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Article pp.207-221 du Vol.8 n°2 (2010)

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Texte intégral

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Structuration organisationnelle, spatiale et temporelle des environnements

Éric Bruillard

UMR STEF (ENS Cachan, INRP), UniverSud ENS Cachan - UMR STEF

61 av. du Président Wilson F-94235 Cachan cedex

eric.bruillard@stef.ens-cachan.fr

RÉSUMÉ. Cet article essaye d’éclairer les évolutions possibles des environnements techniques principalement ceux utilisés dans le cadre de la formation à distance. Il propose des grandes tendances, liées aux potentialités offertes par l’informatique concernant les institutions, les groupes et les personnes et passe en revue quelques travaux de prospective pour l’année 2020. Il décrit quelques pistes pour la structuration organisationnelle, temporelle et spatiale des environnements d’apprentissage et insiste sur le rôle d’instrument pivot joué par le téléphone portable.

ABSTRACT. This article aims at lightening possible trends concerning learning platforms, mainly for distance training. It provides main tendencies associated with information technology possibilities according to institutions, groups and persons and offers a review of some prospective works for year 2020. It describes some tracks for organisational, temporal and spatial settings of learning platforms and highlights the pivot instrument role played by mobile phone.

MOTS-CLÉS: technologies éducatives, environnements techniques de formation, apprentissage collaboratif.

KEYWORDS: educative technology, educational platform, collaborative learning.

DOI:10.3166/DS.8.207-221 © Cned/Lavoisier 2010

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Introduction

Loin d’abonder dans une forme de techno-déterminisme, on peut s’accorder sur le fait que les technologies offrent des possibles, des potentialités et que les personnes et que les institutions s’en saisissent de manière parfois inattendue, les prolongent, les détournent, mais sans pouvoir s’affranchir de toutes les contraintes à la fois de leur histoire et des technologies elles-mêmes. Ainsi, regarder les évolutions techniques ainsi que les utilisations émergentes donne des indications assez précises sur ce qui est susceptible de se développer. S’intéresser aux technologies est certainement légitime pour une revue intitulée Distances & savoirs, puisqu’elles contribuent à modifier les distances et les savoirs. D’ailleurs, on peut penser que les potentialités offertes par l’informatique ne sont encore prises en compte que de manière embryonnaire et que l’évolution des offres et une meilleure appropriation de la part des usagers ouvriront de nouvelles perspectives.

Le présent article fait suite à une présentation effectuée en décembre 2009 lors du symposium Distances & savoirs. Cette présentation avait pour objet de tenter d’éclairer les évolutions possibles des environnements techniques, principalement pour la formation à distance. Or, pronostiquer ce qui va se produire dans une activité humaine est toujours une gageure. On essaye d’analyser les évolutions en cours, de détecter des tendances, de décrypter les signes d’évolution dans les utilisations actuelles. Un des points sur lequel on se trompe souvent est celui du temps. Ce que l’on annonce proche prend souvent plus de temps et des phénomènes qui apparaissent lointains surviennent plus rapidement que prévu ; les ruptures sont difficiles à prévoir.

Aussi, n’ayant pu entreprendre ni une étude approfondie de la littérature de recherche disponible, ni une revue des innovations techniques actuellement en cours de développement dans les laboratoires de recherche publics ou privés, je propose une analyse personnelle, texte d’expert, point de vue d’acteur et de chercheur sur les évolutions actuelles, sans recours aux méthodes de la prospective ou à celles de la veille stratégique. Ce texte s’attache à repérer les continuités plutôt que les éléments possibles de rupture.

Cette première vision1 va par ailleurs nourrir un atelier de réflexion prospective soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR) nommé PREA2K302, coordonné par Jean-Marie Burkhardt et Georges-Louis Baron. Cet atelier vise à identifier et préciser les problématiques majeures dans les 20 prochaines années relativement aux connaissances et outils clés pour l’apprentissage et l’enseignement, en tenant compte de leurs dimensions économiques, industrielles et sociales. Il a pour objectif opérationnel la production de groupes de scénarios. Nous n’irons pas

1. Alors que j’étais en charge dans cet atelier des questions des contenus d’enseignement et pas de l’évolution de l’instrumentation. Notons que la réponse à l’appel d’offres de l’ANR (et bien évidemment son acceptation) a été postérieure au symposium D&S.

