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Quel rôle pour les compagnies de négoce international dans le marché du riz ?

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Academic year: 2021

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international dans le marché du riz ?

Hélène Benz

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Les compagnies de négoce international sont en général considérées avec beaucoup de défiance par le grand public, et le mystère qui entoure leur mode de fonctionnement ne fait que renforcer la suspicion. Intermédiaires parasi tes, · ambassadeurs de l'impérialisme capitaliste, mafieux, spéculateurs, vecteurs de monopoles ••• elles sont facilement rendues responsables de tous les avatars du marché mondial. Les économistes sont quand à eux peu prolixes sur la ques­ tion : la difficulté d'obtenir de l'information auprès de ces firmes limite la possibilité d'analyses précises, en particulier quantitatives. Alors que les analy­ ses de filière décryptent de façon très fine le rôle des opérateurs sur les marchés nationaux, les échanges internationaux sont plus généralement abordés par des analyses plus classiques d'offre/demande, de prix ou de politique commerciale, mais rarement sous l'angle de leurs acteurs.

Dans le marché du riz, les négociants internationaux occupent depuis plus de deux décennies une place prépondérante, en particulier sur le marché afri­ cain. Comment se sont-ils implantés ? Quelle incidence l'évolution du marché international a-t-elle eu sur leur développement, sur leurs façons de travailler ? Quelles particularités différencient le négoce du riz de celui d'autres produits de base ? En retraçant leur évolution, nous chercherons à expliciter quelles sont leurs fonctions, dans quelle mesure ils peuvent être moteurs de Pévolution du marché et si leurs interventions tendent à en accentuer l'instabilité ou au contraire à le stabiliser.

Evolution du

marché et développement du rôle des compagnies de

�egoce

Un commerce traditionnellement asiatique, complété par des réseaux coloniaux

le commerce du .riz est longtemps resté essentiellement intra-asiatique et les échanges entre les mains des réseaux de commerçants d'origine chinoise. le riz ne faisait pas partie de ces produits tropicaux convoités par les Européens depuis des siècles, comme la soie ou les épices, puis le café, le caca-o, le sucre de canne, qui furent eux très tôt insérés dans les échanges transcontinentaux et dominés par les Européens.

Avant la Seconde Guerre mondiale, l'offre de riz est presque exclusivement asiatique (à 93 % entre 1 930 et 1 938), avec une nette prépondérance de la Birmanie, suivie par la Thaïlande, l'Indochine et la Corée. Si la demande est alors déjà un peu plus atomisée, l'Asie en représente quand même les trois quarts. le quart restant concerne le commerce entre les colonies de l'Asie du Sud-Est et.l'Europe : dans les années 30, celle-ci importe annuellement environ 1 ,5 million de tonnes, niveau qui ne sera retrouvé qu'au cours de la seconde moitié des années 70. li s'agit en grande partie de riz destiné à l'alimentation du bétail (en particulier en France, où le riz est utilisé pour les deux tiers comme aliment fourragé) : du riz de faible qualité et des brisures, voire du riz cargo. Ce commerce est alors le fait de compagnies coloniales (pour la France : Les Rizeries Indochinoises, Franco-Indochine, Denis Frères, La Lucia}. Pour la consommation humaine, les volumes sont à cette époque limités ; les riz longs de luxe proviennent des Etats-Unis et de Madagascar, le riz rond d'Italie.

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les compagnies coloniales) est Louis Dreyfus, société française fondée au milieu du XIXe siècle, qui s'installe en Indochine au milieu des années 30. Au_ l_ieu de charger le riz en petites quantités sur des bateaux de lignes régulières (les « liners »), i l affrète des cargaisons complètes qu'il expédie vers les grands ports français. Les coûts de fret sont ainsi sensiblement réduits, ce qui .. �et de diminuer les·prix de vente et de brader les invendus pour liquider la cargai­ son. Ces opérations, pratiquées pour le maïs et le dz, font péricliter les autres compagnies.

Après la guerre, la physionomie du marché a changé. Les exportations thai1andaises et birmanes redémarrent rapidement (de 1 948 à 1957 elles occu­ pent à elles deux 50 à 60 % du marché), alors que l'économie de leurs deux autres concurrents, l'Indochine et la Corée, est paralysée par les conflits. C'en est fini du commerce de la France avec l'Indochine et de façon générale, les importations de riz asiatique comme aliment du bétail se raréfient : les Etats­ Unis et l'Argentine sont maintenant le pôle majeur de l'approvisionnement céréalier de l'Europe et, comme aliments fourragers, soja et maïs prennent le pas sur le riz.

La guerre aura permis l'émergence d'un nouveau pôle d'exportation rizi­ cole : les Etats-Unis. Le contrôle commercial du Japon sur les pays qu'il oc­ cupe, à travers sa « sphère de coprospérité •, puis le blocus du Japon par les Américains après l'attaque de Pearl Harbor (l 942) paralysent les échanges dans l'ensemble de l1Extrême-Orient. De. surcroît am< besoins alimentaires de ses propres forces armées dans la région, les Etats-Unis se retrouvent alors les principaux fournisseurs en· riz à l'échelle mondiale. La production est stimulée

par des programmes publics, le gouvernement se réserve 40 à 80 % de la récolte pour l 'armée et les exportations ; ces dernières doublent de volume entre 1 940 et 1 945.

Mais !'Extrême-Orient représente encore les deux tiers des exportations et les trois quarts de la demande mondiale jusqu'en 1 955, puis autour des deux tiers durant les dix années qui suivent.

C'est Continental Grain qui, de la fin de la seconde guerre ·mondiale et jusqu'à la fin des années 60, sera la principale compagnie de négoce réelle­

ment active dans le riz. Elle travaille alors surtout sur les marchés asiatiques : Indonésie, Bangladesh, Philippines ... et sur l'Amérique latine, avec des riz américains.

Les années 70 : l'apparition des marchés moyens-orientaux

et africains et l'essor du négoce international

A partir de 1 973, les pays pétroliers du Moyen-Orient voient leurs revenus progresser brusquement et commencent à importer de grandes quantités de riz. Au milieu de la décennie, les importations africaines augmentent à· 1eur tour rapidement pour pallier la forte croissance de la consommation, notamment urbaine, et la stagnation de la production. Parallèlement, les marchés asiatiques traditionnels sont en régression, la Révolution Verte permettant à plusieurs des grands pays importateurs d'atteindre l'autosuffisance ou de s'en approcher : le Japon dès le milieu des années 50, l'Indonésie, la Malaisie, l'Inde, entre la fin des années 60 et les années 70 (cf. figure 1 ).

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EVOLUTION DU MARCH E MONDIAL Importations par grandes régions

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C'est alors que débute réellement l 'essor du négoce international du riz, avec l 'apparition de ces nouvelles destinations et la forte déstabilisation des prix mondiaux (tendance que l'on observe de façon plus ou moins marquée sur tous les produits de base).

