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Mathieu Kint
To cite this version:
et
Table des matières 5
Introduction et motivations 7
1 Structure de la silice vitreuse . . . 7
2 Anomalies élastiques . . . 8
3 Compression sous gaz neutres . . . 11
4 Plan du manuscrit . . . 14
1 Comportement poroélastique étudié par diffusion Brillouin 17 1 Diffusion Brillouin de la lumière . . . 17
1.1 Ondes acoustiques dans les milieux isotropes . . . 17
1.2 Diffusion Brillouin . . . 18
1.3 Spectrométrie Brillouin . . . 21
1.4 Dispositif hautes pressions . . . 25
1.5 Conditions de mesures et analyse . . . 28
2 Silice sous pression d’hélium . . . 34
2.1 Fréquence et largeur Brillouin . . . 34
2.2 Indice de réfraction . . . 37
2.3 Vitesses acoustiques . . . 38
2.4 Variations de volume . . . 40
2.5 Estimation de la quantité d’hélium adsorbée . . . 41
2.6 Modules élastiques . . . 43
3 Silice sous pression de néon et d’argon . . . 46
3.2 Vitesses acoustiques . . . 47
3.3 Quantité de néon adsorbée . . . 49
3.4 Modules élastiques . . . 49
4 Cinétique d’adsorption du néon dans v-SiO2 . . . 50
4.1 Déformation induite par l’adsorption . . . 50
4.2 Observation du front d’adsorption . . . 51
4.3 Adsorption - désorption étudiée par diffusion Brillouin . . . 52
5 Application de la poromécanique à la silice . . . 57
5.1 Modèle poroélastique . . . 58
5.2 Simulations moléculaires . . . 62
5.3 Résultats et discussion . . . 63
6 Résumé - Conclusion . . . 66
2 Étude de la silice sous pression par spectroscopie Raman 69 1 Spectres de vibration de la silice . . . 69
2 Conditions expérimentales et analyse des données . . . 73
2.1 Spectrométrie Raman . . . 73
2.2 Spectres typiques et analyse des données . . . 77
3 Résultats et discussion . . . 87
3.1 Bande R et distribution de l’angle inter-tétraèdre . . . 87
3.2 Modes polaires TO2 et TO3 . . . 90
4 Résumé . . . 92
Conclusion 95 A Effets cinétiques dans le néon observés à différentes pressions 97 1 Adsorption-désorption à 1,2 GPa . . . 98
2 Adsorption à 2,0 GPa . . . 99
3 Adsorption-désorption à 4,2 GPa . . . 100
B Spectres Raman réduits de v-SiO2 sous pression d’argon et d’hélium 101
Bibliographie 117
FIGURE 1: Quelques exemples d’utilisation du verre. – (a) Mairie de Londres et
1
Structure de la silice vitreuse
Dans le travail présenté dans ce mémoire, nous nous intéressons à la phase vitreuse de l’oxyde de silicium, v-SiO2, communément appelé verre de silice ou silice vitreuse.
Un verre est défini comme un solide non-cristallin qui présente le phénomène de tran-sition vitreuse [1] qui désigne la transformation réversible de l’état de liquide visqueux à l’état solide. Le figeage du liquide surfondu implique la conservation d’un certain désordre atomique à l’état solide. C’est pourquoi, à la différence des matériaux cristal-lins, les verres ne possèdent pas d’ordre topologique à grande distance. La description de l’ordre structural dans les verres se limite aux courtes distances et peut être éten-due aux distances intermédiaires. Le verre de silice possède une structure tétraédrique dans laquelle les polyèdres SiO4forment un réseau aléatoire tridimensionnel et continu
en étant reliés entre eux par des atomes d’oxygène pontants [2]. Les tétraèdres SiO4
sont les unités structurales rigides qui permettent de décrire la structure à courte dis-tance (disdis-tances Si-O et angles O-Si-O). A moyenne disdis-tance, l’ordre peut être décrit à l’aide des liaisons inter-tétraédriques Si-O-Si et des anneaux formés par les tétraèdres (conformation, taille, etc). La figure 2-a montre deux tétraèdres SiO4 reliés entre eux
FIGURE2: (a) Structure locale du verre de silice : unités structurales tétraèdriques SiO4
de la silice vitreuse [6]. – (b) Portion du réseau de la silice vitreuse qui présente un anneau de six et deux anneaux de cinq [3].
Distance (Å) Angle (˚) Si-O O-O Si-Si Si-O-Si O-Si-O
1, 6 2, 6 3, 2 145 ± 12 110 ± 5
TABLE 1: Caractéristiques de l’ordre à courte et moyenne distances de la silice [4,5].
2
Anomalies élastiques
Les propriétés élastiques de la silice présentent des anomalies de comportement en fonction de la température T et de la pression P , connues depuis longtemps mais dont l’origine est encore discutée à l’heure actuelle [7]. Par exemple, on montre dans la figure 3-a l’évolution de la vitesse longitudinale non-relaxée v∞ de la silice vitreuse en
fonc-tion de la température. v∞(T ) est obtenue en soustrayant les contributions dynamiques dépendantes de la fréquence à la vitesse mesurée [8]. On observe une forte augmen-tation de v∞ à partir de 100 K qui traduit un raidissement anormal de la structure de
v-SiO2, contrairement à ce qui est observé dans la majorité des solides pour lesquels
v∞ est indépendante de T . Cette anomalie est en fait commune aux verres à structure
tétraédrique comme GeO2 ou BeF2 [6,9]. On montre dans la figure 3-b l’évolution de
vitreuse. Contrairement à la plupart des matériaux, le verre de silice présente une com-pressibilité qui commence par augmenter jusqu’à un maximum au voisinage de 2 GPa avant de diminuer. Cela signifie que le milieu devient plus souple dans les premières étapes de la compression avant de raidir. Ce comportement est lui aussi partagé par la plupart des verres dont la structure locale repose sur l’agencement de tétraèdres, mais aussi par les verres silicatés formés par l’association avec d’autres oxydes comme le verre à vitre [10].
FIGURE 3: (a) Vitesse longitudinale non-relaxée de la silice en fonction de la
tempé-rature à différentes fréquences [6]. – (b) Compressibilité de la silice en fonction de la pression à la température ambiante [11,12].
FIGURE 4: (a) Module de compression et densité de la cristobalite en fonction de la
pression [13]. La phase basse température α est caractérisée par une densité plus forte et un module de compression plus faible que la phase β. – (b) Coefficient de compressi-bilité de six échantillons numériques de silice fabriqués avec différents potentiels [16]. L’augmentation de la compressibilité avec la pression est associée à la relaxation de la structure de v-SiO2.
de phase [13]. On observe que la phase α de la cristobalite a une masse volumique plus forte et un module de compression plus faible que la phase β. La transition α-β s’opère par une symétrisation des anneaux de six oxygènes associée à une rotation coopérative de 90˚ des liaisons pontantes Si-O-Si autour de l’axe Si-Si qui a pour effet d’augmenter le module de compression et de diminuer la densité. Au cours de cette transformation, les angles et les longueurs des liaisons demeurent inchangés. L. Huang et J. Kieffer ont montré qu’on observe aussi ces rotations abruptes de 90˚ des liaisons Si-O-Si dans des échantillons numériques de verres de silice. Dans ce cas, les rotations sont isolées et indépendantes les unes des autres au lieu d’être étendues et coopératives comme dans la cristobalite. La structure du verre s’accommode d’un changement de volume, imposé par une variation de température ou de pression, en effectuant ces rotations localisées. Du fait du désordre, la rotation des liaisons pontantes Si-O-Si se produit pour des va-riations de volume différentes en divers endroits dans le verre, ce qui implique que la transformation est progressive. Des résultats similaires ont été obtenu par Y. Liang et
al. [15] à l’aide de simulations par dynamique moléculaire utilisant un potentiel
Une autre interprétation plus générique repose sur des arguments de flexibilité du réseau vitreux de la silice qui entraîne l’existence de modes mous («floppy modes» en anglais) [17]. Les modes mous mettent en jeu des déformations à faible coût énergé-tique d’unités structurales rigides telles que les tétraèdres SiO4[18]. Ces modes peuvent
se propager par la rotation de ces unités les unes par rapport aux autres sans dis-torsion. Il s’agit des homologues des modes d’unité rigide (ou RUMs pour Rigid Unit
Modes) qui existent dans les cristaux formés de réseaux tridimensionnels de groupes
polyédriques d’atomes (tétraèdres SiO4, octaèdres TiO6, etc). Un RUM est une vibration
qui implique un mouvement du polyèdre (translation ou rotation) sans distorsion de celui-ci. Le mode mou des transformations de phase displacives dans les silicates peut s’expliquer en terme de RUMs. Dans ce contexte, le maximum de compressibilité de v-SiO2 s’explique par la facilité d’accommoder un changement de volume par les
défor-mations mises en jeu dans les modes mous. Cela se produit dans une zone de pression intermédiaire comme illustrée dans la figure 4-b. Les auteurs de cette interprétation surnomment ce phénomène l’hypothèse de flexibilité [16].