2. Site du projet : http://prea2k30.risc.cnrs.fr

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jusque là dans cet article, lequel se contentera de repérer des grandes tendances et de discuter les évolutions possibles des structurations organisationnelles, temporelles et spatiales des environnements d’enseignement et d’apprentissage.

Évoquant des repères sur les futurs possibles des dispositifs dans l’enseignement à distance, ce texte est complémentaire de celui de Bernard Blandin, dans le même volume, ce dernier mettant plus l’accent sur les stratégies des industriels et les questions de normes et de standards.

Technologies émergentes, tendances sociales, scénarios du futur…

Chaque année, Technology Review sélectionne ce qu’il pense être les dix technologies émergentes les plus importantes. Pour l’année 20103, plusieurs d’entre elles peuvent avoir une incidence sur l’éducation, notamment parce qu’elles offrent de nouvelles possibilités de recherche ou d’interaction :

– la recherche en temps réel, via les réseaux sociaux, ce qui devrait modifier la manière dont on recherche l’information ;

– les téléphones portables 3D, qui devraient ouvrir les types de contenus consultables avec un téléphone portable ;

– la programmation dans les nuages (cloud programming), qui devrait améliorer la qualité des applications en ligne.

Mais le journal retient également la « télévision sociale », consistant à compter sur les relations sociales pour reconstruire les audiences télévisuelles. En fait, cela consacre de nouvelles habitudes des utilisateurs qui se servent de leur téléphone portable ou de leur ordinateur pour échanger des textes ou rechercher des compléments d’information, notamment quand ils regardent la télévision. Sans doute, ce sont également des habitudes qui peuvent trouver un terrain propice en formation, comme l’attestent les tendances actuelles.

Quelques grandes tendances

On peut identifier de grandes directions de changement qui interrogent trois

« niveaux » : les institutions, les groupes et les individus.

Concernant les institutions éducatives, une tendance bien attestée est le passage de la production de ressources aux services, avec une responsabilisation (accountability) accrue et la nécessité de rendre compte des actions effectuées. Pour les ressources, on peut noter la multiplicité des producteurs, avec des modèles économiques comme le logiciel libre qui privilégient le service (Elie, 2009). En outre, la multiplicité des ressources produites conduit les institutions à revoir leur

3. http://www.technologyreview.com/tr10/?a=f

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organisation. On peut signaler d’un côté VocabNomen4, projet porté par le ministère de l’éducation d’indexation des ressources académiques et d’un autre côté, Correlyce5, le catalogue ouvert de ressources éditoriales en ligne pour les lycées de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

S’agissant des groupes, on peut augurer de la montée de la collaboration avec une meilleure instrumentation des rôles et bien évidemment une instrumentation renouvelée des activités. Nous y reviendrons un peu plus loin.

Enfin, concernant les personnes, on parle de nouvelles compétences pour les digital natives ou les new millennium learners, bien que peu d’études approfondies viennent les attester. Au demeurant, si les nouveaux utilisateurs ont des pratiques partiellement inédites, ils ne font pas toujours la preuve de performances particulières dans l’apprentissage (voir Baron et Bruillard, 2009) et l’on risque de retrouver dans cette population les clivages classiques entre milieux sociaux.

Il faut noter la notion nouvelle d’environnement personnel d’apprentissage (Personal learning environment), qui apparaît par exemple sur le wiki Edutech de l’université de Genève6 (en dépit du caractère embryonnaire de l’article en question) et comme ébauche sur Wikipedia en français7 et en anglais8. En gros, il s’agit de technologies offrant la possibilité aux apprenants de prendre le contrôle et de gérer leur propre processus d’apprentissage : des technologies supportant des processus d’autonomisation, mais qui ne seront certainement pas utilisées par tous. Il est d’ailleurs difficile d’imaginer jusqu’à quel point des apprenants pourront bénéficier de leurs propres environnements personnels d’apprentissage et lesquels le feront effectivement.