Dans le cas de l 'Afrique, le développement du marché et la place que va y occuper le négoce peuvent être très directement · liés à un nom, la société

Action, à une personnalité, BC1, qui fonde cette société en 1 968. Sa connais­

sance des marchés africains lui vient de son expérience précédente chez

Goldschmidt, société fondée au XIXe siècle qui occupe le premier rang du

négoce français de l'après guerre aux années 60 et cesse ses activités en 1 968. B.C. y était directeur des affaires africaines. Avec Action, il commence à déve­ lopper ses activités par de l 'aide alimentaire de la France et de la CEE : i l bâtira

en grande partie sa prospérité en exécutant la quasi totalité l 'aide alimentaire .

durant la sécheresse de 1 973-7 4 (principalement du blé et du maïs). Il travaille alors en collaboration avec les Etablissements Soulès, négociants en grains depuis les années 30. Ceux-ci exportent régul ièrement du riz italien vers les Comores et la Réunion et font bénéficier Action de leur longue expérience des

mécanismes communautaires de. restitutions et de leurs bonnes relations avec

l'ONIC (Office national interprofessionnel des céréales). Puis c'est elle qui, la première, va chercher du riz de faible qualité en Asie pour mettre sur pied un

commerce de riz de grande ampleur avec l'Afrique2 Pour maîtriser le côté des

1 . Nous parlerons ici de diverses sociétés de négoce, mais nous avons choisi de ne citer aucun opérateur, si ce n'est par ses initiales, "la discrétion, en effet, a probablement toujours été la qualité la plus appréciée dans le monde du grain" (MORGAN, 1 979).

2. Seul le Sénégal importait régulièrement du riz asiatique et ce depuis la période oolo­ niale. Dès les années 20, les autorités ooloniales avaient misé sur l'importation des brisures de riz d'Indochine, pour compenser le déficit en produits vivrier qu'engendrait le développement de la culture d'arachide. En 1 965, et jusqu'en 1969, le Cambodge prendra le relais, puis la Thaïlande. (DO REGO, 1 988).

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fournisseurs, c'est par une association avec Louis Dreyfus, implanté de longue date en Asie, que Action débutera. En 1 973, la pénurie de riz se fait �elle­ ment sentir au niveau mondial, les prix flambent, la lhai1ande se retire du marché pendant quelques mois, suite à deux années de mauvaises récoltes. Cette même année, le Pakistan se retrouve pour la première fois ay� des excédents importants : depuis la création du Bangladesh comme république indépendante, il ne trouve plus de débouchés pour son riz de faible qualité.

Action profite de l'aubaine et embarque ce riz vers l'Afrique, qui deviendra l'un des débouchés majeurs du riz pakistanais. Sa collaboration avec Louis Dreyfus

ne durera pas, mais une fois les contacts établis, il continuera à travailler avec le Pakistan, la Tha·11ande, la Chine, la Birmanie.

Durant ces premières années.d'expansion des importations africaines, Action jouira de sa position de monopole et ses affaires seront extrêmement fructueu­ ses ·(les marges peuvent alors atteindre 60 à 70 $/t pour des prix d'environ 300 $/t). A I'« école » de BC, seront formés beaucoup des « traders »3 en riz actuels. L'un d'eux quitte Action pour s'associer à un homme d'affaire issu d'une riche famille brésilienne et fonde la société Riz et Denrées en 1 975. Leur optique sera de donner une image différente du négoce du riz, moins agressive et « féroce » que celle de BC, davantage basée sur l'analyse, avec des traders à formation académique plutôt que des « selfmade men ». Leurs deux tendan­ ces marquent le profil des négociants actuels, dont beaucoup sont passés par l'une ou l'autre de ces sociétés (et éventuellement par les deux). Action et Riz et Denrées seront durant toute la fin des années 70 les deux « grands » du négoce du riz. Une guerre sans pitié s'engage entre eux et les marges, rapide­ ment, deviennent moins fabuleuses.

-Les années 80 : multiplication des négociants en nz

et durcissement de la concurrence

L'expansion rapide du marché du riz et la réussite de ces deux jeunes sociétés incitent plusieurs des grandes compagnies de négoce à s'intéresser au riz (cf. figure 2) : Cargi/1 et Richco ouvrent un département riz au début des années 80, IP/Trade (la branche d' lnteragra de J.P. Ooumengue o-rientée vers l'Asie) profite de son implantation dans les pays communistes pour développer dès les années 70 un commerce de compensation entre le Vietnam" et la lha·11ande·(troc de riz de qualité contre brisures). Continental s'engage dans le commerce avec l'Afrique et Louis Dreyfus se tourne aussi vers ce continent après avoir construit une rizerie aux Etats-Unis en 1 988 (il travaillera en par­ ticulier avec la Côte-d'Ivoire, bien introduit dans le pays suite à la construction d'un moulin à blé).

3. Nous emploierons ici cet anglicisme car il n'a pas trouvé de traduction _réellement satisfaisante en français._ Par trader, nous entendons ceux qui; au sein d'une société de négoce, vont négocier et conclure les contrats, alors que le négociant est plùtôt le propriétaire de· la société.

4. lorsqu'en 1989, le Vietnam commence à exporter de grandes quantités de riz, IPITrade, et les deux sociétés fondées par d'anciens traders de IPITrade, Recofi et Orco, bénéficieront de ces relations déjà anciennes dans le pays pour réaliser une grande part des exportations (le plus souvent par de la compensation avec de l'urée. des pesticides, de la farine ... ).

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Figure 2. Ev olution des princip ale s compagnies de négoce internationales trav aillant dans le riz Annt1es 50 (

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En 1 986, trois grands groupes de négoce s'implantent sur le marché du riz : Woodhouse, Philipp Brothers et Sucres et Denrées. Par une politique commerciale particulièrement agressive, ils parviennent dès l'année suivante au premier rang. La concurrence entre les négociants bat alors son plein, alors que les volumes échangés au niveau mondial stagnent. Les méthodes d_e vente deviennent de plus en plus agressives et risquées, alors que la situation écono­ mique s'aggrave dans les pays africains.

Et en l 'espace d 'un an, les trois nouveaux géants du marché du riz chu­

tent : le département riz de Sucden cesse presque toute activité au cours de

l'année 1 990 et Phibro suspend ses opérations en produits agricoles à la fin de

la même année. Quand à Woodhouse, l'une des plus anciennes compagnies de

négoce en produits tropicaux, elle ferme ses portes en 1 991.

Grâce à ces places laissées vacantes, Continental, Richco et Cargi/1 revien­ nent en force. En 1 991 et 1 992, se seront eux les leaders. Parallèlement, alors que certaines des plus grosses compagnies de négoce multiproduit abandon­ nent le marché du riz, on voit apparaître plusieurs « petites » sociétés spécia­ l isées : Recofi en 1 986, Global Rice5 en 1 990, Orco et Rial Trading en 1 99 1 ,

New Field Partner en 1 992. A l'exception de Recofi dont'les traders viennent de IP/Trade, toutes sont fondées par d'anciens négociants en riz de Phibro et

Sucden.

