Utilisation de la conjugaison complexe dans
l’étude de la transcendance de valeurs de la fonction exponentielle usuelle
par GUY DIAZ
RÉSUMÉ. Ce texte illustre
l’usage
que l’on peut faire de la conju- gaisoncomplexe
en transcendance. Il montre aussi que la dériva- tion et leprincipe
du maximum ne sont pas toujours des outils in-dispensables
dans les preuves de transcendance. Ces deux consta- tations mises côte a côte permettront peut être de traiterquelques
cas
particuliers
de la conjecture de Schanuel.ABSTRACT. This paper illustrates the use we can make of
complex
conjugation in transcendence. It also proves that derivation and maximum modulusprinciple
are notnecessarily
essential tools for transcendenceproofs.
These two facts puttogether might
allowus to work on some
particular
cases of Schanuel’s conjecture.1. Introduction
Mon
premier objectif
est desouligner l’usage
que l’onpeut
faire de laconjugaison complexe
dans l’étude de la transcendance des valeurs de la fonctionexponentielle
usuelle(
en utilisant évidemment lapropriété
banalee7
= ez pour tout z eC).
Je donnerai trois illustrations :.
( §2 )
trois résultatsqui
démontrent des casparticuliers
de laconjecture
des
quatre exponentielles
et de laconjecture
forte desquatre exponentielles ;
.
( §3 )
une preuve nouvelle du théorème de Hermite - Lindemann res-treint au cas où
l’argument
n’est pas dans R U.
( §5 )
deuxconjectures qui
sont des casparticuliers
de laconjecture
de Schanuel
(et
aussi des casparticuliers
de laconjecture
forte desquatre
exponentielles)
queje
trouveparticulièrement
intéressantes.Mon second
objectif
est de montrer que le recours dans les preuves de transcendance à des outils aussiclassiques
que la dérivation et leprincipe
du maximum
peut
se révélerinutile,
alors mêmequ’il
constituaitjusqu’ici
Manuscrit reçu le ler avril 2003.
un passage
obligé.
On verra ainsi( §4 )
que le théorème de Hermite - Lindemann restreint au cas oùl’argument
n’est pas dans R U iRpeut
être démontré sans utilisation de la dérivation et duprincipe
dumaximum,
mais avec recours à la
conjugaison complexe.
L’utilisation de laconjugaison complexe
est illustrée ici à l’aide de la fonctionexponentielle,
mais n’est pas limitée à elle. Parexemple je
l’avais utilisée dans[Di ] (voir
le théorème 3notamment)
via la fonctionmodulaire j.
La remarque que l’on
peut
souvent se passer duprincipe
dumaximum,
du moins
quand
on s’intéresse à la fonctionexponentielle,
est une remarque faite àplusieurs reprises
par Michel Waldschmidt etreprise
dans son livre[Wa 3], §6.2.5 ("Avoiding
the use ofcomplex analysis" ) .
Elle recoupe uneremarque
déjà
ancienne(voir
parexemple [Ge - Li ~ , chap 12 )
énoncéeainsi par Michel Waldschmidt
(voir [Wa 1]) :
"De nombreuses méthodes
classiques
de transcendance de nombres com-plexes
utilisent des outils de la théorie des fonctionsholomorphes. Quand
onse restreint à l’étude de nombres
réels,
onpeut
effectuer ces démonstrationsen
n’employant
dans lapartie analytique
que le théorème de Rolle" . Bien que les deux remarques se fassent écho elles sont distinctes : lapremière
ne limite pas l’étude aux seuls nombresréels,
ce que fait la seconde.Quel
est l’intérêt de proposer une nouvelle preuve du théorème de Her- mite -Lindemann,
avecqui plus
est une restriction ? Monpoint
dedépart
a été la
conjoncture
suivante(qui
faitl’objet
du§5 ) :
( ?)
Soit u ECB101
aveclui E ~;
alors eu est transcendant.C’est bien sûr une
conjecture qui généralise
le théorème de Hermite - Lindemann(on remplace l’hypothèse
"u " parl’hypothèse "lui ").
Sa formulation m’incite à utiliser des fonctions comme z ’2013~ , ~ -
1 z qui
ne sont pas dérivables. Cela interdit alors
l’usage
de la dérivation etl’usage
du
principe
du maximum. D’où laquestion
naturelle : est-ce que l’onpeut déjà
démontrer le théorème de Hermite - Lindemann en seprivant
de cesoutils
classiques ?
