M ATHÉMATIQUES ET SCIENCES HUMAINES
R. D. L UCE
Les mathématiques utilisées en psychologie mathématique
Mathématiques et sciences humaines, tome 13 (1965), p. 23-39
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1965__13__23_0>
© Centre d’analyse et de mathématiques sociales de l’EHESS, 1965, tous droits réservés.
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LES MATHEMATIQUES UTILISEES EN PSYCHOLOGIE MATHEMATIQUE.*
’Traduit de
l’anglais
par P. Bovet *R.D. LUCE
POURQUOI 1 CET ART 1C LE ?
L 1 ut i 1 i sat i on des
mathématiques
enpsychologie
a connu ces dernièresannées ’des progrès considérable,
à te 1point
que l’on a étéob 1 i gé
de créerune nouve I I e
exp ress i on~
la"psychologie mathématique’!,
pourdésigner
le do-ma i ne de recherche où
l’intégration
desmathématiques et
de !apsychologie
est la
plus poussée,
c’est-à-dire oùl’hypothèse
du chercheurrevêt
un as-pect Gomp I étement
formalisé et où cettereprésentation mathématique
consti-tue un élément essentiel du schéma
explicatif. Quelles
sont lesparties
desmathématiques qui
1 servent leplus
souvent enpsychologie mathématique?
Cettequestion,
deuxcatégories
de lecteurs deMathématiques
et Sciences Humainespeuvent
toutparticulièrement
se la poser : d’unepart,
des chercheurs enpsychologie
t rava i I 1 ant sur unproblème
et cherchant àacquérir
unespécia-
I isation
mathématique qui
leurpermette
de formuler leurproblème
en termesformalisés ;
d’autrepart,
des mathématiciens de métier enpossession
d’unoutil,
désireux de faire "travai I ler" cet outi 1 enl’appliquant
àl’étude
des
problèmes psyçhologiques
où il a leplus
de chanced!être
efficace.Pour
répondre .a
cettequestion,
nu 1 n’étaitplus qualifié
quele ,pro-
fesseur
Luce,
dont les contributionsimportantes
et nombreuses,à
lapsycho- I og i e mathématique
sont bien connues :qu’il 1
suffise derappeler
ici 1 que I eProfesseur Luce a
dirigé
I apublication
durécent
et monumentalHandbook of Mathemat ical 1 Psychal ogy (~ ) .
Dans l’article que l’on va
lire,,
on trouvera unexposé d’ensemble,
d’unepart
des divers domaines actuels de laps ycmo 1 og 1 e mathémati’que,
d’autrepart,
des divers secteurs desmathématiques, envisagés
aupoint
de vue deleurs
applications
enpsychologie.
Certainesopinions
émises’ seront ’pêut- être
contestées enparticul ler,
onpeut criti,quer
une restrictiontrop
sévère du domaine de lapsychologie mathématique ,à
lapsychologie expérimentale.
Mais
l’exposé
constitue dans l’ensemble une source d’information’tremarquab’lé-
ment
précise
etobjective;
c’estpourquoi
i nous pensons que sapublication
dans cette revue pourra constituer un
encouragement
efficace à tous ceuxqui
sont
décidés à
ut i 1 iser I amathématique
comme instrument de recherche dansune science humaine.
H. ROUANET
(~,) Analysé
dans un des numéros précédents de M.S.H.(*)
Chercheur au Laboratoire dePsychologie
Expérimentale de la Sorbonne.*N.D.L.R.
Nous remercionsl’auteur
etles éditeurs d’avoir autorisé La pu-
blication dans M.S.H. de cet article dont
l’original
estparu
dans
Mathematical Monthly" 11964
vol. 71 n ° 4.INTRODUCTION
Les
questions
fondamentalesqui
seposent aujourd’hui
etprobablement
pourquelque temps
encore , dansl’application
desmathématiques
à desproblèmes
psy-chologiques,
sont desquestions
relatives à la formulation de cesproblèmes
entermes
mathématiques.
Larésolution
deproblèmes mathématiques
difficiles ainsi quel’analyse
de situationsexpérimentales complexes
en termes dethéories pré- cises,
constituent destâches
relativement secondaires dans la mesure où pro-blèmes
etthéories
sont correctementformulés.
Notre domaine n’est pas encore ba-lisé
par lesconcepts
et les variables de basequi
devraientguider
l’insertion desmathématiques;
de telle sorte que celle-ci ne suit pas unedémarche
sans pro-blème,
comme c’est actuellement devenu le cas dans laplupart
des sciencesphy- siques.
