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University of Groningen. La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa Yoda, Lalbila Aristide

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La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa Yoda, Lalbila Aristide

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Publication date:

2005

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Citation for published version (APA):

Yoda, L. A. (2005). La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa: Un cas de communication interculturelle au Burkina Faso. Rijksuniversiteit Groningen.

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(2)

CHAPITRE 4

Les langues mooré et bisa

Qu’il s’agisse du mooré ou du bisa, il faut indiquer que notre propos n’est pas de décrire ces langues, mais d’en présenter quelques éléments caractéristiques afin de permettre au lecteur de lire notre corpus et de suivre notre analyse. À partir de la littérature disponible nous présenterons dans ce chapitre quelques caractéristiques linguistiques du mooré et du bisa, en particulier les différences entre ces langues et le français. Ces éléments ne seront pas tous nécessaires à notre analyse, mais ils apportent des renseignements utiles sur les langues mooré et bisa. Les données intéressant notre analyse sont surtout les éléments culturels qui sont indispensables à la réussite de la communication en milieu traditionnel mossi et bisa.

4.1 La langue mooré

La langue mooré a fait l’objet de nombreuses études de la part de linguistes occidentaux et burkinabè. Pour ce qui nous intéresse, à savoir la phonologie, la syntaxe, le lexique et la sémantique, nous allons nous inspirer des travaux de Canu (1976), Nikièma (1978, 1982), Compaoré (1990), Balima (1997) et Malgoubri (1985, 2000).

Le mooré, parlé par les Mossi, est une langue qui appartient au groupe linguistique gur. Les Mossi occupent la partie centrale du Burkina Faso ou le moogho (pays du moaga ou du mossi). Le moogho est situé entre le 12e et le 14e degré de latitude nord et entre le 12e et le 5e degré de longitude ouest. Sa superficie (voir Compaoré 1990 : 5) est estimée à 63 500 km2. Le moogho couvre tout le centre, le nord-ouest et une partie de l'est du pays, soit environ 15 provinces27 sur les 45 que compte le pays. Le mooré, avec un nombre de locuteurs estimé à 50%, est la langue majoritaire du Burkina Faso.

La langue mooré comporte quatre dialectes28 (voir carte à la page 74) :

27 Depuis le changement de nom du pays de Haute-Volta en Burkina Faso en 1984, le territoire national a été découpé en 30 provinces. Mais en 1996 le nombre des provinces a été porté à 45 en vue de renforcer la décentralisation. Au niveau de la province, le dépositaire du pouvoir de l'État est le haut-commissaire.

28 La distinction entre langue et dialecte n’est pas claire, mais généralement la plupart des linguistes s’accordent sur le fait que (Leclerc 1986 :52) «les dialectes sont des formes locales d’une langue, assez particularisées pour être identifiées de façon distincte, mais dont l’inter- compréhension est plus ou moins aisée entre les personnes qui parlent la même langue.»

(3)

• le dialecte du centre (Ouagadougou) ;

• le dialecte du centre est, (Koupèla) ;

• le dialecte du centre ouest, & (Koudougou) ;

• le dialecte du centre nord, ( (Ouahigouya).

À côté de ces dialectes, il convient de mentionner deux autres parlers : le yaande ou le yaana et le zaoore. Le yaande est parlé par les Yaana au sud-est du pays. Les yaana s’étendent jusqu’à la frontière togolaise. Quant au zaoore, il est parlé par les Zaoose qui vivent dans le centre-est du pays. Aucune étude, selon Balima (1997 : 42), ne permet d’affirmer que le yaande et le zaoore sont des parlers du mooré.

Les différences entre les dialectes mooré, d’ordre phonétique et lexical, ne gênent pas l’intercompréhension. Il est important de relever que la communauté linguistique mooré s’étend de part et d’autre de la frontière du Ghana et du Burkina Faso. Il existe de fortes communautés mossi en Côte-d’Ivoire et au Ghana du fait de l’émigration. Le dialecte du centre, c’est-à-dire de Ouagadou- gou, est considéré comme le mooré «standard».

4.2 La langue bisa

Le bisa est la langue des Bisa, les locuteurs de cette langue, qui occupent la partie méridionale du Burkina Faso. Le bisa appartient au groupe mandingue ou mandé, notamment au sous-groupe mande-sud, auquel appartient également le , langue des Samo au nord-ouest du pays et le busa du Nigeria. Le pays bisa constitue une enclave linguistique de 12 000 km2, dominée par les langues gur, en particulier au nord et à l'est par le mooré, le koussasi au sud et les langues gourunsi (nankana et kassena) à l'ouest. Le bisa est une langue minoritaire, dont le nombre de locuteurs n'est pas connu avec exactitude : 300 000 selon Fainzang (1986 : 11), entre 175 000 et 300 000 selon Vanhoudt (1992 : 13), 400 000 d'après les estimations de Faure (1996 : 14) et de Keuthmann et al. (1998 : 6).

Le pays bisa correspond, grosso modo, à la province du Boulgou, dont le chef-lieu, Tenkodogo, a une population composée presque à égalité de Bisa et de Mossi. Parmi les autres principales villes, on peut citer Garango et Zabré.

(voir carte à la page 75)

Si l'appartenance du bisa à la famille mandé est indiscutable, tel n'est pas le cas en ce qui concerne sa structure dialectologique (voir Vossen, 1998 : 99). Prost (1950, 1953), qui fut parmi les tout premiers à décrire la langue bisa, distingue trois dialectes. Vanhoudt (1992) et Hidden (1986) en distinguent deux : le barka, parlé dans la partie est du pays bisa et le lebir ou lebri à l'ouest.

D'autres, comme Vossen (1998 : 111), estiment qu'il y a quatre dialectes : le barka, le «lebri noyau» au nord et le lere, considéré comme des formes

«secondaires» par opposition aux «dialectes principaux» qu'étaient le lebir et le barka qui se subdivise en lere du sud-est et en lere du nord-est. Le terme lere signifie également la région géographique habitée par les locuteurs de ce parler.

(4)

Dans la classification de Vossen, le " e, qui constitue le troisième dialecte dans celle de Prost n'est pas retenu, car il «ne peut être prouvé sur le plan lexical» (Vossen 1998 : 111). Malgoubri (2001), tout en admettant deux dialectes, distingue le barka de Garango de celui de Bitou et de Yargatenga, le

" . Pour ce qui est du lebri, Malgoubri (2001 : 304) distingue le parler de Komtoèga et de Niaogho de celui Zabré et de Gomboussougou, le lere. Quelle que soit la structure dialectologique adoptée, il existe une intercompréhension entre les différents dialectes.

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Dialectes, sous-dialectes et parlers mooré.

Source : Nikièma & Kinda (1997) Dictionnaire orthographique du mooré.

(6)

Carte de la région bisa.

Source : Faure (1996 : 17)

(7)

.3 Quelques caractéristiques du mooré et du bisa 4.3.1 Systèmes phonologiques

Nous ne nous attarderons pas sur les méthodes qui permettent d’inventorier les phonèmes d’une langue, à savoir la commutation ou le rapprochement de paires minimales et l’étude de la distribution des sons29. Nous allons surtout nous intéresser aux différences entre le mooré, le bisa et le français dans la perspective de l’analyse de notre corpus.

L’orthographe des langues nationales du Burkina Faso, y compris celle du mooré et du bisa, repose sur le principe d’un symbole un son, un son un symbole (Balima 1997 : 18). Elle utilise l’alphabet de l’IAI (Institut international africain). Un décret, en date du 2 février 1979, fixe l’alphabet national à 42 symboles dont 31 consonnes et 11 voyelles (voir Nikièma 1982 : 85-86). Les alphabets mooré et bisa constituent des sous-ensembles de cet alphabet national. Les tableaux ci-dessous représentent les phonèmes de chacune des deux langues.