En ce début de décennie 90, la scène du négoce en riz est donc occupée par plusieurs types d'acteurs :

- les très grands groupes de négoce d'origine américaine ou anglo-saxonne,

pour lesquels le riz n'est qu'une activité parmi tant d'autres : Continental,

Richco et Cargi/1. Ils n'en sont pas moins les leaders du marché : respective­

ment premier, deuxième et quatrième du négoce en riz en 1 9916 ;

- des sociétés spécialisées dans la compensation (le troc), qui apparaissent sur le marché à la fin des années 80 avec du riz vietnamien :

• en France, SC/li (ex-lnteragra / IP/Trade) et Recofi (issue de la précé­

dente),

· en Suisse la société André, spécialiste de la compensation depuis les

années 60,

- deux sociétés françaises « atypiques », faisant à des échelles différentes figure de « seniors » :

· Riz et Denréfs, spécialisée dans le riz, parmi les leaders du marché depuis qu'elle fut créée au milieu des années 70 (troisième en 1 991 ),

· Soulès, négociant en grain, spécialisé sur l'océan Indien pour le riz depuis plusieurs décennies,

- deux sociétés américaines :

lncotrade (lié à Riz et Denrées, qui s'était associé à Balfour Mac Laine,

grande société de négoce américaine, pour ouvrir un département riz au sein

de cette dernière en 1 983 - lncotradè s'est par la suite établie comme société

indépendante),

S. Produit de l'expérience de l'ancien responsable du département riz de Phibro et des

capitaux de Toyo Menka, l'un des grands « trusts » commerciaux japonais. 6. D'après les chiffres fournis par des traders.

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· Conne// Rice & Sugar qui exportait entre autre du riz de marque vers le Nigeria mais a maintenant très nettement réduit ses activités (si ce n'est des ventes de riz américain au Sénégal en 1 992),

- de jeunes sociétés de petite taille, spécialisées dans le riz, issues des

échecs des plus grosses : Orco et Rial Trading à Paris, Global Rice à -tondres,

New Field Partner à Miami ;

- quelques rares sociétés asiatiques :

· G. Premjee, la plus importante, société d'origine indienne fondée dans les années 20 en Birmanie puis établie à Bangkok depuis 1 962. Négociant en riz à l'origine, ses activités sont maintenant largement diversifiées,

· quelques grandes « sogo shosha » japonaises s'intéressent un peu au riz, mais essentiellement pour sous-traiter l'aide alimentaire7 : Toyo Menka,

MarÙbeni, Mitsui, Mitsubishi. Le riz, petit marché, risqué, n'est pas un enjeu

important pour ces grands trusts8 Toyo Menka est celui qui a investi le plus

dans ce marché, en finançant Global Rice,

• trois compagnies sud-coréennes apparues sur le marché du riz depuis l'avènement du Vietnam, avec qui elles pratiquent du troc.

Comme nous le verrons dans le chapitre « Le risque et l'information au coeur des fonctions du négociant », il faut ajouter à ce panorama les compa­ gnies américaines qui se sont tournées vers le négoce suite à leur activité industrielle dans la transformation du riz. Mais la place qu'elles oc..cupent est beaucoup plus limitée que les précédentes et elles sont essentiellement tour­ nées vers les marchés de riz de qualité.

L'adaptation des méthodes commerciales

à l'environnement économique : le cas des importations en Afrique

N ous avons vu que le développement de la demande de riz importé des pays africains a joué un rôle majeur dans l'émergence des compagnies de négoce international. De ces nouveaux horizons, les exportateurs asiatiques ignoraient tout dans les années 70. Tout naturellement, ce sont les opérateurs qui déjà travaillaient dans cette région, que ce soit pour l1importatio"n de blé et

farine de blé ou pour l'exportation de produits tropicaux (café et cacao en particulier), qui se sont lancés dans le riz. Il faut d'ailleurs relever la présence particulièrement marquée de sociétés françaises dans le négoce du riz, alors que cette céréale n'est que très marginalement produite et consommée en France. Mais l'Afrique de l'Ouest francophone constitue le principal pôle d'im­ portations. Et les liens hérités de la colonisation, l 1expérience accumulée et les

relations commerciales et politiques préexistantes confèrent, a priori, un net avantage aux négociants français sur nombre de marchés africains. Sur cette base, ils ont ensuite étendu leur champ d'action au delà de l'Afrique franco­ phone, à l'ensemble des pays importateurs africains.

7. le Japon protège fortement son marché et les prix du riz japonais sont huit à dix fois supérieurs à ceux du marché mondial. Aussi le Japon achète-t-il aux pays exportateurs asiati­ ques, à la Thaïlande en particulier, le riz qu'il fourni en aide alimentaire.

8. Si ce n'est pour approvisionner le Japon, dans l'éventualité d'une levée partielle de l'interdiction d'importer sous la pression du GATI.

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De la vente

à

l'embarquement

à

la tiers

détention

Les méthodes de travail des négociants sur le marché africain ont connu une importante évolution, en réponse à l'expansion de la demande et à l'aug­ mentation de la concurrence entre compagnies de négoce, puis à la détériora­ tion de la situation économique et politique des pays africains.

Au début des années 70, alors que Action était presque le seul sur le marché, les embarquements étaient effectués de façon classique, destinations et acheteurs étant définis au départ (« vente à l'embarquement») et les finance­ ments étaient assurés par des banques africaines, avec couverture de banques internationales.

Avec l'apparition de Riz et Denrées, puis des autres compagnies, la con­

currence s'est accentuée et les bateaux ont commencé à partir sans que la

cargaison complète ne soit vendue, afin de limiter les délais de livraison et la

durée d'immobilisation du navire. La capacité des cales était ainsi utilisée à son maximum et les clients complémentaires étaient trouvés au cours du trajet. Au fur et à mesure du durcissement de la concurrence, la part du riz sans desti­

nation déterminée au départ a augmenté, jusqu'à atteindre la totalité de la

cargaison. Ces bateaux, dits « flottants », sont devenus pratique courante à

partir des années 1 981 -82 (il ne faut pas se méprendre sur le terme de « bateau

flottant ,. : il ne s'agit pas de « stocker » du riz en mer en attendant une opportunité de vente, ce qui est beaucoup trop coûteux - 3 à 5 000 $/j et par navire - mais de trouver des clients au cours du trajet ; ce n'est qu'exception­

nellement que les bateaux restent en attente). Issus de la « course au volume »

entre les négociants, ces « bateaux flottants » répondent également à la faible

capacité financière des acheteurs : il faut compter en moyenne deux mois entre la décision d'achat et l'arrivée du produit dans un pays africain et deux mois et demi à partir de l'intention d'achat, immobilisation de capital très lourde pour la plupart des importateurs africains, qui ont par ailleurs peu de possibi­

lités de crédit. Avec du riz en « bateau flottant », les échanges de documents

bancaires peuvent n'être faits qu'à quelques jours de la livraison.

L'étape suivante fut de vendre la marchandise « rendue à destination » .

Le riz qui n'est pas trouvé de client au cours du trajet est débarqué et vendu sous douane aux importateurs de la place ou à ceux des pays voisins. Cette méthode implique un marché très actif et des conditions de stockage relative­

ment sûres. Cest surtout à Cotonou et à Lomé qu'elle s'est développée, les

réexportations vers le Nigeria9 et le Niger offrant de vastes débouchés. Pour

gérer ces stocks en « entrepôts fictifs » (avant dédouanement), plusieurs com­

pagnies ont placé de leurs traders dans les grands ports d'importation (à Lomé,

.�. ce fut le cas de Sucden, Phibro et du Thaïlandais Saon Hua Seng).