Une tension classique en éducation et en formation mérite d’être signalée. Elle concerne l’opposition entre la personnalisation des environnements et l’adaptation aux besoins particuliers d’un apprenant, très souvent revendiquées comme l’un des apports fondamentaux des technologies informatiques, d’une part, et la nécessité de faire travailler ensemble un collectif autour des mêmes objets, d’autre part. Une telle opposition interroge d’ailleurs les modes de scolarisation, un enseignement très individualisé étant difficilement compatible avec une organisation basée sur des groupes, surtout dans un souci de maîtrise des coûts financiers.

4. http://www.educnet.education.fr/services/normes-tice/vocabnomen 5. http://correlyce.regionpaca.fr/correlyce/public.html

6. http://edutechwiki.unige.ch/en/Personal_learning_environment

7. http://fr.wikipedia.org/wiki/Environnement_d%27Apprentissage_Personnel 8. http://en.wikipedia.org/wiki/History_of_personal_learning_environments

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Des évolutions en cours

L’environnement technique pour la formation, s’agissant d’un environnement informatisé, constitue à la fois le lieu (principal) de l’activité et la mémoire commune du groupe en formation. C’est à la fois le moyen et le lieu de discussion et d’accès aux ressources (en concurrence avec d’autres). La manière dont cet environnement est susceptible de se modifier est l’objet de beaucoup d’attention, notamment des communautés de chercheurs. Quand on inspecte les facteurs d’évolution, ils apparaissent multiples.

En particulier, de nouvelles activités sont maintenant rendues possibles. Selon le rapport de prospective du PIRSTEC9 (Prospective Interdisciplinaire en Réseau pour les Sciences et TEchnologies Cognitives), il y a un renouvellement des situations d’interaction et des contextes d’usage, avec notamment de la mobilité pour l’apprentissage situé, des interfaces haptiques, des interfaces tangibles (apprentissage de gestes, etc.). On peut renvoyer au rapport pris en charge par Tchounikine (2009), dont on peut donner un extrait10.

Le brouillage des frontières est patent. Au-delà de l’opposition présence et distance, de multiples agencements sont proposés qui assurent la continuité des activités dans divers lieux ou avec différents intervenants (accompagnement scolaire) : blended learning, environnements hybrides, ENT (environnements ou espaces numériques de travail), etc. Dans ce contexte, il devient problématique d’isoler ce qui ressort de la sphère publique et de la sphère privée.

Il est maintenant important de penser les environnements avec les collectifs humains. Depuis longtemps, des collectifs d’enseignants produisent et échangent des ressources, que ce soit des communautés, des collectifs restreints ou de « grands » collectifs. Mais Internet offre des instruments qui facilitent la coopération distante et la diffusion des ressources produites à une large échelle. Des processus nouveaux sont à l’œuvre et on en ignore largement l’issue.

9. http://pirstec.risc.cnrs.fr/ Notons que l’atelier PREA2K30 succède au PIRSTEC dans le domaine de l’éducation.

10. Citons, dans l’étude des modalités et dispositifs de support aux apprenants, la liste suivante (Tchounikine, 2009) :

- « Couplage dynamique de l’apprenant avec son contexte (accessibilité, adaptabilité) et de ses dimensions temporelles

- Gestion des aspects non prévus dans le design

- Structuration de l’activité au sein de ces nouveaux contextes (outils de communication ou de perception support à l’interaction)

- Aide à la gestion du multimédia et de la multimodalité : partage du contrôle, nouvelles modalités permises par les technologies (gestes et regards dans la communication)…

- Nouvelles compétences mises en jeu et/ou nécessaires des apprenants : gestion de ressources diverses, autonomie…

- Gestion de services pédagogiques proposant une valeur ajoutée aux technologies/ressources disponibles ».

