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La paramétrisation du geste dans les formes musicales scéniques : L'exemple du théâtre musical contemporain : état de l'art, historiographie, analyse

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-02318380

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02318380

Submitted on 17 Oct 2019

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La paramétrisation du geste dans les formes musicales

scéniques : L’exemple du théâtre musical contemporain :

état de l’art, historiographie, analyse

Cyril Délécraz

To cite this version:

Cyril Délécraz. La paramétrisation du geste dans les formes musicales scéniques : L’exemple du théâtre musical contemporain : état de l’art, historiographie, analyse. Musique, musicologie et arts de la scène. Université Côte d’Azur, 2019. Français. �NNT : 2019AZUR2015�. �tel-02318380�

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La paramétrisation du geste

dans les formes musicales scéniques

L’exemple du théâtre musical contemporain :

état de l’art, historiographie, analyse

Cyril DÉLÉCRAZ

Laboratoire CTEL, EA 6307

Présentée en vue de l’obtention du grade de docteur en Arts vivants, dominante musique d’Université Côte d’Azur

Dirigée par : Jean-François Trubert

Soutenue le : 11 juillet 2019

Devant le jury composé de :

Muriel Plana, Professeure en études théâtrales, Université de Toulouse

Enrico Pitozzi, Chercheur en arts de la scène, Université de Bologne Pierre Michel, Professeur en musicologie, Université de Strasbourg

Pascal Decroupet, Professeur en musicologie, Université Côte d’Azur

Jean-François Trubert, Professeur en musicologie, Université Côte d’Azur

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La paramétrisation du geste dans les

formes musicales scéniques

L’exemple du théâtre musical contemporain : état de l’art,

historiographie, analyse

Jury :

Président du jury

Pascal Decroupet, Professeur en musicologie, Université Côte d’Azur

Rapporteurs

Enrico Pitozzi, Chercheur en arts de la scène, Université de Bologne

Pierre Michel, Professeur en musicologie, Université de Strasbourg

Examinateurs

Muriel Plana, Professeure en études théâtrales, Université de Toulouse Jean-François Trubert, Professeur en musicologie, Université Côte d’Azur

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La paramétrisation du geste dans les formes musicales scéniques. L’exemple

du théâtre musical contemporain : état de l’art, historiographie, analyse

Résumé : au cours du XXe siècle, le geste est progressivement devenu un paramètre de

composition musicale dans les répertoires de tradition savante occidentale. Les avant-gardes (Dada, futurisme, Bauhaus, expressionnisme, etc.) sont à l’origine du concept de performance tandis que le bruitisme élargit le domaine des sons esthétiquement audibles. Rejetant le grand opéra romantique et tous ses attributs (technique de chant lyrique, suprématie du texte dramatique sur la musique, fosse d’orchestre, illusion de la réalité, opulence orchestrale, entractes, etc.), les compositeurs ressentent le besoin de s’exprimer autrement tandis que la capacité de renouvellement du système tonal s’étiole. De nouvelles formes musicales scéniques sont définies dans un cadre dicté par la performance et selon une nouvelle conscience de l’écoute issue de nombreuses expérimentations réalisées en studio. C’est au lendemain de la seconde guerre, c’est-à-dire lors de l’avènement de la musique concrète, que la voix s’impose non plus seulement comme le vecteur de la parole mais également comme un générateur de sons, que l’espace scénique se vide de l’interprète et que, en retour, certains compositeurs (Mauricio Kagel, Dieter Schnebel, Luciano Berio, John Cage, pour ne citer qu’eux) proposent des pièces hybrides où la musique côtoie la diction d’un récitant, la pantomime ou l’action théâtrale sans que l’une des composantes prenne constamment le dessus sur les autres. Selon une approche empirique du corps médiatisé par le truchement de la captation vidéo (sur un corpus s’étalant de 1960 à 2016), il est possible de mettre en lumière des contrepoints d’informations provenant de plusieurs éléments des performances enregistrées (musique, gestes, déplacements, lumière, etc.) qui construisent en fin de compte une réalité signifiante pour l’auditeur-spectateur. En analysant directement les œuvres performées, il apparait en effet que le geste est un élément structurel de caractère spectaculaire qui participe à la création de formes discursives, ce qui en fait un élément indispensable de la réception. En se focalisant sur la paramétrisation du geste, le présent travail apporte un premier élément de réponse à la question suivante : comment la performance musicale dans son aspect vivant intègre le geste et comment celui-ci influence-t-il la forme ? Il espère ainsi ouvrir la voie à une musicologie du théâtre musical contemporain.

Mots-clefs : musicologie empirique, contemporain, théâtre musical, théâtre instrumental, geste musical, geste instrumental, spectaculaire, forme musicale, analyse, méthodologie, historiographie, psychologie de la forme, cognition musicale incarnée, paramétrisation.