9. En 1 981 , afin de limiter les dépenses en devises, le Nigeria a commencé à augmenter les taxes à l'importation du blé et du riz, pour finalement interdire toute importation de ces produits depuis 1 988. Depuis lors, pour contourner cette prohibition, riz et blé sont importés par le Cameroun et le Bénin et réexportés frauduleusement vers le Nigeria (pour le blé, cette interdiction a été levée fin 1 992). Le Bénin est ainsi devenu en quelques années l'un des principaux importateurs de riz de l'Afrique de l'Ouest.

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Se sont également développées les ventes en « tiers détention » : le pro­ duit débarqué est confié à un transitaire et livré au fur et à mesure des paie­ ments de l'acheteur (qui peut avoir payé une part de la marchandise à la commande, avant l'arrivée du bateau, ou bien qui achète directement « ex­ magazin » ).

Mais ces opérations sont risquées et laissent les négociants à la merci de crises conjoncturelles des marchés locaux :

- au Bénin cette politique a été menée de façon très intensive dans les années 1 985-88. Mais les stocks et les passages de la frontière nigériane deve­ nant trop flagrants, le Nigeria tenta de redresser ses contrôles douaniers et réprima férocement les passeurs. En novembre 1 987, suite à de violents inci­ dents de frontière, l'un des marchés frontaliers le plus actif fut détruit par les autorités béninoises. Le marché de réexportation perdit de sa fluidité mais les négociants continuèrent à déverser leurs bateaux à Cotonou. Fin 1 988, jusqu'à 1 50 000 tonnes de riz furent stockées dans la ville. Le marché s'engorgea et les prix chutèrent sur le marché intérieur. La baisse concomitante du dollar ainsi que des prix à l 'exportation, entraînèrent de grosses pertes pour les négo­ ciants. La fail lite du système bancaire aggrava la situation et le marché resta

saturé tout au long de l'année 1 989. Sucden, particulièrement engagé dans ces

opérations, y subit de très grosses pertes, qui ne furent d'ailleurs pas étrangères

à la suspension de ses activités en riz ;

- en Guinée, où les importations de riz se sont accrues rapidement après la libéralisation du commerce en 1 984, plusieurs compagnies de négoce se sont lancées dans la tierce détention. Mais les conditions de stockage et surtout le vol sont tels, que toutes ont dû y renoncer.

Ces risques incitent maintenant les opérateurs à cibler la tierce détention en quelques lieux spécifiques et limiter autant que possible les « bateaux flot­ tants ». Ces derniers restent toute fois très répandus et sont le mode d'appro­ visionnement quasi exclusif pour des pays comme la Guinée, où les risques de change sont tels que les importateurs cherchent à immobiliser leur capital le moins longtemps possible. Pour le cas guinéen, où les quotas hebdomadaires de devises imposent de grosses contraintes aux importateurs, les lettres de crédit ne sont même ouvertes qu'au fur et à mesure du déchargement du navire.

La médiation des négociants est-elle inévitable pour l'Afrique ?

Si les compagnies se succèdent, la position du négoce entre exportateurs asiatiques et importateurs africains semble immuable. Pourtant, des tentatives ont été menées par la Tha·11ande pour s'affranchir de ces intermédiaires, dans l 'espoir d'améliorer les marges. C'est à partir de 1 981 que le gouvernement thaïlandais lance réellement une « offensive » sur l'Afrique, en multipliant les

contrats publics (jusqu'alors limités pour ce continent à l'lle Maurice et spora­

diquement au Sénégal). Par ce biais, les relations directes commencent à se développer. Le ministère du commerce thaïlandais cherche aussi à appuyer ses exportateurs privés, en organisant régulièrement des visites conjointes entre ses propres agents et des opérateurs privés, auprès des principaux pays africains

importateurs. Quelques-uns des plus gros exportateurs thaïlandais (Saon Hua

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corn-mencent entre 1 982 et 1 984 à exporter directement, sans passer par des négo­ ciants. Certains ont installé des représentants dans les grands ports de destina­ tion ou des entrepôts pour le transit et la vente sur place. Mais à la fin de la décennie, ce mouvement de rapprochement entre exportateurs thai"landais et clients africains a connu en net recul. La situation financière et bancaire de nombreux pays africains s'est aggravée, les crises politiques se sont succédées, augmentant les aléas de ses ventes directes. Par ailleurs, la Thaïlande a forte­ ment réduit ses exportations par contrats de gouvernement à gouvernement. De

plus, l 'apparition du Vietnam comme nouvel exportateur et l 'offre soutenue du

Pakistan et de la Chine, ont fortement affecté sa compétitivité sur les riz de

faible qualité, et la Thai1ande a vu ses parts du marché africain régresser con­

sidérablement.

Cette médiation des négociants s'explique aisément. Les contraintes liées au changement d'espace commercial sont particulièrement marquées pour les exportateurs asiatiques qui veulent vendre directement à des importateurs afri­ cai ns :

- historiquement, il y a peu de relations entre pays africains et actuels pays exportateurs de riz ;

- la barrière linguistique, les différences culturelles sont des entraves non négligeables et peuvent facilement être sources de mal-entendus ;

- la méconnaissance des pratiques commerciales des uns et des:autres, les difficultés matérielles de communication (téléphone, fax, liaisons aériennes .. .) alourdissent les négociations ;

- les-banques africaines sont trop peu fiables, les banques asiatiques ne

veulent pas traiter avec des opérateurs africains et la couverture par des ban­

ques internationales est plus facile par l'intermédiaire d'une compagnie de

négoce.

Aussi, les négociants internationaux semblent avoir repris partout leur place de médiateurs à la . fin des années 80. lis connaissent très bien les marchés africains et leurs modes de fonctionnement, y compris les pratiques de corrup­ tion qui, si elles sont également présentes du côté des exportateurs, sont répan­ dues de façon beaucoup plus généralisée du côté africain, en partiéulier dans les pays où l'importation de riz fait l'objet de monopole ou de contrôle public. Par ailleurs ces compagnies de négoce traitent avec les pays africains pour d'autres produits que le riz et peuvent donc éventuellement se couvrir par d'autres transactions. De plus, beaucoup plus facilement que des importateurs isolés, elles sont en permanence en contact avec des exportateurs thai1andais, pakistanais, chinois ou vietnamiens, et peuvent ainsi toujours trouver du riz de la qualité requise, au meilleur prix. Et surtout elles disposent de plus de facilités financières, de possibilités de crédit et elles prennent une grande part du risque sur ces marchés aléatoires.

Vers une intégration des importateurs africains par les négociants ?

