Introduction aux deux articles sur le thème : Recherche, insertion dans les pratiques à distance
L’intérêt de la présente publication, issue d’un symposium ayant eu lieu en décembre 2009 est de permettre de faire, dans l’après coup, un travail de relecture des divers matériaux ayant constitué la séance en direct et d’en faire émerger plus de sens. Ces matériaux sont les interventions respectives d’E. Fichez (GERIICO, U. Lille 3), et D. Oillo (Directeur de programme, AUF), reprise et développée pour la première, ainsi que les discussions qui ont suivi chacune d’elles.
A première vue, les deux interventions semblent diverger par leur angle d’approche et leur référent contextuel.
E. Fichez choisit comme repère central la notion de « distance », en déconstruisant la dichotomie traditionnelle (basée principalement sur le critère spatial) entre l’enseignement fait à distance et l’enseignement en présence ; elle lui substitue la notion de formation « hybride », proposant la notion d’ « acte éducatif contemporain1 » pour désigner de manière globale l’objet d’étude visé. Dès lors, elle se propose d’approfondir la recomposition conceptuelle qui va de pair avec la recomposition du champ pratique des formations, en prenant appui sur le contexte empirique de telles formations hybrides.
D. Oillo retient quant à lui les « TICE »2 comme mode d’entrée plus que la FAD elle-même car elles permettent selon lui de privilégier l’interdisciplinarité. Il contextualise son intervention d’un double point de vue : 1) sociétal, en insistant sur le paradigme de la société et des industries de la connaissance ; 2) politique, en reliant sa réflexion de manière très étroite au réseau de chercheurs qu’il anime dans le cadre d’un programme scientifique quadriennal au sein de l’Agence Universitaire de Francophonie.
Pourtant, comme on peut s’en rendre compte à la lecture des deux textes, ils constituent au final un couple de propositions convergentes et complémentaires concernant le thème retenu « Recherche, insertion dans les pratiques ».
1. Cette désignation a fait l’objet d’une question de la part d’un des participants, qui en a critiqué le caractère abstrait et finalement passe-partout. L’intervenante a répondu en disant qu’elle avait souhaité avant tout insister sur l’homogénéisation des pratiques mais a convenu que « acte éducatif dans les environnements d’apprentissage contemporains » serait moins abstrait.
2. D. Oillo ayant fait remarquer dans son exposé lors du symposium que la sophistication actuelle de la technologie pouvait avoir des effets pervers dans certains pays en développement, un débat s’en est suivi dans la discussion faisant ressortir entre autres qu’il ne fallait peut-être pas raisonner avec la seule idée de « fracture technologique », mais aussi avec celle de « saut technologique ».
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172 D&S – 8/2010. Formation à distance
La convergence porte sur la spécificité même de la démarche de recherche.
Les deux auteurs mettent en avant en particulier le fait que l’objet ne peut s’appréhender que dans un cadre interdisciplinaire. L’ensemble des disciplines convoqué est en gros le même : sciences de l’éducation, de l’information et de la communication, de la cognition, de l’informatique, juridiques… Il s’agit ainsi pour D. Oillo d’inciter à croiser les regards, les expériences, les méthodes, et pour E.
Fichez de mettre en avant le caractère « anthropologique » des dispositifs au sens où le cognitif, le sémiotique, le relationnel, le technique y sont indissolublement mêlés.
Et tous deux en appellent à une épistémologie originale dans un champ peu ou mal exploré, laquelle suppose de re-travailler finement les concepts opératoires à partir de l’appropriation transversale que sont amenés à en faire les chercheurs.
Une deuxième caractéristique est présente chez les deux auteurs, l’appel à une recherche transversale multiniveau, qui ne dissocie pas le microniveau de l’intervention pédagogique des conditions organisationnelles, économiques et politiques de sa réalisation. Cette caractéristique est plus nettement développée dans l’intervention de D. Oillo parce que exemplifiée par le réseau de chercheurs dont il explicite le déploiement. Mais, E. Fichez insiste aussi sur le va et vient permanent entre ces différents niveaux d’analyse comme condition nécessaire pour comprendre les dynamiques globales qui sont à l’œuvre.
La complémentarité quant à elle se joue dans le fait qu’ E. Fichez va plus loin dans l’approfondissement de ce qu’elle appelle la re-conceptualisation opérable au travers de telles démarches transversales et interdisdisciplinaires (comment l’enjambement entre les champs produit par les mots entraîne aussi un enjambement des représentations et des modes opératoires),tandis que D. Oillo insiste davantage sur la dimension politique et économique du programme de recherche res@tice, à savoir observer les recompositions et les agencements nouveaux qu’impliquent ces industries de la connaissance en s'appuyant sur deux grands principes, la solidarité et l'excellence, qui illustrent le « non-alignement francophone » comme un des rares lieux de résistance à une mondialisation qui considère l'éducation comme un marché3.
ELISABETH FICHEZ GERIICO Université Lille 3
3. Ce faisant, D. Oillo satisfaisait implicitement à une question posée par l’un des intervenants à E. Fichez concernant le paradigme théorique, souvent lié dans la littérature existante à un projet politique assigné à la FAD, dans lequel elle-même inscrivait ses interrogations sur la re-conceptualisation. Pour E. Fichez, la difficulté de la réponse en ce qui la concerne tient à l’interrogation portant sur la notion même de « distance ».
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