Enfait,
y nous sommesapproximativement
dans la situation des sciencesphysiques
du XVIesiècle (ou
du XVIIème enétant optimiste),
y maisl’analogie
estloin
d’être parfaite.
Dans nosefforts,
souventtâtonnantes
ettoujours longs,
pour isoler et
épurer
des variables fondamentalesparmi
les innombrables mais va-gues
idées
etconcepts
de lapsychologie
du sens commun, nous sommesproches
despremiers physiciens.
Mais nousdifférons
d’eux parl’étendue
destechniques
ànotre
disposition.
1En
effet,
les nouvellesréalisations électroniques -
enparticulier
lescalculateurs
extrêmement rapides -
nouspermettent
uncontrôle
des conditions ex-périmentales
et unecapacité
de calcul dansl’analyse. des données, incomparable-
ment
plus
vastes etplus pénétrants
que ceux dont devaient se contenter cesphy-
siciens. D’autre
part,
laplupart
desmathématiques
que nous utilisonsaujour-
d’hui étaient
pratiquement
inconnues ily a
trois siècles.DES APPLICATIONS 8 A
QUELLE
E PSYCHOI.OGIE??_
On utilise
aujourd’hui
lesmathématiques
dans certains secteurs du domainepsychologique,
y mais dans certains secteurs seulement. Eneffet,
pour laplus grande joie
de tous ceuxqui
ne voient pas d’un bon oeil lacomplexité
mathéma-tique
croissante de lalittérature psychologique,
d’immenses secteurs de la psy-chologie,
en recherche fondamentale comme en rechercheappliquée,
restentprati- quement
en marge de toute incursionmathématique.
Les seuls domainesimportants qui
aient été atteints sont ceux que l’on rassemble d’ordinaire sous la bannière de lapsychologie expérimentale.
Le terme depsychologie w’expérimentale"
estd’ailleurs
impropre,
car lechamp
des recherches o-ù l’onréalise
desexpériences dépasse
trèslargement
le domaineréputé expérimental.
Enfait,
on entend parpsychologie expérimentale
un ensemble de recherches de base sur des processuspsychologiques fondamentaux,
commel’apprentissage,
lasensation,
laperception
et la
motivation. Quant
à cequi constitue
lapsychologie
dans sonacception
courante
(c’est-à-dire
lapsychopathologie,
lapsychologie
del’enfant,
la psy-chologie
de lapersonnalité
et unegrande partie
de lapsychologie sociale ) ,
elle n’a pas subi d’ autrp s influences
mathématiques sérieuses
que celle de lastatistique classique.
On utilise enparticulier abondamment (sinon judicieuse-
ment)
lesépreuves
designification
au travers de toute lapsychologie. (Je
neparlerai
pasplus
ici durôle
desstatistiques
que de -celui des ordinateurs dans les recherches depsychologie.
Bienqu’ils -soient
tous de-uxextrêmement impor-
-jants,
et que, en un certain sens, l’ensemble -desmathématiciens
soit bongré
malgré inéluctablement impliqué
dans lesproblèmes qu’ils
ontenfantés,
nous nouscontenterons dans cet article
d’envisager
les seulesapplications
des mathéma-tiques).
Si nous limitons notre attention aux tentatives
d’analyse mathématique
desdonnées fournies par les
expériences
de laboratoiredestinées
à éclaircir les processuspsychologiques fondamentaux,
y nous devonspréciser
certainescaracté- ristiques
de cesexpériences
d’une incidence trèsimportante
sur les mathémati-ques que nous utilisons. Les
conduites~ observées
en laboratoire diffèrent sur un certain nombre depoints
des conduites de la vie courante. Eneffet,
bien que l’onpuisse
citer desexceptions,
y letemps
est enrègle générale
transformé envariable discrète dans les situations
expérimentales,
c’est-à-dire que l’ensem- ble desévénements
estorganisé,
d’unefaçon
ou d’uneautre;
en un certain nom-bre d’essais.
(Notre vécu quotidien
n’estévidemment
pasdécoupé
aussisoigneu- sement). Ainsi, la
situation stimulanteprésentée
ausujet (en fait,
lesujet
doit
prêter
attention non pas à l’environnement total mais à certains de ses as-pects seulement) lui
estgénéralement
fournie sous forme dephénomènes
disconti-nus et
répétés,
d’une nature ou d’une autre. D’autrepart,
lesréponses
dusujet, qui peuvent
être soit desréponses précisées
par laconsigne,
soit desréactions
observables
prévues
parl’expérimentateur,
y sontfréquemment limitées
à un ensem-ble discret
(fini
et restreint dans laplupart
descas).