3
Compression sous gaz neutres
Il a été découvert récemment qu’en réalité la compressibilité de v-SiO2 dépend de
Les résultats de T. Sato et G. Shen sont en fait très surprenants car ils semblent mon-trer un très fort raidissement de v-SiO2 sous pression d’hélium. En effet, il est possible
d’estimer le module de compression B à partir des variations de volume mesurées : χ = B−1 = −1 V ∂V ∂P T (1) A la pression ambiante dans le cas du ME4:1 on retrouve la valeur bien connue d’environ 36 GPa du verre de silice. Dans le cas d’une pressurisation dans l’hélium, les variations de volume montrées dans la figure 5-b indiquent que le module est plus de trois fois plus grand, de l’ordre de 113 GPa à la pression ambiante. Cet écart très important peut laisser penser qu’un nouveau verre extrêmement plus raide serait synthétisé dans cette expérience. Ces résultats étonnants nous ont incités à étudier de manière directe l’élasti-cité de la silice sous pression d’hélium et d’autres gaz rares en mesurant directement les vitesses acoustiques de la silice par spectroscopie Brillouin. Les résultats de cette étude sont présentés dans la première partie de ce mémoire.
La solubilité de l’hélium dans la silice vitreuse a été étudiée dans les années 1970, notamment par J. E. Shelby et J. F. Shakelford. Au voisinage de la pression ambiante la solubilité est simplement décrite par la loi de Henry C = SP , où S est la constante de solubilité, C la concentration de gaz dissout et P la pression du gaz en contact avec le solide. A plus haute pression, J. E. Shelby a montré qu’un modèle d’adsorption physique de Langmuir était mieux adapté pour décrire la solubilité de l’hélium et du néon dans la silice [23]. Dans ce modèle, les atomes du gaz sont adsorbés sur des sites considérés comme indépendants, tous équivalents, et n’interragissant pas avec la matrice vitreuse. La concentration s’exprime en fonction de la fugacité F du gaz comme :
C(F ) = SF NS NS+ SF
(2) où NSest le nombre de sites accessibles aux atomes de gaz. On montre dans la figure 6-a
FIGURE 5: (a) Clichés de microscopie optique in situ d’un échantillon de verre de
si-lice sous pression hydrostatique d’hélium (série I) et de ME4:1 (série II) à la pression ambiante et à 9 GPa. On observe une diminution du diamètre plus importante dans le cas du ME4:1 que dans celui de l’hélium. – (b) Variation du volume molaire de v-SiO2
en fonction de la pression pour deux milieux de pressurisation : hélium et ME4:1. Les mesures sont comparées à celles de C. Meade et R. Jeanloz [20] et de O. B. Tsiok et
al. [21]. (Figures extraites de [19]).
0,1 mole d’hélium par mole de SiO2.
interprétation, la saturation des sites d’adsorption serait obtenue à la pression d’environ 0,5 GPa dans le cas de l’hélium. On remarque que cela est incompatible avec les résultats de l’expérience de T. Sato et al. qui montrent que l’adsorption de l’hélium dans la silice semble se poursuivre jusqu’à au moins 10 GPa.
FIGURE 6: (a) Évolution de la concentration d’hélium dans la silice en fonction de
sa fugacité [23]. (b) Distribution de la taille des vides interstitiels dans la silice amorphe [25].
gaz diamètre atomique (nm) NS (mol/molSiO2) références
He 0, 256 1.10−1 [23,24]
Ne 0, 275 6.10−2 [23,24]
Ar 0, 341 5.10−3 [27]
TABLE2: Sites accessibles à l’hélium, au néon et à l’argon d’après le modèle d’adsorption
de Langmuir.
4
Plan du manuscrit
volume en fonction de la pression nous a permis d’évaluer les modules élastiques et la quantité d’hélium adsorbé en fonction de la pression. Nous montrons que l’anoma-lie élastique de la silice à 2 GPa est fortement affectée par l’adsorption d’hélium. Ces mesures sont étendues aux cas de la pressurisation sous néon et sous argon. Nous pré-sentons ensuite les résultats d’une étude cinétique de l’adsorption de néon. Enfin, la dernière partie du chapitre est consacrée à l’application de la poromécanique au cas de la silice vitreuse. Cette théorie a été développée pour décrire les propriétés élastiques de matériaux microporeux sous adsorption de gaz et nous montrons qu’elle était aussi applicable à un matériau dense comme la silice.
Comportement poroélastique étudié
par diffusion Brillouin
1
Diffusion Brillouin de la lumière
1.1
Ondes acoustiques dans les milieux isotropes
Dans un cristal, les vibrations des atomes sont décrites en termes d’ondes planes progressives auxquelles peuvent être associées des quasi-particules, les phonons [28,
29]. Ce formalisme ne s’applique pas aux milieux désordonnés, dépourvus de périodicité structurale. Toutefois le concept de phonon peut être conservé pour les vibrations de grande longueur d’onde, près de l’origine des branches acoustiques. La propagation des ondes acoustiques se fait par la déformation élastique du milieu supposé continu. Dans le cas des faibles déformations, on relie le tenseur des déformations εkl au tenseur des
contraintes σij par un tenseur de rang 4, selon la loi de Hooke :
σij = Cijklεkl (1.1)
où Cijkl est le tenseur des constantes élastiques. εkl s’exprime en fonction du
dépla-cement u et des coordonnées x, soit : εkl = 12
∂uk
∂xl +
∂ul
∂xk. L’écriture de l’équation du
dont la solution en ondes planes pour le déplacement s’écrit, à la position r et à l’instant t :
u(r, t) = u0e˙ı(q·r−Ωt) (1.3)
où u0 est l’amplitude du déplacement, q le vecteur d’onde et Ω la pulsation de l’onde.
Dans le cas d’un milieu isotrope, le tenseur se réduit à trois composantes non nulles dont deux seulement sont indépendantes : C11 et C44 (en notation de Voigt) avec
C12 = C11 − 2C44. La résolution de l’équation d’onde conduit à trouver deux modes
de propagation distincts :
– un mode acoustique longitudinal (LA), polarisé suivant la direction de propaga-tion (onde de compression), avec la relapropaga-tion de dispersion Ω2
LA= Cρ11q2
– des modes acoustiques transverses (TA) dégénérés, polarisé perpendiculairement à la direction de propagation (onde de cisaillement), avec Ω2
TA= Cρ44q
2.
On en déduit l’expression des vitesses en fonction des constantes élastiques et de la densité : vLA = s C11 ρ vT A= s C44 ρ (1.4)
où les modules élastiques C11et C44s’écrivent en fonction des modules de compression
B et de cisaillement G : C11= B + 4 3G C44= G (1.5)
1.2
Diffusion Brillouin
La diffusion Brillouin est le résultat de l’interaction cohérente d’une radiation inci-dente avec les vibrations acoustiques du milieu. La radiation inciinci-dente de pulsation ωi
et de vecteur d’onde kiinteragit avec le milieu et une radiation diffusée de fréquence ωd
et de vecteur d’onde kdest émise. En terme corpusculaire, la diffusion Brillouin est une
La cinématique de diffusion est représentée dans la figure 1.1. Les relations de conser-vation de la quantité de mouvement et de l’énergie s’écrivent :
ki− kd= ±q
~ωi− ~ωd= ±~Ω
(1.6) On parle de :
– processus Stokes quand il y a création d’un phonon, soit ωi > ωd,
– processus anti-Stokes quand il y a annihilation d’un phonon, soit ωi < ωd.
FIGURE 1.1: Processus de diffusion anti-Stokes (annihilation d’un phonon) et Stokes
(création d’un phonon).