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Enfin, les technologies du moment sont avant tout communicantes, notamment entre elles, autorisant une interaction continue via des objets multiples. Comme le signale le rapport précité du PIRSTEC, les apports de la réalité virtuelle, mixte ou augmentée peuvent s’avérer très importants dans la formation. La mode des jeux sérieux (serious games) est en plein essor, bénéficiant de financements importants, mais l’on peut s’interroger sur l’intérêt de ces jeux pour la formation, en dehors des formations professionnelles où ils sont utilisés depuis longtemps. Dans quel cadre ou pour quels objectifs, l’exploitation de ressorts ludiques peut-elle conduire à des apprentissages et lesquels ? Il y a certainement des pistes nouvelles à explorer, avec la géolocalisation et autour des jeux massivement multi-joueurs.

Les technologies mobiles et ubiquitaires pour l’apprentissage (mobile learning) sont en passe de jouer un rôle central, accompagnant les apprenants dans leurs déplacements, communiquant avec leur environnement, sensibles au contexte. Un numéro spécial de la revue STICEF11 leur est consacré en 2010.

Vers de nouvelles expériences d’apprentissage ?

By 2020, digital technology is embedded and distributed in most objects. All personal artefacts – your keys, clothes, shoes, notebook, newspaper – have devices embedded within them which can communicate with each other. As a result, we will interact with these technologies in ways which are more seamlessly and invisibly integrated into normal activities. (FutureLab 2007, p. 6)

Digital technology is everywhere; it is embedded in everything around you from city streets, to buildings, to flagpoles and bus stops. These technologies can talk to each other and to the technologies and sensors you have embedded in your own clothes. As a result, your environment can adapt to you and connect with you and know everything about you – where you are, how you feel, what you’ve done, what you might want to do. (FutureLab 2007, p. 6)

Quand on regarde les réflexions sur l’apprentissage dans le futur, 2020 semble un cap qui a suscité l’imagination, sans doute dans une projection de vingt ans après le début du nouveau millénaire. Ainsi, le rapport américain Visions 2020:

“Transforming Education and Training Through Advanced Technologies” est signalé dans le volume 1 de D&S (2003/4)12. Il donnait un aperçu des technologies pour l’apprentissage dans un futur pas si lointain. En particulier, dans Encompassing Education, l’un des chapitres de l’ouvrage, Diana Walczak accompagnait un personnage nommé Iona qui grâce aux technologies, pouvait observer un jeune animal préhistorique brisant sa coquille : elle pouvait voir, entendre, sentir et toucher

11. www.sticef.org

12. « Ce document de 85 pages disponible en pdf est une collection de visions de que pourrait être l’éducation en 2020. Ce document n’est pas un guide mais fournit, au sein des divers articles qui le composent, une source de réflexion intéressante ».

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des objets simulés et des environnements. Peu après, on retrouvait la même Iona surfant sur un modèle géant de molécule, elle pouvait en sentir les surfaces et les liaisons atomiques. Puis, elle volait au-dessus d’un Parthénon tel qu’il pouvait être dans les temps anciens…

Ce document avait été complété par un second (Visions 2020.2, voir Bajcsy 2002 ; 2004) consacré à la vision des étudiants. Il identifiait quatre thèmes principaux correspondant à la manière dont les étudiants imaginaient les technologies futures pour l’apprentissage : (1) de petits dispositifs numériques multifonctions, activables à la voix ; (2) accès pour tous à des ordinateurs et à Internet pour des usages en classe et à la maison ; (3) des tuteurs ou des assistants intelligents pour le travail à la maison ; (4) apprendre et réaliser les travaux scolaires à l’aide des technologies : jeux éducatifs, expériences dans des mondes virtuels, cours et exercices en ligne, enseignants numériques, livres électroniques, apprentissage personnalisé.

Mais qu’en est-il aujourd’hui de ces visions prospectives du début du millénaire ? Si les technologies actuelles ressemblent aux prédictions, en laissant de côté les machines intelligentes et avec une interaction utilisant plus le geste que la voix, peu d’étudiants peuvent prétendre bénéficier des expériences d’apprentissage souhaitées, encore moins de celles de Iona.