Bien sûr ici encore ilest
possible
de trouver desexemples
naturelsanalogues,
y mais ils ne constituent certainement pas larègle générale.
Eneffet,
laplupart
des situations habi- tuelles sont difficiles à étudier parcequ’e-lles comportent
une certaine ouver-ture ou
liberté
desréponses.
Tandis que dans nos laboratoires la vie a été suf- fisammentappauvrie
pour que cequ’il
en restesupporte
les outilsconceptuels
que nous avons
prévus. Enfin,
les informationsrétroactives
et les issuesgrati-
fiantes ou
pénalisantes
d’uneexpérience
sont engénéral
discontinues et déli-vrées
ausujet immédiatement après
saréponse.
Cettecaractéristique
ne se re-trouve assurément pas dans la vie
moderne,
où rétroactions etrécompenses
nousapparaissent
continuellement avec des délaisappréciables,
leplus
souvent d’ail- leurs defaçon
diffuse.(Pour plus
de détails sur cetype d’expérience
voir~~~ ) .
Il n’est
donc
pas douteuxqu’il
existe desdifférences significatives
entreces
expériences
delaboratoire
que l’on s’efforce de concevoir en termesmathé- matiques
et notrecomportement quotidien.
Biensûr,
laplupart
despsychologues espèrent
que les faits et loisdécouverts
au moyen deplans d’expérience limités
et souvent artificiels serviront un
jour
à mieuxcomprendre
descomportements
socialement
signifiants,
mais lesdifférences considérables qui
existent entreces deux
types
de conduites constituent uneâpre vérité
que l’on nepeut nier,
dans la mesure où les
ponts qui
devraient lesrejoindre n’apparaissent
pas chosefacile à construire.
Les raisons essentielles du
caractère
abstrait del’expérimentation
ne sontpas
d’origine mathématique,
bien que lavulgarisation
desmathématiques élémen-
taires
parmi
lesscientifiques
ait pu avoir un certain retentissement sur la miseau
point d’expériences.
Enfait, généralement,
y ce sont lesexpérimentalistes
eux-mêmes qui
ontimposé
cesexigences
de discontinuité dutemps,
desstimulus,
y desréponses
et des issues. Et ceci pour que1)
onpuisse réaliser
desexpériences
dedurée raisonnable,
et que2)
onpuisse
recueillir les résultats defaçon
fidèleet
compatible
avec certainstypes d’analyse.
11 Il est d’ailleurs assez troublant de constater que laplupart
des faits etgestes
d’un chercheur de laboratoire lui sontimposés
par desproblèmes
de recueil etd’analyse
dedonnées.
Du
point
de vue dumathématicien,
cette manièred’agir
a pourconséquence
due limiter
quelque
peu le genre demathématiques qu’il peut
utiliser efficacement.Les
mathématiques
continues del’analyse classique
ne sont en effet passpécia-
lement bien
adaptées
à ladiscontinuité
de laplupart
desexpériences
faites enpsychologie. Par exemple
y lesproblèmes psychologiques
sont rarement formuléssous forme
d’équations différentielles;
toutefois de telleséquations apparais-
sent accidentellement lors de la
résolution
d’un-problème posé
en d’autres ter-mes.
Mais,
dans la mesure où ils’agit
de- la formulation essentielle d’un pro-blème,
lesméthodes
fondamentales de laphysique classique
sont très peu utili-sées,
ou, si elles lesont,
ne conduisent que rarement à desrésultats intéres-
sants.00 LES NOMBRES FONT LEUR APPARITION
J’ai
été,
y en un sens, un peurapide
dans monexposé,
carparler
de formula- tion deproblèmes
en termesd’analyse classique
sous-entend que les variablespeuvent être représentées
sous la forme de nombres ou de vecteurs. Dans laplu- part
des, sciencesphysiques,
cela est considéré commeacquis,
y mais enpsycholo- gie,
y et defaçon générale
dans toute sciencecomportementale
ousociale,
l’in-troduction de nombres
qui
veuillent direquelque
chose est un desproblèmes
lesplus compliqués. Peut-être
ne faut-il pas que, esclaves d’unehabitude,
nous-
nous efforcions d’introduire des nombres
partout;
d’ailleurs il sepeut qu’en définitive,
la matière surlaquelle
nous travaillons nousimpose
d’autres re-présentations mathématiques.