Dans le cas d’une onde lumineuse incidente de longueur d’onde dans le vide λ0, on
a |ki| = 2πnλ0 où n est l’indice optique du milieu. L’énergie des phonons est négligeable
devant l’énergie de l’onde lumineuse, |ki| ≃ |kd|. Il en résulte un transfert d’impulsion
au phonon : |q| = |ki− kd| = 2kisin θ 2 (1.7) où θ est l’angle de diffusion (angle entre ki et kd). En diffusion Brillouin de la lumière,
on s’intéresse aux phonons acoustiques de fréquence angulaire Ω = vq où v est la vitesse acoustique longitudinale ou transverse. La spectroscopie Brillouin permet de mesurer la fréquence du phonon, appelée fréquence Brillouin :
νB = 2nv λ0 sin θ 2 . (1.8) Couplage à la lumière
couplage de la lumière avec les ondes élastiques est décrit par le tenseur des constantes photoélastiques de Pockels pijkl qui relie les variations de permittivité diélectrique aux
déformations du milieu. pijkl a les mêmes symétries que le tenseur des constantes
élas-tiques. L’intensité diffusée par les phonons polarisés suivant u0et se propageant dans la
direction q peut se mettre sous la forme [31] :
I(q, ω) ∝ h|eie′jpijklδu0kql|2i (1.9)
où e et e′ sont les vecteurs de polarisation des faisceaux respectivement incident et
dif-fusé.
Dans le cas d’un milieu isotrope, la diffusion Brillouin par les modes LA est entière-ment polarisée1 :
ILAVV ∝ |p12|
2
C11
et ILAVH= 0 (1.10)
alors que les modes TA diffusent de la lumière totalement dépolarisée et ne diffusent pas en rétrodiffusion : ITAVV = 0 et ITAVH∝ |p44| 2 C44 cos2 θ 2 (1.11) Fonction de réponse
Les ondes acoustiques qui produisent la diffusion sont créés par l’agitation ther-mique. Dans un système harmonique pur, la durée de vie des phonons serait infinie et donc leur atténuation nulle. Dans ce cas, la fonction de réponse serait un pic de Dirac à la fréquence Ω du mode. En réalité, les modes s’amortissent par des interactions an-harmoniques ou par couplage avec des mécanismes de relaxation [8]. On prend alors comme fonction de réponse celle d’un oscillateur harmonique amorti (DHO)2[32].
F (ω) = 1 π
ΓΩ2
(Ω2− ω2)2+ Γ2ω2 (1.12)
Le spectre obtenu est la somme de deux pics de largeur à mi-hauteur Γ :
1. H et V indiquent une polarisation linéaire respectivement dans le plan de diffusion et normale au plan de diffusion
– un pic à ω = +Ω qui correspond à la création du phonon de fréquence Ω, c’est la raie Stokes.
– un pic à ω = −Ω qui correspond à la destruction du phonon de fréquence Ω. C’est la raie anti-Stokes.
La largeur à mi-hauteur de la réponse spectrale traduit l’amortissement de l’onde acous-tique. L’atténuation de l’énergie de l’onde acoustique α s’écrit en fonction de la vitesse :
α = Γ
v (1.13)
Le frottement interne est défini comme l’inverse du facteur de qualité Q de l’oscillateur : Q−1 = Γ
Ω (1.14)
1.3
Spectrométrie Brillouin
Les interféromètres de Fabry-Pérot
La spectrométrie Brillouin s’appuie sur l’utilisation d’interféromètres de Fabry-Pérot. Il s’agit d’un dispositif d’interférences à ondes multiples [33–35]. Le plus commun est l’interféromètre de Fabry-Pérot plan (FPP). Il est constitué de deux lames parallèles qui délimitent une lame d’air d’épaisseur e et d’indice n. Les faces en regard sont planes et traitées pour avoir un coefficient de réflexion en intensité R élevé. Quand l’inter-féromètre est éclairé d’un faisceau parallèle, il y a création d’un système de franges d’interférences localisé à l’infini. Si on place une lentille convergente à la sortie du dis-positif, la figure d’interférences se présente sous forme d’anneaux concentriques dans le plan focal de la lentille. La fonction de transmission du FPP est une fonction d’Airy :
A(ν) = A0 1 + m sin2 φ2 (1.15) avec φ = 4πν c ne cos (i) et m = 4R (1 − R)2
où ν est la fréquence du faisceau incident monochromatique qui arrive sur les lames avec l’angle d’incidence i, A0 est la transmission maximale. La fonction d’Airy est
discret des fréquences νp = p2ne cos (i)c où p ∈ N est l’ordre d’interférence. Dans la
pra-tique, on travaille avec un faisceau quasi-normal aux lames, soit i ≃ 0. On définit l’inter-valle spectral libre (ISL) par l’écart ∆ν = c
2ne entre deux pics de transmission successifs.
L’interféromètre est caractérisé par sa finesse réflectrice FR qui mesure le rapport entre
l’ISL et la largeur à mi-hauteur δν des pics de transmission, FR = ∆νδν = π √
R
1−R. En
pra-tique, la finesse est limitée par les défauts de planéité des lames et la finesse effective est plutôt de l’ordre de FE ≈ 0, 7FR [34]. Le contraste d’un FPP est défini comme le
rapport de sa transmission maximale A0 par sa transmission minimale, C = 1+R1−R
2. On obtient un contraste d’environ 103 pour R = 0, 95, ce qui est généralement insuffisant
pour extraire le signal Brillouin de la diffusion Rayleigh élastique d’un échantillon. C’est pourquoi le FPP est souvent utilisé en plusieurs passages. Un inconvénient de l’interfé-romètre FPP est que l’amélioration de la résolution se fait au détriment de sa luminosité. En effet, pour améliorer la résolution, il faut réduire l’ISL donc augmenter l’épaisseur e. Dans ce cas, l’étendue du faisceau admis par le diaphragme explorateur du FPP est réduite à cause de la diminution de l’angle solide collecté β = q λ0
FRe, ce qui conduit à
une perte de luminosité.
FIGURE1.2: Fonction de transmission d’un interféromètre de Fabry-Pérot et schémas des
cavités FPP (en haut) et FPS (en bas). δν est la largeur à mi-hauteur des pics de trans-mission, ∆ν l’intervalle spectral libre (ISL) et p l’ordre d’interférences constructives.
limi-tation. Il est constitué de deux miroirs sphériques concaves et confocaux comme illustré dans la figure 1.2 [33,36]. Le FPS possède les mêmes ISL, finesse et pouvoir de résolu-tion théorique qu’un FPP d’épaisseur double. Par contre l’étendue du faisceau utilisable est proportionnelle à l’épaisseur [36] et donc sa luminosité varie proportionnellement au pouvoir de résolution. L’inconvénient du FPS est que son épaisseur est imposée par le rayon de courbure des miroirs. Pour modifier la résolution, on doit remplacer les miroirs.
Le spectromètre Sandercock
Nous avons utilisé dans ce travail un spectromètre Brillouin mis au point et commer-cialisé par J. R. Sandercock3. Il est constitué de deux interféromètres FPP en tandem
utilisés chacun en trois passages. L’originalité du dispositif est liée en particulier à la disposition des deux interféromètres en tandem [37,38] :
– Les épaisseurs des deux interféromètres FPP sont légèrement différentes, telles que e1 = 0,95 e2. Cette relation est imposée par l’angle de 18˚ formé par les axes
optiques des deux FPP.
– Les translations des lames mobiles qui assurent la variation d’épaisseur des FPP sont solidaires. Les lames mobiles sont montées sur un plateau qui se translate le long de l’axe optique du FPP2 de telle sorte que ∆e1 = cos(18˚)∆e2.
L’instrument est réglé pour que les FPP soient tous les deux sur un maximum de trans-mission pour la longueur d’onde incidente λ0 du laser. Comme les ISL ne sont pas
iden-tiques, leur fonction de transmission ne sont pas exactement en phase et la fonction de transmission totale, A = (A1· A2)3 ne laisse passer que des résidus appelés ghosts. La
modulation de l’épaisseur e2 permet de faire apparaître la fonction d’appareil du
dis-positif au bout d’une période commune aux deux FPP. Cette période, qui est de 20e1,
définit un nouvel intervalle spectral libre dit apparent ∆νapp = 2ne20c1. Les avantages du
spectromètre de Sandercock sont les suivants :
– Le contraste effectif est élevé du fait des six passages. La fonction d’appareil est particulièrement fine et permet de distinguer les pics de diffusion proches du pic central.
– L’ISL apparent important permet d’éviter le phénomène de recouvrement des ordres. La fonction d’appareil est presque réduite à un pic unique à l’ordre où on effectue la mesure et les contributions qui proviennent des ordres supérieurs sont repousés au 20eordre.