Laréponse
donnée au§4 ,
bien quepartielle,
est assezsatisfaisante.
Mais,
pourl’instant,
laconjecture
ci-dessus résiste.Je pense que l’on doit
pouvoir
donner d’autresexemples
d’utilisations de laconjugaison complexe.
Pour
simplifier
la lecturej’ai
surtout fait référence au livre de Michel Waldschmidt[Wa
3],
dontje garde
les notations. Ce texte doitbeaucoup
aux idées et travaux de Damien
Roy
et Michel Waldschmidt.2.
Exemples
de valeurs transcendantes de la fonctionexponentielle
usuelleLe
premier exemple
est la démonstration d’un casparticulier
de laconjec-
ture des
quatre exponentielles , conjecture (notée C4E) qui
s’énonce ainsi( [Wa],
p.14) :
C4E. Soient Xl, X2 deux nombres
complexes
linéairementindépendants
et yl, y2 deux nombres
complexes
eux linéairementindépendants.
Alors au moins un des
quatre
nombres exp(xi y~ ),1 i, j 2,
est trans-cendant.
Quitte
àremplacer (Xl,
X2, YI,Y2)
par(xi yi,
X2Yl,1, y2/yl )
onpeut
seramener au cas y, = 1 et les
quatre exponentielles
sont alorsex’, e X2 ,
exl y2et eX2Y2.
On va démontrer un cas
particulier
de cetteconjecture,
casqui
ne sem-blait pas
connu jusqu’ici.
Théorème 1. Soient Xl, X2 deux éléments de R U
iR, Q -
linéairementindépendants,
et y un nombrecomplexe
nonréel,
departie
réelle irration-nelle. Alors au moins un des
quatre
nombresex’, e X2 , eyxl,
eYX2 est trans-cendant.
L’idée est d’utiliser le théorème des six
exponentielles (voir [Wa 3],
p.14 ) appliqué
aux familles(Xl, X2)
et(1,
y,~) ,
leshypothèses
faites sur ypermettant
de dire que la famille(1, y, ~)
estQ -
libre(on
voit ainsi quel’argument
ne passeplus
si y estréel ! ) .
Preuve du théorème 1.
Point 1 - Montrons que
1, y, Y sont Q -
linéairementindépendants.
Jesuppose que a,
b,
c sontdans Q
et vérifient vais montrerque a = b = c = 0.
L’hypothèse
donne :Puisque Im y
n’est pasnul,
on en déduit b = c et donc :a+ 2b(Re y)
= 0.Puisque Re y e Q
il en résulte que a et b sont nuls. C’est terminé.Point 2 - On
applique
le théorème des sixexponentielles
aux familles(Xl, X2)
et(1,
y,~).
Cela permet de dire que :Par ailleurs on a 71 = = E2 X2 avec
~ {1,2013!} ,
parhypothèse.
Et en
conséquence :
Celapermet
d’endéduire 1
(sinon eYXl, eYX2
seraientalgébri-
ques, et donc aussi eyx2
compte-tenu
des relations deconjugaison ,
cequi
conduirait à unecontradiction).
DOn
peut
noter que dans le théorème 1 iln’y
a pasd’hypothèse d’algébrici-
té pour les
arguments
Xl, X2, y. Biensûr,
sous de telleshypothèses,
lesthéorèmes
classiques (comme
les théorèmes de Hermite -Lindemann,
deGel’fond -
Schneider) permettent
d’obtenir des résultatsplus précis.
Parexemple
si Xl, X2 sont deux nombrescomplexes Q -
linéairementindépen-
dants avec
XlIX2 e Q
alors pourtout y
ECB101
on a par le théorème de Gel’fond - Schneider(
voir§3 ) :
1.On
peut
proposer des variantes du théorème1;
parexemple
onpeut remplacer
lecouple (Xl, X2)
par uncouple (x, ~)
où x E UiR)
sanschanger l’hypothèse
sur y et on obtient : 1.Le second
exemple
est la démonstration d’un casparticulier
de laconjec-
ture forte des
quatre exponentielles (conjecture
11.17 de[Wa 3])
àpartir
du théorème fort des six
exponentielles ([Wa 3],
p.399). Rappelons
lesnotations de
[Wa 3 ] :
* G est le
Q -
espace vectoriel deslogarithmes
de nombresalgébriques,
c’est à dire
* L est le
Q -
espace vectorielengendré, dans C ,
par 1 et G.Théorème 2. Soit y un nombre
complexes
pourlequel la farraille (1,
y,~)
est Q -
libre . Soient xi et X2 deux nombrescomplexes Q
linéairementindépendants;
on suppose queAlors au moins un des
quatre
nombres Xl, X2, xl y, X2y n’est pas dans L.Preuve du théorème 2.