Mais dansl’état
actuel deschoses,
nous nous sen-tons
plus
ou moinsimpuissants
tant que nous n’avons pas dereprésentations
sca-laires ou vectorielles à notre
disposition.
Enfait,
nos efforts pourreprésen-
ter avec des
nombres
certaines notionspsychologiques
ne sont vraisemblablement pascomplètement
absurdes. Biensûr
la nature vectorielle ou scalaire des varia- bles que nous utilisons estbeaucoup plus
douteuse que pour des variables commela masse, la
vitesse,
etc...Cependant
desconcepts
comme ceux d’utilité d’un articlecommercial, d’intensité
perçue d’un son ou d’unelumière (notions
sub-jectives qui correspondent
à peuprès
aux attributsobjectifs ~de
valeur moné-taire et
d’énergie acoustique
oulumineuse),
semblent tous d’une nature inten- siverappelant
leséchelles numériques utilisées
enphysique.
Les chercheurs enpsychologie mathématique
et domainesapparentés
consacrent actuellementbeaucoup
d’efforts à
vérifier
la valeur de cetteanalogie,
ou, en d’autrestermes,
àpré-
ciser les cas où l’affectation de nombres à des stimulus ou à des
réponses
estjustifiée,
defaçon
àpouvoir
construire d’efficaceséchelles d’utilité,
de sen-sation,
ou deconcepts
similaires. C’est à dessein queje parle
"d’affectation de nombresjustifiée".
Lespsychologues qui. singeraient
la formeclassique
des pro-blèmes
dephysique
enénonçant:
suit Hi laquantité d’hostilité
que renferme lesujet i,
soitAij
laquantité d’agression manifestée par-i envers j, etc...,
fe-raient’un travail inutile
sinon
nuisible. Iln’y
a en effet à mon avis aucuneraison de supposer que l’une ou l’autre de ces
notions, l’hostilité
oul’agres-
sion
(ou
bien d’autres dumême genre)
constitue unequantité
scalaire. Entamerun
problème
de cettefaçon équivaut
à sedébarrasser
d’unepartie
trèsimportante
du-dit
problème.
Et danr l’état actuel de nosconnaissances, "supposer"
l’absenced’un
problème
de la mesure est de l’ordredue
la mauvaiseplaisanterie.
Chercher si nous pouvons raisonnablement
représenter
certainsconcepts
psy ~chologiques
defaçon numérique,
constitue donc l’une de nospréoccupations
es-sentielles. Cette
représentation
est en faittentée
par deuxapproches princi-
pales :
l’une utilise desconcepts probabilistes,
et asuscité
laplupart
desdéveloppements
de lapsychologie mathématique; l’autre,
dont lerôle
aété
bienplus accessoire,
tache de se constituer en unedémarche plus
fondamentale. C’est celle-ci que nousenvisagerons
enpremier
lieu.LA
FONDAMENTALE
Lorsqu’on
examine lesthéories
de la mesure(1)
enphysique,
parexemple
ensuivant le
plan
del’ouvrage
de N.R.Campbell [6] ,
on trouve une distinctiontrès importante
entre mesure fondamentale et mesuredérivée.
Lacaractéristique
essen-tielle de la mesure fondamentale est que les
hypothèses
que l’on y fait ne con- cernent que des observationsqualitatives:
les axiomesthéoriques
sontvierges
detout nombre. A
partir
de ceshypothèses’,
ondémontre
l’existence d’unereprésen-
tation
numérique
des observations. Les axiomess’appliquent
à desqualités
ob-servables,
telles que l’inclinaison du fléau d’une balancelorsque
desobjets
sont
placés
sur sesplateaux.
Lesystème
leplus
connu,appelé système
de mesureextensive,
fut mis aupoint
pour rendrecompte
des mesures de masse, delongueur,
yetc... Il
comprend
un ensemblel1 d’objets
à mesurer, uneopération
binaire ode "combinaison"
ou "concaténation" (2)
de deuxobjets quelconques déll
en untroisième,
et uneordination >
en "non moindre que surIl
dutype
de celleéta-
blie par l’inclinaison d’une balance. Voici
quelques
axiomestypiques:
si a et bappartiennent àll ,
alors a o bappartient
aussiàft ;
larelation? ’est
une or-dination faible
de Il ;
si a >,b,
alors a o b > b o c pour tout c etc..."’
