F. MESCHY, F. FAURIE*
L. GUEGUEN
INRA Laboratoire de Nutrition et
Sécurité Alimentaire,
78352
Jouy-en-Josas
Cedex*
ENSSAA-INRA Laboratoire de la Chaire de Zootechnie
26, Boulevard du Docteur
Petitjean
21000
Dijon
Bilans minéraux
et disponibilité
du calcium
chez des moutons recevant des pulpes
de betteraves
Le calcium est présent
enquantités importantes dans les pulpes de
betteraves. Mais
sadisponibilité est nettement plus faible que celle
d’autres
sourcesd’apport calcique. Il convient donc d’en tenir compte dans
le calcul des complémentations minérales des rations.
La
part importante
que lespulpes
de bette-raves
peuvent
occuper dans l’alimentation des ruminantss’explique
par leur valeurénergé- tique élevée,
mais elles sontégalement répu-
tées pour être très riches en calcium (10 à 40
g/kg
deMS).
Les inconvénients de l’excès de Ca (diminu- tion de la
digestibilité
de certainsoligo-élé-
ments,augmentation
durisque
de fièvre vitu- laire...)dépendent
fortement de ladisponibili-
té de cet élément.
Cet essai a été
entrepris
à lademande,
etavec le
support
financier de l’Union des Sica de Transformation desPulpes
de Betteraves (USICA 43-45 rue deNaples
75008Paris),
dans le but depréciser
ce critère pourlequel
nous ne
disposons
que de très peu d’informa- tions.L’absorption
intestinalepeut
être réduiteen raison soit de la forme
chimique
du cal-cium des
fourrages
(Ward et al1979),
soit de la mise enplace
d’unerégulation métabolique
de
type
hormonal déclenchée par un niveaud’apport
sensiblementsupérieur
aux besoinsdes animaux (Braithwaite et al
1974,
Field et al 1985).Pour
séparer
ces effets nous nous sommesplacés
dans la situation d’unapport
modéré de calcium (de l’ordre de4,5 g/kg
deMS),
enconsidérant les
pulpes
comme seule source decalcium pour le
régime expérimental.
1 / Conditions expérimentales
la / Aliments
Les
régimes,
réalisés à l’Atelier dePréparation
des AlimentsExpérimentaux (APAE, INRA, Jouy-en-Josas),
sont detype semi-synthétique (pour
éviter unapport
de calcium par les constituants autres que lespulpes
de betteraves dans l’alimentexpéri-
mental). Pour lerégime témoin, l’apport
cal-cique
est assuré par du carbonate de calcium.La
composition
des aliments utilisésfigure
autableau 1, celle des aliments minéraux au
tableau 2.
Pour de tels
aliments,
les valeurs UFL et PDI ne sont pasdisponibles.
Le calcul de la teneur enénergie
nette pour l’entretienexpri-
Résumé
__________________________Les
pulpes
de betteraves sontréputées
pour être riches(trop ?)
en calcium mais nous nedisposons
que de très peu d’informations quant à ladisponibilité
de cecalcium,
et lesinconvénients éventuels d’un excès de calcium sont fortement liés à ce critère.
Pour cet
essai,
nous avons utilisé desrégimes semi-synthétiques
où tout le calcium étaitapporté,
soit par du carbonate de calcium (témoins) soit par despulpes
de betteraves(pulpes); la
teneur en Ca(g/kg
de MS) était 4,6 et 4,8respectivement.
Cesrégimes
ont étédistribués à 6 moutons mâles adultes par lot.
Après
unephase d’adaptation
de 3semaines,
les mesures se sont déroulées en deuxpériodes
successives de 5jours
consécutifs au coursdesquelles
les bilans minéraux(Ca,
P et
Mg)
ont étédéterminés ;
deplus, l’absorption
réelle de ces éléments a été calculéesur la base de pertes
endogènes théoriques
suivantes : 20 mg(Ca),
25 mg (P) et 3,5 mg(Mg)
parkg
depoids
vif et parjour.
Les
performances
du lot témoin sontlégèrement
inférieures aux données de la littératu- re, ce que l’on peut vraisemblalement attribuer à la nature durégime semi-synthétique
difficilement
accepté
par des ruminants adultes, cequi
était atténué par laprésence
depulpes
(40 %) dans lerégime expérimental.