La libéralisation des importations observée au cours de ces dernières an­

nées dans presque tous les pays africains semble renforcer la place des négo­

ciants et le besoin de recours à des méthodes complexes de financement. Elle semble même donner naissance à une amorce d'intégration des importateurs

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par les compagnies de négoce. Ces dernières doivent faire face à l'impossibilité de gérer leurs opérations sur le long terme ; les importateurs sont eux- handi­ capés par leurs faibles capacités financières. Pour y remédier, on voit apparaître quelques cas d 'association entre importateur et négociant, ou chacun, à titre exclusif, s'engage envers l'autre. Citons quelques exemples :

- à Conakry, Cargi/1 travaille avec SIC, société fondée en 1 987 par deux frères d'origine marocaine. Les liens de confiance qui se sont établis entre eux permettent d'alléger et accélérer les procédures bancaires et de tenter de pla­ nifier les besoins locaux et les échéances de livraison. Ces procédures ont permis à Cargi/1 de prendre la première place parmi les fournisseurs de la Guinée en 1 99 1 et 1 992, et à SIC la première place parmi les importateurs. Les quantités livrées étant importantes, SIC partage éventuellement les cargaisons avec d'autres importateurs (en particulier Safricom, avec qui les ·liens sont étroits). La négociation initiale est dans ce cas menée entre SIC et Cargi/1,· mais les acheteurs finaux paient directement Cargi/1 ;

- au Sénégal, u n importateur (qui préfère rester discret sur son identité) travaille en joint-venture avec l'exportateur tha·11andais Chayaporn, soit pour l'importation directe de riz de qualité, pour lequel la CPSP10 n 'a pas le mono­ pole, soit pour appuyer Chayaporn dans les appels d'offre lancés par la CPSP (c'est d'ailleurs le seul exportateur thaïlandais a avoir vendu directement à la CPSP depuis 1 990). Dans le cas présent, cet importateur ne se contente pas de faire du lobbying, mais il partage également les risques de l'opération ;

- à Cotonou, Soulés travaille en collaboration avec la société béninoise N&D pour l'importation et le reconditionnement de riz (nous y reviendrons plus loin).

Ce mouvement pourrait-il se généraliser pour répondre à l'instabilité struc­ turelle du marché du riz et la précarité conjoncturelle de l'économie de la plupart des pays africains ? Ne risquerait-on pas d'aboutir alors à des marchés captifs, comme on peut en ·observer pour le blé, pour lequel les USA et la CEE se répartissent la majeure partie des marchés et y opèrent en monopoles grâce à la détention des capitaux des meuneries (DAVIRON, 1 991 ) ? La libéralisa­ tion, alors qu'elle voulait renforcer la concurrence, ne risque-t-elle pas de pro­ voquer la situation inverse ?

Le risque et l'information au coeur des fonctions du négociant

L'analyse de l'évolution des méthodes commerciales entre l'Asie et l'Afri­

que nous a permis de dégager certaines des spécificités du négoce du riz : insécurité financière, importance des réseaux de relations. D'autre part, lorsque l'on observe la présence des différentes compagnies dans le négoce du riz avec une perspective historique, on est frappé par le. nombre d'entre elles qui n'ont opéré que d'une façon éphémère, même parmi les plus grandes (cf. figure 2) : - Action, pionnier et leader incontesté durant les années 70 est. absent depuis 1 984-85 ;

1 O. Caisse de péréquation el de stabilisation des prix : organisme public qui détient le

monopole d'importation des bri.sures (celles-ci représentent environ 90 % du total des impor­ tations de riz au Sénégal).

(13)

- Woodhouse, Sucden et Phibro qui se tournent vers le riz entre 1 985 et

1986, dominent très rapidement le marché pour s'effondrer cinq ans après.

Même si la chute des trois dernières a été davantage liée au cacao et au café qu'au riz, ces exemples stigmatisent le risque que comporte l'activité de

ce négoce.

Un marché structurellement instable

Ce risque est essentiellement lié à l'instabilité des prix et au manque de transparence du marché. Cette instabilité provient des caractéristiques propres à la production et aux échanges internationaux du riz :

- concentration géographique de la production : à 90 % en Asie, dont la Chine et l'Inde qui en assurent à elles seules environ 55 % ;

- part importante de systèmes de culture sensibles aux aléas climatiques

(45 % des surfaces ensemencées en riz ne sont pas irriguées) ;

- marché étroit (1 1 ,5 à 14 millions de tonnes), segmenté en qualités peu substituables entre elles, et très marginal par rapport aux volumes produits (environ 4 % de la production mondiale rentre dans les échanges internatio­ naux) ;

- incertitude sur la position des plus gros pays producteurs, qui sont à la

limite de l'autosuffisance et peuvent se trouver selon les années exportateurs,

importateurs ou les deux simultanément, avec des volumes importants (Chine,

Inde, Philippines, lndon�ie).

Autant de paramètres qui rendent le marché du riz particulièrement insta­ ble, au regard des deux autres principaux marchés de céréales, le blé et le maïs, en particulier sur le court terme (d. figure 3).

Figure 3

PRIX FOB DU RIZ, DU BLE ET OU MAIS

F luctuations mensuelles

Coelfec ients de varî:ation : Riz 30lf. Blé 1 5% Moïs18%

fl:t>

�soo -400 200 100 J93

- Riz banc Bangkok 1 00% B - - - Blé US Gulf n°2 HRW -- Maïs US Gu lf n°2 Yellow

(14)

97

... et dépourvu de marché à terme

Le riz est l 'un des seuls produits de base pour lequel il n'y ait pas de marché à terme. Aussi le problème du risque est d'autant plus crucial pour les opérateurs qu'il n'est pas possible de se couvrir. Plusieurs tentatives ôrit pour­ tant été menées :

- le New York Mercantile Exchange voulut ouvrir un marché à terme sur le riz blanc au début des années 60, puis sur le paddy en 1 969. Aucun des deux ne fut concluant ;

- les industriels américains du riz firent une autre tentative à New Orleans entre 1 985 et 1 986, sans plus de succès ;

- le Chicago Rice and Cotton Exchange (affilié au grand Chicago Board of Trade) ouvrit en 1 980 un marché sur des contrats à terme de paddy, livré dans l 'Arkansas. C'est le seul marché aujourd'hui en activité. Mais très spécifique, il concerne essentiellement les opérateurs américains et reste très marginal ;

- fin novembre 1 990 le London FOX (Futures and Options Exchange), avec l'appui de quelques négociants des grandes compagnies européennes, mit sur le marché des contrats à terme sur du riz thaï blanchi 1 00 % B en lot de 50 tonnes, substituable par du riz américain 2/4 avec une prime de 5 %. Mais tous les opérateurs restèrent dans l'expectative et le marché dû fermer ces portes un an après, faute d'activité.

D'après la plupart des négociants, les conditions du marché sont peu propices à créer un marché à terme pour le riz. La première contrainte est l'étroitesse du marché : pour une bonne fluidité, il faut un volume d'échange important. Par ailleurs l 'hétérogénéité du produit imposerait d'établir des dizai­ nes de contrats différents ou des systèmes complexes de sur-côte ou sous-côte pour couvrir la diversité des riz1 1, alors que les prix des différentes qualités et

origines ne varient pas toujours de façon similaire (cf. figure 4). Figure 4

FLUCTUATIONS MENSUELLES DES PRIX FOB Divers origines et qualités de riz

100 -'+-+--+-+--+-+-+--+-+-++-+-+-+-+-+-++-+-H-+-+--+-+-<>-++-++-+-+-<--+-+--+-+-+--+-+--+-+-+-Ht-+-+-+-+-+'

J9:) JI J91 JI J9l JI J93 JI J94

, -=--U_SA_2/_4------lh-•ï-1 0-0�-----Th-•ï-Al_Su_per ___ --_ Viet-35-'%.�, Sources : USA 2/A. Thaï 1 00%8 et Al super : USOA; Viet 35� : oounier.

