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Submitted on 11 Dec 2020
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Introduction. Un nécessaire état des connaissances sur les risques en agriculture et les stratégies pour les gérer
Sylvie Lupton
To cite this version:
Sylvie Lupton. Introduction. Un nécessaire état des connaissances sur les risques en agriculture et les
stratégies pour les gérer. Faire face aux risques en agriculture. Perspectives croisées de chercheurs et
de professionnels, 2019. �hal-03055045�
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Introduction générale
Un nécessaire état des connaissances sur les risques en agriculture et les stratégies pour les gérer
Sylvie Lupton
Depuis l’avènement d’une « société du risque » (Beck, 1992), les dommages sont moins perçus comme issus du destin ou du caprice des dieux, et davantage considérés comme le fruit des décisions humaines. Une des préoccupations de cette société est de comprendre comment les risques sont répartis, prévenus et gérés (Beck et al., 1994). Le monde de l’agriculture, confronté à de multiples aléas, est de ce point de vue emblématique. Mais comment aborder cette question du risque en agriculture ?
Le risque est un concept associé à la probabilité d’occurrence d’un événement et de la gravité de ce dernier, sur un temps donné. Si cette définition semble simple, le calcul de la probabilité d’occurrence et la gravité d’un événement n’est pas si aisé (Haimes, 2009). Il est intimement lié à l’incertitude (Lupton, 2015 ; Chavas, 2018) et au degré de connaissances disponibles (Knight, 1921). Le calcul d’une probabilité d’occurrence d’un événement est basé sur l’observation empirique d’événements passés, à travers un recensement des dommages causés par un sinistre sur une population. Par ailleurs, d’importants travaux sur le changement climatique (Burke et al., 2015 ; Bonan et Doney, 2018) démontrent que ce calcul peut évoluer à partir d’observations futures, compte tenu d’un environnement évolutif et incertain. En outre, il n’est pas sûr que le risque réel encouru par une personne soit le même que celui calculé statistiquement à partir d’un groupe car le comportement de chaque personne varie. Le risque et son évaluation supposent inévitablement un degré de subjectivité et d’erreur. Quant à ceux qui prennent des risques, les exploitants agricoles et leurs organisations, ils n’ont pas la même attitude vis-à-vis du risque. Certains peuvent être plus averses au risque (privilégiant un gain certain limité contre un gain supérieur hypothétique) alors que d’autres sont neutres à l’égard du risque ou ont une propension au risque. De même chaque acteur ne perçoit pas nécessairement les risques de la même façon, et hiérarchise différemment leur importance. Ces facteurs influencent la façon dont les exploitants agricoles choisissent différents outils de gestion des risques.
Le risque en agriculture est inhérent à ce secteur d’activité économique qui est particulièrement sensible aux conditions naturelles (aléas climatiques, épizooties, phytopathologies…) et aux fluctuations des marchés agricoles (volatilité du prix des intrants et des produits finaux).
D’ailleurs, une recension bibliométrique basée sur 236 articles scientifiques démontre
4 l’importance accordée à ces deux catégories de risques (Sneessens, Ghitalla et Sauvée, 2015) 1 . Les risques propres à l’agriculture peuvent être classés en quatre larges familles de risques (OECD, 2000) : le risque de production (conditions météorologiques, ravageurs, maladies animales et végétales affectant le rendement, risques liés aux changements technologiques…), le risque de marché (volatilité des prix des intrants et du produit final, exigences de qualité et de sécurité de la part des acteurs de la filière agro-alimentaire), le risque écologique (pollution des ressources, changement climatique, gestion des ressources naturelles comme l’eau) et le risque institutionnel (réglementations et directives imposées par les gouvernements à l’échelle nationale ou internationale). A cela s’ajoutent des risques propres à toute entreprise comme les risques professionnels (accidents, risques psychosociaux…) et les risques financiers (capacité de payer les factures à échéance, et de mobiliser suffisamment de liquidités pour poursuivre l’activité et éviter la faillite). Tous ces risques sont intimement corrélés et interdépendants : le changement climatique (risque écologique) a des répercussions sur le rendement des cultures (risque de production) qui peut affecter la viabilité de l’exploitation (risque financier) et la santé de l’exploitant (risque professionnel). Leur gestion dépend de nombreux acteurs du monde agricole (coopératives, syndicats agricoles, industrie agroalimentaire et grande distribution, Etat, compagnies d’assurance…) à l’échelle locale, nationale et internationale. La figure 1 illustre cette interdépendance des risques et l’interaction des acteurs du monde agricole.
La particularité des risques agricoles a justifié le fait que l’agriculture bénéficie historiquement d’un soutien financier des gouvernements. On peut citer l’exemple emblématique du Bureau des Brevets aux Etats-Unis (US Patent Office) qui commença en 1839 à importer des semences du monde entier et à les distribuer gratuitement aux agriculteurs américains (Carolan, 2016).
Ce soutien public a connu des changements conséquents depuis l’émergence de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995, visant à libéraliser le commerce international (suppression des droits de douane et des quotas, baisse des subventions…). Depuis, l’agriculture est confrontée à des risques de marché conséquents. La volatilité des prix des intrants et des produits finaux devient un enjeu majeur pour les agriculteurs. Les exigences de qualité et de prix du secteur agro-alimentaire et de la grande distribution, doublé d’un environnement législatif de plus en plus exigeant, peuvent réduire la marge de manœuvre et le pouvoir de négociation des agriculteurs. A cela s’ajoute le changement climatique qui affecte l’agriculture tant dans les pays développés que dans les pays en développement (inondation,
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