Dans cesconditions,
ilapparaît
clairementque le calcium contenu dans les
pulpes
de betteraves est nettement moinsdisponible
(50% environ) que celui du carbonate
pris
comme référence.Il convient donc de tenir compte de la faible
disponibilité
du calcium despulpes
debetteraves pour l’évaluation des apports alimentaires et la
complémentation
minéraledes rations dans
lesquelles
lespulpes représentent
une partimportante
de la matière sècheingérée.
mée en
Mcal/kg
de MS (NRC 1988)indique
desvaleurs très voisines :
2,01
pour lerégime
témoin et
1,98
pour lerégime pulpes ;
demême,
les teneurs en matières azotées totales sont trèsproches :
150 et 156g/kg
de MS res-pectivement.
1.
2
/ Mesures
Les mesures sur animaux ont été réalisées à l’atelier de
digestibilité
de la Chaire de Zootechnie de l’Ecole Nationale des SciencesAgronomiques Appliquées
deDijon.
Douze moutons mâles castrés adultes de
race Ile de France et d’un
poids
moyen de 70kg
en débutd’expérience, répartis
en 2 lots de6
animaux,
ont été utilisés.Les aliments
expérimentaux
étaient distri- bués en deux repas parjour ;
l’eau deboisson,
distribuée àvolonté,
était mesuréequotidien-
nement par lot
(précision
de la mesure :0,1 1).
Après
unephase d’adaptation
auxrégimes expérimentaux
de trois semainesenviron,
lesanimaux ont été
placés
dans des cages à bilanoù les mesures ont été réalisées au cours de deux
périodes
successives decinq jours
consé-cutifs.
Chaque jour,
lesquantités
d’alimentdistribuées et éventuellement refusées ont été
pesées ;
un échantillonreprésentatif
de l’ali-ment distribué a été constitué pour chacune des
périodes
de mesure ; les aliments refusés ont été cumulés parpériode
et par animal. Les fèces émises parchaque
animal étaientpesées chaque jour ;
20 % en ont étéprélevés
pour détermination de la matièresèche,
et les échantillons secs ont été cumulés parpériode
et par animal.
1.
3 / Analyses
Les
analyses
minérales (cendrestotales, Ca,
P etMg) portaient
sur l’ensemble des échan- tillons cumulés parpériode
et par animal ainsi que sur l’eau de boisson(calcium) ;
elles ontété réalisées par le Laboratoire
d’Analyses Végétales
(INRA Bordeaux)1.
4
/ Calculs
Les coefficients
d’absorption apparente
(CAA) sont obtenus àpartir
des résultats desmesures de bilan :
L’absorption
réelle a été évaluée sur la basede
pertes endogènes théoriques (Scott
et al1985, Guéguen
et al 1987) de 20 mg pourCa,
25 mg pour P et
3,5
mg pourMg
parkg
depoids
vif et parjour.
Le coefficient
d’absorption
réelle (CAR) estobtenu par la formule :
Le traitement
statistique
des données a été réalisé sur micro-ordinateur Dell 316 SX à l’aide dulogiciel
Stat-Itcf (moduled’analyse
devariance, comparaison multiple
de moyennes par le test de Newman et Keuls).2 / Résultats
Les valeurs moyennes de
composition
miné-rale des
régimes figurent
au tableau 3.2.i / Ingestibilité
etdigestibilité
Les résultats concernant
l’ingestibilité
et ladigestibilité
de la matière sèche (MS) et de la matièreorganique (MO),
sontregroupés
autableau
4 ;
les mesuresd’ingestibilité
ne sontdonnées
qu’à
titre indicatif car elles sont le reflet desquantités
d’aliment refuséespuisque
l’aliment était distribué en
quantité
limitéesur la base des observations effectuées pen-
dant la
période d’adaptation :
1300 g d’aliment brut parjour.
Les
digestibilités
de la MS et de la MO sontsignificativement
inférieures pour l’aliment témoin.2.
2 / Bilans minéraux
Les données concernant les bilans minéraux
figurent
aux tableaux 5 pour lecalcium,
6 pour lephosphore
et 7 pour lemagnésium.