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The gesture’s parameterisation in scenic musical forms. Example of

contemporary music theatre: state of the art, historiography, analysis

Abstract: over the course of the 20th century, gesture gradually became a parameter of

musical composition in the repertoires of the Western classical tradition. The avant-garde (Dada, futurism, Bauhaus, expressionism, etc.) is at the origin of performance concept while noise music broadens the field of aesthetically audible sounds. Rejecting the romantic opera and all its attributes (lyrical singing technique, supremacy of the dramatic text over music, orchestra pit, the illusion of the reality, orchestral opulence, intermissions, etc.), composers feel the need to express themselves differently while the capacity for renewal of the tonal system wanes. New scenic musical forms are defined in a framework dictated by performance and in accordance with a new awareness of listening resulting from numerous experiments carried out in the musical studios. After World War II, with the advent of musique concrète, the voice became not only the vector of speech but also a generator of sound, the scenic space was rid of the performer and, in return, some composers (Mauricio Kagel, Dieter Schnebel, Luciano Berio, John Cage, to name but a few) offered hybrid pieces where music is combined with the diction of a narrator, pantomime or theatrical action, without one component constantly getting the upper hand. According to an empirical approach to the body mediated through video recording (based on a corpus stretching from 1960 to 2016), it is possible to highlight counterpoints of information from several elements of the recorded performances (music, gestures, movements, light, etc.) which ultimately construct a meaningful reality for the listener-spectator. By directly analysing the performative works, it appears that the gesture is a structural element of a spectacular nature that participates in the creation of discursive forms, which makes it an indispensable element of reception. By focusing on the parameterisation of the gesture, this work provides a first element of answer to the following question: how does musical performance in its living aspect integrate the gesture and how does it influence the form? In this way, it hopes to pave the way for a musicology of contemporary music theatre.

Keywords: empirical musicology, contemporary, music theatre, instrumental theatre, musical gesture, instrumental gesture, spectacular, musical form, analysis, methodology, historiography, Gestalt psychology, embodied musical cognition, parameterisation.

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Remerciements

Je suis tout particulièrement reconnaissant envers mon directeur de thèse Jean-François Trubert. Grâce à ses conseils de lecture, sa disponibilité, sa bienveillance, sa lucidité, ses encouragements et son exigence, il a su faire mûrir ma réflexion tout au long des différentes étapes et m’a permis de mener le projet à son terme. D’autre part, ce travail n’aurait pu être envisagé sans une formation musicale dispensée par des personnes compétentes et chaleureuses. Je tiens donc à remercier les professeurs Annick Dubois, Luc-Charles Dominique, Pascal Decroupet, Michel Pascal, Jean-Louis Leleu, qui m’ont appris à écouter et m’ont fait découvrir plusieurs mondes musicaux qui m’étaient alors inconnus, que ce soit à l’aide de connaissances historiques, esthétiques, ethnologiques, analytiques, techniques ou acoustiques. Un merci également à Grégory M. qui m’a initié il y a (déjà) fort longtemps aux gestes du deejaying, contribuant ainsi sans le savoir à entretenir ma curiosité dans la pratique de la musique électronique. Je tiens aussi à saluer mes étudiants pour (certaines de) leurs questions ainsi que pour leur bonne humeur 😊

Je remercie également ceux qui m’ont aidé de près ou de loin à perfectionner ce travail : les membres du laboratoire CTEL ; Michèle Noirjean, Angela Ida De Benedictis et Matthias Kassel (Fondation Paul Sacher) ; Roseline Drapeau et Nicolas Donin (IRCAM). Je salue également les compositrices et compositeurs qui ont accepté avec enthousiasme d’échanger avec moi : Jessie Marino, Elena Rykova, Mary Ellen Childs, Vincent-Raphaël Carinola, Jeppe Ernst, Emmanuel Séjourné, Tom Mays, Simon Steen-Andersen, Mark Applebaum, Juraj Kojs, Grégory Beller et François Paris.

Je remercie Isabelle Sordage, Pavlos Antoniadis, Mirelle et Jean-Yves pour leur hospitalité. Mes remerciements vont également aux personnes attentionnées que j’ai pu rencontrées durant ce parcours : Marion, Oriane, Andrea, Baptiste, Gaël, Alireza, Yohan, Nicolas, Benjamin, Guillaume, Anne-Sylvie Barthel-Calvet, Enrico Pitozzi et Pierre Michel. Un grand merci également aux amis qui m’ont soutenu : Pauline, Julie, Sarah, Matthieu, Romain, Vincent, Yannick, Alexandre, Yassine, Alina et Cyril (et tous ceux que j’ai oubliés). Sans vous, il faut bien l’admettre, le travail n’aurait certainement pas pris (la même) forme.

Finalement, je me dois de remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont compris, parfois malgré elles, que cette belle aventure allait être éprouvante. Merci donc à toute ma famille ainsi qu’à celle qui m’a accompagné (quasiment) chaque jour et chaque nuit : Florie.

(7)
(8)

Table des matières

Introduction ...

1

Prolégomènes : du son au mouvement, du geste au son ...

9

I.

État de l’art ...

13

Définitions du geste... 14

Harmonie kaléidoscopique du geste ... 18

Philosophie du geste ...

18

Communication non verbale ...

20

Geste professionnel et motricité ...

23

Le geste en sciences humaines et sociales...

25

Permanence et variation des gestes socio-culturels ...

27

Le geste dans les arts ...

30

Du geste au geste musical ... 36

Cognition musicale incarnée ...

43

Perception visuelle et expressivité ...

51

Le geste comme élément déterminant de la performance ...

54

Typologies des gestes musicaux...

58

La théorie du geste musical de Robert S. Hatten ...

61

Le geste dans le Théâtre Musical Contemporain ... 64

Conclusion : pour un caractère spectaculaire de la forme musicale scénique 68

II.