Pourtant, on peut trouver des expériences assez similaires. Ainsi, s’agissant du Parthénon, le projet Archeoguide13 avait pour ambition de permettre au visiteur d’accéder à de l’information en contexte selon sa position et son orientation avec des aides à la navigation thématiques et personnalisées (selon la culture, la langue, l’âge, les connaissances), voir en 3D les parties manquantes détruites… Mais il ne s’agit pas directement d’éducation, plutôt de visite touristique. En fait, les technologies très innovantes, notamment réalité virtuelle ou augmentée, sont plus utilisées dans d’autres visées qu’éducatives au sens strict, par exemple pour le loisir.

Concernant 2020, on trouve d’autres visions plus récentes, prenant en compte les technologies dernièrement diffusées (notamment tout ce qui a trait au web social).

Ainsi, on peut citer Technology Skills 2020. An HR Strategy for BC14 ou Tagged 2020, Advanced, Essential, Learnings, Student, Technologies, Through Advanced Technologies15. L’idée que l’éducation se fera partout et avec tous est dominante dans les discours avec des comparatifs maintenant classiques entre la (ou les) situation(s) précédentes et la situation qui va advenir. C’est ce que propose par exemple le tableau 1. Il est sans doute inutile de préciser que l’on peut nourrir quelques doutes quant à une telle vision, mais que certains changements annoncés pourront arriver. La question, à laquelle je me garderai bien de répondre, est de savoir lesquels.

13. http://archeoguide.intranet.gr/

14. http://www.asttbc.org/RTSS/TechSkills2020.pdf

15. http://www.ilabstech.com/info-blog/essential-student-learnings-for-2020-through-advance d-technologies.html

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Tableau 1. L’avenir de l’éducation selon Education2020.wikispaces.com16

On retrouve des idées similaires dans des textes expliquant la révolution annoncée du numérique. Elle serait dans « l’émergence, dans toutes les activités humaines, d’une puissante logique de réseaux de collaboration et d’entraide » selon la Gazette de la société et des techniques17 de mars 201018.

« C’est la thèse défendue et illustrée par Les vrais révolutionnaires du numérique, ouvrage tirant parti de travaux de Documental, société qui a pour objectif de détecter dans la littérature sur les TIC les signaux faibles qui peuvent aider à leur bon usage… ». Mais même si l’on peut penser que cette direction est effectivement à explorer, on retrouve des modes de co-citation classique puisque le rédacteur est chef de la Gazette est co-auteur du livre cité, que le site du livre19

16. http://education2020.wikispaces.com/

17. « La Gazette de la Société et des Techniques a pour ambition de faire connaître des travaux qui peuvent éclairer l’opinion, sans prendre parti dans les débats politiques et sans être l’expression d’un quelconque point de vue officiel. » (http://www.annales.org/

gazette.html)

18. On le trouve aussi à l’adresse : http://www.annales.org/gazette/Gazette_56.pdf et également sur http://www.revolutionnairesdunumerique.com/livre/images/Gazette_56.pdf 19. http://www.revolutionnairesdunumerique.com/

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reprend le numéro de la Gazette et que la société Documental20 est présidée par l’autre co-auteur. C’est somme toute une manière assez classique d’exploiter les réseaux !

Après ce bref tour d’horizon prospectif, nous allons reprendre des éléments plus concrets correspondant à des transformations en cours des environnements d’apprentissage.

Des modalités de structuration renouvelées ?

Les technologies informatiques structurent et permettent de voir les structurations. Elles offrent des contrôles à négocier entre les acteurs, des traces et des analyses des interactions… On peut poser la question des modifications au travers de nouvelles structurations des plates-formes et, plus généralement, des dispositifs de formation qui seront proposés ou, au moins en partie, élaborés par les apprenants, individuels ou en groupe, et les tuteurs. Nous le ferons en regardant tour à tour les questions de structuration organisationnelle, temporelle et spatiale, puis nous verrons le rôle clé susceptible d’être joué par le téléphone portable, comme dispositif permettant une interaction, parfois tarifée, généralisée.

Structuration organisationnelle

On peut augurer que la « malléabilité » accrue des environnements et la multiplicité des contextes et des contraintes de formation vont conduire à mettre en place et réguler des organisations « dynamiques ». Si le travail ou l’apprentissage collaboratifs reste encore souvent du domaine des intentions et si c’est bien un domaine où les effets d’annonce sont particulièrement repérables (voir Bruillard et Baron, 2009), ils sont appelés à se développer, du moins dans certaines phases de l’apprentissage.