Tableau des phonèmes du mooré Consonnes

! " # $

% $ & ' (

)

* + $ , -

. /

#

Voyelles

!$ * ! 0

1 2

3 +

% $

Source : Malgoubri (2000 : 33)

29 Pour en savoir davantage, le lecteur peut se référer à Nikièma (1978, 1982).

(8)

Tableau des phonèmes du bisa Consonnes

Bi-labiales Labio-

dentales Alvéo-

laires Pala-

tales Vélaires Glottales Nasales

Occlusives & '

Constrictives + $ , - . /

Latérale Vibrante

En ce qui concerne les voyelles bisa, elles sont subdivisées en voyelles tendues et en voyelles lâches en fonction de l’harmonie de tension (Malgoubri 2001 : 303).

Voyelles

Voyelles tendues Voyelles lâches 2

4 5

Source : Malgoubri (2001 : 302 -303)

Le mooré et le bisa, à la différence du français, sont des langues à tons.

Ces derniers ont une fonction distinctive. Selon la hauteur de la voix, un même mot ou une même phrase peuvent avoir des interprétations diverses. Il existe une variété de tons, mais deux, le ton haut (/) et le ton bas (\) sont reconnus comme pertinents, les autres n’étant que des tons intermédiaires. Nous allons donner des exemples, d’abord en mooré et ensuite en bisa, pour montrer l’importance des tons dans la sémantique :

Mooré :

6 casser 7 couper

89 mil 8: mourir

Bisa :

%;< lieu, place %=< devant ; feuille d’arbre

>

< forgeron ;< écureuil

(9)

Mais, pour des raisons pratiques et pédagogiques argumentées par Nikièma (1982 : 107) et Balima (1997 : 43) la notation des tons n’est pas représentée dans l’orthographe. Cependant, pour une communication réussie, le lecteur doit tenir compte des tons dans l’interprétation.

Avant de comparer la structure syntaxique de la phrase mooré et bisa à celle du français, nous allons d’abord comparer leurs système phonologiques.

4.3.2 Comparaison entre le français et le mooré

Nikièma (1982 : chapitre VIII) et Balima (1997 : deuxième partie) font ressortir les similarités et les différences des sons français et mooré. D’une manière générale, on remarque que l’orthographe mooré, comme celle de la plupart des langues africaines et burkinabè, a un système d’écriture basé sur une analyse phonologique, tandis que celle du français est basée sur l’étymologie. Balima (1997 : 2) résume bien les similarités et les différences entre le mooré et le français en ces termes :

En mooré un même symbole a toujours la même valeur dans le même contexte alors qu’en français une même graphie peut représenter des sons différents. Réciproquement à un même son peuvent correspondre des graphies différentes. Il faut ajouter à cela le fait que les deux langues peuvent avoir des sons spécifiques ou communs qui n’assurent pas toujours les mêmes fonctions linguistiques dans chacune d’entre elles.

L’absence de certains phonèmes dans la langue mooré conduit le locuteur mooré à recourir et à adapter les emprunts à la structure phonologique de sa langue. Le cas des emprunts de noms chrétiens, qui entraîne les phénomènes ci-dessous décrits par Balima (1997 : 127-29), est particulièrement intéressant d’un point de vue stylistique, car il participe d’un effort d’intégration morpho- lexical de ces emprunts :

1) L’aphérèse

Ce phénomène décrit un changement phonétique qui consiste en la chute d’un élément initial du mot.

Ex : Athanase Tanaase

3%

2) La prothèse

Il consiste à ajouter à l’initiale d’un mot un élément non étymologique comme w devant les voyelles arrondies dans ces exemples.

Ex : Oscar a Woskaare

Odile

30 Il faut préciser que cette comparaison ne porte pas sur le mooré et le bisa, mais sur le français et ces deux langues nationales. En ce qui concerne la comparaison elle-même, le raisonnement ne part que de la structure du français parce dans le corpus que nous étudions le français constitue la langue source, le mooré et le bisa étant les langues cibles.

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3) L’introduction d’une voyelle d’appui ou voyelle intercalaire

Ex : François ?

Clarisse 4) L’interversion

Comme l’indique Balima (1997 : 128), «il y a interversion lorsque deux éléments contigus changent de place dans la chaîne parlée».

Ex : Président @ !

Brigitte / ! &

5) L’amenuissement

On parle d’amenuissement lorsqu’un élément phonétique finit par ne plus être prononcé.

Ex : Bernard /

Barthélémy / &

4.3.3 Comparaison entre le français et le bisa

Lingani (1992) dans une étude contrastive du bisa et du français identifie une zone de convergence et deux zones de divergence dans les systèmes phonologiques de ces deux langues. Ces divergences, relève-t-elle, sont le plus souvent sources de difficultés. Dans les systèmes consonantiques, il n’existe pas un énorme écart entre les deux systèmes. Nous allons illustrer ces divergences au niveau du mot. Les difficultés, qui apparaissent dans les schèmes syllabiques du mot dans les zones de divergence, provoquent les phénomènes ci-dessous31 (Lingani 1992 : 42), en raison de l’inexistence de certains sons ou lexèmes français en bisa :

1) L’aphérèse

L’aphérèse, ayant été définie ci-dessus, nous en donnons quelques exemples :

Ex : Apprenti 5 #&

Epingle 5A ,

Ancien-combattant

Dans le troisième exemple, le phénomène d’aphérèse porte sur un mot entier :

«ancien».

2) L’épenthèse

Il s’agit de l’ajout d’un phonème à l’intérieur d’un mot ou d’un groupe de mots.

Ex : Classe Glace Clé

31 Que les exemples que cite Lingani proviennent du bisa n’enlève rien à la pertinence des phénomènes étudiés.

(11)

3) L’assimilation

L’assimilation est le fait qu’une modification survient à un phonème à cause des phonèmes environnants. Elle peut être progressive ou régressive.

Ex : Assimilation progressive

porte 5""&

lettre %&%

lampe #5

Ex : Assimilation régressive

tomate & &

zéro !

4) La dissimilation

C’est un phénomène d’accentuation de la différence entre les phonèmes, à savoir l’addition d’une voyelle finale.

Ex : caisse %

Sénégal

5) L’agglutination et la proclise

L’agglutination ou la proclise32 consiste à réunir deux éléments en un mot.

Ex : le temps & #

l’école % "

sage-femme !

Il convient de souligner qu’en cas d’emprunt, le mot obéit à la structure de la langue bisa de la même manière que le mooré.

Ces phénomènes, ci-dessus, qui résultent des différences de structure entre les langues cibles (mooré et bisa) et la langue source (français) de notre corpus de traduction, représentent sans doute un intérêt en traductologie, en particulier en ce qui concerne le lexique. Nous terminerons par une comparaison entre la syntaxe mooré et bisa et celle du français.

4.3.4 Syntaxe mooré et bisa

La syntaxe, selon Baylon & Mignot (1999 : 22), «étudie la combinatoire des signes au sein du macro-signe dénommé phrase». Bien que la phrase soit difficile à définir, la plupart des études syntaxiques mettent l’accent sur sa structure. Nous considérons la phrase comme un énoncé33, c’est-à-dire le résultat de l’énonciation ou de l’acte de production linguistique. Il n’est pas nécessaire d’examiner tous les éléments grammaticaux de la phrase dans le cadre de cette étude. Nous nous contenterons de donner la structure de la

32 Cependant, il existe une différence entre les deux termes. On parle de proclise lorsque les éléments agglutinés sont l’un un morphème et l’autre un lexème comme dans «le temps» et

«l’école». Ce qui n’est pas le cas de «sage-femme» qui n’est qu’une agglutination.