Historiographie ...

71

Première moitié du XX

e

siècle ... 73

(9)

Contribution des avant-gardes ...

78

Déconstruction du langage ...

78

Paramétrisation du mouvement ...

83

Culte de la mécanisation et bruitisme ...

87

Art synesthésique ...

91

Trois exemples de formes scéniques hybrides ...

94

Prototype d’un nouveau théâtre musical ...

97

Caractère spectaculaire des pièces de concert ...

103

Mécanisation du geste instrumental ...

103

Techniques de jeu étendues ...

106

Constitution d’un répertoire pour percussions seules ...

110

Création d’une lutherie électronique ...

113

Conclusion : le geste comme élément de la spectacularité ...

116

Seconde moitié du XX

e

siècle ... 120

Le paradigme de la musique concrète ...

122

Nouvelle conscience de l’écoute ...

123

La bande magnétique comme parachèvement d’un changement médiologique ...

126

Discontinuité entre le visuel et le sonore ...

128

Nouvelles gestions du temps musical ...

137

La non-linéarité comme principe général ...

139

Constitution d’un temps lisse ...

141

Collage et forme-moment ...

143

Non-fixité du déroulement musical et décloisonnement de l’espace scénique ...

146

(10)

Un théâtre du geste ...

151

Geste vocal et théâtre de la cruauté ...

153

Gestus et effet de distanciation ...

158

La notation des gestes comme caractéristique de l’absurde ...

163

Théâtre pauvre et investissement corporel de l’espace scénique ...

165

Le geste performatif comme acte de création ...

168

New York : centre de l’expérimentation artistique ...

168

Nouveau Réalisme : un autre exemple de fixation du geste performatif ...

172

Fluxus : de l’œuvre actée à l’œuvre en acte...

174

Le Théâtre Musical Contemporain comme nécessité expressive ...

179

Une aversion contre l’opéra et la hiérarchisation des modes d’expression ...

180

La voix comme matériau musical ...

186

Le geste comme paramètre d’écriture ...

195

Une expérience à voir et à entendre ...

199

Éléments de définitions ...

207

Théâtre musical ...

207

Théâtre instrumental ...

210

Discussion ...

212

La dimension expérimentale du théâtre musical ...

214

John Cage : précurseur dans l’expérimentation ...

214

Mauricio Kagel : un sabotage entre acoustique et théâtralité ...

221

Georges Aperghis : communiquer par la voix et le montage ...

227

La période « creuse » du théâtre musical : 1985-2000 ...

232

L’électronique en temps réel comme changement de paradigme ...

232

(11)

Du caractère spectaculaire dans les formes musicales scéniques...

242

Altération de l’identité musicienne ...

244

Dynamicité de l’espace scénique ...

250

Symbolique agonistique ...

254

Présence de gestes muets ...

258

Aspect chorégraphique du geste collectif ...

262

Les technologies interactives et la notion de virtualité ...

266

Conclusion : pour une analyse du geste du musicien en situation de jeu ...

272

III.

Analyse ...

277

Analyser le geste : un enjeu pour la musicologie ... 279

Approcher l’analyse du geste ... 286

Point d’ancrage : temps musical et mesure de l’information ...

286

Quelques outils théoriques utiles ...

293

Études de cas ... 298

Présentation du corpus ...

299

Œuvres acoustiques ...

303

Circles (Luciano Berio, 1960) ...

303

Moment d’actions 1...

305

Moment d’actions 2...

310

Moment d’actions 3...

312

Moment d’actions 4...

316

Conclusion ...

316

Les sept crimes de l’amour (Georges Aperghis, 1979) ...

322

Séquence I...

322

(12)

Séquence III...

329

Séquence IV : « La leçon de musique » ...

332

Séquence V ...

335

Séquence VI ...

337

Séquence VII ...

338

Conclusion ...

339

Adventures of an Annihilated Mirror (Juraj Kojs, 2012) ...

341

1. Thousand Years ...

341

2. Over and Above. A Meditative Choral ...

345

3. Widen the Place ...

348

4. Exaltation. Perpetuum Mobile ...

349

5. An Abyss ...

352

6. Illumined ...

356

7. Within Herself...

360

Conclusion ...

366

Rot Blau (Jessie Marino, 2009) ...

370

Partie 1 ...

371

Partie 2 ...

373

Partie 3 ...

375

Partie 4 ...

376

Conclusion ...

378

Hiérophonie V (Yoshihisa Taïra, 1974) ...

384

Partie 1 ...

385

Partie 2 ...

391

Partie 3 ...

394

Conclusion ...

400

(13)

Acustica (Mauricio Kagel, 1970) ...

403

Analyse prescriptive...

405

Analyse descriptive ...

410

Conclusion ...

424

Aphasia (Mark Applebaum, 2010) ...

429

Étude préliminaire ...

431

Analyse formelle et fonctionnelle ...

434

Conclusion ...

441

Œuvres électroacoustiques ...

444

Morphosis (Patrick Nunn, 2014) ...

444

ANN et analyse paradigmatique ...

445

Rôle de l’électronique ...

448

Analyse par les UST ...

453

Conclusion ...

462

Toucher (Vincent-Raphaël Carinola, 2009) ...

465

Analyse formelle ...

466

Théorie de l’Effort ...