On
applique
le théorème fort des sixexponentielles
aux familles(Xl, X2)
et
( 1, y, ~) ;
ilpermet
de dire que :Je suppose X2, XlY,
X2YI c £ et
cela conduit à une contradiction caralors et
X2Y
sont aussi éléments de ,C. En effet :* si
01
:=xl /xi
ete2
:=X2/72
sontalgébriques
on a xi y =flixiy,
X2Y =,û2x2y;
comme XIY E EQ)(0),
on en tireXIY
E l donc E l(
carL et ,C sont stables par
conjugaison complexe).
Même chose pourX2F.
* Si a :=
xl /x2
estalgébrique
on a xi =ax2,
71 = aX2; donc xi y - et on termine comme aupremier point.
0D’autres variantes sont
possibles.
En voici unequi
fournit toute une famille de nombrestranscendants ;
pour des nombresayant
la même forme le résultat donné dans[Wa
3],
p.385 ,
dernierparagraphe,
ne fournit que la transcendance d’un nombreparmi
deux.Théorème 3. Soient
Ao e £)Q
etAi
eLB101
avecAl e
R U iR.. 1)
Alors au moins un des nombresAOA,
etXoA,
n’est pas dans ~.. 2)
Enparticulier
siAo
G R UiR,
le nombreAOA,
n’est pas dans(en conséquence AoAl
est transcendant et pourtout 3
EQB101
exp(/3ÂoÂi)
est
transcendant);
et le nombreAl/Ao
n’est pas dans £.On
conjecture
que sous la seulehypothèse Ao, A,
E~B{0} ~
les nombresAOA,
et sont transcendants(ce qui
enparticulier
donnerait la trans- cendance de exp(¡r2)).
Le théorème 3 donne une familled’exemples
où c’estbien ce
qui
se passe, mais il ne dit rien de Démonstration. Preuve du théorème 3La famille
(1, Ao)
estQ -
librepuisque Ao
est transcendant.L’hypothèse Al ft
RUi1R dit que la famille(Ai, Ai)
estQ - libre ;
commeAi
etAi
sont deslogarithmes
de nombresalgébriques,
le théorème de Baker([Wa 3],
theorem1.6,
p.3) permet
de dire que la famille(1, Ai, Ai)
estQ -
libre.a
1)
Le théorème fort des sixexponentielles appliqué
aux familles(1, Ào)
et
(1, Ai, Ai) permet
de dire que l’on a :Comme
1, Ao, Ai, 1
sont éléments de,C ,
onpeut
conclure queAOA,
ouAoxl
n’est pas dans L. Et L est stable par
conjugaison complexe
cequi permet
deremplacer .10.11
par.ÀO.ÀI
dans la conclusionprécédente.
2)
On suppose enplus Ao
E RUIR. On a doncAo
=AoAl
=Et donc le
point
1permet
de conclureÀO.ÀI ri.
l. Poural/ao ,
on suppose que a := est dansf-;
on a doncAi
=AAO
et onpeut
affirmer que.À ri. 1R
U iR. Mais on vient de voirqu’alors
nepeut
pas êtredans L;
c’est contradictoire . D
3. A propos du théorème de Hermite - Lindemann
Je vais démontrer le théorème
suivant , que j’appelerai
théorème de Her- mite - Lindemann restreint(HLR),
àpartir
du théorème de Gel’fond - Schneider.Théorème 4
(Théorème HLR).
Soit un nombresalgébrique n’appartenant
pas à R U iR. Alors pour tout nombre réel v non
nul,
eva est transcendant.En
particulier
ea est transcendant.Le vrai théorème de Hermite-Lindemann concerne le cas
général
a E~~~0~
et afhrme que ea est transcendant.L’hypothèse ce e
R U i1Rpermet
de dire que la famille
(a, cx) est Q -
libre et donc d’introduire leconjugué
a : elle sert à ça et
uniquement
à ça.La
première
assertion du théorème 4 n’estplus
vraie si a_E(R
UQ
(pour
aa # 0, prendre v
:=(log2)/a;
pour a niR, a =1- 0 , prendre v := 2i~r/a).