1 1 . Cet obstacle n'est toutefois pas insurmontable. Pour de nombreux produits, comme le café et le cacao, il existe diverses primes à la qualité, elles-mêmes cotées, qui viennent s'ajouter ou se retrancher à la cotation de base.

(15)

Pour qu'un marché à terme permette de se couvrir, il faut que des spécu­ lateurs y prennent des risques. Ces spéculateurs professionnels ne touchent généralement jamais au produit, ils ne font qu'échanger du « papier ». Pour que le marché soit fluide et fonctionne correctement, il faut cinq à dix fois plus d'échanges de « papier » que de « physique », d'échanges réels. or- dans le cas du riz, le marché est trop hermétique et imprévisible pour que ces spécu­ lateurs, qui ne traitent pas directement avec des opérateurs, puissent anticiper les évolutions de prix et avoir les moyens de spéculer avec succès.

Par ailleurs, un marché à terme ne pourrait être représentatif que si les

exportateurs asiatiques et notamment les Thaïlandais, qui détiennent le riz « de

référence », s'y engagent. Mais ces méthodes sont loin de leurs habitudes

traditionnelles de commerce, même si la seconde génération, qui peut à peut

prend la relève des fondateurs des grandes ·compagnies d'exportation

thaïlandaises, est de plus en plus souvent formée à l 'université. On peut en effet

remarquer que les plus anciens marchés à terme de produits agricoles sont apparus ou bien dans des zones de production ou bien dans des zones de consommation, mais toujours dans des pays industrialisés occidentaux : Chi­ cago Board of Trade pour le blé, le soja et le maïs, New York Coffee, Sugar and Cocoa Exchange et London Commodity Exchange pour le sucre, le café et le cacao. Or l'une des particularités du riz est d'être produit, consommé et échangé essentiellement par des PVD, et presque exclusivement, jusqu'à u�e période

relativement récente, par des pays asiatiques. Les méthodes traditionnelles des

opérateurs mis en jeu étaient très différentes de celles prévalant dans les

mar-. chés dominés par les pays occidentaux. Les échanges intra-asiatiques étaient

fortement liés aux réseaux de commerçants de la diaspora chinoise où les relations familiales et ethniques occupent une place majeur. Relations de con­ fiance, reconnaissance du statut personnel acquis sur le long terme, contrats

oraux, arbitrage interne des conflits par des compromis y sont de mise. Les

marchés à terme sont quand à eux issus de l 'évolution de méthodes commer­ ciales occidentales, plus dépersonnalisées. D'ailleurs ce manque de pratique des contrats à terme est également l'un des facteurs d'explication de la réti­ cence des négociants en riz occidentaux à s'engager dans un marché à terme : leurs méthodes de travail actuelles sont en effet totalement différentes, laissant une large place aux relations personnelles.

De plus, augmenter la transparence du marché peut ne pas paraître pro­ fitable aux yeux des grands opérateurs actuels : en effet, leur performance dépend en grande partie de l'efficacité de leur réseau d'information, et le maintien de leur suprématie à la difficulté que rencontrent de nouveaux arrivants sur le marché pour avoir accès à cette information . Si les prix à terme deviennent plus explicites et qu'il est possible de se couvrir contre les risques de fluctua­ tions, un nombre bien plus important d'opérateurs, éventuellement occasion­ nels, pourraient se mettre sur le marché, au détriment de la poignée de négo­ ciants actuels.

La détention de l'information et la personnalisation du négoce

« Obtenir et agir sur l'information a toujours été central pour le négoce» écrit ATKIN (1 992). Alors, lorsqu'il n'y a pas de marché à terme, la quasi intégralité de l'information est à recueillir auprès de sources « informelles ,,

(16)

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et l'importance du réseau de relations personnelles devient fondamentale. Aussi, la pratique du négoce en riz requière-t-elle un grand professionnalisme et des années de pratique. De l'avis d'un trader de longue expérience, « on n'est pas vraiment professionnel dans le riz si l'on n'a pas travaillé au moins dix ans dans ce marché ». Et pour lui, la politique de la plupart des grandes compagnies de négoce de changer régulièrement leurs traders de département est l'une des causes de leur échec dans le riz.

Aussi, bien que les apparitions et les disparitions des sociétés s'intéressant au riz se succèdent, le négoce est en fait basée sur une poignée relativement stable d'hommes qui sont passés d'une structure à l'autre. Recofi a par exemple été fondé par des « transfuges » de IP/Trade ; Sucden, pour développer son département riz, a recruté auprès de Action, Richco, IP/Tr_ade, Riz et Denrées ;

Global Rice, Orco, Rial Trading sont nés de la chute de Sucden et Phibro, avec

les traders qui y travaillaient.

Les spécialisations géographiques de chaque société sont également sou­

vent liées aux individus et peuvent varier au gré des mouvements· de ceux-ci .

. Citons par exemple Richco, qui en 1 991 occupe la seconde place pour l'ap­

provisionnement de la Guinée alors qu'il était absent de ce marché les années

précédentes : un ·des traders de Sucden, bien implanté sur Conakry, une fois

embauché par Richco a simplement continué son travail sous une __ autre éti­

quette. Ou Cargi/1, qui s'est réellement déployé sur le marché africain à partir

de la seconde moitié des années 80, avec l'arrivée d'un trader d'origine afri­ caine qui, connaissant les pratiques du commerce en Afrique, a pu facilement

s'intégrer dans les · réseaux d'importation.

De même, l'importance des négociants dans la maîtrise des réseaux de communication s'est développée lorsque sont apparus les nouveaux pôles géo­ graphiques d'importation (Afrique et Moyen Orient). Ces échanges dépassaient de très loin l'espace géographique et culturel asiàtique auquel les réseaux de commerçants chinois étaient adaptés. Les méthodes d'échange étaient autres, le recours à la confiance personnelle devenait impossible, de nouveaux réseaux d'information et de relations devenaient indispensables. Ces nouveaqx réseaux, les exportateurs thaïlandais, pakistanais ou chinois ne disposaient d'aucune

base pour les créer, alors que les compagnies de négoce occidentales occu:.

paient déjà cet espace commercial international.

Echelle d'activité et différenciation des stratégies

. Comme le montre ATKIN (1 992), la grande taille et la diversification d'une

société offre de nombreux atouts dans le négoce : économie d'échelle dans le réseau d'information, dans le transport et le stockage, facilité d'accès au crédit, importance des fonds de roulement, répartition des risques ... Pourtant nous avons vu que les sociétés de petite taille, spécialisées dans le riz, semblent être de plus en plus fréquentes et relativement prospères là où certaines des plus

grandes ont subit des pertes. retentissantes .. Dans la mesure où ses traders ont

de l'expérience, une société de négoce peut réussir et mener des opérations très lucratives sans pour autant qu'elles soient de grande ampleur.