469

Une spectacularité de situation ...

474

Conclusion ...

477

Œuvre muette : Marsch (Etude VI) (Jeppe Ernst, 2016) ...

481

Kor : décomposition des mouvements ...

482

Marsch : deux niveaux contrapuntiques ...

487

Proposition de transcription sonore ...

493

Double et Klagesang ...

497

Conclusion ...

498

(14)

Récapitulation ...

500

Différents aspects du caractère spectaculaire ...

502

Typologie fonctionnelle du geste ...

505

Catégories formelles dans le théâtre musical ...

509

Concepts-clefs pour l’analyse ...

511

Vocabulaire sur le geste ...

512

Mécanisme dialectique de la perception ...

515

Appréhension multimodale des informations ...

516

Contrepoint étendu ...

520

Proposition méthodologique ... 523

Coda ...

528

Synthèse ... 529

Le geste comme être-au-monde ... 531

Vers une définition du geste musical ... 537

Péroraison : du geste au jeu ...

542

Bibliographie ...

544

Étudier le geste ... 545

Étudier le geste musical ... 551

Usuels en musique ... 560

Contexte propice à une paramétrisation du geste... 561

Histoire et épistémologie ... 568

Opéra et théâtre musical ... 569

(15)

Philosophie et esthétique musicale ... 572

Analyse musicale ... 573

Études par compositeur ... 577

Archives ... 581

Partitions et autres œuvres ... 582

Sitographie ...

584

Annexes ...

588

Analyses complémentaires ... 589

Auftakte, sechshändig (Mauricio Kagel, 1996) ...

589

Study for String Instrument #1 (Simon Steen-Andersen, 2007) ...

611

Le patch bien tempéré III (Tom Mays, 2013) ...

625

Figures supplémentaires ... 640

Entretien avec Vincent-Raphaël Carinola et Claudio Bettinelli ... 645

Notice des extraits vidéos ... 677

Feuilles de calcul... 681

Outils d’analyse ... 695

Index des œuvres ...

706

Table des figures ...

719

(16)

Introduction

Depuis les années 2000, le geste du musicien apparait comme un élément d’étude de la recherche en musique1. Plus généralement, il est au centre des préoccupations de la recherche dans le spectacle vivant2. D’autre part, les Performance Studies ont démontré le rôle essentiel du corps du performeur lors de la réception d’une expérience scénique3. En vertu de son aspect intangible et de sa définition protéiforme, la problématique du geste touche tous les domaines (philosophie, psychologie, sociologie, médecine, anthropologie, etc.) mais c’est bien dans la musique que le terme « geste » est le plus souvent utilisé. Si aucun consensus ne semble être fait quant à son emploi, il est possible de distinguer plusieurs types d’utilisation (geste compositionnel, geste du performeur, geste d’écoute) ainsi que des approches déterminées (pédagogie par le geste, analyse des données du mouvement, le geste comme élément expressif d’une performance, comme marqueur d’identité sociale, etc.). Le présent travail se situe dans une approche inductive, partant de l’analyse d’un corpus pour essayer de dégager des « lois » qui puissent servir à de futurs travaux de recherche. Le geste, en tant qu’élément premier de la spectacularité d’une pièce de théâtre musical, nécessite une étude spécialisée qui pourrait donner naissance à une musicologie du théâtre musical, à partir d’une question centrale : comment la performance musicale dans son aspect vivant intègre le geste et comment celui-ci influe-t-il sur la forme ? Cette thèse apporte un premier élément de réponse en considérant le geste comme paramètre musical4, c’est-à-dire comme caractère permanent de la performance

1 GENEVOIS, Hugues., DE VIVO, Raphaël (dir.). Les nouveaux gestes de la musique. Marseille : Parenthèses,

1999 ; Cahiers d’ethnomusicologie [en ligne] 2001, n°14 : Le geste musical. Disponible sur :

http://ethnomusicologie.revues.org/70 (consulté le 7 août 2018) ; HATTEN, Robert S. Interpreting Musical Gestures, Topics and Tropes: Mozart, Beethoven, Schubert. Bloomington : Indiana University Press, 2004 ; IMBERTY, Michel., GRATIER, Maya (dir.). Temps, geste et musicalité. Paris : L’Harmattan, 2007 ; GODØY, Rolf Inge., LEMAN, Marc (dir.). Musical Gestures: Sound, Movement and Meaning. New York : Routledge, 2010 ; KING Elaine (dir.). New Perspectives on Music and Gesture. Burlington : Ashgate, 2013 ; OLIVE, Jean-Paul., KOGLER, Suzanne (dir.). Expression et geste musical. Paris : L’Harmattan, 2013.

2 BOISSIÈRE, Anne., KINTZLER, Catherine (dir.). Approche philosophique du geste dansé : de l’improvisation

à la performance. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 2006 ; HERR, Sophie. Geste de la voix et théâtre du corps : corps et expérimentations vocales à la croisée des pratiques artistiques du XXe siècle à

nos jours. Paris : L’Harmattan, 2009 ; BOUISSAC, Paul. Semiotics at the Circus. Berlin : De Gruyter, 2010 ; GLON, Marie. LAUNAY, Isabelle (dir.). Histoire de gestes. Arles : Actes Sud : 2012.

