D’ici 2050, ces nombres pourraient encore augmenter et s’élever à 91,1 ans pour les femmes et 86 ans pour les hommes (Insee, situations démographiques et projections de population 2005-2050, scénario central, 2006).
Cependant, cet allongement de l’espérance de vie s’accompagne également d’une augmentation du risque de développer des maladies chroniques telles que les cancers, le diabète et les maladies cardio-vasculaires, dont la prévalence augmente avec l’âge (e.g., Piazza, Charles, & Almeida, 2007 ; Williams, Pham-Kanter, & Leitsch, 2009 ; Wolff, Starfield, & Anderson, 2002). Par exemple, dans l’étude de Piazza et al. (2007) comprenant 3493 participants âgés de 25 à 74 ans issus du Midlife Development in the United States (MIDUS), 44.5% des personnes âgées de 55 à 74 ans (n = 1057) souffraient d’une maladie cardio-vasculaire (e.g., crise cardiaque, accident vasculaire cérébral), contre 24.3% des personnes de 40 à 54 ans (n = 1228) et 11.6% des personnes de 25 à 39 ans (n = 1208). De plus, la probabilité de développer plusieurs maladies chroniques augmente avec l’avancée en âge. Wolff et ses collaborateurs (2002) ont observé que les personnes de 85 ans et plus souffraient en moyenne de 2.71 maladies contre 1.88 pour les personnes âgées de 65 à 69 ans.
Ces maladies chroniques peuvent aboutir à des limitations fonctionnelles, à une perte d’autonomie, à une altération de la qualité de vie et du bien-être (e.g., Sprangers et al., 2000 ; Stenholm et al., 2015 ; Wikman, Wardle, & Steptoe, 2011). Face à ce constat, plusieurs plans de prévention du vieillissement ont vu le jour depuis une dizaine d’années tels que le plan d’action international de Madrid sur le vieillissement (2002) ou le plan national « Bien vieillir » (2007-2009). Dans cette perspective, l’identification et la compréhension des facteurs associés aux risques de développer des maladies chroniques et à la qualité de vie lors de l’avancée en âge constituent un enjeu de santé publique majeur.
La majorité des travaux portant sur le vieillissement, quel que soit le champ
scientifique disciplinaire, se base sur l’âge chronologique, i.e., le nombre d’années vécues
11
(Hendricks & Hendricks, 1976) ou le nombre d’années écoulées depuis la naissance (Jarvik, 1975), afin de décrire, d’étudier et d’expliquer le fonctionnement global des individus. Ainsi, la plupart des études considèrent que l’ensemble des fonctions psychologiques, cognitives et physiques décline significativement et inévitablement avec l’avancée en âge (e.g., Crimmins, Hayward, & Saito, 1996 ; Schaie, 2005). Ces travaux suggèrent que l’âge chronologique est un facteur causal sous-jacent à l’évolution de ces fonctions lors du processus de vieillissement. Cependant, des études récentes ont mis en évidence une grande hétérogénéité des trajectoires évolutives des individus lors de l’avancée en âge (Hsu & Jones, 2012). Plus précisément, le fonctionnement global ne serait pas nécessairement amené à décliner chez l’ensemble des individus, certains démontrant un maintien de leurs fonctions à des niveaux relativement élevés malgré un âge chronologique avancé (Glass, Seeman, Herzog, Kahn, &
Berkman, 1995 ; Hsu & Jones, 2012 ; Seeman et al., 1994). Ainsi, l’âge chronologique ne serait pas l’indicateur le plus pertinent de l’évolution du fonctionnement psychologique, cognitif et physique des individus lors du processus de vieillissement. En particulier, une focalisation exclusive sur le nombre d’années écoulées depuis la naissance pourrait conduire à négliger le rôle potentiel d’autres marqueurs développementaux. Par exemple, des travaux ont mis en évidence le rôle de l’âge biologique, mesuré par le biais de marqueurs du fonctionnement cardiovasculaire, respiratoire et musculaire, dans les changements cognitifs, indépendamment de l’âge chronologique (MacDonald, DeCarlo, & Dixon, 2011 ; MacDonald, Dixon, Cohen, & Hazlitt, 2004).