33 La définition que donne Malgoubri (1985 : 8) à l’énoncé comme «la combinaison d’unités significatives de langue dont le sens est de donner forme à un message» nous semble

pertinente également.

(12)

phrase simple et celle de la phrase complexe en mooré et en bisa dans la mesure où les langues africaines (Gregersen 1977 : 43) ne diffèrent pas des autres langues du monde, en ce qui concerne les types de phrases.

Malgoubri (1985) et Compaoré (1990) montrent qu’en mooré, la structure des phrases ou des énoncés simples, composés d’une seule proposition, peut avoir deux types de structure :

Syntagme nominal (SN) + syntagme verbal (SV)

6 @ 0 ,

Paul / est rentré

ou syntagme nominal (SN) + syntagme verbal (SV) + syntagme nominal (SN)

6 / 0 & 0

L’enfant / a puisé / l’eau.

L’énoncé en bisa comporte deux termes : un sujet et un verbe ou un syntagme nominal (SN) + un syntagme verbal (SV).

6,< 0 & 0 0 & , 0 0 ,

moutons / être chef / cheval / être femmes / les / venir Il y a des moutons Le chef a un cheval Les femmes sont venues

Nous pouvons aussi avoir un énoncé de type : SN+SV+SN

6 2 0 < 0 & 0 ,

moi / grand-mère / aller / village bisa+locatif Ma / grand-mère / est allée / au village.

La coordination et la subordination permettent la construction de phrases ou d’énoncés complexes qui constituent des combinaisons de propositions. Parmi les éléments de coordination Nikièma (1982 : 224 –25) relève («et») ; (et/mais) 7 («ou») ; & («et», «que34»). La subordination, elle, est assurée par

& , n et * . En bisa parmi les éléments qui permettent d’assurer la coordination et la subordination, on peut citer, entre autres : 8 9 («et» «ou» «de »), («que») ' 2 («qui») («que»), ':;(«que»).

Le mooré et le bisa semblent confirmer l’ordre courant des mots dans un énoncé dans la plupart des langues du monde. Cependant, la syntaxe de la plupart des langues africaines se distingue par l’absence de la voix passive avec un auxiliaire. Comme l’indique Gregersen (1977 : 49), on obtient le passif en changeant l’ordre des mots : «The commonest device is to change word order and modify the verb itself». Tallerman (1998) propose une explicitation plus pertinente en montrant que le passif s’applique aux propositions

: Il faut souligner que les tons sont différents 2<= 7 2>= que

:; ' sont des variantes, qui peuvent être utilisées comme des injonctifs ou dans des phrases au subjonctif.

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transitives, c’est-à-dire aux constructions dont le verbe admet un sujet et un complément d’objet direct (SVO). On obtient le passif, selon Tallerman (1998 : 178-79), en amenant O de la forme active en position de S («promotion») et en reléguant S de la forme active en position de O («demotion»), introduit par la préposition «par» ou en le supprimant. Ce processus s’accompagne d’une modification morphologique du verbe pour indiquer le passif. Dans la plupart des langues européennes l’auxiliaire «être» et le participe passé du verbe sont utilisés comme dans les exemples ci-dessous. La traduction en mooré et en bisa de ces exemples montrent que la voix passive s’obtient différemment dans ces langues ainsi que dans d’autres langues que Tallerman (1998 : 181) décrit en ces termes : «Instead of auxiliary-plus-verb kind of passive, many languages have a specifically passive form of the main verb ; this known as a morphological passive».

Ce livret a été préparé par les soins du Service d’Education Sanitaire du Diocèse de Bobo-Dioulasso, en collaboration avec ...

Les dessins ont été réalisés par François Veyrié du G.R.A.A.P. à Bobo- Dioulasso.

2 & &B ?;

Ces énoncés ont été traduits respectivement en mooré et en bisa comme suit :

& < / ( %%! % * %&

%% *$

C ( * D @ /

4 ( @A ?;

Ceux qui ont fait ce livre sont : le service qui s’occupe de la santé dans le diocèse de Bobo et...

Les images-là, c’est Monsieur François Veyrié, au G.R.A.A.P. à Bobo – Dioulasso-là, qui les a faites.

) ""# < / ( %%! "$ # '

$

C ! " ""$ ? E% ( $ ' D @ /

F $ 3 $ 5 ?

Voici les faiseurs de ce livre : les gens du diocèse de Bobo qui s’occupent de la santé et...

Les images-là, c’est Monsieur François Veyrié, au G.R.A.A.P. à Bobo – Dioulasso-là, qui les a faites.

Les énoncés français qui sont à la forme passive ont été rendus en mooré et en bisa en procédant à ces modifications morphologiques dont parle Tallerman.

Dans le premier énoncé, par exemple, le mooré a utilisé un pronom sujet, * («ceux») placé derrière le verbe («faire») + le complément

suivi d’un présentateur & pour introduire ce que le pronom * représente, à

savoir / ( %%! % * %& %% *$ le service

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qui s’occupe de la santé dans le diocèse de Bobo et... Le bisa a tout simplement transformé le verbe ba, «faire» en nom, G ""(«faiseurs-là») accompagné également d’un présentateur «voici» de ces «faiseurs-là» qui sont /

( %%! "$ # ' $ les gens du diocèse de Bobo

qui s’occupent de la santé et...

Ces exemples montrent clairement l’absence en mooré et en bisa de la voix passive utilisant un auxiliaire comme le français. Maintenant, nous allons aborder les questions lexicales et sémantiques en bisa et en mooré.

4.4 Structure sémantique

La sémantique (Crystal 1991 : 100 et Baylon & Mignot 1999 : 22) étudie le sens des signes ou leur rapport avec la réalité. Pendant longtemps le mot a été retenu comme unité sémantique. Mais une telle approche, ainsi que le montre Crystal (1991 : 104), a des inconvénients. Pour lui considérer des formes comme walks, walking, et walked comme des mots différents ou des variantes d’un même mot est source de confusion. De plus, le terme «mot» s’avère inutile dans l’analyse des idiomes qui constituent des unités de sens. Faut-il considérer, par exemple, kick the bucket qui forme une seule unité de sens comme un mot ou un groupe de mots ?

Le lexème en tant qu’unité sémantique de base permet d’éviter cette confusion. Ainsi, on peut dire avec Crystal que le lexème walk peut prendre plusieurs formes ou mots et que le lexème kick the bucket comporte trois mots.

Cependant, il convient de souligner que même si le lexème est important dans le sens d’un énoncé, il est clair que celui-ci n’est pas une somme des lexèmes qui le constituent. La sémantique relève à la fois de la langue et de la culture, c’est-à-dire que les langues ne diffèrent pas uniquement par leurs signes respectifs, mais également par le sens que les différentes communautés linguistiques accordent aux signes linguistiques qui en font des signes culturels.

Selon Kramsch (2000 : 20)

the semantic meanings of the code reflect the way in which the speech community views itself and the world, i.e. its culture.

Sans nier l’importance du sens linguistique de l’énoncé et du contexte dans la communication, nous allons surtout évoquer quelques procédés d’expression et leur rôle dans la communication dans la culture mossi et bisa, en raison de leur sens pragmatique et de leur valeur stylistique. Nous nous limiterons aux formules de salutation et de politesse et à certaines figures de rhétorique en raison de leur récurrence dans les langues africaines.