3 AUSLANDER, Philip. Liveness. Performance in a Mediatized Culture. New York : Routledge, 2008 ;

GOLDBERG, RoseLee. La performance : du futurisme à nos jours. Paris : Thames & Hudson, 2012 ; SCHECHNER, Richard. Performance Studies: An Introduction. New York : Routledge, 2013 ; COOK, Nicholas. Beyond the Score: Music as Performance. New York : Oxford University Press, 2014.

4 Ce travail de recherche s’inscrit dans la continuité du projet GEMME (Geste musical : modèles et expériences)

(17)

qui produit « la base concrète d’une structure de variation de valeur formant le discours abstrait5 ».

Le geste, insaisissable et pourtant si familier, possède en musique plusieurs fonctions. Il déclenche et modifie des sonorités (fonction triviale) mais possède également un lien avec le timbre d’un instrument. En effet, puisque la dynamique d’un son change son timbre et que la dynamique est directement liée à la corporéité (par l’amplitude du geste), il existe un lien entre l’énergie corporelle du geste et le timbre. À travers tous les arts de la scène (au moins), le théâtre ou la danse, la musique ou le cirque, le geste se donne à voir et, d’une certaine manière, fait toujours partie du spectacle. Dans une introduction sur les relations entre musique et théâtre, Muriel Plana et Frédéric Sounac considèrent que « la rencontre dans le respect de la différence, soit un dialogue mouvant, se serait donc peu ou prou substituée au fantasme de la totalité6 ». Partant du principe que chaque entité désire ce qu’elle manque, en particulier dans l’art, c’est une sorte de dialogue amoureux fait d’adhérences et d’oppositions qui lie les différentes pratiques artistiques. Cette « aspiration à l’altérité7 » fait naître durant le XXe siècle des œuvres

hybrides (ballets avec chant d’Igor Stravinsky, happenings, anthropométries, etc.) où la seule analyse musicologique ne peut suffire à rendre compte de la totalité signifiante en situation de performance. Le théâtre, qui semble d’emblée impliquer une voix mise en espace, vient s’immiscer dans la scène musicale d’après-guerre d’une façon particulière. D’une part, la poésie est à la base des revendications des avant-gardes du début du XXe siècle (comme le futurisme) et constitue, si l’on ose dire, la « bonne parole » à répandre. D’autre part, les débuts du théâtre musical d’avant-garde des années 1960 – ainsi qu’un échantillon de pièces le précédant de quelques décennies – sont directement tournés vers la voix et l’hétérogénéité du matériau compositionnel. Considéré comme une « machine à sons » et non un vecteur d’expression utile pour diffuser un message, l’appareil vocal démontre ses potentialités multiples à l’aide de modes de phonation riches et variés. En cela, le théâtre musical est déjà théâtral. Mais la « réforme » du théâtre musical va plus loin. Il s’agit de spatialiser la musique, c’est-à-dire de théâtraliser le son, mais aussi de rendre théâtral le geste instrumental (comme l’ont si bien fait Mauricio Kagel ou Luciano Berio) voire le rituel du concert lui-même, ainsi que tous les autres

un nouveau paramètre de la musique au XXe siècle. La page officielle du projet est disponible sur :

https://anr.fr/Projet-ANR-12-BSH3-0007 (consulté le 10 avril 2019).

5 CHION, Michel. Guide des objets sonores. Pierre Schaeffer et la recherche musicale. Paris : Buchet/Chastel,

1983, p. 67.

6 PLANA, Muriel., SOUNAC, Frédéric. « Introduction : ‘Du désir au modèle’ ». In : Id. (dir.). Les relations

musique-théâtre : du désir au modèle. Paris : L’Harmattan, 2010, p. 11.

(18)

présupposés du monde musical. Par conséquent, l’identité musicienne est altérée (une chanteuse peut également être percussionniste ou se déplacer sur scène) et les techniques de jeu sont démultipliées, ce qui crée une véritable spectacularité de la performance. Le théâtre musical comporte des situations qui produisent une « dramaticité8 », c’est-à-dire un conflit de forces qui ne provient pas directement d’un texte ou de personnages mais plutôt de fragments de relations dialectiques entre les performeurs. La scène peut devenir un espace de confrontation d’action dans lequel le « jeu musical » révèle ses propriétés visuelles, allant jusqu’à produire des pièces muettes régies par des lois musicales (Dieter Schnebel – nostalgie, 1962).

L’analyse du geste du musicien en situation de jeu est motivée par un répertoire où le caractère spectaculaire constitue un ensemble de données signifiantes pour l’auditeur-spectateur. Les partitions du théâtre musical contemporain contiennent en effet de nombreux éléments qui se donnent à voir durant la performance (lever les mains en l’air, croquer une pomme, se déplacer sur scène, faire une grimace, lever une chaise, etc.). Plus particulièrement, le geste apparait comme un élément de composition et de réception à part entière en tant qu’il semble structurer la durée de la représentation. Pour confirmer cette hypothèse, nous effectuerons un travail d’analyse empirique qui tient compte de la notion phénoménologique d’épochè consistant à appréhender le sensible pour lui-même, indépendamment de toute influence externe9. Cependant, cette activité expérimentale ne tient pas compte de l’expérience d’un vécu in situ. L’exercice d’analyse n’opère en effet qu’à partir d’une médiatisation des pièces considérées, par le truchement de la vidéo. La démarche repose sur une base post-structuraliste qui consiste d’une part à quantifier des données grâce à des calculs métriques illustrés par des graphiques, cela afin de « délier » l’aspect visuel de l’aspect sonore10 et voir comment l’un vient compléter l’autre, et d’autre part à tenir compte des propositions théoriques de la Psychologie de la Forme. Ces dernières nous permettront d’arriver à des éléments de