Finalement,
onénonce
un ensembled’axiomes qui
suffisent à fonder unthéorème
dereprésentation
etd’unicité
dutype
suivant. Il existe une fonctionfl- R
(nombres réels)
telle quei : a ~ b
(qualitativement)
si et seulement si4> (a) >, ~ (b) (numériquement)
ii : pour tout a, b de
(a
ob)
=l# (a) + 4> (b)
iii :
si #
1 sont deux fonctionsqui
satisfonttoutes deux
(i)
et(ii),
alors il existe uneconstante
positive
a tellea 4l c’ e st-à-
dire que la
représentation
estunique
à une trans-formation de similitude
près,
ou, pouremployer
lelangage
de lathéorie
moderne de la mesure, y que la variableétudiée peut être représentée
sous la for-me d’une
échelle
derapports.
Il serait
très
commode pour lapsychologie
dedisposer
d’unethéorie
analo-gue dans
laquelle
les axiomes se trouveraientêtre
despropositions empiriquement vérifiables
concernant lecomportement
desujets
humains ou animaux. Malheureuse-ment,
on nepeut apparemment
pasréinterpréter
defaçon simple
les axiomes d’unemesure extensive en termes
psychologiques.
Car s’il est facile de donner des in-terprétations psychologiques sensées
de.n etde>, ,
il estbeaucoup
moinsaisé
detrouver une
signification
naturelle àl’opération
deconcaténation.
Le fait que(~)
Nous traduisons le terme "measurement theory" par "théorie de la mesure", le contexte écartant toute confusion avec la’théorie de la mesure classique des mathématiques appelée enanglais
"measure theroy".
(N.d.T.).
(2)
Nous avons respecté le mot "concatenation" du texteoriginal
bien que l’expression "loi de composition"soit plus conforme à laterminologie
habituelle(N.d.T.).
nous n’arrivons pas à trouver des
interprétations
d’une mesure extensive pui soientempiriquement vérifiables
alors que nous sentons fortement que la mesurefondamentale doit
être possible,
nous aobligé
àreconsidérer
certaines desidées
deCampbell ~28~ .
Celui-ci semblaitconsidérer
que mesure fondamentale est syno- nyme de mesureextensive,
c’est-à-dire d’urisystème
aboutissant aux trois asser-tions ci-dessus. Il est
généralement
admisaujourd’hui
queCampbell
setrompait
sur ce
point.
J’aipersonnellement proposé
deconsidérer
la mesure fondamentalecomme
impliquant
unsystème d’axiomes, système
construit sans aucuneréférence
aux nombres
réels, système
d’autrepart
admettant unereprésentation empirique qui. pennett’e de vérifier
directement lesaxiomes, système enfin,
àpartir duquel il soit possible d’établir
unereprésentation numérique
de ses propreséléments
et relationsindéfinis,
y telle que la condition(i)
soitremplie,
que(ii)
soitremplacée
parquelque
conditionappropriée,
et que(iii)
soitlégèrement
affai-blie pour
être ramenée
à un autre groupe de transformations raisonnablement res-trictif,
parexemple
aux transformationslinéaires positives.
La mesure exten-sive est ainsi un cas
particulier
de la mesurefondamentale;
il y en a d’autres.La
plupart
desexemples
de mesure fondamentale non-extensive que l’onpeut
trouver
proviennent
de travaux mettant enjeu
despréférences, c’est-à-dire
d’un domainequi
concernel’économie
et lastatistique
aussi bien que lapsychologie.
Les
premières
recherches de cetype
se sontdéveloppées
sousl’impulsion
des tra-vaux de von Neumann et
Morgenstern [33]
relatifs àl’hypothèse
del’utilité
at-tendue. En
fait,
lathéorie
de ces auteurs n’est pas unexemple
de mesure fonda- mentale(car d’établissement
des axiomes faitappel
à desprobabilités),
mais lagénéralisation
deSavage [2~
enest un (elle
assuremême simultanément
une mesurefondamentale de l’utilité et une mesure fondamentale des
probabilités subjecti- ves). Suppes
et ses collaborateurs’roi reprenant
uneidée
duphilosophe Ramsey
~24~ ,
ont mis aupoint
pour la mesure fondamentale del’utilité,
unsystème qui
se
distingue
de celui deSavage
par l’utilisation d’un seulévénement aléatoire.
Pfanzagl J23J
aproposé
une axiomatisation assezdifférente, qui comprend
essen- tiellement la notion de bissection de deuxstimulus,
etqui
serapproche
ainsibeaucoup
del’axiomatisation
des moyennesproposée
parAczél [1] .