L’absorption apparente
ou réelle calculée de Ca estsignificativement plus
faible pour le lotexpérimental ; l’introduction,
dans le calcul duCAR,
de l’excrétion fécaleendogène
permet de diminuer fortement ladispersion
des mesures.L’excrétion de calcium dans les urines est très faible (de
0,01
à0,04
g parjour
en moyen-ne selon les
régimes),
cequi
estparfaitement
normal chez l’animal ruminant.
Aucune différence
significative
n’est obser- vée pour les bilans deP ;
enrevanche,
lesquantités ingérées,
le CAA et le CAR deMg
sont
significativement
inférieurs pour lerégi-
me témoin. L’excrétion urinaire de
magnésium
ne diffère pas
significativement
selon les lots(0,11
±0,14, 0,39
± 0,26 pour lesrégimes
témoin et aliment
pulpes respectivement)
cequi
conduit à des rétentionsjournalières
demagnésium
trèsproches : 0,44
±0,12
pour le lottémoin, 0,31
±0,22
pour le lot alimentpulpes.
3 / Discussion
Il convient de
rappeler
que ces essais sesont déroulés avec des animaux adultes à l’entretien ayant des besoins minéraux moins
importants
que des animaux en croissance ouen
production ; ainsi,
cet étatphysiologique
conduit
classiquement
à des rétentions miné- rales autour dezéro ;
ces mêmes ruminants adultesacceptent
moins facilement lesrégimes semi-synthétiques
que des agneaux en crois- sance, cequi explique probablement
lesrefus,
en
particulier
des animaux soumis aurégime
témoin.
3.i / Ingestibilité
etdigestibilité de la
MS
etde la MO
Les
digestibilités
de MS et MO sontconformes aux valeurs habituelles pour des
régimes
à base depulpes
de betteraves (valeur table INRA 1988 : 86 % pour ladigestibilité
dela MO).
Les valeurs obtenues avec l’aliment
témoin,
inférieures à celles durégime expérimental,
sont vraisemblablement à relier à un effet défavorable du
régime.
Les alimentssemi-syn- thétiques
utilisés étaientprobablement
extrêmes pour des ruminants
adultes,
cesconséquences
étant atténuées par laprésen-
ce de 40 % de
pulpes
de betteraves dans lerégime expérimental.
3.
2 / Bilans minéraux
a / Calcium
Les données de
l’absorption apparente,
ou celles del’absorption
réellecalculée,
sontsignificativement plus
faibles pour lerégime
contenant des
pulpes
debetteraves ;
cettediminution de
l’absorption
réelle calculée est de l’ordre de 46 %. Ladisponibilité poten-
tielle du calcium contenu dans lespulpes
debetteraves
déshydratées
est donc sensible- ment inférieure à celle d’une source clas-sique
comme le carbonate de calcium.Dans cet essai les
quantités ingérées
corres-pondaient
à la couverture des besoins des ani-maux et ce résultat ne
peut
donc être attribuéà une diminution de
l’absorption
intestinale du calcium consécutive à unapport
excessif.La faible
disponibilité
du calcium despulpes
de betteraves semble liée à sa nature
chimique.
Dans les
pulpes
debetteraves,
le calcium estprincipalement présent
sous formed’oxalate,
depectinate
et depectate
(oupolyglucuronate).
L’oxalate de calcium est mal utilisé par le rumi- nant (Ward et al
1979, Campos
et !zl1980) ;
ànotre
connaissance,
aucune étude n’a été effec-tuée à propos de l’utilisation par l’animal du cal- cium lié aux chaînes
pectiques
de lapulpe
debetterave. Les
pulpes
utilisées lors de ces essais ont étéproduites
sansadjuvant
de surpressage ;lorsque
du sulfate de calcium estajouté
à cettefin,
l’ion Ca&dquo; se combine aux chaînespectiques.