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4.5 Procédés d’expression

4.5.1 Formules de salutation et de politesse

Ces formules sont importantes parce qu’elles font partie des expressions idiomatiques de la langue, expressions propres à chaque culture. Dans la culture mossi et bisa, et africaine de façon générale, elles occupent une place importante dans la communication. En fait, elles constituent l’introduction et la conclusion à tout acte de communication. Les formules de salutation et de politesse sont si importantes dans la vie qu’il est courant de voir des personnes âgées ne pouvant pas se déplacer envoyer leur progéniture présenter leurs salutations à des amis ou à des parents résidant dans des villages ou villes éloignés.

Pour les Mossi, ainsi que le relève Nikièma (1978 : 64), les formules de salutation et de politesse «forment un tout». Les salutations, selon Nikièma (ibid. : 41), peuvent durer une minute, deux minutes, dix minutes, quinze minutes et davantage. Tout dépend des circonstances et des interlocuteurs. Il découpe les salutations en deux phases : le temps des présalutations, où l’on attire l’attention de la personne que l’on veut saluer et la phase des salutations proprement dites. L’idéal aurait été de reproduire ici l’une des séances de salutations décrites par Nikièma, mais cela alourdirait notre travail. Cependant, il importe de savoir que dans les salutations, les échanges ne portent pas uniquement sur les personnes engagées dans l’acte de communication. Les interlocuteurs s’enquièrent des nouvelles de leurs familles au sens large (enfants, femmes, oncles, etc.), des voisins et d’autres personnes qui peuvent résider ou ne pas résider dans leurs villages respectifs. Dans cet extrait, où Nikièma (1978 : 67) présente une situation de salutations entre 3 , et

* , les échanges portent sur l’état de santé de la famille directe, de celle des voisins et bien d’autres personnes :

* < C ! H Et toute la famille ?

3 , < 3 Paix seulement

* < . *( Et les enfants ?

3 , < 3 Paix seulement

* < ! H Et Sibri et sa famille ?

3 , < 3 Paix seulement

3 , < I ,J & D Nous avons appris que R

C / est revenu d’Abidjan

! H Se porte-t-il bien avec sa famille ?

* < 3 Paix seulement

Comme on le voit, les échanges ne portent pas seulement sur l’état de santé, mais également sur toute nouvelle intéressant les deux parties. Ici, il s’agit du retour d’Abidjan au village d’un émigré36. Les échanges peuvent durer à loisir

36 Comme nous l’avons indiqué ailleurs, des millions de Burkinabè vivent en Côte-d’Ivoire. Il est rare de trouver une famille qui n’a pas de membre qui ne s’y trouve.

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suivant la volonté des interlocuteurs 3 est un mot arabe se retrouvant dans beaucoup de langues africaines. Il signifie «paix» ou «santé» aussi bien en mooré qu’en bisa. Mais, comme nous l’avons déjà indiqué, les formules 3

C ( c’est-à-dire «pas de problème» et leurs équivalents en bisa constituent souvent des euphémismes, qui ne donnent pas toujours l’état réel de santé. Chez les Mossi, quelqu’un qui se porte très bien pourra dire

littéralement la santé est notre seule maladie pour signifier «nous sommes en parfaite santé». Nous reviendrons sur les euphémismes un peu plus loin.

L’utilisation des pronoms personnels dans les langues mooré et bisa fait partie intégrante des formules de salutation et de politesse. Les pronoms personnels ont une fonction sociale. Les première, deuxième et troisième personnes du singulier $ $ (*Ksont des formes familières. Par contre, les personnes du pluriel & ( $ sont des formes de politesse.

En bisa, les première, deuxième et troisième personnes du singulier sont :

"$ $ Quant au pluriel, ce sont, respectivement ""$ ""$ Ce sont des pluriels honorifiques dont Gregersen (1977 : 163) relève la pertinence, en particulier chez les Mossi :

The use of an honorific plural thus becomes a feature of the discourse in general. A similar sort of thing has been reported for the Mossi where honorifics are used to everyone when a chief is present even though in other situations these same people would be addressed familiarly.

Compaoré (1990 : 54) confirme cette utilisation des pronoms personnels et relève que dès son jeune âge, l’enfant apprend à les manier. Dans l’extrait de salutation, ci-dessus, * en s’adressant à 3 , utilise ( et 3 , utilise pour parler de lui-même. I et ( constituent respectivement les formes réduites des première et deuxième personnes du pluriel L& $ ( K Leur utilisation non seulement reflète le contexte culturel mais également a des fonctions stylistiques et sémantiques dans la communication au même titre que les figures de rhétorique que nous allons évoquer prochainement.

Les figures de rhétorique qui ont retenu notre attention en vue de l’analyse de notre corpus sont la métaphore, la métonymie et l’euphémisme, auxquels nous ajouterons le proverbe.

4.5.2 La métaphore et la métonymie

La métaphore et la métonymie représentent deux des figures de rhétorique les plus utilisées dans toutes les langues et les cultures. Elles font partie de la classe des tropes. Le terme trope, selon par exemple Bacry (1992 : 9), est utilisé pour «désigner les figures qui semblent faire qu’un mot change de sens». La métaphore est une comparaison implicite d’une chose à une autre. Elle

est considérée comme une comparaison elliptique. Elle opère une confrontation de deux objets ou réalités plus ou moins apparentées, en omettant le signe explicite de comparaison (Morier 1989 : 676).

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Quant à la métonymie, qui constitue une figure de voisinage (Bacry 1992), elle assure également la même fonction de compréhension que la métaphore comme on le verra ci-dessous. Mais elles sont différentes. Selon Lakoff & Johnson (1985) et Bacry (1992), la métonymie utilise une entité pour faire référence à une autre. Toutes les deux figures sont fondées dans notre expérience. À la différence de la métaphore qui est basée sur un rapport de ressemblance, dans la métonymie

le rapport qui unit le terme propre au terme métonymique est un simple rapport de voisinage ou de contiguïté : il est tout à fait naturel de les trouver à proximité l’un de l’autre dans un discours banal (Bacry 1992 : 85, italiques de l’auteur).

La communication humaine serait impossible sans la métaphore qui constitue un cadre d’interprétation et de compréhension du monde. Pour Lakoff &

Johnson (1985, 1999), la métaphore est présente dans la vie de tous les jours, dans le langage, la pensée et l’action. Les langues mooré et bisa nous fournissent la preuve d’une telle assertion à travers la représentation de la santé, de la maladie et du corps. Ainsi, par exemple, dans la pensée traditionnelle bisa et mossi, le corps individuel et le corps social se confondent. Un dysfonctionnement dans le corps social a des conséquences sur l’individu. C’est ainsi que le corps malade est perçu métaphoriquement comme un dérèglement du corps social. On l’a vu, de la désignation de la maladie à la thérapeutique, en passant par son explication, la métaphore occupe une place centrale. Parmi les noms de maladie qui font appel à la métaphore, nous avons cité $

et & en mooré, respectivement 44 $ "en bisa (littéralement

«oiseau», «python» et «arbre» dans les deux langues). Dans ces différentes appellations, les Bisa et les Mossi établissent une analogie entre les symptômes de la maladie et les propriétés qu’ils attribuent à l’animal ou à l’objet auquel elle est comparée. La maladie pour les Mossi et %% pour les Bisa est appelée ainsi parce qu’elle est causée par un oiseau qui, à travers un contact médiatisé que nous avons évoqué dans le chapitre précédent entre l’oiseau et l’enfant, peut transférer ses tremblements ou ses secousses à l’enfant. Dans la thérapeutique de %% qui désigne également la constipation chez les Bisa, on applique un os d’oiseau au rein de l’enfant, parce que l’oiseau dans la pensée bisa défèque fréquemment. Aussi l’application de son os sur les reins de l’enfant est-elle censée lui transférer cette propriété.