Trèsrécem-
ment, Tukey
etmoi-mêrùe ’ [20]
avonsdéveloppé
unsystème
de mesure fondamentalebasé, principalement,
sur une ordination faibled’objets présentant
au moins deuxcomposantes indépendantes’."Si
nous cherchons dans le domainephysique
unexemple
concret
qui
satisfasse à nos axiomes tout enrespectant
les lois de laphysique classique,
onpeut imaginer
l’ordinationd’objets
selon leurmoment, contrôlée
par
exemple
à l’aide d’unpendule balistique.-Dans
ce cas les deuxcomposantes
del’objet correspondent
en utilisant des notionssimples,
à leur masse et à leurvitesse. Les
exemples psychologiques
que l’onpeut imaginer (on
n’a encoreréali-
sé
aucuneexpérience
dans cedomaine) comprennent
des ordinationssubjectives
destimilus
ayant
au moins deux dimensions. Unexemple pourrait
consister à fairechoisir des rats entre deux
issues,
ycomposées
chacune d’une certainequantité
denourriture
couplée
avec un chocélectrique
d’une certaineintensité.
Nous avonsmontré
que si l’ordination satisfait à certains axiomes"raisonnables",
il existeune
représentation numérique,
additiveau niveau
descomposantes
etunique
àune
transformation
linéaire positive près. Lorsque
les deuxcomposantes
sont identi-ques, on
peut considérer
lathéorie
de la mesure extensive comme un casparticu- lier, qui nécessite l’adjonction
d’un axiomesupplémentaire (faisant appel
àl’existence d’un
objet nul).
Les travaux que nous
avons passés
en revue, travauxqui je crois,
y auront àterme une certaine
importance
dansl’établissement
des variables de base dela psychologie,
ne constituentqu’une
toutepetite partie
des recherchespoursui-
vies en
psychologie mathématique.
,Dans laplupart
descas , l’hxteBtvention
1e s nom-bres
est
toutautre, quelque
peuanalogue d’ailleurs à
la Mesuredérivée"
deCampbell.
Dans le domaine
physique,
ladensité
et les moments constituent desexemples ty- piques
de mesuredérivée.
Ces mesures sont en effetexprimées à
l’aide de deuxquantités (ou plus) qui
ontdéjà
faitl’objet
d’une mesure fondamentale.Mais
ceconcept
de mesuredérivée
devraitêtre légèrement élargi
pourpouvoir s’appliquer
à
l’ensemble de notredomaine;
c’estpourquoi je
nereprendrai
pas cetteidée
par la suite..
LES MODELES PROBABILISTE
’
Les
fréquences relatives
deréponses
et lestemps qui s’écoulent
avantl’ap- parition
deréponses
constituent lesprincipales
sources de nombres pour laplus grande partie
de lapsychologie mathématique.
Lesfréquences
relatives derépon-
ses,
qui
sont de loin letype
de mesure leplus utilisé,
sontconsidérées
commel’estimation des
probabilités
conditionnellescorrespondantes.
On est ainsi direc- tementamené
às’intéresser
à desthéories probabilistes
ducomportement.
Cesthéories sont,
sur leplan conceptuel, distinctes,
etmême
souvent trèsdifféren- tes,
desthéories
admises enstatistique
comme fondant les tests designification,
les
analyses
devariance,
etc...Une
intéressante
controverse(qui
n’est que trèspartiellement publiée)
a puse
développer
ausujet
dubien-fondé
desmodèles probabilistes
enpsychologie.
Certains
psychologues s’inquiètent
de lagénéralisation
desthéories probabilis-
tes car, font-ils remarquer, y ces
théories
sont toutdisposées
àintégrer
nosconfusions,
y ommissions ou erreurs demanipulation,
dans cequi prétend être
unedescription
ducomportement
dusujet. Mais,
dans la mesure où il est très diffi-cile de
définir
avecprécision
les conditions danslesquelles
il estlégitime
deconsidérer
unorganisme
comme unmécanisme probabiliste, l’intérêt
de ces criti-ques est’ difficile à
apprécier
auxyeux- de beaucoup
d’entre nous. D’unefaçon
oud’une
autre,
y nous devonscompter
avec le fait que,même
dans une situationexpé-
rimentale
soigneusement contrôlée,
y aucun dessujets
nerépondra
defaçon
inva-riàble
à jla présentation répétée
d’un stimulus et d’une issuepourtant toujours
semblables. Le
procédé
utilisé enphysique classique qui
consiste àajouter
à unmodèle déterministe
une touche dela.théorie probabiliste
des erreurs, y nes’est
en
général
pas révélé très efficace. Les conduites humaines ou animales semblenten effet mettre en
évidence
une structureprobabiliste trop complexe,
pour pou- voirêtre épuisée
par des modèlesdéterministes ùgrémentés
d’unemarge
de faitsaléatoires répartis de façon plus
ou moinsrégulière.