Des résultats
partiels,
nonrapportés ici,
ne mon-trent pas d’amélioration de l’utilisation de Ca dans le cas où du sulfate de calcium est
ajouté
encours de
fabrication,
cequi
sembleindiquer
que lespectinates
ou lespectates
de calcium sontégalement
mal utilisés par l’animal.b /
Phosphore
etmagnésium
L’absorption apparente
ou réelle de Ppeut
sembler faible dans la mesure où la source dephosphore
utilisée(phosphate monosodique)
estconsidérée comme une bonne forme
d’apport
deP. De
même,
les résultatsd’absorption
deMg
sont
systématiquement
inférieurs pour les ani-maux du lot
témoin,
cequi pourrait
confirmerun effet
&dquo;type
derégime&dquo;
surl’absorption
de Pet
Mg ;
à ce propos, il n’est pasimpossible qu’il
y ait eu un effet de même nature sur
l’absorp-
tion de
Ca,
les valeurs observées pour le lot témoin étantlégèrement
inférieures à ce que l’on aurait pu attendre (CAR de 30 à 35 %).Conclusion
Les bilans de P et
Mg
n’étaient pas lesobjectifs principaux
de cette étude et les résul-tats obtenus avec le
régime
contenant despulpes
de betteravesn’indiquent
pas de modi- ficationsimportantes
de l’utilisationdigestive
de ces éléments minéraux.
Dans nos conditions
expérimentales,
avec unapport
modéré decalcium,
ilapparaît
que la dis-ponibilité potentielle
de cet élément dans lespulpes
est sensiblement inférieure à celle d’autres sourcesd’apport calcique :
environ lamoitié de celle du carbonate dans cet
essai,
etentre 30 et 60 % de celle des
fourrages (figure
1).Dans des conditions
pratiques
d’alimenta- tion des ruminants etlorsque
lespulpes
debetteraves
représentent
unepart importante
de la MS
ingérée
et parconséquent
un apport de calcium souventsupérieur
aux besoins desanimaux,
il estprobable
que l’effet de diminu- tion dedisponibilité
lié à la nature du calciumdes
pulpes
soit encore renforcé par un effet niveaud’apport calcique ;
cela mériterait d’être étudié pourpouvoir quantifier
avecdavantage
deprécision
la valeurcalcique
despulpes
de betteraves et tirer des conclusions définitives.Ces résultats amènent à reconsidérer en
partie
lacomplémentation
minérale des rations danslesquelles
lespulpes représentent
une part
importante
de la matière sècheingé- rée ;
eneffet,
onpeut envisager
deremplacer
un aliment minéral riche en
phosphore
(et parconséquent
onéreux) par une formuleplus équilibrée
etpermettre
ainsi à l’éleveur de réa- liser une économie nonnégligeable,
notam-ment dans le cas des vaches laitières.
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containing crystals in alfalfa : their fate in cattle. J.
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Summary
Mineral balances and calcium
availability
insheep fed
sugar beetpulps.
Sugar
beetpulp (SBP)
is known to be rich in cal- cium but theavailability
of Ca is not wellknown,
and adverse effects of Caoverloading
arestrongly
related to this
parameter.
In this trial we used a
semi-purified
diet where allCa was
supplied by
calcium carbonate (control) or beetpulp
(SBP). The Ca content(g/kg
ondry
mat-ter basis) was 4.6 and 4.8
respectively.
These dietswere fed to 6 adult
sheep by
group.Following
an initial 3-weekfeeding period
whichallowed the animals to
adapt
to theexperimental diet,
measurements were conducted on two5-days
collection
periods
while mineral balances(Ca,
Pand
Mg)
were determined. Trueabsorption
ofminerals was calculated on a theoretical basis of 20 mg
(Ca),
25 mg (P) and 3.5 mg(Mg)
ofendoge-
nous losses per
kg of liveweight
perday.
Results obtained
by
the control group areslighty
lower than data found in the literature. This could be
explained by
thedifficulty
ofsemi-purified
diets to be
accepted by
adultruminants ;
this effect can be reduced for SBP diets which contain 40 % of sugar beetpulps. Nevertheless,
theseresults underline that Ca
availability
from SBP ismarkedly
lower (near 50 %) than that of the carbo- nate one.The low
availability
of calcium from SBP must be taken into account for the estimation of calciumsupply
and mineralsupplementation
when SBPmakes up a
significant proportion
of the ruminantdiet.
MESCHY