Cependant, la distinction entre métaphore et métonymie, qui remplissent toutes des fonctions de compréhension, n’est pas aussi nette comme en témoignent les noms de maladie cités ci-dessus, à savoir $ et &

En effet, tout en étant des métaphores qui font ressortir la ressemblance entre le corps malade et l’entité à laquelle il est comparé, les concepts de $

et & sont également des métonymies, car ils assurent des fonctions référentielles. Dans ces désignations, qui sont également causales (voir chapitre 3.2.1.), la cause de la maladie, l’oiseau, le python ou l’arbre dans les représentations mossi et bisa, deviennent de façon métonymique la maladie.

(18)

Ces exemples montrent que la métonymie et la synecdoque, une figure où la partie est prise pour le tout, ne représentent que des cas spécifiques de métaphore comme l’affirme, entre autres, Searle (1993 : 107).

Les représentations de la santé, de la maladie et du corps montrent le caractère et la fonction culturelle de la métaphore qui, comme déjà indiqué, occupe une place importante dans la communication et dans la vision du monde. En faisant appel à des images concrètes, elle facilite l’interprétation et la compréhension de l’événement. À l’instar de la représentation de la maladie dans la culture mossi et bisa, l’utilisation de la métaphore contribue à renforcer l’identité culturelle, dans la mesure où son sens n’est accessible qu’à l’intérieur de cette culture. Puisque nous avons déjà donné de nombreux exemples dans la culture mossi et bisa, nous reprenons ici un exemple de métaphore cité par Lakoff & Johnson pour bien marquer la fonction et l’appartenance culturelle des figures de trope : «la discussion c’est la guerre» (voir Lakoff & Johnson 1985). Ces auteurs expliquent comment dans la culture occidentale, la discussion, associée métaphoriquement à la guerre, est structurée par ce concept : «s’il y a bataille physique, il y a bataille verbale et la structure de la discussion – attaque, défense, contre-attaque, etc. – reflète cet état de fait»

(Lakoff & Johnson 1985 : 14). La métaphore de la discussion comme guerre, qui est compréhensible dans la culture occidentale, ne peut être généralisée à toutes les cultures. Même si la métaphore, en tant que procédé d’expression, est universelle, sa compréhension et son interprétation demeurent culturelles. Nous reviendrons sur cette métaphore dans la culture mossi au chapitre 10, à cause de ce concept de «discussion» qui apparaît dans le titre du document source analysé dans ce chapitre : Discutons avec nos enfants.

4.5.3 L’euphémisme

L’euphémisme est un procédé d’expression courant dans toutes les langues africaines. Il est une expression dont le sens véritable est différent du sens apparent. L’euphémisme qui, étymologiquement selon Bacry (1992 : 105), signifie parler sans prononcer aucune parole de mauvaise augure, se reconnaît par l’effet qu’il produit : «rendre «supportable» l’expression d’une idée qui, sans cela, serait désignée par un mot ou un tour considéré comme

«inconvenant»». L’utilisation des euphémismes en mooré et en bisa constitue une réponse à une telle préoccupation. Pour des raisons culturelles, tout ce qui touche au sexe et à l’activité sexuelle par exemple n’est pas exprimé de façon explicite. En mooré on utilisera les termes %% («hanche»), &

(«devant»), 5 («bas-ventre») pour désigner le sexe, surtout chez la femme.

6 " , ( "

$ 8 / + + + 9 8 /

+ B / / 9 ' +

* B B

C ' $

Certaines réalités sont abordées de façon détournée par l’utilisation B d’euphémismes afin d’atténuer les effets négatifs qu’elles pourraient avoir. La

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mort d’une personne est souvent annoncée par des euphémismes. Pour un nouveau-né on dira en mooré et en bisa ce qui signifie littéralement «il est reparti». D’une vieille personne, on dira en mooré

5 8il a manqué de la force ou du souffle», ou ( $ «il est absent», ou encore . &* c’est-à-dire «il a répondu à l’appel des ancêtres qui sont sous terre». En bisa, on dit couramment («il est absent») ou également utilisé pour le nouveau-né, pour annoncer la mort d’une vieille personne.

Certains de ces euphémismes, au-delà de leur effet d’atténuation du message, véhiculent également une vision du monde. En disant, par exemple, qu’une vieille personne a répondu à l’appel de ses ancêtres, ou qu’un nouveau- né est reparti, on exprime également sa vision de la mort et de la vie. On n’a vu que dans les croyances bisa et mossi, il existe une symbiose entre le monde des vivants et celui des morts, et que la mort, loin d’être une fin marque le début d’une autre vie. Par ailleurs, le nouveau-né est perçu comme l’incarnation d’un ancêtre. À sa naissance, l’enfant est appelé (étranger) pour marquer son appartenance au monde invisible. Une telle conception permet aux Mossi ou aux Bisa de dire qu’un nouveau-né, «l"étranger», «est reparti» au lieu de dire qu’il est mort.

L’utilisation d’euphémismes en mooré et en bisa a non seulement une valeur stylistique incontestable, mais également constitue la preuve d’une maîtrise de la langue et d’une bonne connaissance de la culture, indispensable à la réussite de l’acte de communication. Les proverbes qui remplissent les mêmes fonctions que les euphémismes dans la communication dans la culture mossi et bisa vont à présent retenir notre attention.

4.5.4 Le proverbe

Les proverbes font partie d’un genre oral appelé ( M ( M ' en mooré ( M selon Sissao 2000 : 145-6),

Correspondent dans la langue française à des proverbes, des aphorismes, des adages, et des dictons. Ce sont des formules concises et condensées ayant pour base des constatations de la vie courante toujours assorties d’un contenu normatif : un enseignement moral, une règle de comporte- ment social et même des principes de vie spirituelle. Il est discret, possède une sonorité ; base de la culture des moose, sa maîtrise est le critère d’une bonne éducation. Ce sont des textes poétiques choisis en raison de leurs sonorités et des images évoquées.

Nous suivons certains comme Conenna (2000) et Anscombre (2000) qui ne font pas de distinction entre proverbe, adage, diction et locution proverbiale, car les limites entre les phénomènes qu’ils désignent sont floues. Ils préfèrent consacrer à tous le terme «proverbe» que Conenna (2000 : 29) définit comme étant «un cas particulier de phrase figée qui se caractérise par des traits rythmiques, métaphoriques et sémantico-pragmatiques».

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Chevrier (1999 : 198) montre que le conte et le proverbe dans la société traditionnelle «relèvent de la tentation de définir la place de l’homme, sa conduite morale et sociale et le sens de son existence en s’appuyant sur la tradition des ancêtres». Les proverbes, selon Malgoubri (2000 : 136), représen- tent un instrument d’éducation, d’éveil de conscience et de moralisation de la société. Ils sont utilisés, très souvent, non seulement pour leur effet stylis- tique et leur valeur sémantique, mais également pour donner une résonance particulière au message. Ils capturent l’attention de l’interlocuteur ou du lecteur par leur brièveté et les images qu’ils évoquent. Pour Malgoubri (2000 : 136) le proverbe, dans sa forme, a un rythme et une tournure métaphorique qui lui donnent un aspect agréable à l’audition et facilitent sa rétention37. Nous allons illustrer nos propos par quelques exemples que nous traduisons littéralement, même si ces traductions ne signifient pas toujours grand-chose pour toute personne de culture éloignée. En revanche, les traductions de ces proverbes seront suivies de quelques explications sur le contexte de leur utilisation.