Le spectromètre tandem FPP-FPS de très haute résolution
Par ailleurs, nous avons utilisé un spectromètre qui combine deux interféromètres FPP et FPS. C’est un dispositif unique à la fois à fort contraste et de très haute résolu-tion dont le développement technique est assuré au laboratoire par R. Vialla [39] sous la responsabilité scientifique de B. Rufflé. Ce spectromètre a été créé suivant une idée ori-ginale de R. Vacher et H. Sussner [40,41]. La figure 1.3 montre son schéma fonctionnel autour de deux éléments :
– Le signal diffusé par l’échantillon est envoyé sur le FPP qui joue le rôle de
mo-nochromateur. Cet interféromètre est utilisé en quatre passages pour augmenter
le contraste. On choisit son épaisseur pour qu’il soit passant (maximum de trans-mission) à la fréquence Brillouin à étudier. On atteint un contraste C ∼ 108 avec
un pouvoir réflecteur des lames R ∼ 0,827. Un asservissement du parallélisme et de l’épaisseur est nécessaire. Il est réalisé grâce à un signal annexe de référence dont la fréquence est proche de la fréquence Brillouin à étudier. Ce signal est produit par modulation électro-optique du faisceau laser incident dans un cristal de niobate de lithium (LiNbO3) à l’aide d’un générateur hyperfréquence réglé sur
la fréquence Brillouin à étudier. Ce dispositif monochromateur permet de sélec-tionner la bande de fréquences à étudier tout en filtrant fortement la majorité du signal élastique diffusé par l’échantillon.
APD-SPCM-AQR-16 (efficacité quantique Q=0,52 et bruit d’obscurité D=25) [6]. L’enchaînement des séquences d’acquisition du signal et de régulation de l’instru-ment est géré par un logiciel développé en langage C par R. Vialla.
FIGURE 1.3: Schéma fonctionnel du spectromètre Brillouin de très haute résolution
(SHR), d’après R. Vialla.
1.4
Dispositif hautes pressions
Cellules à enclumes de diamant
Les échantillons à étudier sont placés sous la pression quasi-hydrostatique d’un fluide à l’aide d’une cellule à enclumes de diamant (CED) de type Chervin. Le principe de fonc-tionnement est illustré par le schéma de la figure 1.4. Il s’agit d’un montage classique piston-cylindre où le piston est mis en mouvement à l’aide d’une membrane (non re-présentée sur le schéma). La membrane est remplie d’un gaz inerte sous pression de quelques dizaines de bars afin de pousser uniformément le piston vers la partie fixe de la cellule. Deux enclumes de diamant se font face, chacune fixée au piston et à la par-tie fixe. Ces enclumes viennent écraser un joint métallique dans lequel est percée une cavité cylindrique qui contient le chargement expérimental (fluide transmetteur de
pres-sion, échantillon à étudier et éventuellement échantillon servant de sonde de pression).
Comme l’illustre la figure 1.4 [42], l’augmentation de pression dans la chambre se fait par la réduction du volume de cette cavité.
diamètre) percées par électro-érosion dans des joints en rhénium ou acier inoxydable (travail réalisé par S. Clément). Nous avons monté des diamants de type I-a4 à seize
faces dont les dimensions sont les suivantes5: diamètre de 4,00 mm, table de 3,80 mm,
hauteur de 2,50 mm et culasse de 800 µm. Pour l’étude allant jusqu’à 13 GPa, nous avons utilisé des diamants de 400 µm de culasse et une chambre échantillon de 200 µm de diamètre pour 120 µm d’épaisseur.
FIGURE 1.4: Schéma de principe de la compression d’un échantillon avec une CED
(crédits : P. Gillet (2004) - Planet-Terre, ENS de Lyon - http ://planet-terre.ens-lyon.fr/article/cellule-diamant.xml [42])
Milieux transmetteurs de pression
Nous avons utilisé quatre milieux transmetteurs de pression : hélium, néon, argon et mélange alcoolique méthanol-éthanol 4:1 (ME4:1). Le ME4:1 est liquide à tempé-rature et pression ambiante. Il permet de maintenir dans la chambre une pression quasi-hydrostatique jusqu’à environ 10 GPa à 300 K où il se transforme en un solide mou [43]. L’argon se solidifie à basse pression, entre 1,2 GPa et 1,4 GPa, où il cristal-lise dans le système cubique et garde un caractère isostatique jusqu’à environ 20 GPa (l’écart à l’isostaticité est d’environ 0,1 GPa à 10 GPa) [43]. Le néon cristallise à 4,8 GPa à la température ambiante et conserve un très bon caractère isostatique jusqu’à environ 15 GPa. L’hélium cristallise à 12,1 GPa à 300 K avec un écart à l’hydrostaticité d’envi-ron 0,15 GPa seulement à 40 GPa. A la même pression, l’écart serait de 0,3 GPa dans
4. La classification des diamants est faite en fonction de la teneur en azote qui influence les propriétés optiques. Les diamants de type I-a contiennent 0,3 % d’azote. Ce type de diamant est caractérisé par une fluorescence bleu et une raie d’absorption étroite.
le néon. Le chargement de la chambre avec un liquide se fait simplement sous binocu-laire à l’aide d’une pipette. En revanche, il est nécessaire de condenser les gaz pour en remplir la chambre, soit à l’aide d’un compresseur soit en liquéfiant le gaz par refroidis-sement. Les chargements à l’hélium et au néon ont été réalisés par A. Polian à l’IMPMC à l’aide d’un compresseur (pression maximale de 2500 bar). Dans le cas de l’argon, nous avons utilisé la méthode cryogénique grâce à un dispositif développé au laboratoire par S. Clément représenté dans la photographie de la figure 1.5.
FIGURE 1.5: (a) Échantillon de v-SiO2 de 60 µm de grande dimension latérale chargé
sous 4,4 GPa de néon dans la CED. – (b) Exemple de spectre de fluorescence de rubis. Son ajustement par deux lorentziennes permet de mesurer λR1 à 694,59 nm. La pression
calculée est de 0,54 GPa pour λ0
R1 = 694,39 nm. – (c) Photo du dispositif de chargement
cryogénique pour l’argon.
Mesure de la pression
La pression dans la chambre est évaluée en mesurant in situ le déplacement d’une raie de fluorescence d’un rubis (AI2O3:Cr3+) de faible dimension (∼ 10 µm) placé à côté
de l’échantillon. Un signal de fluorescence typique est montré dans la figure 1.5. Il est constitué de deux raies de forme lorentzienne : R1 et R2. Le déplacement en longueur
d’onde, ∆λ = λR1 − λ 0
R1, de la raie la plus intense R1 varie avec la pression P suivant la
relation P = A/B h 1 + ∆λ/λ0
R1
de nanomètre d’un rubis à l’autre, d’où la nécessité de la mesurer à chaque nouveau rubis utilisé. Le signal de fluorescence est mesuré à l’aide d’un spectromètre Raman portable Ocean Optics HR4000 couplé à l’optique de collection de notre montage par fibre optique. L’incertitude sur P est de l’ordre de ± 0,1 GPa principalement à cause de la qualité de la focalisation du faisceau laser sur le rubis.
1.5
Conditions de mesures et analyse
Échantillons
Nous avons utilisé des échantillons de silice commerciale Suprasil F300 de la société Heraeus Quartzglass [46]. Il s’agit d’une silice synthétique de teneur en ions hydroxyles OH− inférieure à 1 ppm. Un rondin de silice est découpé à la scie à fil pour obtenir une
plaque d’environ 150 µm d’épaisseur. Celle-ci est ensuite amincie par polissage à l’oxyde de cérium jusqu’à environ 56 µm ± 1 µm. Cette plaque est ensuite brisée par choc pour obtenir des morceaux de dimension acceptable pour la CED, soit 100 µm environ de côté. Un exemple d’échantillon photographié dans la CED est montré dans la figure 1.5.
Géométries de diffusion
Les géométries de diffusion les plus courantes sont illustrées dans la figure 1.6 : diffusion à 90˚, rétrodiffusion (180˚) et diffusion en configuration dite plaquette. Les mesures Brillouin de haute résolution ont été effectuées au laboratoire en rétrodiffu-sion. D’autres mesures ont été réalisées avec un spectromètre Sandercock dans la confi-guration plaquette. Dans cette géométrie, la fréquence Brillouin s’écrit simplement en fonction de l’angle d’incidence externe i :
νB =
2v λ0
sin (i) (1.16)
permettant ainsi de s’affranchir de la connaissance de l’indice optique n de l’échantillon. La combinaison de la mesure Brillouin du mode LA en géométrie plaquette (p) avec celle en géométrie de rétrodiffusion (r) permet d’extraire l’indice de réfraction :
FIGURE 1.6: Géométries de diffusion couramment utilisées – (a) : 90˚; (b) : 180˚; (c) :
plaquette (figure extraite de [47]).