8 La dramaticité désigne, dans le domaine du théâtre, le « principe qui rend dramatique un texte. Dramatique,

c’est-à-dire tendu, lié à un conflit ou à une contradiction à résoudre, à un équilibre à retrouver, à une action à accomplir ». Sur cette définition proposée par Patrice Pavis, nous parlons volontiers de dramaticité pour qualifier ce qui rend dramatique un moment particulier du concert (ou une pièce en elle-même) et, par métonymie, pour nommer également l’effet que le spectateur saisit. Contrairement au concept de dramaturgie, qui implique des personnages, des actions, et surtout un texte, la dramaticité telle que nous la concevons tout au long de ce travail n’identifie a priori aucun personnage. Elle crée simplement des tensions dans le discours musico-scénique, en partie grâce à la musique et aux gestes des performeurs. PAVIS, Patrice. « Théâtralité en Avignon ». In : Id., Vers une théorie de la pratique théâtrales. Voix et images de la scène. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 2007, p. 278.

9 Plus généralement, l’épochè selon Edmund Husserl désigne la mise hors circuit de « tout jugement portant sur

l’existence spatio-temporelle ». HUSSERL, Edmund. Idées directrices pour une phénoménologie. Paris : Gallimard, 1950, p. 102.

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théorisation du geste musical sous forme de fonctions discursives, et donc de revenir à un degré d’évocation sémiologique. Nous pensons en effet que la sensation d’hétérogénéité (tant au niveau du matériau que de son organisation) que peut ressentir l’auditeur-spectateur face à une performance de théâtre musical est contredite par des lois de la perception qui imposent une appréhension d’« objets formés » qui fusionnent au niveau macroscopique11. En d’autres

termes, la performance est signifiante en soi. Elle est elle-même une forme qui obéit à des lois. La scène envoie donc un ensemble de signes ordonnés qu’il faut identifier, mais c’est un tout (structure, forme) qui est perçu par l’audience.

Ce travail de recherche tente de mettre à jour l’aspect discursif du geste du musicien en situation de jeu, à savoir comment ses différentes manifestations et ses différentes fonctions font de lui un paramètre musical à part entière, c’est-à-dire permettent de créer un rythme de la temporalité, aux côtés d’autres paramètres tels que l’amplitude sonore et le timbre. Pour pouvoir y arriver, le texte proposé suit une progression en trois chapitres auxquels se greffe une coda. Le premier chapitre est un bilan de recherche du geste en musique précédé de références extra-musicales. Faire état de la littérature musicologique sur le sujet permet d’en comprendre les principales causes. D’une part, de nouveaux moyens techniques (qui se concrétisent par exemple par la création d’une lutherie électronique) permettent de supprimer le lien entre le geste et le son, qui demande à être reconstruit. La variation de l’effort du performeur n’est donc plus obligatoirement liée à la variation d’énergie sonore ou de timbralité, ni même de projection du son dans l’espace. D’autre part, un nouveau répertoire – le théâtre musical – émerge comme un corrélat dans lequel aucun élément de la scène ne parait plus important qu’un autre. Dans les deux cas se pose la question de la paramétrisation du geste. Nous entendons par paramètre un élément d’information nécessaire pour évaluer un objet (en l’occurrence une œuvre de théâtre musical scénique) à sa juste valeur. D’une part, le geste comme paramètre peut se concevoir de manière poïétique. Dans ce cas, il est un élément d’information pris en compte durant le processus de création et s’observe par exemple directement dans la partition (indications précises dans la réalisation d’une technique de jeu ou d’une action). D’autre part, il peut s’envisager de manière esthésique en tant qu’il constitue un élément d’information

11 L’un des principes fondamentaux de la Psychologie de la Forme est de considérer que le tout est supérieur à la

somme de ses parties, et que nous avons tendance à percevoir et organiser une forme stable et cohérente peu importe la quantité et la qualité des informations que notre champ de vision appréhende simultanément. STERNBERG, Robert J., STERNBERG, Karin. « The Perception of Groups – Gestalt Laws ». In : Id., Cognitive Psychology. Belmont : Wadsworth, 2012, pp. 113-115

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indispensable de la performance scénique. Dans ce deuxième cas, celui qui nous préoccupe le plus, une analyse systématique aide à en comprendre les mécanismes de la réception.