Mooré

1. C ( 8la vie est un étranger». Ce proverbe véhicule une concep- tion métaphysique de la vie en tant que dépendante de forces surnaturelles, en l’occurrence Dieu. Il insiste sur le caractère éphémère de la vie. Sa citation peut motiver davantage dans toute entreprise humaine.

2. C 5 & ( $ 8e malheur ne descend pas sur un

arbre, il descend sur l’être humain». Ce proverbe inscrit l’infortune, y compris la maladie et la souffrance, dans la nature humaine. Il cherche à amener l’homme à faire face à toute situation difficile qui pourrait conduire au désespoir.

3. . , 5 & «c’est sauterelle par sauterelle que l’on remplit la gibecière». Ce proverbe souligne l’importance de la persévérance en tant que gage de succès dans toute entreprise humaine.

4. +* & * ( «si Dieu ne tue pas, le chef ne peut

pas tuer». Ce proverbe, profondément religieux et philosophique, est un défi à toute sorte de pouvoir temporel. Il consacre Dieu en tant que l’être suprême responsable de tout l’univers.

5. 2 . * ( «on ne saurait reconnaître des pieds tordus immergés dans l’eau». Ce proverbe recommande la prudence dans toute chose. Il conseille en particulier de ne pas parler de ce dont on ignore l’existence ou de ce que l’on n’a pas vu.

Bisa

1. ?" «il existe quelque chose de mauvais au bas-ventre

de l’individu». Ce proverbe souligne l’impuissance des parents devant le

37 N’est-ce pas ce côté agréable et esthétique des proverbes dans l’art de la palabre que souligne le narrateur du roman de Achebe (1958 : 6), lorsqu’il affirme que «Among the Ibo the art of conversation is regarded very highly, and proverbs are the palm-oil with which words are eaten» ? En tout cas, ils constituent un sujet de prédilection pour les écrivains et les intellectuels africains qui ne manquent pas l’occasion de les exploiter.

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comportement décevant de leurs enfants. Il met en garde également contre le danger que représente le plaisir sexuel pour la morale et l’équilibre social.

2. 2" ( "«le ventre ne connaît pas hier». Ce proverbe dit que le genre humain est un éternel insatisfait. L’image de celui qui a mangé à sa faim la veille et qui a encore besoin de manger le lendemain traduit bien un tel constat.

3. N( # ! #"< % ' & % " "«l’enfant envoie le pauvre, s’il refuse, c’est son ventre qui sera vide». Au-delà du pragmatisme de ce proverbe, qui exprime l’importance du matériel dans la vie, il fait ressortir le pouvoir que procure la richesse.

4. ?" % 8Rien ne dépasse Dieu». Ce proverbe, tout comme le proverbe 4 mooré place Dieu au-dessus de tout pouvoir temporel. Il invite l’individu à ne jamais céder au désespoir et à croire toujours en cet être suprême capable de tout.

Le proverbe peut surgir dans toute situation de communication. Mais compte tenu de son association à la sagesse et au savoir, son utilisation semble régie par le droit d’aînesse. L’utilisation, par un enfant, de proverbes dans une situation de communication avec des personnes âgées, constituerait une infraction aux règles de bonne conduite qui implique le respect du droit d’aînesse.

Les métaphores, les proverbes, les euphémismes et les formules de salutation et de politesse font partie de l’art de la palabre, l’une des caractéristiques de la culture africaine. Les formules de politesse, par exemple, qui peuvent sembler une perte de temps dans la pensée occidentale, démontrent une autre conception du temps, qui place les rapports humains au-dessus de toute considération. Selon Sanwidi (1988 : 203) «cette conception des rapports humains est si tyrannique qu’elle régit même la manière de délivrer le message». Non seulement, il faut prendre le temps d’aborder un sujet, mais il faut également l’introduire avec soin. En général, le proverbe ou les euphémismes constituent une bonne introduction. De ces éléments dépendent la réception du message.

Ces comportements langagiers associés généralement aux cultures traditionnelles demeurent d’actualité. En effet, selon Sanwidi (1988 : 197), malgré les métamorphoses qu’ils ont subies du fait de la colonisation, les Africains restent en général fidèles à leurs cultures d’origines. Haust (1998 : 45) confirme le constat de Sanwidi dans une étude sur le comportement linguistique de locuteurs bisa, d’une part, dans les départements de Garango, Niaogo et Zabré où on parle différents dialectes bisa et, d’autre part, à Ouagadougou où les personnes parlant le bisa comme première langue ne constituent qu’une minorité :

Le bisa ne possède aucune tendance au changement de langue. Au contraire, on y retrouve plutôt des signes de conservation de langues, tels que le transfert de suites de morphèmes dont la structure interne correspond à la langue matrice bisa. (Haust 1998 : 45).

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Cependant, en raison du contexte multilingue du Burkina Faso et de la colonisation, le contact de langues et de cultures provoque des phénomènes linguistiques qui méritent d’être relevés, car ils ont des conséquences stylistiques et sémantiques dans la communication.

Mais avant, nous allons évoquer brièvement le passage de la civilisation orale à l’écriture dans les langues africaines.

4.6 Le passage de l’oralité à l’écriture

L’Afrique avant la colonisation connaissait des représentations graphiques (voir par exemple Calvet 1984 et Richard 2004) qui figuraient sur les poteries, les bijoux, les masques, les sculptures, les pyramides, etc. qui servaient à véhiculer une certaine vision du monde. Le graphisme, qu’il soit bambara, dogon, béninois ou d’ailleurs, selon Calvet (1984 : 71), est porteur d’une cosmogonie, voire d’une idéologie. Parlant des représentations graphiques dogon, Richard (2004 : 155) affirme :

They fulfill one of the essential functions of writing : recording information and enabling its retrieval. They do this in a specialized way not available to any kind of messages. But many writing systems suffer from the same constraints.

En plus de ces représentations graphiques, l’amharique en Éthiopie et les hiéroglyphes en Égypte sont parmi les principales langues écrites qui existaient en Afrique avant l’ère coloniale. Le système d’écriture a été introduit en Afrique sub-saharienne par l’islam aux environs de 1000 après J.-C., selon Goody (1987). Mais l’écriture remplissait des fonctions plutôt magico- religieuses que de communication humaine :

The nature of religious literacy placed certain limitations on its limitations on its employment ; it was a restricted literacy both in terms of the proportion who could read and the uses to which writing was put.

Moreover, its religious basis meant that a major function was communication to or about God (Goody 1987 : 139)

Dans l’ensemble la communication en Afrique, en particulier en Afrique sub- saharienne, demeure essentiellement orale pendant la période pré-coloniale.

L’écriture en tant que moyen de communication humaine est apparue en Afrique avec la colonisation. À ce propos, Calvet fait une analyse de l’apparition de l’écriture en Afrique dont la pertinence mérite que l’on s’y arrête. Pour lui, on a imposé aux sociétés africaines une «picturalité (l’alphabet latin) issue de l’héritage culturel colonial» (1984 : 7). Il soutient que l’introduction de l’écriture dans une société orale constitue un «facteur de destruction», parce que contrairement aux sociétés où l’invention de l’écriture

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correspondait à une évolution historique et à un besoin endogène, l’introduction de l’écriture en Afrique, qu’il appelle «le coup de force de l’écriture», répond à des besoins exogènes. En effet, Calvet rappelle que la naissance de l’écriture – dont les origines sont, du reste, floues – répondait à des besoins pratiques, à savoir tenir des comptes, rédiger des contrats et des lois. Il estime qu’en Afrique, l’écriture non seulement n’est pas le produit d’une évolution historique mais également que le choix de l’alphabet est exogène, car en général, il s’inspire d’une langue de prestige ou d’une langue coloniale.