C’estpourquoi,
nous sommessi nombreux à avoir été conduits à étudier des modèles
probabilistes.
C’est enconnaissance de cause que
je
dis que nous y avons étéconduits,
y car, pour mapart
en tous
cas, j’étais
àl’origine
trèsréservé
à,l’égard
de ces modèles.Quelques exemples
nouspermettront
d’illustrer le genre demathématiques utilisées
danscette
approche.
LES MODELES D’APPRENTISSAGE
Considérons
d’abord une situation"d’apprentissage simple".
Il faut entendrece terme avec une certaine
liberté,
car laplupart
desexpériences d’apprentissage
n’ont
qu’un rapport
assezéloigné
avec ce que l’onappelle
ordinairement appren-à savoir: une
acquisition
deconcepts,
deconnaissances,
ou desymboles.
En
fait,
y la situationtypique
àlaquelle
on soumet lesujet,
est une situation de choixrépétés,
danslaquelle
lesréponses
sontrécompensées
defaçon différen-
tielle. Onétudie
alors dans ledétail,
yl’évolution
des choixeffectués
par lesujet
à mesure que sedéroule
devant luila distribution
desrécompenses.
Sicette
évolution
se faittrop rapidement,
onréorganise l’expérience
et on ralen-tit suffisamment
l’évolution
pourpouvoir
observer ledéveloppement
de ce com-portement transitoire. l
Leproblème
consistealors,
y en la formulation des lois selonlesquelles
lesprobabilités
desréponses changent
d’un essai àl’autre,
enfonction des
événements enregistrés
par lesujet aic c*otirs
del’expérience.
On a
proposé plusieurs théories, qui suscitent’
actuellement des recherchesimportantes; j’en
mentionnerai trois. Lapremière, désignée
par le nom dethéorie
del’échantillonnage du
stimulus est dueprincipalement à W.K.
ESTES( LZO~ ;
ré-sumé
en[3] ).
Cettethéorie postule
unmécanisme
selonlequel
lesujet
extrairaitde
l’environnement,
des ’"échantillons"
d’indicesqui
seraientchacun
"condition-nés"
ou"reliés"
àdes réponses particulières;
le choix d’uneréponse
àpartir
des indices
sélectionnés étant décrit
par unerègle
dedécision. Ensuite,
y selonl’issue
qui apparaît,
le conditionnement reliant indices etréponses
se modifie-rait en
conséquence,
Cesmécanismes appellent
l’utilisation deschaînes
de Markov pourdécrire
les modifications desprobabilités
desréponses;
et l’onpeut
consi-dérer
que l’ensemble de cettethéorie,
biendéveloppée aujourd’hui,
estimpli- qué
ici. On s’estbeaucoup penché
sur ledétail
despropriétés séquentielles
desréponses qui
constituentvéritablement
unproblème très complexe;
et laprécision
avec
laquelle
certainsmodèles rendent compte
desdonnées
dans leurssubtilités
est vraiment
étonnante . -
Les
hypothèses
de la secondecatégorie
demodèles d’apprentissage,
sepla-
cent
d’emblée
au niveau duchangement
desprobabilités
desréponses,
d’un essai à l’autre. BUSH et MOSTELIER[5]
parexemple,
ontétudié
les processusstochastique
1engendrés
par desopérateurs linéaires indépendants
dupassé (1 ) ~
et par la suite divers auteurs ontconsidérablement approfondi
la connaissance que nous pouvons avoir de cetype
de processus(voir [27[ ).
Sipn (r) représente
laprobabilité
dela
réponse
r à l’essai n,l’hypothèse
faite alorsest, que
où
e et À sont des constantesqui dépendent
de laréponse
et de l’issue apparues à l’essai n. Lalinéarité
dumodèle
estévidente.
Soncaractère d’indépendance
àl’égard
dupassé signifie
que l’on faitl’hypothèse
quel’empreinte
de tout ledéroulement antérieur
du processus estparfaitement résumée
par laprobabilité
de
réponses pn (r)
et lesévènements
apparus à l’essai n. Cetype
de processusstochastiques
non-stationnaire est relativementcompliqué,
et on neconnaît bien,
en
fait,
quequelques
cassimples.
C’est ainsi que bien que l’onsache,
y par exem-ple, qu’il
existe une moyenneasymptotique,
nous n’ avons ~d’ e lle aucune expres- sionexplicite
dans le cas, trèsgénéral,
y d’une situation à deuxréponses.