Cequi
montre au passage que les nombresalgébriques n’appartenant
pas à R U iR n’ont pas, dupoint
de vue de latranscendance,
les mêmes
propriétés
que ceux de R U iR . C’estsurprenant.
On
peut
énoncer le théorème 4 ainsi :l’image,
par exp, de la droite Raprivée
de 0 est une courbe( réelle )
dans C dont tous lespoints
sonttranscendants.
En
contraposant
onpeut
dire ça ainsi : si À est unlogarithme
de nombrealgébrique (
ieexp(A)
EQ) n’appartenant
pas à R U alors la droite RAprivée
del’origine
est constituéeuniquement
depoints
transcendants(soit
t E
R)(0)
tel que a := tA soitalgébrique;
on sait par le théorème 4 queexp( t a)
esttranscendant,
cequi
est contradictoirepuisque t a
=À).
Le théorème 4 est un corollaire du théorème de Gel’fond -
Schneider,
queje
vaisrappeler (voir [Wa
2] p. 42,
p.188).
Théorème
(Gel’fond - Schneider).
Soit ul, u2, v des nombrescomplexes
non nuls. Si ul, u2 sont
Q-linéairement indépendants
alors un des troisnombres
U2/ UI, evul,
est transcendant.Preuve du théorème
l~.
Les
hypothèses
et notations sont celles du théorème 4.Puisque a fi.
RUIRla famille
(a, a) est Q - libre;
le théorème de Gel’fond - Schneiderappliqué
à
(Ul, U2)
:=(cx, a)
dit alors quePuisque v
est réel on sait queeva =
e’-’ donc si ev« étaitalgébrique eva
le serait aussi et on aurait une contradiction. C’est donc que e~’« esttranscendant. D
Commentaire sur cette preuve. Je ne veux pas réécrire l’histoire du théo- rème de Gel’fond -
Schneider,
mais il faut avoir àl’esprit
le fait que l’on enconnait essentiellement deux preuves : celle de Gel’fond
qui
utilisel’équation
différentielle satisfaite par la fonction
exponentielle
et doncqui
utilise ladérivation ;
et celle de Schneiderqui
n’utilise pas la dérivation(voir
parexemple [Wa 2] , chapitres
2 et3).
Du coup cela veut dire que l’onpeut
démontrer le théorème 4 sans utiliser la dérivation! Je trouve cela assezétonnant dans la mesure où
jusqu’ici
le théorème de Hermite - Lindemann était très étroitement associé auxpropriétés
de dérivabilité de exp. Je re-viendrai la dessus au
paragraphe
suivant.Cela conduit à poser la
question
suivante :.
Peut-on démontrer le théorème de Hermite - Lindemann(le vrai)
sans utiliser la dérivation 2
Cela me semble
impossible ;
etpourtant
le théorème suivant dit que l’on n’est pas très loin depouvoir
conclure.Théorème 5. Le théorème de
Gel ’fond -
Schneiderpermet
de dire que l’ensemblela
E~~~0~ ;
ea EQ}
est soitvide,
soit de laforme Q*ao (
avecao
Dit
autrement,
le théorème de Hermite - Lindemann se déduit du théo- rème de Gel’fond - Schneider " à auplus
uneexception près " ;
iln’y
a pasbeaucoup
de casqui échappent,
mais il y en a encore ! Preuve du théorème 5._ _
Je note ,A :=
la
EQB101;
ea EQI
etje
suppose ,A, non vide. Soit aoun élément de ,A,
(
le théorème 4 dit alors queao e R
UiR) .
Montrons que,A =
Q*
ao . L’inclusionQ*
ao C ,A est évidente. Pour l’autreinclusion, je
pars de(3
E.A ; je
suppose0 e Qao
etje
cherche une contradiction. La famille(ao, (3) est Q -
libre et alors le théorème de Gel’fond - Schneider dit que l’un des trois nombresao/0, eQQ, e!3
esttranscendant,
cequi
estfaux. D
4. Une preuve du théorème HLR n’utilisant ni
dérivation,
niprincipe
du maximumComme
annoncé, je
vais donner une preuve détaillée du théorème 4(HLR)
n’utilisant nidérivation,
niprincipe
du maximum. J’aurais aussibien pu donner une preuve du théorème de Gel’fond - Schneider mais
je préfère
rester leplus proche possible
de laconjecture évoquée
au(§ 1 ) .