Même si, au nom du brassage culturel qui reste une constance dans l’histoire de l’humanité, nous ne pouvons pas suivre Calvet dans toutes ses positions, en particulier son point de vue négatif sur l’introduction de l’écriture en Afrique, son analyse s’applique au mooré et au bisa dont la forme écrite est liée à l’histoire de la colonisation française et de celle du christianisme au Burkina Faso. Les administrateurs coloniaux et les missionnaires ont été les premiers à introduire l’alphabet dans une civilisation qui, jusque-là, était surtout orale. Pour des besoins d’évangélisation, les missionnaires se sont mis à apprendre ces langues et à inventer un alphabet pour les transcrire. Ils sont à l’origine de nombreux écrits linguistiques et ethnologiques sur cette civilisation orale. Nikièma (1982) montre que ce sont le R. P. Alexandre et le Pasteur Hall qui ont été les premiers à élaborer un système de transcription pratique du mooré. Le R. P. Alexandre a publié un ouvrage en deux volumes sur le mooré en 1953, La langue möre, tome I et Tome II dont une partie est consacrée à la grammaire mooré. Hall a publié Dictionary and Practical Notes. Mossi-English Languages. Le seul dictionnaire et livre de grammaire en bisa, La langue Bisa.

Grammaire et Bisa, date de 1950 et a été l’œuvre du père A. Prost des Missions d’Afrique.

Sous l’impulsion de l’UNESCO, les langues nationales en Afrique sub- saharienne (Batiana 2000) sont désormais utilisées pour une alphabétisation dite fonctionnelle des populations. Au Burkina Faso 24 langues sont concernées, mais les principales langues qui sont utilisées sont, selon Nikèma (1990), le mooré, le jula et le fulfuldé. L’INA (l’Institut national d’alphabétisation) estime à 26% le pourcentage des Burkinabè qui peuvent s’exprimer et écrire dans l’une des 24 langues maternelles faisant l’objet d’un enseignement. Cependant, il existe dans le domaine de l’éducation d’autres formes d’alphabétisation bilingues français - langues nationales. En la matière, la formule développée par ElAN-Développement, une association oeuvrant pour le développement et la promotion de l’écrit dans les langues nationales, semble indiquer l’efficacité de l’éducation bilingue, qui a fait au préalable l’objet d’une expérimentation38. La formule est si efficace que pour Nikièma elle représente la seule alternative de vaincre l’analphabétisme :

Il nous semble donc que la scolarisation totale en langues nationales dans le primaire, avec l’enseignement du français et d’autres langues (nationales) comme matières, est la situation normale vers laquelle il faut

38 Pour en savoir davantage, voir Nikièma (2000).

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tendre pour espérer atteindre l’objectif de l’éducation pour tous au 21e siècle au Burkina Faso (Nikièma 2000 : 155).

Cependant, le passage de l’oralité à l’écriture ne résoud pas la question des barrières linguistiques et culturelles à cause du multilinguisme et du multi- culturalisme. Dans ces conditions, la traduction, comme déjà indiqué, représente un moyen de surmonter ces barrières linguistiques et culturelles.

Mieux encore, Hoof (1991) et Delisle & Woodsworth (1995) montrent que les traducteurs et la traduction ont constitué un facteur important de transfert de connaissances dans l’histoire du monde, et ont contribué, à travers l’intro- duction de l’écriture, au développement des langues vernaculaires et de leurs cultures. Le point de vue de Calvet selon lequel le passage de l’oralité à l’écriture constitue un facteur de «destruction» de la tradition orale provient en fait de la position inférieure qu’occupent les langues nationales vis-à-vis de la langue officielle, qui est en général la langue de l’ancienne puissance coloniale.

Mais notre hypothèse est qu’une traduction efficace constitue non seulement un facteur d’innovation, mais également un moyen de conserver les valeurs culturelles mossi et bisa, y compris leurs langues, même si le codeswitching entre les langues nationales et le français que nous verrons prochainement est perçu négativement par certains.

4.7 Le codeswitching

Outre les emprunts, déjà évoqués, le contact linguistique et culturel est à l’origine de certains phénomènes tels que le codeswitching que l’on ne peut ignorer dans une perspective descriptive de la langue. Selon Haust (1998 : 23)

«Le terme de codeswitching sert de concept supérieur à toutes les formes morpho-lexicales étrangères employées dans une langue sans y être considérées toutefois comme des emprunts établis». Mais, il convient de relever que les limites entre emprunt et codeswitching sont floues dans la mesure où ils forment un continuum dans lequel le codeswitching représente la première étape vers l’emprunt (McClure 2001). Par ailleurs, ce terme de codeswitching recouvre d’autres phénomènes résultant du contact linguistique et culturel, tels que l’interférence ou le transfert, l’influence d’une langue sur une autre dans un contexte bilingue (Baker 2002). Cette influence peut intervenir au niveau de la syntaxe, de la phonologie et du lexique à l’oral tout comme à l’écrit.

Nous proposons de revenir sur la situation de diglossie, à l’origine de ce phénomène de codeswitching, dans le cas spécifique du Burkina Faso.

Plus haut (chapitre 2.1.) la situation multilingue en Afrique a été caractérisée de diglossie, c’est-à-dire par l’utilisation de langues différentes selon des fonctions qui leur sont assignées. La plupart des définitions de la diglossie sont basées sur des critères sociologiques (Wardhaugh 1992 et Schiffman 1997) qui correspondent à la diglossie français / langues nationales au Burkina Faso. Selon Wardhaugh (1992 : 90) et Schiffman (1997 : 205) la situation de diglossie se caractérise par la coexistence de deux codes

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linguistiques ayant des fonctions complémentaires. Ces fonctions obéissent à une hiérarchisation allant des fonctions très prestigieuses, «higly valued (H)»

aux moins prestigieuses, «less valued (L)» :

One is used in one set of circumstances and the other in an entirely different set. For example, the H varieties may be used for delivering sermons and formal lectures, especially in a parliament or legislative body, for giving political speeches, for broadcasting news on radio and television, or for writing poetry, fine literature, and editorials in news- papers. In contrast, the L varieties may be used in giving instructions to workers in low-prestige occupations or to household servants, in conversation with familiars (Wardhaugh 1992 : 91).

Les Burkinabè, par exemple, utilisent le français, la langue officielle, comme la langue de l’administration et de l’éducation. Mais la plupart d’entre eux utilisent les langues nationales (mooré et bisa, par exemple) en famille ou, en ville, lors des rencontres entre membres d’une même communauté linguistique.

Cette diglossie n’est pas exactement la même selon qu’il s’agit d’un locuteur bisa ou mossi. Haust (1992) parle de «diglossie doublement chevauchante» en ce qui concerne la relation entre le bisa, le mooré et le français, où, d’une part, le français occupe une position supérieure vis-à-vis des deux langues et d’autre part, le mooré une position supérieure vis-à-vis du bisa.