Le second chapitre propose une filiation historique permettant d’expliquer comment le geste semble être devenu un paramètre de composition. Pour ce faire, il est nécessaire de s’intéresser aux avant-gardes du début du XXe siècle, à l’origine même de la performance. Si

la musique comporte quelques cas isolés de pièces hybrides distinctes de l’opéra, c’est bien les futuristes et dadaïstes qui sont les précurseurs en matière de synthèse des arts. En particulier, la déconstruction du langage telle que la pratiquaient Marinetti, Raoul Hausmann ou Kurt Schwitters précède la déconstruction du geste vocal (communication préverbale ou non verbale) exploitée par les compositeurs d’après-guerre (Luciano Berio, Georges Aperghis, Karlheinz Stockhausen, Dieter Schnebel, Mauricio Kagel, etc.). Nous défendrons ensuite l’idée que l’avènement de la musique concrète (au sens technique du terme) constitue un nouveau paradigme épistémologique qui contribue à l’émergence du répertoire de théâtre musical. La technique de la reproduction mécanisée engendre une perte de l’aura de l’œuvre d’art qui est à la base de changements majeurs, ainsi que le revendique Walter Benjamin dès les années 193012. La gravure de la musique sur support sépare le visuel du sonore et permet une réécoute,

laquelle offre la possibilité aux compositeurs de créer des variations constantes. Les moyens techniques des studios créent un nouveau « geste d’écrire », littéralement physique, et engendrent une esthétique du fragment qui définit de nouvelles temporalités au déroulement discontinu, tout en faisant de l’espace un élément de composition. Plus généralement, dans les années 1950 puis 1960, la préoccupation du geste – ou plutôt celle du corps du performeur ou de l’artiste – apparait comme vecteur d’hybridation des arts, et le théâtre musical émerge comme une alternative efficace à l’opéra après une seconde guerre traumatisante qui nécessite de nouveaux moyens d’expression. Finalement, l’histoire de la musique concrète et des studios d’enregistrement semble avoir joué un rôle majeur dans la prise de conscience du paramètre gestuel durant l’acte de création, de manière implicite (la microprécision d’un résultat sonore requiert un micro-geste, donc l’exploitation timbrale d’un instrument requiert une technique de jeu étendue qui peut éventuellement être perçue comme « théâtrale ») ou explicite (le compositeur théâtralise le geste instrumental). Cette historiographie, qui repose sur un nombre important d’exemples venant étayer la prose, s’attache également à définir le théâtre musical et cerner les différents invariants du caractère spectaculaire de ces pièces hybrides.

12 BENJAMIN, Walter. « L’œuvre d’art à l’époque de la reproduction mécanisée [1936] ». In : Id., Écrits français.

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Le troisième chapitre constitue le cœur de ce travail de recherche. Ce n’est en effet que par l’extraction de données en situations de jeu qu’il semble possible de comprendre comment la paramétrisation du geste s’articule durant l’expérience vécue par l’auditeur-spectateur. Si le chapitre d’historiographie constitue une étape essentielle pour supposer que le geste est bien un paramètre de composition, le chapitre d’analyse est nécessaire en tant qu’il propose des données concrètes pour valider scientifiquement cette intuition. Pour ce faire, chaque étude de cas s’appuie sur une captation vidéo qui, bien qu’elle fournisse des renseignements essentiels pour notre entreprise, ne constitue toujours qu’une trace du vécu réel. Le vivant fournit une dimension supplémentaire de la corporéité partagée par une « empathie kinesthésique13 » qui se trouve altérée (mais pas absente) par la médiatisation de l’image et ne peut donc être restituée en tant que telle14. C’est en toute connaissance de cause que l’analyse de niveau esthésique est menée à son terme et que des grilles de lecture sont proposées en guise de conclusion théorique.

Enfin, quelques pages supplémentaires réunies sous le terme « coda » viennent agrémenter ce travail. Nous défendrons l’idée selon laquelle le geste affirme notre existence humaine et la situe dans le monde, avant de conclure sur une proposition de définition du geste musical.

Ce travail de recherche espère combler un manque en apportant des éléments de réponse dans un domaine où finalement très peu d’études de cas sont réalisées de manière systématique. Si l’analyse du geste du musicien en situation de jeu n’est pas courante, c’est qu’il est d’une part difficile de dissocier le son du geste qui le produit et que d’autre part, le domaine de la perception visuelle relève, selon le sens commun, d’un champ disciplinaire a priori périphérique à la musicologie (arts du spectacle, danse, théâtre, psychologie, neurosciences, etc.). La principale difficulté provient du paradoxe suivant : isoler l’élément d’un couple (le

13 L’empathie kinesthésique (ou la « contagion gravitaire » selon les termes d’Hubert Godard) désigne « le

phénomène d’adhésion psycho-physique tel que le spectateur ressent dans son corps propre le mouvement de l’autre ». LEROY, Christine. « Empathie kinesthésique, danse-contact-improvisation et danse-théâtre ». Staps [en

ligne] 2013, vol. 4, n°102. Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-staps-2013-4-page-75.htm (consulté le 18 mai 2019), p. 78 ; GODARD, Hubert. « Le geste et sa perception ». In : MICHEL, Marcelle., GINOT, Isabelle (dir.). La danse au XXe siècle. Paris : Larousse, 1998, pp. 224-230.

14 Au sujet de la perception du mouvement, voir également : BERTHOZ, Alain. Le sens du mouvement. Paris :

Odile Jacob, 1997 ; BERNARD, Michel. « Les fantasmagories de la corporéité spectaculaire, ou le processus simulateur de la perception ». In : Id., De la création chorégraphique. Pantin : Centre Nationale de la Danse, 2001, pp. 85-94 ; MOLNAR-SZAKACS, Istvan., OVERY, Katie. « Music and Mirror Neurons: From Motion to ’E’motion ». Social Cognitive and Affective Neuroscience, 2006, vol. 1, n°3, pp. 235-241.