Ma preuve va
simplement
consister àexpliciter,
dans le casqui
m’inté-resse, une remarque de M. Waldschmidt
([Wa 3 ] , §6.2.5,
p.180) :
"... The
proofs
wegive
in these lectures do notrequire
anycomplex analysis
... Theonly point
whereanalysis played
any role so far was in theuse of Schwarz’lemma
2.4 ,
in theproof
of lemma 6.3. But we use itonly
for
exponential polynomials
in onevariable,
and in this case the estimateis
quite
easy. "Plutôt que de dire que
je
n’utilise pasl’analyse complexe, j’ai
choiside dire que
je
n’utilise pas leprincipe
du maximum(
et à fortiori pas le"lemme de
Schwarz").
Apremière
lecture laportée
de la remarque de M.Waldschmidt n’est pas très claire : les preuves en
question
sont-elles celles duchapitre
6(qui porte
sur le Lhéorème deBaker,
cashomogène
et casnon
homogène)
ou celles de tout le livre ? En fait cette remarques’applique
au théorème de Baker
(cas homogène
et cas nonhomogène)
mais aussi authéorème des six
exponentielles ,
c’est à dire finalement à tous les théorèmesclassiques
sur la transcendance de valeurs de la fonctionexponentielle.
La preuve repose sur la méthode des déterminants
d’interpolation
de M.Laurent
(la
méthode des alternants dans lelangage
de M.Waldschmidt, puisqu’il n’y
a pas dedérivation).
Cetteapproche,
introduite par M Laurent[La],
estsystématiquement
utilisée par M. Waldschmidt dans[Wa 3] (où
elle est
présentée
en détails auparagraphe 2.1).
4.1. Résultats
préliminaires.
Ce
paragraphe
rassemble des outils standards des preuves de transcen- dance : un lemme de zéros(lemme 1),
un lemmequi jouera
le rôle du"lemme de Schwarz"
(lemme 2)
etl’inégalité
de Liouville(lemme 4).
Lesnotations utilisées sont celles de
[Wa 3]
etje
ne les redéfinis pas.Le lemme 1 est un lemme de zéros dû à Y.V.
Nesterenko,
dans la versiondonnée par M. Waldschmidt
( voir [Wa 3], proposition 2.12, p.52).
La preuveen est
purement algébrique.
Lemme 1. Soient K un corps de
caractéristique nulle, Do
etDl
desentiers strictement
positifs, (xl, yi), ..., (xMl, yMl), (Çl, ’1JI), ... , (ÇM2’ 17M2)
des éléments de K x
(KB101)
où YI,... yMl sont deux à deux distinctset ... ,
ÇM2
sont deux à deux distincts. On supposeMi
>Dl
etM2
>Do(1
+Dl).
Alors il n’existe pas depolynôme
non nul P EK[Xo, Xl]
vérifiant :
Le lemme 2 est un lemme
(élémentaire
dans sapreuve) qui permet
deretrouver pour les
polynômes exponentiels
l’estimation que l’on obtiendrait par leclassique
lemme deSchwarz,
mais sans avoir àinvoquer
leprincipe
du maximum. C’est le lemme 6.8 de
[Wa 3], p. 180.
Lemme 2. Soient a2~
(pour
0 is, 1 j t) et wj (pour 1 j t)
des rcombres
complexes.
Je suppose que lepolynôme exponentiel
a un zéro à
l’origine
demultiplicité supérieure
ouégale
à T. Alors pour etR>1
>0 on a :Preuve du lemme 2.
(justification
donc le coefficient an de zn s’obtient en considérant tous les
triplets (i, j,1~)
avec i + k = n , c’est à dire tous les
triplets (i, j, n - i) ;
comme on doit deplus
avoir0 i s et 0 n - i ,
cela limite l’indice i à 0 imin(n, s)
et cela donne
l’expression (1)
dean) .
. Ce même calcul avec
[
à laplace
de aij et[
à laplace
de wjdonne :
~ Par
hypothèse
F a un zéro àl’origine
demultiplicité
> T cequi
setraduit par an - 0 pour 0 n
T - 1 ,
c’est à dire encoreF(z) =
puisqu’on
asupposé
0 R. Cela
permet
d’estimerIF(zo)1
ainsi :Comme on a on
peut majorer Izoln-T RT pax Rn et il
reste :En
utilisant (1)
on obtient :Ce
qui grâce
à(2)
s’écrit :En
reportant
dans(3)
cela donne :On voit au demeurant que la démarche utilisée a un caractère très
général
et doit
pouvoir s’adapter
à bien d’autres fonctions que lespolynômes
ex-ponentiels.