Face à une telle situation, selon Haust (1992 : 22) :

On peut supposer que les personnes qui ont le bisa comme langue première sont en général polyglottes et possèdent des connaissances en mooré et, éventuellement, en français. À l’opposé, il n’est pas évident que ceux qui ont le mooré comme langue première – le français n’appa- raissant quasiment pas comme première langue – soient compétents en bisa.

Pour le locuteur bisa le codeswitching résulte du contact avec le français et le mooré. Ce phénomène est également valable pour le mooré, à la différence que pour le locuteur du mooré le codeswitching résulte essentiellement du contact avec le français. Kouraogo (2001) illustre bien la présence du codeswitching dans la langue mooré par un jeu-concours radiophonique, qui consiste à récompenser tout locuteur réussissant à soutenir une courte conversation avec un animateur sans utiliser un mot français. Presque personne n’arrive à surmonter cette épreuve. Kouraogo (2001 : 113) aboutit à un constat qui s’applique à tout locuteur de langue nationale ayant été scolarisé :

The cruel reality is that few Burkinabè who have completed secondary school can deliver a flawless speech in their mother tongue without interspersing it with French words and phrases.

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La perception du codeswitching divise les spécialistes. Certains en ont une vision négative. Selon Matthey & Pietro (1997), les contacts de langues en Suisse sont à l’origine d’une alternance codique que certains qualifient de corruption ou d’impureté linguistique. Cette représentation négative du codeswitching l’associe à une incompétence linguistique. Dans le cas du Burkina Faso, Gouba (1988), par exemple, estime qu’il constitue un facteur de dégradations linguistiques et culturelles pour la première langue. La notion de

«flawless speech», dont parle Kouraogo, ci-dessus, semble suggérer que le codeswitching représente un facteur négatif pour la langue première.

Cependant, il est possible de les percevoir sous l’angle de la créativité (Haust 1998 : 33) comme dans cet exemple :

--% & '

C’est Dieudo, il accepte de se marier là-bas.

Pour Haust, cet exemple démontre la créativité avec laquelle les gens manient les langues. En effet, dans cet énoncé, le locuteur a combiné le mot français (mariage) avec l’auxiliaire pour construire un verbe. Le codeswitching ici peut mieux exprimer la pensée du locuteur. En français, le verbe se «marier»

s’applique aussi bien à l’homme qu’à la femme. Mais, en bisa, il n’existe pas de terme équivalent. Les expressions % (prendre une femme) ou ( % (prendre un mari) ne recouvrent pas les mêmes réalités sociales et juridiques que le terme «se marier». On l’a déjà vu, les emprunts, en mooré ou en bisa, obéissent à la structure phonologique de ces langues. Cette adaptation concerne également la structure de la phrase. En effet, selon Haust (1998 : 37), la position interne des mots empruntés dans les phrases suit la syntaxe bisa.

Néanmoins, il ne faudrait pas se focaliser sur les aspects linguistiques du codeswitching, dont l’utilisation relève de facteurs sociaux et psychologiques plutôt que linguistiques.

Malgré la controverse qu’il provoque, le codeswitching constitue une réalité manifeste dans le comportement langagier des Burkinabè. Il serait intéressant de voir comment il est pris en compte dans la traduction au sens large du terme (voir chapitre 1).

Nous n’avons pas la prétention d’avoir abordé tous les éléments relatifs à la sémantique en mooré et bisa. Mais il est clair que les formules de salutations et de politesse, les métaphores, euphémismes et proverbes qui constituent les traits caractéristiques du mooré et du bisa sont des éléments clés de la commu- nication, non seulement à cause de leurs effets stylistiques, mais également de leur importance sémantique et sociale. Nous suivons Baker (1992 : 78), qui établit un lien entre la lisibilité du texte cible en traduction et ces facteurs stylistiques :

Using the typical phraseology of the target language – its natural collocations, its own fixed and semi-fixed expressions, the right level of idiomaticity, and so on – will enhance the readability of your translations.

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Dans l’analyse des langues cibles de notre corpus de traductions, nous serons attentif à ces facteurs, à la langue en tant que moyen d’expression culturelle et aux représentations de la santé, de la maladie et du corps comme le cadre pertinent pour interpréter tout texte.

4.8 Conclusion

La culture mossi et bisa est en pleine mutation. L'organisation sociale et politique traditionnelle cède la place à l'État et à de nouvelles institutions modernes. Les représentations de la santé, de la maladie et du corps reflètent ces mutations culturelles et le pluralisme du système médical. En effet, il y a une coexistence, d'une part, des représentations traditionnelles à étiologies naturelles et surnaturelles, et, d'autre part, de la représentation biomédicale représentée par les pouvoirs publics et autres partenaires de la santé, qui sont à l'origine de la production de la traduction médicale à des fins de communication sociale. En cas de maladie, les Mossi et les Bisa, comme tous les autres Burkinabè, ont recours à la médecine traditionnelle et/ou la médecine moderne. Mais n’oublions pas que la grande majorité des Burkinabè a recours à la médecine traditionnelle ; seulement 20% ont recours à la médecine moderne (Fonteneau 1999 : 5). D’où l’importance des efforts du gouvernement, des professsionnelles et autres partenaires de la santé pour informer et sensibliser le public afin qu’il se tourne davantage vers la médecine moderne. La réalisation de ces objectifs passe par l’efficacité de la traduction, puisque l’administration de façon générale utilise la langue officielle, tandis que la majorité de la population (environ 85%), rappelons-le, s’exprime dans les langues nationales.

L’analyse de la conception de la santé, de la maladie et du corps dans la culture mossi et bisa montre que les Mossi et les Bisa, qui constituent le public cible de la traduction dans notre étude, ont des représentations différentes de celles de la médecine moderne. Une telle conclusion renforce la pertinence de nos hypothèses de recherche. En admettant que la traduction, en tant qu'acte de communication, implique un transfert culturel, nous proposons de rappeler de manière plus explicite ces hypothèses sous forme de questions :

• Dans la mesure où la traduction répond à un besoin de communication, quelle sera l'efficacité de la transmission des informations si les représentations qu'elle véhicule ne correspondent pas à celles de la culture du public cible ? Quels sont les problèmes d'interprétation qui peuvent se poser à la communication ? Quelles sont les stratégies de traduction utilisées pour résoudre ces problèmes ?

• Vu la contradiction flagrante entre la culture de la langue source et la culture de la langue cible, et étant donné le lien étroit entre langue et culture, peut- on modifier l'une sans toucher à l'autre ? En d'autres termes, la langue exprimant une certaine vision du monde, peut-on changer la langue sans changer la vision du monde et vice versa ? La culture et les langues bisa et mossi subissant la domination de la langue française et des valeurs qu'elle véhicule, la traduction ne risque-t-elle pas d'entraîner la destruction de la culture et des langues cibles ? Ou bien, au contraire, compte tenu du rôle de

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la traduction de textes canoniques ou de textes scientifiques dans la conservation, la valorisation et la promotion des cultures et de l'identité nationale, ainsi que le montrent Delisle & Woodsworth (1995 ; Woodsworth 1996a), va-t-elle contribuer à valoriser et à conserver la culture et les langues bisa et mossi ?

Il est clair que ces différentes hypothèses et questions, même si elles permettent d'orienter l'analyse de notre corpus, ne s'excluent pas l'une l'autre. En effet, la traduction peut servir à la fois à véhiculer de nouvelles représentations, à développer et à promouvoir la langue et la culture cibles.

L'analyse de notre corpus dans la troisième partie nous permettra de vérifier ces hypothèses. Mais auparavant, nous allons aborder dans la deuxième partie de notre travail les principales approches et méthodes de traduction ainsi que notre méthode d’analyse.

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Références

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