Un nombre croissant d’études souligne que le vieillissement est aussi une expérience
subjective, comme l’illustre le résultat selon lequel l’âge subjectif, i.e., l’âge que se donnent
les individus, est rarement concordant avec l’âge réel. Plus précisément, en dépit de divers
changements dans le fonctionnement global, la majorité des personnes âgées de 60 ans ou
plus se perçoit plus jeune que leur âge chronologique, i.e., présente un biais de rajeunissement
12
(e.g., Gana, Alaphilippe, & Bailly, 2004 ; Kleinspehn-Ammerlahn, Kotter-Grühn, & Smith, 2008 ; Montepare & Lachman, 1989 ; Rubin & Berntsen, 2006). Ce biais de rajeunissement est universel et a été observé dans des cultures ayant des attitudes différentes envers le vieillissement (Barak, 2009 ; Gana et al., 2004 ; Macia, Duboz, Montepare, & Gueye, 2012 ; Rubin & Berntsen, 2006 ; Westerhof & Barrett, 2005). À partir d’une approche vie entière, il a été également montré que cette différence entre l’âge subjectif et l’âge chronologique n’est pas spécifique aux personnes âgées, mais qu’elle émerge au début de l’âge adulte et évolue tout au long de la vie. En effet, jusqu’à l’âge de 25 ans environ, les individus ont tendance à se percevoir du même âge ou plus âgés qu’ils ne le sont réellement. À partir de 30 ans, une tendance croissante au rajeunissement est observée contribuant au maintien à d’un biais constant de 20% de rajeunissement par rapport à l’âge chronologique (Rubin & Berntsen, 2006).
Ce biais de rajeunissement est considéré comme étant une stratégie d’autopromotion, une illusion positive, développée par les individus en réponse aux images négatives véhiculées sur les personnes âgées dans l’ensemble des cultures (e.g., Kotter-Grühn, Kornadt,
& Stephan, in press ; Teuscher, 2009 ; Westerhof & Barrett, 2005). Il reflète une distanciation de l’individu âgé typique et des stéréotypes négatifs liés à l’avancée en âge, et joue un rôle protecteur de leurs effets délétères (e.g., Eibach, Mock, & Courtney, 2010 ; Weiss & Freund, 2012 ; Weiss & Lang, 2012). L’efficacité de la tendance au rajeunissement est soutenue par une ligne de recherche croissante révélant son rôle dans l’évolution du fonctionnement psychologique, cognitif et physique lors de l’avancée en âge. Plus précisément, le biais de rajeunissement contribue positivement au bien-être psychologique (Stephan, Caudroit, &
Chalabaev, 2011 ; Westerhof & Barrett, 2005), à la préservation du fonctionnement cognitif
(Stephan, Caudroit, Jaconelli, & Terracciano, 2014 ; Stephan, Sutin, Caudroit, & Terracciano,
13
in press) et physique (Stephan, Chalabaev, Kotter-Grühn, & Jaconelli, 2013 1 ; Stephan, Sutin,
& Terracciano, 2015a) ainsi qu’à la longévité (Kotter-Grühn, Kleinspehn-Ammerlahn, Gerstorf, & Smith, 2009 ; Rippon & Steptoe, 2015 ; Westerhof et al., 2014). De plus, dans leur ensemble, ces travaux révèlent que la contribution de l’âge subjectif est souvent équivalente et/ou plus importante que celle de l’âge chronologique (e.g., Kotter-Grühn et al., 2009 ; Stephan et al., 2011 ; Westerhof & Barrett, 2005). Dans cette perspective, l’évaluation subjective de l’âge peut être considérée comme étant un marqueur alternatif pertinent du processus de vieillissement (Kotter-Grühn et al., in press ; Montepare, 2009).
Compte tenu de ses implications pour le fonctionnement global lors de l’avancée en âge, il s’avère nécessaire d’approfondir la compréhension des variables et processus impliqués dans la structuration de l’âge subjectif. Cette identification répond à deux enjeux majeurs. D’un point de vue théorique, un approfondissement des corrélats de l’âge que se donnent les individus permet de mieux comprendre pourquoi cette dimension contribue à leur fonctionnement global et ce indépendamment de l’âge réel. D’un point de vue appliqué, une connaissance plus précise des déterminants de l’âge subjectif permettrait d’optimiser la détection des personnes à risques d’un vieillissement problématique, et d’envisager des interventions visant à promouvoir chez ces personnes le maintien de leur fonctionnement via le développement d’un biais de rajeunissement et la réduction du biais de vieillissement (Kotter-Grühn et al., in press ; Stephan et al., 2013).
Ce travail doctoral s’insère donc dans une ligne de recherche portant sur les corrélats de l’évaluation subjective de l’âge. Parmi un ensemble de prédicteurs potentiels, il a été mis en évidence que l’âge que se donnent les individus reflète en partie leurs tendances caractéristiques à penser, à réagir et à se comporter, i.e., leurs traits de personnalité. Sur la
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