Il est donc fortprobable
que cequi
est dit dans ce§4
pour la fonctionexponentielle peut
setransposer
à d’autres fonctions.Lemme 3. Soient ~i,..., p L des
fonctions analytiques
sur C et zl, ... , zLdes nombres
complexes.
Laf onction analytique
a un zéro à
l’origine
demultiplicité supérieure
ouégale
àL(L -1)~2 .
La preuve est le
(a)
de la preuve du lemme2.5,
p.37,
de[Wa 3].
Ellen’utilise que la multi-linéarité du déterminant et le
développement
à l’ori-gine
des VA.Le dernier lemme est une
inégalité
de Liouville(voir [Wa 3],
p.83).
Jerappelle
que pour unpolynôme Q
on noteL(Q)
salongueur,
c’est-à-dire la somme des valeurs absolues de sescoeffcients ;
et que pour un nombrealgébrique
a,h(a) désigne
la hauteurlogarithmique
absolue de a.Lemme 4. Soient
Q
e7~~X1, ... , Xnl et al, ... ,
an des éléments d’un corps de nombres dedegré
d . Si0(~i?..., an)
est non nul on a :4.2. Preuve du théorème 4.
_
On se
place
dans leshypothèses
du théorème 4 : on se donne a eQ, 1RlJiJR,
et v e1~~~0~.
On suppose ev’algébrique
et on cherche une contra-diction ;
notons quee"~
est lui aussialgébrique.
~ Notations.
Pour t =
(to, tl)
EN2, lft
est la fonction définie par :=ZtO.etlvz .
Pour s =(sl, s2) E I~2, je
note zs := sla + S2ii-On voit ainsi que les fonctions
~t prennent
des valeursalgébriques
en lespoints zs(puisque
+Les
paramètres
seront les entiers strictementpositifs To, Tl, S .
On leurassocie les ensembles T et S suivants :
sera la matrice à
TOT, lignes
et4S2
colonnes données par :(t
est l’indice deligne , s
est l’indice decolonne ;
et on suppose avoir ordonné les ensembles T etS) .
~ Premier
point -
Une condition suffisante pour que M soit de rang maximum..
(a)
Je suppose que M n’est pas de rang maximum. Alors il existeune famille de nombres
complexes
non tous nuls E7~}
telle que lacombinaison linéaire des
lignes
de M associée à cette famille de coefficients soit nulle :En introduisant le
polynôme
non nulP(Xo, Xi)
:= celatET
s’écrit :
On se retrouve ainsi dans la situation décrite par le lemme 1. Et celui-ci va
donner une condition suffisante pour que
(4)
soitimpossible.
.
(b)
Onapplique
le lemme 1 avec K : _C,Do
:=To -
:=Tl -
:=
,S’, M2
:=S’2.
Onprend
pour les lesM2 - ,S’2 points
de l’ensemble
~1,~2~ ,~~ ;
lesÇ,J.L (ie
lessla + sont deux à deux distincts
puisque (a, a) est Q -
libre .On
prend
pour les(xv, yv)
lesMi
= ,S’points
de l’ensemble(eva)s1 );
1 si
9}.
Il fautjustifier
le fait que les yv sont deux à deuxdistincts,
c’est à dire que
l’application sEN 1---+ (eva)s
estinjective ;
c’est immédiat compte tenu du fait que iR etv
0. Ainsi(4) permet
de dire que l’ona:
Le lemme 1 dit que c’est
impossible
si onimpose Ml
>Dl
etM2
>Do(l + Di)
c’est à dire S >Tl -
1 etS2
>(To - 1).Tl .
On va donc
imposer
les deux contraintes suivanteset sous ces contraintes on sait maintenant que la matrice .M est de rang maximal c’est à dire de rang
égal
àmin(ToTI; 4S2)
et donc de rangégal
àToTi (compte
tenu deC2).
On
peut
donc extraire de S unepartie So ayant TOT,
éléments telle que le déterminant A = soit non nul. On va maintenantmajorer
et minorer. Second
point - Majoration
de~0~.
Je pose L :=
TOT1
et := Le lemme 3 dit que cettefonction 0
a un zéro àl’origine
demultiplicité supérieure
ouégale
àL(L - 1)/2.
On va vérifier
que 1b
est unpolynôme exponentiel
et le lemme 2permettra
alors demajorer 1’l/J(I) 1
c’est à dire1 à 1.