Ainsi, notamment pour de simples raisons économiques ou du fait de la reconnaissance que l’apprentissage est éminemment social et nécessite des interactions dans des groupes humains, on peut penser que, au moins pour quelques phases du processus d’apprentissage ou pour aider à la régulation, les formes d’interaction en groupe se développent.

En effet, s’agissant d’enseignement à distance, le recours à la collaboration peut s’avérer payant, dans une alliance de circonstance classique entre vision pédagogique progressiste et vision économique. Comme on ne peut plus laisser les apprenants seuls face aux ressources (même si on peut entretenir l’illusion des ressources personnalisées et indéfiniment auto-adaptables), il faut associer des tuteurs, ce qui augmente considérablement le coût des formations. Diminuer le nombre de tuteurs ou le nombre de leurs interventions en faisant supporter

20. http://www.documental.com/

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différentes facettes de la formation par le groupe peut s’avérer une stratégie doublement rentable.

Les technologies offrent d’ailleurs un support accru en multipliant les possibilités de contact entre les personnes distantes, parfois même de manière quasiment continue (ce que Licoppe nomme le mode connecté). Les sites consacrés aux réseaux sociaux contribuent à cette évolution. On peut penser également au recours à des experts sur un sujet donné, acceptant de partager en ligne leurs connaissances avec les personnes qui en feraient la demande, mais on ne sait pas quelle ampleur peut prendre ce phénomène ni quelles formes de rétribution des services seront installées.

La question de savoir quelle part prendront ces interactions dans des formations n’a pas, pour le moment, obtenu de réponse claire.

Toutefois, nombre de recherches actuelles dans le champ des EIAH (environnements informatisés et/pour l’apprentissage humain) se déploient dans cette direction : mieux instrumenter les différents rôles, notamment par la visualisation d’indicateurs d’interaction (tant pour les administrateurs, que les formateurs et tuteurs, voire les apprenants) et la fourniture de tableaux de bord aux tuteurs et aux apprenants (surtout en cours de formation), ce qui peut conduire également à des services spécifiques. On peut imaginer de s’abonner à un service qui, à partir de traces d’interaction collectées tout au long d’un processus de formation, propose visualisations et analyses pour les acteurs, à charge pour eux d’interpréter ces données triées afin de changer leur activité.

Ainsi, dans la recherche CALICO (Communautés d’apprentissage en ligne, instrumentation, collaboration)21, a été mise en place une plate-forme de stockage et des outils de visualisation et d’analyse des forums de discussion. Cela supposait que les données aient été au préalable mises dans un format spécifique. On devrait maintenant pouvoir se contenter d’abonner la plate-forme CALICO22 à un forum ou à une liste de discussion pour bénéficier des services offerts.

Structuration temporelle

La réflexion sur la formation intègre souvent la dichotomie synchrone/asynchrone dans la gestion de la temporalité (avec les interactions limites ou frontières, dans le quasi-synchrone). On connaît leurs avantages et contraintes respectives et on peut se mettre d’accord pour affirmer que la formation a besoin des deux : la présence et le temps court, notamment pour la prise de décision et une certaine convergence dans le dialogue ; la distance (ou l’absence) et le temps long pour la maturation et la réflexion. Les environnements hybrides associent les deux temporalités. L’interaction en continue alterne les moments synchrones et les temps asynchrones, mais les technologies tendent à renforcer l’immaturité des réponses

21. http://www.stef.ens-cachan.fr/rech/calico.htm : descriptif de la recherche et rapport final.

22. http://www.crashdump.net/calico/

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immédiates : les organisations peuvent et doivent aider à gérer différemment les temps.

On a pu vérifier que l’un des atouts de l’utilisation des forums en formation était dans leur capacité à ralentir le temps et mettre à jour les phases successives d’une discussion avec une fin annoncée, i.e. un forum de discussion qui se déroule dans une durée prévue dès son démarrage (Clouet et al., 2009).