(17)

Le négoce peut en effet s'envisager à deux vitesses et à deux échelles

différentes : ou bien spéculatif et axé sur la maximisation des volumes, éven­ tuellement au détriment des bénéfices nets, ou bien basé sur le long terme, les relations régulières, géographiquement ciblé et relativement sûr. Ces différentes stratégies sont ainsi adoptées par les uns et par les autres en fonctiôn de la politique générale de la société mais également de la personnalité des traders et de leur passé. Attardons-nous un peu plus sur deux exemples opposés:

- Sucres et Denrées s•est trouvé typiquement dans le premier cas de fi­

gure. Le département riz avait été fondé en 1 985 par un transfuge de « chez »

Action. En quelques mois, une dizaine de négociants sont embauchés, attirés par une surenchère de salaire. lis ont tous une expérience antérieure dans le

négoce du riz, que ce soit chez Aqion, Riz et Dewées ou IP/Trade. Dès 1 987,

Sucden s1impose comme Pun des· plus importants négociants en riz. Il traite

environ 600 000 tonnes de riz en 1 988, 1 000 000 tonn es en 1 989,

800 000 tonnes en 1 990, pour arriver en 1 991 ... à 250 000 tonnes et 600 mil­

lions de dollars de pertes sur l'ensemble de ses activités, ce qui lui vaut une ferme reprise en main par ses banquiers. Pourquoi cette flambée a-t-elle été aussi brusque qu• éphémère ? Les objectifs de Sucden ont été de prendre à tout prix des parts de marché, de « faire du volume », sans toujours assurer le suivi et la rentabilité de Pensemble des opérations. Le département riz s•est très rapidement pourvu d1un nombre important de « jeunes traders ambitieux » ,

issus de sociétés dans lesquelles l e travail de chacun est suivi de près, afin de limiter les risques. Pourvus ensüite chez Sucden de très gros moyens, de beau­ coup plus de latitude de travail, poussés par la compétition, ils ont été tentés par de « gros coups » spéculatifs ... et dangereux. Chacun travaillait de façon indépendante (et éventuellement en concurrence), sur son propre créneau géo­

graphique et relationnel. Sucres et Denrées, établi de longue date sur le marché

africain pour Pexportation de cacao, a bénéficié d1appuis politiques _importants,

du côté africain comme français. Son « coup » le plus éclatant sera celui de

la résolution de Pembargo ivoirien sur le cacao fin 1 989. En achetant

400 000 tonnes du stock ivoirien, Sucden confirme son monopole sur la Côte­

d1lvoire, ce qui lui facilite également ses ventes de riz. Vaffaire fait grand bruit

car le rachat des stocks a été financé par la CCCE (Caisse Centrale de Coopé­ ration Economique) et Sucden est accusé d1en avoir tiré un énorme bénéfice et

de ne pas avoir respecté les conditions de stockage qui devaient permettre de

soutenir les cours (GOMBEAUD, MOUTOUT, SMITH, 1 990). En avril 1 990, un

nouveau scandale éclate : Sucden aurait vendu à la Côte-d1lvoire 205 000 ton­

nes de riz pakistanais à 280 $/t, alors que le coût de revient rendu au port d1Abidjan serait d1environ 1 80 $/t. Le responsable du département dément

alors fermement, situant le prix de vente entre 230 et 240 $/t. Le bénéfice de Sucden se situeràit de toutes façon entre 50 et 1 00 $/t. Cette surfacturation de riz aurait été liée à un contrat conjoint d1achat de 1 00 000 tonnes de cacao à un prix légèrement supérieur à celui du marché (SMITH, 1 990). De telles opérations, rendues possibles par de très bons appuis politiques, ont permis à

Sucden une ascension très rapide dans le négoce du riz. Mais trop· de risques ont été pris pour traiter coûte que coûte les volumes les plus importants pos­ sibles et début 1 99 1 , l1un des plus gros négociant en riz est remis au pas par

ses banquiers.

A Pautre extrême, on peut citer les méthodes de travail de Soulès, qui

se place délibérément sur des créneaux différents de ceux des grandes compa­

(18)

101

travailler dans le négoce de produits agricoles entre les deux guerres et traitaient dès cette époque du riz, mais en se cantonnant à Madagascar, à la Réunion et aux Comores. lis sont devenus de gros importateurs d'aliment du bétail et de tourteau, dont ils couvrent actuellement 50 % des importations françaises.

C'est en 1 977-78 que Soulès commence à vendre du riz en Afrique, lorsque les

volumes importés par ce continent croissent considérablement. Au milieu des années 80, ils commencent à développer une nouvelle stratégie commerciale, pour s'adapter au renforcement de la concurrence entre les compagnies de négoce et à l'aggravation de la situation économique en Afrique. Au cours de la première moitié de la décennie, les systèmes bancaires de nombreux pays d'Afrique se détériorent ; d'autre part, les politiques de libéralisation suscitent la multiplication des opérateurs privés sans que leurs capacités financières ne

soient toujours adéquates. Le principe qu'a adopté Soulès est de · mettre la

marchandise à disposition sur place, par quantités limitées (stocks de 4 à 5 000 tonnes au maximum) et de vendre cash. Ainsi, les problèmes d'immo­ bilisation financière et les difficultés d'obtention de lettres de crédit, contraintes majeures pour les petits importateurs, sont éliminés, de même que les conflits sur les qualités qui peuvent être constatées de visu. Cette méthode a été par­ ticulièrement développée sur Cotonou depuis 1 987. L'élément clé de ce sys­ tème, par rapport à une tierce détention assurée par un transitaire, est que Soulès travaille en exclusivité avec un importateur qui lui-même s'engage à ne s'adresser à aucun autre fournisseur. L'importateur n'achète qu'au fur et à mesure de ses · besoins (pour la distribution ou pour revendre à d'autres importateurs)

a:

Soulès conserve la propriété du riz tant qu'il est entreposé au port, avant dédouanement. De plus Soulès conserve un droit de regard quasi absolu sur les

activités de son partenaire� La. confiance qui en découle permet par exemple de

louer les entrepôts ou d'effectuer certaines démarches administratives sous le nom de cet associé qui, en temps que société béninoise, bénéficie de facilités.

De plus, Soulès a aménagé une unité de reconditionnement en entrepôt fictif,

qui lui permet d'acheminer du riz de qualité en sacs de 50 ou 1 00 kg pour les reconditionner en paquets de 1 ou 5 kg. Ces paquets sont vendus sur toute la côte ouest africaine avec une image de produit de luxe (un tel conditionnement dès l 'embarquement nécessiterait un transport en containers depuis l'Asie, ce qui augmenterait considérablement les coûts de fret).