On
part
de1b(z)
= =det((z.zs)t°.etlvzzs)tET,SESo
que l’on
développe :
où a
parcourt
l’ensemble desbijections
de T dans80
et est lasignature
de a~
prise
en fonction des ordres choisis sur T et 8. Comme il vient :En
posant
on a ainsi :v
On a donc bien un
polynôme exponentiel,
de la formeOn
applique
le lemme 2 avec zo =1;
pourp >
1 on obtient alors :Pour s E S on a
Izsi [
=ISla
-(81
+4SIal.
Je noterair :=
4SIal (et
donc tous lespoints
Zs,s E S,
sont dans ledisque Izl r).
J’introduis un
paramètre
réel R > - r etje prends
p On a donc une rnouvelle contrainte : On a alors pour tout a~ :
et donc
(quitte
à supposer S assezgrand
pour avoir r >1) :
Au total on a donc en revenant à
(5) :
~ Troisième
point -
Minorationde JAI.
·Jusqu’ici l’hypothèse
que et a sontalgébriques
n’a pas été utilisée.Par contre elle va l’être maintenant. Elle
permet
de direque A
est unnombre
algébrique (non
nul parconstruction) qui
s’écrit comme une ex-pression Z-polynômiale
en(a, ii, eva, eva)
et que l’onpeut
donc minorer en module à l’aide du lemme 4.Rappelons l’expression
de A :Pour
(t, s)
C T xs j’introduis Qts
eY2, Y3, Y4]
défini par :Et
Q
EZ[Yi, Y2, Y3, Y4]
est défini par :Avec ces notations on a alors
En notant d le
degré
du corps de le lemme 4 donne alors :* Estimation de
L(Q).
On sait(voir [Wa 2] p.29)
que lalongueur L(.)
vérifieL( f +g) L( f ) + L(g), L( f .g~ L( f ).L(g).
En revenant à la définition dupolynôme Q
on a donc :Et par ailleurs pour
Donc au total :
L(Q) (L!)(4S)ToL.
* Estimation des
degrés partiels
deQ.
Pour t ET,
s E S on a :Ces estimations élémentaires sont des cas
particuliers
du lemme 3.15 de[Wa 3],
page 85.* Donc au total
(7) s’écrit,
avec ces estimations :On a donc en
majorant log(L!)
par Llog
L(rappel :
L =ToTi ) :
où ci > 0 ne
dépend
pas desparamètres To, Tl, S, R (il
en sera de mêmepour les "constantes" c2, c3
qui apparaitront ensuite) .
e
Quatrième point -
Contradiction finale.On met bout à bout la
majoration (6)
et la minoration(8)
de161.
On adonc :
On
majore log(L!)
par Llog
L et onsimplifie
parL ;
il reste :et donc a
fortiori,
pour une constante c2 ad - hoc :Comme on a R > r =
4 ~ a ~ S
on endéduit,
pour une constante c3 ad - hoc :Pour obtenir une contradiction il suffit donc
d’imposer
la contrainte finale :Au total on aura donc obtenu la contradiction cherchée si on
peut
choisir lesparamètres (To, Tl, S, R)
defaçon
à satisfaire lesquatre
contraintes :Par
exemple
à S entier on associeTo
:=[S log S~, Tl
:=[(log S)2~,
où[.]
note lapartie entière,
R := e r =e(4IaIS).
Pour tout S assezgrand,
ces
paramètres
satisfont lesquatre
contraintesci-dessus,
cequi
termine ladémonstration.
4.3.
Quelles
sont lespropriétés qui
ont été utilisées ?Les lemmes 1 et 4 sont
purement algébriques
etarithmétiques,
et to-talement
indépendants
de la fonctionexponentielle.
Le lemme 3 ne faitintervenir que le
développement
àl’origine
des fonctions entières et la mul- tilinéarité du déterminant.Le lemme
2,
le seulqui
fasse intervenirez ,
n’utilise que ledéveloppement
ez
= -2013.
nn. Et la preuve elle-mêmeutilise,
enplus,
lapropriété exp( a+b) =
n>0
exp(a). exp(b).
Finalement le recours à
l’analyse apparait
très limité : lesdéveloppements
en série entière et
quelques
estimations élémentaires ! Aucun théorème pro- fondd’analyse complexe (ou d’analyse réelle)
n’intervient.5. Deux cas
particuliers
de laconjecture
de Schanuel Il existeplusieurs conjectures classiques portant
sur la transcendance oul’indépendance algébrique
de valeurs de la fonctionexponentielle,
et iln’y
a pas eu de
progrès
notabledepuis longtemps (curieusement
le seul succèsrécent, l’indépendance algébrique
de 7r et e" obtenue par Y.V. Nesterenkoen
1996,
ne fait pas du tout intervenir la fonctionexponentielle
dans sapreuve ! ) .