Les contraintes de temps sont souvent productives, notamment les bornes temporelles qui sont imposées ou toutes les étapes et les passages, programmés dans le temps, qui rythment la formation, permettent que des activités soient terminées pour que l’on puisse se consacrer à de nouvelles activités : les modalités de partage de la gestion du temps entre les institutions de formation et les apprenants apparaissent comme un des facteurs clés dans l’apprentissage. On ne pourra pas impunément supprimer les contraintes de temps en formation et les questions d’articulation entre temps individuel et temps des groupes restent des points essentiels à étudier.

Mais une nouvelle dimension du temps est rendue plus facilement accessible : c’est le fait de voir le passé, de disposer des différentes étapes de la construction d’un article de l’encyclopédie Wikipedia par exemple, de rejouer le passé, voire de le modifier. Il ne s’agit pas uniquement de contempler le passé, mais de pouvoir étudier des processus qui s’y sont déroulés, ainsi pouvoir revenir sur son propre apprentissage ou sur ses activités passées, afin d’en tirer quelque chose : capitaliser, réutiliser son expérience ou celle des autres, interpréter les multiples traces qui ont été conservées et qui peuvent nous être proposées. Avec les eportfolios, c’est aussi une frénésie de conservation qui peut être à l’œuvre, la volonté de tout garder, qui peut devenir un obstacle à l’apprentissage (Baron et Bruillard, 2003).

La gestion de l’oubli et l’oubli est certainement aussi un processus clé dans l’apprentissage notamment pour mettre à distance des expériences passées ou prendre en compte des choses vraiment nouvelles fait partie des éléments de gestion du temps à prendre en compte.

Structuration spatiale

De nombreuses plates-formes tirent partie de métaphores spatiales pour favoriser l’appropriation par les apprenants. Si cela peut aider les débutants et si des

« connaissances sociales » peuvent parfois se transposer rapidement (l’image d’une porte fermée montre qu’il ne faut pas déranger quelqu’un, mais il faudrait certainement regarder de plus près comment tout cela fonctionne et comment les signes sont interprétés), on sait que les métaphores ont des limites et qu’elles peuvent s’ériger en obstacles difficilement franchissables.

Au-delà des métaphores spatiales, dans une perspective d’améliorer l’interaction avec et via les technologies, on voit vite qu’il ne s’agit pas de reproduire le monde

« réel » et qu’il va falloir aider les acteurs à franchir une nouvelle étape, ne pas se

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contenter de projeter leurs connaissances antérieures sur de nouveaux environnements mais acquérir de nouvelles connaissances.

Finalement, quel est l’espace d’interaction ? Celui d’une plate-forme de formation, lieu de rencontre non physique, dans laquelle les interactions sont en quelque sorte entre parenthèses du monde de tous les jours. Or, quand on articule physique et virtuel, on va au-delà de l’opposition du « monde » et des livres : l’informatique dite « pervasive » correspond à la volonté d’attacher des informations aux objets. C’est le monde informatisé qui devient sa propre bibliothèque : au lieu d’aller chercher des informations sur un objet, on lit l’information que quelqu’un a attachée à l’objet ou bien un processus automatique permet la reconnaissance et associe les informations utiles.

Dans les réflexions en cours, c’est l’utilisation de la géolocalisation (ainsi les jeux peuvent se déployer dans le monde physique) dans une articulation entre le global et le local ou ce que Philippe Quéau (2002) nomme le « glocal ». Mais pour agir avec les objets de l’environnement et les informations qu’ils portent, il nous faut un instrument que l’on puisse avoir tout le temps avec soi. N’est-ce pas là le rôle dévolu aux nouveaux téléphones portables ?

Un objet « pivot » : le téléphone portable

En effet, les performances des téléphones portables ne cessent de décupler (la 3G est annoncée comme l’une des innovations de 2010) et ils occupent une place de plus en plus grande. Le téléphone portable est un instrument personnel (non celui de l’institution), il accompagne la mobilité, c’est un terminal de paiement, il assure ou participe à la continuité de l’interaction. Pour résumer, c’est l’instrument d’interaction par excellence. Il donne un pouvoir d’agir et peut constituer un instrument pivot (Rabardel, 2005).