Les
modèle s
deréponses commutatifs, que j’ai étudié
en cons-tituent une autre classe de
modèles d’apprentissage
avecindépendance
àl’égard
du
passé.
Ils sontreprésentés
dans leur forme laplus simple
parl’équation
(1JL Nous
traduisons "path-independant" par "indépendant du passé". On peut aussi utiliser dans. cette optnque
l’épithète
°’markovien" mais il faut alors préciser que cecin’implique
pas quenous ayons affaire à un processus markovien au niveau des réponses observables
(N.
duT.).
où f
est
unetransformation
strictement monotone de l’intervalle(0, 1)
etune constante
positive dépendant
de laréponse
et de l’issue à l’essai n. La forme del’opérateur
montre clairement lecaractère
à la foisindépendant
dupassé
et commutatif de cette classe demodèles.
Enutilisant
deséquations
fonc-tiQnnelles.
on a pu formuler desrésultats
assezgénéraux
relatifs à cetype d’opérateur. ACZEL,
enparticulier
dans sonrécent
ouvrage sur leséquations
fonctionnelles
C2 ~
en exposequelques-uns.
Une fois que l’on a
formulé
u.nmodèle stochastique d’apprentissage,
ilreste à trouver des
expressions explicites (c’est-à-dire calculables)
concernantses diverses
propriétés, expressions
que l’onpuisse
utiliser pourévaluer
desparamètres
àpartir
desdonnées
etjuger
del’adéquation
dumodèle. Moyennes asymptotiques, variances, prédiction
du nombre de fois où une certaineréponse
sera
choisie, prédiction
du nombre deséquences
deréponses
d’une certaine lon-gueur
etc... ,
constituent despropriétés typiques.
Dans le cas d’unmodèle
li-néaire.
il est courantd’établir l’expression
manifeste de la variablealéatoire recherchés,
et de calculer ensuite sonespérance
àpartir
de la structure duprocessus
décrit
par le modèle.Lorsque
cette méthoderéussit,
on le doitprin- cipal ement
au f a,it que lesopérateurs
sontlinéaires:
car cela neréussit
prartiquement jamais
avec desmodèles
non 1 inéai.res. Dans le cas desmodèles
corrgnu-tatifs,
il estpossible d’établir
et derésoudre
deséquations
fonctionnelles au niveau de certainespropriétés remarquables (voir [13]
et[29]).
On a obtenu certainsrésultats asymptotiques
en utilisant unetechnique reposant
sur deschaînes
s d’ordre infini1 15].
,Bien que l’estimation de
paramètres
et la mise àl’épreuve
del’ajustement
soient des
problèmes
que toute théorie rencontrelorsqu’elle
est confrontée auxdonnées,
y cesproblèmes
deviennentparticulièrement importants
etgênants
dans lecas des processus
stochastiques appliqués
àl’apprentissage.
Eneffet,
lesproblè-
mes
mathématiques
secompliquent très
souventlorsque
l’on recherche des estima- tionsoptimal,
et on a pu montrer que même desprocédures très simples
conduisaientparfois à
desconfusîons
et à desinterprétations erronées
desdonnées ~27j.
Cedernier
point interfère
avec laquesti on
del’adéquation
d’unmodèle
à un ensem-ble de
données, question qui
n’est encore pas dru, tout clairement fonnulée. Cer- tainesévaluations
ont étéfaites,
laplupart
’’ad hoc" etintuitivement,
maisbien que tout le monde reconnaisse que ces tentatives ne sont pas vraiment
satisfaisantes,
lalittérature statistique
semble êtretrès
pauvre à cesujet.
Ily a là pour
qtielqueun ayant
de solidesdispositions
pour lastatistique,
etattiré
par des
problèmes complexes,
non encorefonmulés,
matière à untrès intéressant
travail. ®
,
LES MODELES DE COMPORTEMENT DE CNOIX
Les
études expérimentales
descomportements
de choixprésentent
uneparticu-
larité
intéressante:
les issues et les stimulus de la situationexpérimentale
constituent un sr il
ensemble,
ou deux ensemblesextrêmement proches.
Achaque
essai onprésente
ausujet
un ensembled’issues possibles panni lesquelles
ildoit choisir. En retour
apparaît
l’issuechoisie,
oubien,
dans le cas de la si-tuation. dite de "choix avec
risque",
une issuequi
estdéterminée
par unsystème pro bab.il iste, int eimédi
ai re.Les statisticiens et lés