Une forte spécialisation dans le négoce, hors de toute intégration dans la filière

Une particularité des compagnies de négoce travaillant dans le riz est leur faible engagement dans l'intégration amont ou aval pour ce produit. Alors que les plus grands du négoce des produits agricoles se sont diversifiés, de la production d'engrais et de semences jusqu'à la distribution de viande, pour valoriser leur position dominante sur le blé, le maïs et les oléagineux, ces mêmes sociétés ne s'intéressent pour le riz qu'au négoce pur. Même les expor­ tateurs thaïlandais sont très peu impliqués dans les activités de transformation et de production. Plusieurs d'entre eux possèdent toutefois des rizeries; mais il ne s'agit que d'un reliquat de l'activité initi�le de la société, conservé souvent plus à titre sentimental que par stratégie d'intégration. Dans leur cas, il est essentiel de pouvoir se fournir dans des régions diverses, afin de disposer du plus large l 'éventail possible de qualités et tout au long de l'année. La posses­ sion de multiples rizeries serait une charge importante au niveau de l 'investis­ sement comme de la gestion, et l'efficience du marché ne le justifie pas : les

(19)

courtiers qui assurent quotidiennement la liaison entre riziers et exportateurs

garantissent à ces derniers un approvisionnement très diversifié.

Pour les compagnies de négoce international, investir dans la production ou l'usinage du riz dans des PVD comporterait sans doute plus de risques que d'avantages et serait de toutes façon impossible dans beaucoup de pays expor­ tateurs. D'autre part, le riz est l'un des produits de base qui demande le moins de transformation avant sa consommation finale ; l'investissement dans des unités de transformation dans les pays importateurs n'a donc souvent pas lieu d'être (si ce n'est pour des cas particuliers comme la CEE qui, par le jeu des prélèvements, favorise l'importation de riz cargo au détriment des riz blanchis pour protéger ses installations d'usinage).

Le cas américain devrait être mis à part, puisque les Etats-Unis sont le seul pays industrialisé à produire et exporter du riz de façon importante12Mais là

non plus, les compagnies de négoce ne se sont pas investies dans la production

et l'usinage. Une exception, précédemment évoquée, doit toute fois être rele­

vée : Louis Dreyfus, grande compagnie de négoce américaine pionnière dans

le riz avant la guerre. Après n'être revenue sur ce marché qu'au début des années 70, pour exporter du riz asiatique, elle a interrompu cette activité à la fin de la même décennie, pour reprendre en 1 988, avec la construction d'une rizerie aux Etats-Unis. Une importante intégration de l'amont et de l�aval a par contre été réalisée par l'industrie de transformation américaine, secteur très

. concentré où 75 % de la production est traitée par 8 rizeries. L'intégration a

été amorcée par les grandes rizeries coopératives, qui sont largement majoritai­

res (Riceland Food et Producers Rice Mill en Arkansas, Rice Growers

Associa-. tion et Farmers Rice Cooperative en Californie). Les rizeries privées elles, tra­

vaillent souvent de façon contractuelle avec les agriculteurs. Mais dans un cas comme dans l'autre, c'est souvent la logique de l'industriel et du commerçant qui prime sur celle du producteur ; en effet, elles commercialisent souvent elles-mêmes leurs produits� sur le marché intérieur comme à l 1exportation. Certaines vendent avec leur marque propre (comme Und Ben's), mais la plu­ part allient des ventes de marque en petits emballages et des ventes en vrac, indifférenciées. Et ces créneaux qu'ils occupent ne sont pas accessibles aux négociants. Les appels d'offre pour de l'aide alimentaire sont par exemple souvent formulés de telle manière que seules des rizeries peuvent y répondre, et non les compagnies de négoce (les délais de livraison sont très courts, la destination doit être imprimée sur les sacs .. .). La force du lobby des riziers et le soutien politique dont ils bénéficient provient d'ailleurs en grande partie de ce qu'ils contrôlent l'ensemble de la filière.

En guise de conclusion

Nous reprendrons quelques idées centrales qu'il nous semble important de . retenir.

L'instabilité des prix (liée à la structure de l'offre et de la demande de riz au niveau international), l'impossibilité de se couvrir et l'absence d'information 12. Les exportations de l'Italie, de ( 'Espagne et de la France sont essentiellement intra­ communautaires. Plusieurs rizeries sont impliquées dans l'exportation, mais le plus souvent par l'intermédiaire de courtiers.

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1 03

accessible à tous (parce qu'il n'existe pas de marché à terme), fait du commerce international du riz une activité extrêmement risquée. Assumer ces risques est l 'une des fonctions essentielle du négociant, au delà du transfert physique de marchandise et du relais de communication entre le fournisseur et le client. Le professionnalisme que requière cette gestion du risque, les réseaux d'informa­ tion, d'appuis informels qu'elle demande, rendent cette fonction trop dange­ reuse pour des non-spécialistes (en l'occurrence l'exportateur et l 'importateur) et explique sa très forte personnalisation.

Ce risque, et la forte concentration observée dans le négoce, donne à penser que l'on pourrait facilement arriver à des situations d'oligopoles et/ou d'oligopsones, qui autoriseraient des marges très importantes. Cela a i ndubita­ blement été le cas lorsque sont apparus de nouveaux pôles d'importation en Afrique dans les années 70, parce que l'information et les contacts étaient détenus par un très petit nombre. Mais une très forte concurrence a rapidement prévalu (comme elle prévaut de façon générale, d'après CHALMIN (1 985), pour le négoce des grands produits). Il n'en demeure pas moins qu'il existe des possibilités de bénéfices importants, par la spéculation, mais également d'échecs retentissants. La rapide rotation des grands leaders du marché en est le témoin. De même, s'il n'y a pas d'oligopoles ou monopoles absolus, il peut se déve­ lopper des marchés captifs dans des pays particuliers, sur la base notamment d'appuis politiques. Ce dernier point doit d'ailleurs retenir l 'attention pour les perspectives d'évolution du fonctionnement des importations en Afrique : l 'ato­ misation des opérateurs africains et la fragilisation du contexte dans. lequel ils tr�vaillent semble inciter à un rapprochement entre ces derniers et des sociétés de négoce. Cette i ntégration au niveau de l'importation pourrait, si elle se développe, mener à l 'apparition de marchés captifs.·

L'utilité et l'efficacité des négociants dans le marché. du riz semble indé­ niable, et les effets négatifs que pourrait induire leur concentration sont limités par une très forte concurrence. li reste à leurs interlocuteurs, s'ils veulent pou­ voir négocier dans des condi_tions satisfaisantes, à avoir un accès correct à l 'information. A ce niveau apparaît un biais certain : �es principales sources d'information concernant le marché mondial dont disposent les exportateurs, comme les importateurs, sont .les négociants auxquels ils ont à faire, qui peu­ vent tourner cette information dans le sens de leur intérêt. Ici apparaît le rôle que pourraient jouer des structures d'information non impliquées dans le com­ merce et facilement accessibles aux opérateurs. Même si, pour elles également, les principaux informateurs sont les négociants, du ·moins peuvent-elles cher­ cher à optimiser la qualité de l'information en multipliant les sources et en les comparant 13•

1 3. Dans œ sens, nous pouvons citer le Rice Market News de l'USDA, la base de données

OSIRIZ mise en place conjointement par la CFD (ex-CCCE), le CIRAD et l'ONIC en 1 990, le service d'information sur le marché du riz créé fin 1 991 par le Centre de commerce interna­ tional (CNUCED/GATI) et le projet de service mondial d'information et d'analyse sur le marché du riz initié par la FAO en 1 992 et le très professionnel bulletin hebdomadaire "The Rice

Références

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