Un bon exemple d’utilisation du téléphone portable est « The Josefsplatz experience »23, guide touristique interactif à partir du téléphone portable du visiteur axé sur la réalité virtuelle : il permet de découvrir les différentes apparences de Josefsplatz au cours des époques à partir d’images en trois dimensions au gré de ses envies. On retrouve une application à vocation touristique, comme pour le Parthénon, mais avec un dispositif beaucoup plus léger (plus de lunettes de réalité augmentée mais un simple téléphone portable).

Le téléphone portable (et maintenant la tablette iPad), peut concurrencer une technologie qui n’a pas encore trouvé preneur : le livre électronique en tant que nouveau support de lecture. Annoncé au début des années 2000, il apparaissait comme le fruit d’une évolution inéluctable. Mais les entreprises qui l’ont développé,

23. http://www.vrvis.at/projects/finished-projects/josefsplatz-experience

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telle Cytale24, n’ont pas survécu. Il revient en force depuis deux ans, avec des technologies renouvelées, des offres décuplées. Mais si on met côte à côte l’i-phone et l’ebook, on ne voit pas d’autres avenirs que celui de niches un peu confidentielles pour les livres électroniques. Et le développement de l’iPhone s’accompagne également de nouvelles offres culturelles : des séquences à lire dans un intervalle de 2 à 3 minutes, des formes qui s’adaptent à un écran petit, des bandes dessinées asiatiques plus adaptées que les franco-belges, etc. On pourrait retrouver la mode des feuilletons au XIXe siècle avec les journaux, une nouvelle culture se développant avec la diffusion des technologies.

Conclusion

En éducation, les technologies apportent rarement des solutions à des problèmes, sauf localement dans le temps et l’espace, mais transforment les problèmes qui se posent. Ainsi, donner un accès facilité aux informations, à la communication distante, pose la question de l’utilité de certains apprentissages. On présente souvent l’apprentissage par cœur, la mémorisation, comme des formes anciennes et dépassées. Les technologies fournissent des mémoires externes puissantes rendant peu utile l’apprentissage des listes de noms ou de faits. Mais il ne faudrait pas trop vite rapprocher ces deux propositions pour faire de la technologie un allié pour des formes plus élevées de la réflexion. Cela peut être le contraire.

Les technologies se développent, les ressources qui les accompagnent également.

Mais comment s’y retrouver ? Organiser des entrepôts de données indexées à l’aide d’ontologies ? Avec les collectifs d’enseignants qui construisent, partagent, et parfois indexent des ressources éducatives, on pourrait imaginer une articulation entre une indexation web sémantique (ontologies) et web social (voir les thèses récentes de Huyn-Kim-Bang, 2009 ; Loiseau, 2009), permettant des indexations selon les utilisations faites ou imaginées.

Même si le présent article est censé se consacrer aux évolutions des dispositifs techniques, les perspectives qui me paraissent les plus importantes et les plus intéressantes concernent les usagers eux-mêmes, enseignants, élèves et étudiants. On peut penser qu’il faudrait donner une plus grande capacité aux apprenants pour gérer leur apprentissage, une capacité à agir et à organiser, à maîtriser les instruments (ainsi que les concepts sous-jacents). Plus que le développement d’une culture informatique (pas uniquement numérique, dans le sens où il faut comprendre les traitements, pas uniquement les déclencher), il faudrait que les usagers acquièrent une aisance suffisante

24. http://www.enssib.fr/presses/catalogue/l-echec-du-livre-electronique-de-cytale-au-prisme- des-processus-de-traduction

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et réfléchie dans la manipulation des technologies informatiques (aller en quelque sorte de la technological literacy à la technological fluency25).

Bibliographie

Bajcsy R. (ed.), Visions 2020.2 Student Views on Transforming Education and Training Through Advanced Technologies, 2004. http://www2.ed.gov/about/offices/list/os/techno logy/plan/2004/site/documents/visions_20202.pdf

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