La tentation est donc forte de
s’attaquer
à des casparticuliers
de cesconjectures plutôt qu’aux conjectures générales.
Parexemple
dans[Di],
à la suite de travaux de D.
Bertrand, j’ai proposé
un certain nombre deconjectures qui peuvent
être lues avec unpoint
de vue "modulaire" ou avec unpoint
de vue"exponentielle" ; l’espoir
est bien sûrqu’en multipliant
lesangles d’attaque
on finisse par trouver lebon,
mais pour l’instant ce n’est pas le cas. Icije
vais proposer deux casparticuliers
de laconjecture
deSchanuel,
queje
trouveparticulièrement
intéressants.5.1. Une
première conjecture.
C’est la
conjecture évoquée
auparagraphe
1. On va voirqu’elle
se déduitde la
conjecture
de Schanuel([Wa 3],
p.16),
et mêmeplus précisément
de la
conjecture d’indépendance algébrique
deslogarithmes
de nombresalgébriques ([Wa 3],
p.16) ;
c’est aussi un casparticulier
de laconjecture
forte des
quatre exponentielles déjà évoquée
auparagraphe
2([Wa 3],
p.399) .
Conjecture
de Schanuel. Soient ul, ... , un des nombrescomplexes Q-
lznéairement
indépendants.
On a alors :, - -
Conjecture
Soit u E Silui
estalgébriques,
alors eu esttranscendant.
Proposition
1. est uneconséquence
de laconjecture
de Schanuel.Preuve de la
proposition
1.Je suppose
lui algébrique
non nul etje distingue
deux cas.Cas
1 :ucRUiR.Onaalorslul
_ u(si u
ER) ou lui
_ i u(si u
E iR) ;
enconséquence
u lui-même estalgébrique,
et le théorème de Hermite-Lindemann dit que eu est transcendant.Cas 2 :
u tt
R U i R. Dans ce cas(u, u)
estQ-libre
et par laconjecture
de Schanuel on sait que 2. Si eu était
algébrique, ê
= F le serait aussi et il resterait2,
cequi
est fauxpuisque
parhypothèse
u.û EQ.
C’est donc que eu est transcendant. D Le fait que soit un casparticulier
de laconjecture
de Schanuel lui donne la crédibiliténécessaire;
mais onpeut
se dire que lepoint
devue "Schanuel" n’est
peut
être pas lebon,
ne serait-ce que parce que l’on passe par un résultatd’indépendance algébrique
pour établir un"simple"
résultat de transcendance. Du coup cela pose la
question, qui
me sembleintéressante,
de la méthode : comment aborderC(lul) ?
Comment utiliserl’hypothèse lui 1
Comment faireapparaître lui?
Peut-onenvisager
d’utiliser des fonctions comme z H z, z
F-~ 1 z?
C’est cetype
dequestion qui
donne à mongoût
de l’intérêt àAu demeurant on
peut
énoncer d’autresconjectures
"raisonnables" fai- santapparaître
le module ou laconjugaison complexe (voir
parexemple [Wa 3]
pages15,
399 et614,
exercice15.16) ;
et pour elles aussi lesquestions précédentes
sontposées.
5.2. Une seconde
conjecture.
J’ai mis en relief la
conjecture
pour son caractèreesthétique
etparce
qu’elle
conduit à desquestions
de méthodequi
me semblent intéres- santes. Mais onpeut
évidemmentm’objecter
que la formulation choisie n’est pasbonne, précisément
parcequ’elle
pousse dans uneimpasse !
Parexemple
laconjecture suivante, qui
estplus
forte que ne fait pas du toutapparaître
de module et est certainement tout aussiintéressante ;
ellese déduit elle aussi de la
conjecture
deSchanuel,
et de laconjecture
fortedes
quatre exponentielles.
Conjecture C(ul, U2)-
Soient ui et u2 deux nombrescomplexes
non nuls.On a alors pour tout
{3
eQB101 :
Les assertions
(a)
et(b)
sont bien sûr vraieslorsque
ul ou U2 estalgébrique.
Proposition
2.U2)
est uneconséquence
de laconjecture
de Schanuel.Preuve de la
proposition
2.Contrairement à la