1.1.5.1 Configuration du Sandercock et exemple de spectre
Des mesures Brillouin de v-SiO2 en CED sous pression d’hélium et de néon ont
été effectuées par A. Polian en employant la configuration plaquette avec le spectro-mètre Sandercock de l’IMPMC. Le spectrospectro-mètre fonctionnait initialement avec un laser argon-ion monomode (λ0 = 514,5 nm) qui a ensuite été remplacé par un laser solide
(λ0 = 514 nm). Le faisceau principal est focalisé dans l’échantillon placé à l’intérieur
de la CED grâce à un objectif de microscope ×4. Le faisceau diffusé est collecté grâce à un second objectif photo Angénieux et envoyé vers le trou d’entrée du spectromètre. Nous avons travaillé avec une épaisseur e2 = 5 mm qui correspond à un ISL d’environ
29,97 GHz. Le temps de comptage d’un spectre est de l’ordre de 30 à 50 min.
La figure 1.7 montre un spectre typique de v-SiO2 sous pression de néon à 1,7 GPa.
On observe en plus du pic élastique central, deux ghosts ainsi que cinq doublets Brillouin : – Deux doublets proviennent des modes acoustiques longitudinaux (LA) et
trans-verses (T A) de l’échantillon de silice.
– Deux autres doublets proviennent du mode acoustique longitudinal du néon (Ne) qui sert de milieu transmetteur de pression. Pour ce mode, en plus du signal Brillouin diffusé à l’angle θ, on observe une seconde diffusion pour un angle de 180˚.
l’échantillon.
L’échelle en fréquence est construite grâce à un ajustement des ghosts par deux fonc-tions d’Airy connaissant l’épaisseur et donc l’ISL du spectromètre. On détermine la fré-quence des deux doublets Brillouin de Ne et de LA et TA de v-SiO2 par un ajustement
avec quatre DHO (sans convolution par la fonction d’appareil Lorentzienne). Dans ce cas, la forme spectrale n’est pas analysée car l’analyse est rendue difficile à certaines pressions par le recouvrement des modes de l’échantillon v-SiO2 avec ceux du fluide.
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FIGURE1.7: Spectre Brillouin typique de la silice sous pression de néon mesuré à 1,7 GPa
avec le Sandercock. Sont visibles : les raies Brillouin du néon (Ne), des diamants (D), des modes longitudinaux (LA) et transverses (TA) de la silice et les pics élastiques. L’intervalle de fréquences entre les ghosts et le pic élastique central correspond à l’ISL.
1.1.5.2 Configuration du tandem FPP-FPS et exemple de spectre
Nous avons réalisé des mesures Brillouin du mode LA de v-SiO2en CED sous pression
permet de contrôler l’angle de collection qui est de 314 mrad. L’épaisseur du FPP (uti-lisé comme monochromateur) est fixée à 1,5 mm, pour un ISL de 100 GHz. L’épaisseur du FPS (utilisé comme analyseur) est de 25 mm, ce qui correspond à un ISL d’environ 2,95 GHz. Sa finesse est de l’ordre de 70 et la largeur à mi-hauteur de sa fonction de transmission est d’environ 20 MHz. L’acquisition d’un spectre, d’une durée de 7 min environ, est répétée quatre à dix fois suivant la statistique.
La figure 1.8 montre le spectre obtenu pour le côté Stokes du mode LA de v-SiO2
sous 3,4 GPa d’hélium. On observe deux pics Rayleigh notés Rp et Rp+1 correspondant
aux ordres d’interférence respectivement 11 et 12 du FPS. Ces pics sont des résidus du signal élastique non filtré par le FPP. L’espacement des deux pics correspond à l’ISL du FPS (≃ 2,95 GHz). Nous avons superposé en pointillés le signal de référence produit par la modulation électro-optique, noté M. Il illustre la largeur de la fonction d’appareil et permet de réaliser l’étalonnage en fréquence de l’axe des abscisses. L’ordre d’inter-férence p auquel travaille le FPS est d’abord déterminé en prenant la partie entière du rapport νM
ISLFPS. Puis l’échelle en fréquence est construite grâce à un ajustement des pics
Rayleigh par une fonction d’Airy connaissant l’épaisseur et donc l’ISL du FPS.
FIGURE 1.8: Spectre Brillouin typique mesuré avec le SHR – Spectre du mode
Le spectre mesuré S(ν) résulte de la convolution de la forme naturelle du phonon (DHO) par la fonction d’Airy du FPS (analyseur) après multiplication par la fonction d’Airy du FPP à la puissance du nombre de passages dans l’interféromètre :
S(ν) =F (ν) · A4
FPP(ν) ⊗ AFPS(ν) (1.18)
La convolution est réalisée sur un intervalle de fréquence égal à cinq fois l’ISL du FPS afin de prendre en compte le recouvrement d’ordre.
Élargissement géométrique des raies de diffusion Brillouin
Les raies Brillouin mesurées sont d’autant plus larges que le cône de collection de la lumière diffusée et acceptée par le spectromètre est ouvert. En effet, on intègre dans ce cas une distribution de vecteur d’onde q(θ) [48]. On appelle cet effet l’élargissement
par convergence. On montre que la variation de la fréquence Brillouin δνBassociée à une
variation d’angle de diffusion δθ s’écrit : δνB = νB cot θ 2 δθ 2 − δθ2 8 (1.19) Dans le cas de la rétrodiffusion, cet élargissement est le plus faible mais vaut tout de même 104 MHz pour une fréquence νB = 33,8 GHz et un demi-angle de collecte δθ
de 157 mrad. On prend en compte cet élargissement en convoluant la fonction de ré-ponse du phonon F (ν) (DHO) par une fonction d’Heaviside C(ν) de largeur δνB (dans
le cas de la rétrodiffusion et avec un diaphragme de champ circulaire). S. Ayrinhac a montré dans sa thèse qu’avec notre montage, l’élargissement par convergence n’est plus correctement décrit quand le demi-angle du cône de collection devient supérieur à 175 mrad [6].
Une autre source d’élargissement des raies Brillouin provient de la très petite taille des échantillons utilisés en CED. En effet suivant le principe d’incertitude d’Heisenberg, on ne peut pas connaître simultanément la position (∆x) et la quantité de mouvement ou l’impulsion (∆q) d’une particule avec une précision supérieure à un certain seuil, soit
Ici le phonon acoustique est précisément localisé dans la faible épaisseur de l’échan-tillon, ce qui augmente l’incertitude sur sa quantité de mouvement. L’élargissement Brillouin qui résulte de cet effet a été mis en évidence par J. R. Sandercock [49,50]. Dans le cas de la rétrodiffusion, le spectre de phonon est convolué par une fonction si-nus cardinal au carré de largeur à mi-hauteur inversement proportionnelle à l’épaisseur de l’échantillon [33,51] : f (ν) ∝ sin 2 (ν B− ν) πd v (νB− ν) πd v 2 (1.21)
où d est l’épaisseur de l’échantillon et v la vitesse du phonon de fréquence νB. Cet
élargissement devient très fort pour les épaisseurs de l’ordre de la dizaine de µm et inférieures. Pour un échantillon d’épaisseur d = 56 µm, l’élargissement additionnel est d’environ 100 MHz.
Ajustement des spectres
Dans la pratique, l’analyse des spectres est réalisé en prenant en compte tous ces effets au travers d’un programme d’ajustement développé par B. Rufflé utilisant l’algo-rithme de Marquardt-Levenberg. Dans cette procédure, cinq paramètres sont ajustés :
– la fréquence Brillouin νB,
– la largeur à mi-hauteur ∆νB de la raie,
– l’aire de la raie Brillouin, – l’intensité du signal élastique,
– le bruit de fond constant enregistré dû au bruit d’obscurité du détecteur. Les paramètres fixes sont :
– la fréquence de modulation νM,
– le coefficient R = 0, 83 du FPP et son ISL, – le coefficient R = 0, 95 du FPS et son ISL, – le demi-angle de collection,
– l’épaisseur d de l’échantillon.
La ligne rouge dans la figure 1.8 représente l’ajustement de la raie Stokes du mode LA de v-SiO2 sous 3,4 GPa d’hélium. Dans cet exemple, la fréquence de la raie Brillouin
sur le spectre.
2
Silice sous pression d’hélium
2.1
Fréquence et largeur Brillouin
Les fréquences et les largeurs Brillouin de v-SiO2 mesurées sous pression d’hélium
avec le tandem FPP-FPS dans la géométrie de rétrodiffusion sont présentées dans la figure 1.9-a. Deux séries de mesures ont été réalisées :
• série 1 : sur la gamme 0-6 GPa (N),
• série 2 : sur la gamme 0-12,5 GPa (△),
Les triangles avec une pointe vers le haut correspondent aux mesures réalisées pendant la phase de compression. Ceux avec une pointe vers le bas correspondent à la phase de décompression. Le panneau du haut montre les fréquences acoustiques longitudinales en fonction de P , νSiO2−He
LA,retro (P ). Celui du bas montre les largeurs Brillouin associées,
ex-traites suivant la procédure d’ajustement décrite dans la section 1.1.5.2. On observe que les résultats de mesure dans les phases de compression et de décompression se su-perposent parfaitement et ceci dans les deux séries de mesure. Cela montre que v-SiO2
a un comportement élastique (totalement réversible) jusqu’à environ 12 GPa d’hélium. Dans le cas d’une pressurisation sous pression de ME4:1, il a été montré que les pre-miers signes de plasticité (déformation non réversible) apparaissent aux alentours de 8 GPa à la température ambiante [52] sous la forme d’une densification permanente de l’échantillon après un cycle de compression-décompression. On en déduit que le seuil de plasticité de v-SiO2 est repoussé au moins au-delà de 12 GPa dans le cas d’une
pressurisation sous hélium. On observe que νSiO2−He
LA,retro (P ) décroît d’abord faiblement avec
Brillouin avec la pression sera aussi discutée plus loin dans un paragraphe commun aux différents fluides transmetteurs de pression utilisés ici (hélium, néon et argon).
FIGURE 1.9: Résultats d’analyse des spectres Brillouin mesurés à température ambiante
en fonction de la pression. – (a) Fréquence (en haut) et largeur (en bas) des modes lon-gitudinaux de la silice obtenus en rétrodiffusion avec le SHR. – (b) Fréquences mesurées en géométrie plaquette pour i ∼ 30˚.
Les mesures Brillouin de v-SiO2 sous pression d’hélium effectuées dans la
configu-ration plaquette avec le Sandercock sont présentées dans la figure 1.9-b. La gamme de pression explorée est limitée à 0-6 GPa. Les fréquences LA et TA de v-SiO2 notées
respectivement νSiO2−He
LA,plaq et νSiO
2−He
TA,plaq sont montrées dans le panneau de droite de la
fi-gure 1.9-b. La fréquence LA de la silice νSiO2−He
LA,plaq (P ) montre la même évolution avec
P que νSiO2−He
LA,retro (P ) : un minimum vers 1 GPa puis une augmentation quasi-linéaire. Le
mode TA est quant-à lui plus faiblement affecté par la pression d’hélium. Les incerti-tudes sur les fréquences augmentent légèrement aux pressions où les modes de v-SiO2
Enfin, on remarque que les fréquences Brillouin de v-SiO2 mesurées dans la
géomé-trie plaquette semblent anormalement dispersées en comparaison de celles mesurées en rétrodiffusion. En particulier, νSiO2−He
LA,plaq et ν
SiO2−He
TA,plaq présentent la même variation abrupte
anormale entre 1,3 et 2,3 GPa. Ce comportement anormal n’est pas présent dans les fréquences du fluide de pressurisation (He). Nous pensons que ces fluctuations pro-viennent de petits mouvements de rotation non contrôlés de l’échantillon à l’intérieur de la chambre de la CED comme illustré dans la figure 1.10. Les figures 1.10-a et 1.10-b montrent respectivement un échantillon dans la géométrie plaquette et le même échan-tillon ayant subi une rotation d’angle δ. Cette situation entraîne une variation de la fréquence Brillouin illustrée dans la figure 1.10-c. Ces petits mouvements surviennent très probablement à chaque fois que nous changeons la pression dans la chambre. Ils sont provoqués par les mouvements du fluide de pressurisation créés eux-mêmes par la compression (plus ou moins brutale) de la chambre due à l’avancée du piston6. Suivant
la figure 1.10-c la variation brutale d’environ 0,2 GHz dans νSiO2−He
LA,plaq (P ) vers 1,5 GPa
correspondrait à une rotation de l’échantillon d’environ δ ∼ 10˚. Nous donnons cette interprétation a posteriori après de nombreuses mesures. Une façon de contourner cette difficulté serait de repositionner l’échantillon dans la configuration plaquette (δ = 0˚) par une rotation de la CED après chaque changement de pression en recherchant le maximum de la fréquence Brillouin présentée dans la figure 1.10-c.
FIGURE 1.10: Configuration de diffusion en géométrie plaquette. – (a) Géométrie
pla-quette idéale. – (b) Écart à la géométrie plapla-quette. – (c) Variation de la fréquence me-surée en fonction de l’écart angulaire δ.
2.2
Indice de réfraction
Les vitesses acoustiques de la silice se déduisent des fréquences Brillouin grâce aux équations 1.8 et 1.16 à condition de connaître i et l’indice optique n(P ). L’indice de v-SiO2très bien connu par ailleurs à la pression ambiante, n = 1,46156 à 514,5 nm [46],
permet de déduire i = 30, 78˚. Il faut souligner que cette détermination de i ne peut être réalisée qu’en fin d’expérience au moment du retour à la pression ambiante et donc après d’éventuels petits mouvements de l’échantillon au sein de la chambre comme discuté plus haut. L’évolution de l’indice avec P est ensuite déterminé par la relation :
n(P ) = νLA,retro(P )
νLA,plaq(P )
sin (i) (1.22)
Les résultats sont montrés dans la figure 1.11. Dans la suite, nous utiliserons les nota-tions nSiO2−He(P ) et nSiO2(P ) pour désigner l’indice de la silice comprimée
respective-ment avec He et avec ME4:1. Ce dernier est extrait de la littérature [53], nSiO2(P ) =
1, 4616 + 0, 0115P − 0, 668 × 10−4P2 avec P en GPa. Il est représenté par la ligne
tire-tée (- -) dans la figure 1.11. On observe que nSiO2−He(P ) est légèrement plus faible que
nSiO2(P ). On trouve une dispersion importante des valeurs d’indice liée à la dispersion
sur les fréquences νSiO2−He
LA,plaq (P ) précédemment discutée. La ligne continue (—) est un
avec P en GPa7. Il faut souligner que la précision sur la détermination de nSiO2−He(P ) est
grandement limitée par les incertitudes sur i et sur νLA,plaq(P ). Cependant, l’amplitude
de la rotation maximum que peut effectuer l’échantillon dans la chambre se réduit au fur et à mesure que P augmente. Nous pensons donc que cette évaluation de l’indice bien qu’approximative reste raisonnable.
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FIGURE 1.11: Comparaison de l’indice de réfraction de la silice sous pression d’hélium
en fonction de la pression avec celui de la silice pressurisée dans du ME4:1 [53].
2.3
Vitesses acoustiques
La vitesse longitudinale vSiO2−He
LA est déduite de la fréquence ν
SiO2−He
LA,retro (P ) en utilisant
l’équation 1.8. La vitesse transverse vSiO2−He
TA est déduite de la fréquence ν
SiO2−He
TA,plaq (P ) et
de la détermination de l’angle de diffusion θ (défini dans la figure 1.10) de la manière suivante :
vTA(P ) =
λ0
2nSiO2−He(P )
νTA,plaq(P )
sin (θ/2) avec sin (θ/2) =
νLA,retro(P )
νLA,plaq(P )
(1.24) Le calcul de θ(P ) à chaque P permet de prendre en compte la rotation éventuelle de l’échantillon discutée plus haut. Enfin, on utilise l’ajustement quadratique de l’in-dice 1.23 réalisé dans la section 2.2. Les vitesses vSiO2−He
LA (P ) et v
SiO2−He
TA (P ) ainsi
obte-nues sont représentées dans la figure 1.12 par des triangles pleins (N). Nous montrons
7. Dans [54] nous avions utilisé un ajustement linéaire, nSiO2−He
aussi dans cette figure les vitesses acoustiques, vSiO2
LA et v
SiO2
TA , de la silice sous
pres-sion de ME4:1 avec des symboles carrés pleins (). Dans ce dernier cas, nous avons
combinés des mesures anciennes de la silice sous pression de ME4:1 réalisées en ré-trodiffusion par Simon Ayrinhac [6] et des mesures récentes en géométrie plaquette de Alain Polian. Enfin, nos résultats sont comparés à des mesures pour la silice vitreuse sous pression de ME4:1 issues de la littérature représentées par des symboles ouverts ou des croix [53,55]. On observe que toutes ces déterminations sont globalement en accord les unes avec les autres. De plus, ces résultats sont également en accord avec des mesures réalisées pour v-SiO2 sous pression d’argon [56] mais non représentées
dans la figure 1.12. L’emploi de la relation 1.24 permet de diminuer considérablement la dispersion des données induite par les mouvements aléatoires de l’échantillon dans la CED.
FIGURE 1.12: Vitesses du son dans la silice sous pression d’hélium et de ME4:1 –
Com-paraison des données expérimentales avec la littérature [53,55].
Les tendances observées dans la figure 1.12 peuvent se résumer en deux points : – L’anomalie élastique de v-SiO2en fonction de P (assouplissement anormal jusqu’à
∼ 2 GPa) disparaît presque complètement lorsque la pressurisation est réalisée avec l’hélium. vSiO2−He
LA (P ) diminue d’abord faiblement jusqu’à 1 GPa environ puis
130 m/s. Un comportement similaire est observé pour le mode transverse même si ce dernier est beaucoup moins sensible à P .
– On observe que l’augmentation de vitesse sous compression d’hélium reste infé-rieure d’environ 15 %. On peut donc déjà conclure que cette faible augmentation des vitesses acoustiques ne pourra pas expliquer l’accroissement apparent très im-portant (d’environ un facteur 3) de la compressibilité observée par Sato et al. [19].
2.4
Variations de volume
L’équation d’état V (P ) peut se déduire des variations des vitesses acoustiques longi-tudinales et transverses par une méthode itérative. Pour cela, on exprime le module de compression en fonction des vitesses acoustiques et de la densité ρ du milieu :
B = −V ∂P ∂V T = ρ vLA2 − 4 3v 2 TA (1.25) En écrivant que le produit ρV reste constant au cours de la transformation, il vient alors [57] : V (P ) V0 = 1 + 1 ρ0 Z P P0 dP v2 LA(P ) − 43v 2 T A(P ) −1 (1.26) où V0et ρ0sont respectivement le volume et la masse volumique du milieu à la pression
P0. Le résultat de ce calcul est montré dans la figure 1.13 pour chacun des deux fluides
de pressurisation : ME4:1 (—) et He (- · -). Cette détermination est en accord avec les mesures expérimentales de V (P ) dans le cas du ME4:1 () alors qu’au contraire un fort
désaccord apparaît dans le cas de l’hélium (N). Nous pensons que c’est une preuve
sup-plémentaire de la pénétration des atomes d’hélium dans la structure de v-SiO2. En effet
la relation 1.26 décrit le changement de volume qui survient dans un système fermé soumis à un changement de pression. Dans la mesure statique de V (P ), chaque chan-gement de pression dans He s’accompagne de plus d’un chanchan-gement de composition de l’échantillon qui affecte aussi la variation de volume. C’est ce qui explique le désaccord entre les deux déterminations de V (P ). L’échantillon de v-SiO2 sous pression d’hélium
FIGURE 1.13: Variations relatives de volume – Comparaison des résultats obtenus par
microscopie optique et par diffusion Brillouin de la lumière.
2.5
Estimation de la quantité d’hélium adsorbée
On peut faire une estimation de la quantité d’hélium adsorbée dans la structure de v-SiO2 en utilisant l’indice de réfraction extrait des expériences Brillouin. Pour cela, on
emploie la relation de Clausius-Mossotti en faisant une approximation de milieu effectif moyen dans laquelle on somme les contributions du réseau silicaté et de l’hélium à la polarisabilité :
3ε0
n2− 1
n2+ 2 = NSiO2αSiO2 + NHeαHe (1.27)
Dans cette expression ε0 est la permittivité diélectrique du vide et n = nSiO2−He(P ) est
l’indice de réfraction de la silice vitreuse sous une pression P d’hélium. NSiO2(P ) et
NHe(P ) désignent les concentrations molaires respectives de v-SiO2 et de He
incorpo-rées dans la structure du verre. La concentration NSiO2(P ) se déduit des mesures de
déformation volumique présentées dans la figure 1.13. Enfin, αSiO2 et αHe sont les
po-larisabilités respectives de v-SiO2 et des atomes d’hélium adsorbés. La polarisabilité αHe
0-10 GPa, soit αHe = ε0× 2,602.10−24 cm3 [58,59]. La polarisabilité αSiO2 du
sque-lette de la silice varie suivant sa déformation volumique et sa valeur est prise égale à celle qu’aurait un échantillon v-SiO2 de même déformation volumique sous pression de
ME4:1. Par exemple, v-SiO2 subit une contraction volumique de 5% sous 6 GPa
d’hé-lium alors qu’une pression de 1,5 GPa est suffisante pour produire la même variation de volume quand la pressurisation est réalisée avec du ME4:1. La polarisabilité sous 6 GPa d’hélium est alors déduite de l’indice optique de la silice vitreuse sous 1,5 GPa de ME4:1. Cette détermination est illustrée dans la figure 1.14-a qui montre l’évolution du rapport (n2 − 1)/(n2 + 2) en fonction de la déformation volumique pour les deux milieux de
pressurisation : He (N) et ME4:1 (—). L’écart entre ces deux courbes est proportionnel
à la concentration d’hélium incorporée dans la structure du verre. La quantité NHe(P )
ainsi déterminée est montrée dans la figure 1.14-b. On observe qu’elle augmente de fa-çon monotone avec la pression jusqu’à ∼ 20 ± 4 at/nm3, soit environ 1 atome d’hélium
par tétraèdre [SiO4]2−. C’est une quantité environ dix fois plus grande que celle prédite
par J. E. Shelby et J. F. Shackelford [23,24] sur la base du simple modèle d’adsorption physique de Langmuir décrit dans l’introduction. Sur la figure 1.14-b la zone colorée représente la concentration d’hélium adsorbée calculée par deux autres méthodes. La limite haute de cette zone correspond à l’hypothèse où la solubilité mesurée entre la pression ambiante et 0,13 GPa [23], S = 0,0084 mol/cm3/GPa, resterait constante
FIGURE 1.14: Adsorption de l’hélium dans la silice vitreuse sous pression – (a) Rapport
(n2 − 1)/(n2 + 2) en fonction de la déformation. – (b) Quantité d’hélium adsorbée en
fonction de la pression. Les symboles représentent les données calculées à partir des vitesses du son. La zone colorée correspond à des estimations discutées dans le texte.
2.6
Modules élastiques
Les modules de compression B(P ) et de cisaillement G(P ) se déduisent des vitesses acoustiques et de la masse volumique, toutes deux dépendantes de P :
B = ρ vLA2 − 4 3v 2 TA G = ρv2 TA (1.28) Dans le cas de la compression avec l’hélium, la densité du composite {SiO2+He} est
déduite de la variation du volume et de la quantité d’hélium adsorbé à chaque pres-sion. Dans le cas de la compression dans le ME4:1, la densité est extraite des vitesses acoustiques par la relation 1.26. Les modules de compression et de cisaillement ainsi dé-terminés sont respectivement représentés dans les figures 1.15-a et 1.15-b. Les symboles () et (N) correspondent aux modules calculés dans les cas respectifs d’une compression
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FIGURE1.15: Modules élastiques et masse volumique de la silice vitreuse sous pression
d’hélium et de ME4:1 – (a) Module de compression en fonction de la pression. – (b) Module de cisaillement en fonction de la pression. – (c) Masse volumique en fonction de la pression.
Le module de cisaillement de v-SiO2 est globalement faiblement affecté par la
pres-sion indépendamment du milieu de pressurisation. A la prespres-sion ambiante, le module de cisaillement G est d’environ 31,0 GPa. Dans le cas de la compression avec le ME4:1, on observe une faible diminution de G avec l’augmentation de pression jusqu’à un mi-nimum au voisinage de ∼2 GPa puis G augmente faiblement avec la pression. Ce com-portement est conservé dans le cas de la pressurisation avec l’hélium avec toutefois une quasi-disparition du minimum. Au contraire, le module de compression de v-SiO2 est
que l’incorporation d’hélium dans le volume libre du verre de silice inhibe les méca-nismes microscopiques de restructuration responsables de son assouplissement anormal avec la pression jusqu’aux alentours de 2 GPa. Selon L. Huang et J. Kieffer [13], cela signifierait que les rotations localisées de 90˚ des liaisons pontantes Si-O-Si semblables à celles mises en jeu dans la transition α − β de la cristobalite seraient bloquées par l’incorporation d’hélium dans les espaces interstitiels du réseau. Suivant A. M. Walker
et al. [16], les RUMs ou floppy modes associés à la flexibilité du réseau tétraédrique de
v-SiO2 seraient supprimés.
Comparons maintenant ce module de compression déduit des vitesses acoustiques avec celui que l’on peut déduire des mesures de volume V (P ). Pour cela, on utilise l’équation d’état de Birch-Murnaghan au deuxième ordre [60] :
P = 3 2B0 ! V V0 −7/3 − V V0 −5/3# (1.29) où V0et B0 sont respectivement le volume et le module de compression à pression nulle.
Cette écriture au deuxième ordre revient à dire que B′
0 = dBdP = 4. L’ajustement des
données expérimentales V (P ) de T. Sato et al. [19] avec cette expression est montré dans la figure 1.13 par la ligne tiretée et permet de trouver B0 ≈113 GPa. On obtient
alors l’expression numérique suivante pour le module de v-SiO2 comprimée avec
l’hé-lium : B(P ) = 113+4P , avec B et P exprimés en GPa. Ce résultat est montré par la ligne rouge dans la figure 1.15-a. Cette détermination conduit à un module environ trois fois plus élevé que celui déduit des vitesses acoustiques.
On peut expliquer l’origine de cet écart de la manière suivante. Dans le cas de la compression avec l’hélium, chaque changement de pression imposé par l’opérateur s’ac-compagne d’un changement de composition du système étudié. Lors de l’expérience de mesure directe du volume, deux paramètres thermodynamiques sont modifiés si-multanément à chaque incrément de pression : la pression et la quantité de matière ni du système étudié qui se comporte comme un système ouvert. De ce fait, cette
acous-tiques sont réalisées en maintenant la quantité de matière constante du fait de la fré-quence très élevée de l’onde de compression (∼35 GHz). L’onde acoustique sollicite en effet le système étudié (composite {SiO2+He}) tellement rapidement que les échanges
de matière ne peuvent avoir lieu. La comparaison de ces deux modules (statique et
acoustique) est intéressante car l’écart entre ces deux grandeurs nous renseigne sur le
taux d’insertion d’hélium dans le verre de silice. On observe dans la figure 1.15-a que cet écart reste à peu près constant, ce qui semble montrer que le taux d’insertion se maintient constant jusqu’au moins 6 GPa.
3
Silice sous pression de néon et d’argon
Nous avons réalisé une étude de la silice sous pression hydrostatique de néon et d’argon équivalente à celle présentée dans le paragraphe précédent avec l’hélium. Nous présentons ici une synthèse de ces résultats en les comparant à ceux trouvés avec l’hé-lium.
3.1
Variations du volume
Nous avons réalisé des mesures dimensionnelles d’un échantillon v-SiO2placé à
l’in-térieur d’une CED avec du néon comme fluide de pressurisation. On enregistre grâce à une camera numérique les images de l’échantillon sous compression, transmises par un microscope optique. Grâce à une analyse d’image, on extrait l’aire S(P ) de la face de l’échantillon mise au point par l’objectif du microscope et projetée sur le capteur. On déduit les variations de volume V (P ) avec la pression des variations d’aire par la relation :
V (P )/V0 = (S(P )/S0)3/2 (1.30)
où V0 et S0 sont respectivement le volume et l’aire à une pression de référence. Cette
cherche à déterminer l’aire. Une autre source d’incertitude provient de la difficulté de maintenir la face à mesurer parfaitement dans le plan focal de l’objectif, du fait des éven-tuels petits mouvements de l’échantillon dans la chambre de compression. On montre dans la figure 1.16 la variation de volume V (P )/V0 ainsi obtenue lors d’une
compres-sion avec Ne (
•
). Les incertitudes sont évaluées en répétant l’analyse d’image (cinq fois par deux opérateurs différents) et en utilisant la loi de Student. On observe que les va-riations de volume mesurées dans Ne sont très proches de celles mesurées dans He. On conclut que les atomes de néon pénètrent dans la structure du verre de silice et que son insertion produit sensiblement la même déformation volumique du réseau vitreux que celle produite par l’insertion d’hélium.FIGURE1.16: Variations volumiques de la silice vitreuse en fonction de la pression dans
différents milieux – Les deux images de gauche illustrent la méthode décrite dans le texte pour obtenir les données représentées par les symboles (
•
).3.2
Vitesses acoustiques
de l’indice de réfraction8. Des difficultés dans la reproductibilité des mesures nous ont
amenés à découvrir progressivement l’existence d’effets cinétiques liés à la diffusion des atomes de néon au sein de l’échantillon. Ce sujet sera l’objet du paragraphe suivant. Nous présentons ici des résultats pour lesquels nous sommes certains que l’ensemble échantillon-néon est dans un état d’équilibre. On montre dans la figure 1.17 les vitesses acoustiques à l’équilibre de v-SiO2 en fonction de la pression de néon (
•
). Elles sontsemblables à celles trouvées dans le cas de la compression avec l’hélium. Comme pour le résultat de volume, cela semble montrer que l’insertion d’hélium et de néon pro-duit sensiblement les mêmes effets mécaniques sur la structure du réseau v-SiO2. Ceci
est par ailleurs illustré dans la figure 1.16 par la superposition des volumes calculés à partir des vitesses acoustiques mesurées pour une compression dans le néon (ligne poin-tillée verte) et dans l’hélium (ligne tiretée rouge). On montre aussi dans la figure 1.17 la vitesse acoustique longitudinale mesurée avec l’argon comme fluide de pressurisa-tion (
⋆
). Comme attendu d’après les données de la littérature [55], les résultats sont identiques à ceux obtenus dans le ME4:1.FIGURE 1.17: Vitesses du son dans la silice sous pression dans différents milieux
trans-metteurs de pression
3.3
Quantité de néon adsorbée
L’indice optique extrait des expériences Brillouin dans le cas du néon est comparable à celui trouvé dans le cas de l’hélium avec toutefois une incertitude plus grande due aux difficultés expérimentales associées aux mouvements de l’échantillon dans la chambre déjà citées. Comme dans le cas de l’hélium, la polarisabilité des atomes de néon qui s’insèrent dans la structure du verre à une certaine pression est assimilée à celle du néon fluide à la même pression. On trouve dans la littérature la valeur ε0× 4,7.10−24 cm 3
quasi-constante dans la zone 0-6 GPa [59]. Les variations de volume étant elles aussi comparables dans les deux milieux, il en résulte que la quantité de néon adsorbée dans le verre est environ deux fois plus faible que celle d’hélium trouvée précédemment. La concentration de néon adsorbée (
•
) est montrée dans la figure 1.18-c en se limitant aux résultats acquis aux plus hautes pressions pour lesquels l’incertitude sur l’estimation de l’indice est moins grande. On obtient 7±4 at/nm3 à 5,4 GPa. Ce résultat est assezsimilaire à celui obtenu par V. S. Efimchenko et al. [62] dans le cas d’une compression de la silice avec du dihydrogène fluide H2 dont le rayon atomique est comparable à
celui du néon (0,28 nm pour Ne et 0,29 nm pour H2 [63]). Les auteurs déterminent
par analyse chimique (après un piégeage à froid) une concentration de H2adsorbé dans
v-SiO2 de ∼ 10,4 at/nm3 à la suite d’une compression à 6 GPa.
3.4
Modules élastiques
Les modules de compression et de cisaillement de v-SiO2 comprimée dans Ne (
•
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FIGURE 1.18: Modules élastiques de la silice vitreuse sous pression de néon et
concen-tration de néon – (a) Module de compression – (b) Module de cisaillement – (c) Concen-tration d’hélium et de néon adsorbé.
4
Cinétique d’adsorption du néon dans v-SiO
24.1
Déformation induite par l’adsorption
Nous avons mesuré la variation de volume en fonction du temps t d’un échantillon soumis brutalement à un incrément de pression ∆P ≃ 2,1 GPa de néon. La mesure est réalisée avec la même technique que celle décrite dans la section 3.1. Le résultat V (t)/V0 est montré dans la figure 1.19. Le temps zéro est pris au moment de
l’appli-cation de l’échelon de pression sur le piston de la CED. La réponse de l’échantillon à ∆P se fait en deux étapes. Dans la première phase, le volume décroît rapidement jus-qu’à la valeur qui serait mesurée dans le ME4:1 à 2,1 GPa (V/V0 ≃ 0,930). Ceci signifie