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geste) alors que celui-ci entretient un lien solidaire avec sa moitié (le son). Selon Jane W. Davidson, qui étudie le mouvement expressif des performances musicales, « le mouvement corporel est un domaine clé qui doit faire l’objet d’une enquête plus approfondie, tant pour les interprètes que pour le public15 », ce que nous nous proposons de réaliser ici.

Avant de commencer la lecture, il est primordial de prendre connaissance de certaines conventions d’écriture :

- Toutes les citations en langue étrangère ont été traduites par l’auteur, sauf mention explicite. Le texte original se trouve en note de bas de page. En revanche, si la citation se fait en note ou s’il est judicieux d’apporter une précision dans la traduction, le texte original est entre crochets et en italique ;

- Les guillemets contenus dans les citations sont notés à l’aide d’apostrophes ; - Lors des citations, l’emphase (italique, gras) consentie par l’auteur est préservée ; - Les termes d’auteurs sont en italique et définis en note de bas de page lors de la première

occurrence ;

- Les néologismes sont écrits entre guillemets et accompagnés d’une explication, puis laissés en italique par la suite ;

- Les nombres sont notés en toutes lettres, sauf pour indiquer une date ou mettre en valeur une quantité ;

- Les indications d’expression et modes de jeu seront parfois nommés par leurs abréviations : pizz. (pizzicato), cresc. (crescendo), etc. ;

- Dans les notes bibliographiques, l’abréviation « n.p. » signifie « non paginé » tandis que « s.n. » signifie « sans nom » (pas d’éditeur) ;

- Lorsque cela s’avère pertinent, la date originale de publication d’un texte traduit ou réédité est indiquée entre crochets dans le titre ;

- Lorsque plusieurs références se suivent dans une note de bas de page, les entrées bibliographiques sont écrites à la fin et séparées par des points-virgules ;

15 “Bodily movement is a key area for further enquiry for both performers and audiences alike.” DAVIDSON, Jane

W. « Bodily Movement and Facial Actions in Expressive Musical Performance by Solo and Duo Instrumentalists: Two Distinctive Case Studies ». Psychology of Music [en ligne] 2012, vol. 40, n°5. Disponible sur :

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- Les titres d’œuvres sont suivis de la date de la première représentation, inscrite entre parenthèses. Dans le cas où la distinction avec la date de composition fait sens pour le propos, une mention supplémentaire apporte les précisions requises ;

- Toutes les figures sont disponibles en téléchargement afin que le lecteur puisse profiter d’une meilleure définition16.

16 Disponible sur : https://drive.google.com/drive/folders/1qHZDxSP92JJMb5mEi3j44UrvDtUrysyI?usp=sharing

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Prolégomènes :

du son au mouvement, du geste au son

Dans le premier chapitre de son essai de philosophie de la musique, Francis Wolff réalise une ontologie musicale, en commençant par considérer les sons audibles comme des indices des événements :

Les sons ne sont pas des signes des personnes ou des choses matérielles, mais de ce qu’elles font ou de ce qui leur arrive. Autrement dit, des événements. Lorsqu’on dit, trop rapidement, qu’on entend quelqu’un ou quelque chose, on entend en réalité quelqu’un faire quelque chose (venir, parler) ou on entend quelque chose se produire […] Sans mouvement, pas de son […] Les sons, du moins les sons audibles, sont donc pour nous des indices des événements.17

Si l’auteur emploie le terme d’événement, c’est parce que celui-ci provient du latin evenio, qui signifie « avoir lieu, survenir ». Le son est donc toujours la conséquence d’un élément qui survient, d’un mouvement, c’est-à-dire d’un changement d’état sur un empan temporel donné. Il est en cela l’antithèse du statisme. Ce changement d’état est matérialisé par un mouvement qui est soit lui-même engendré par un être vivant, soit l’actualisation d’un phénomène naturel (vent, tonnerre, irruption volcanique, ruissellement d’un fleuve, etc.). Dans tous les cas, le son nous indique si un événement nous concerne :

C’est comme si les millions de siècles qui ont façonné nos organes auditifs avaient pris soin que nous possédions un véritable système d’alarme permanent qui nous dit presque immédiatement ce qui se passe, quand il se passe quelque chose ; et nous dit si cet événement nous menace, nous conforte, nous intéresse, bref nous concerne18.

De plus, le son est lui-même la perception physiologique d’un flux créé par la vibration de molécules dans un milieu de propagation (air, eau, plaque métallique, etc.). Il est donc lui-même constamment en mouvement et n’est qu’un phénomène vibratoire parmi d’autres19. En tant

qu’activité humaine, la production sonore est elle-même directement corporelle, que ce soit par

17 WOLFF, Francis. Pourquoi la musique ? Paris : Fayard, 2015, p. 31. 18 Id., p. 32.

19 La lumière ainsi que le courant électrique alternatif sont également des phénomènes vibratoires qui se propagent.

Il est donc possible de les combiner entre eux. L’invention du photophone d’Alexander Graham Bell permettait, dès la fin du XIXe siècle, de transmettre de la parole à l’aide de réflexions lumineuses. En ce qui concerne le

courant électrique alternatif, sa vibration – généralement de 50 Hz, ou 60 Hz en Amérique du Nord – peut être audible en utilisant des liaisons asymétriques ou en réalisant des boucles de masse.

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l’effectuation d’un geste sur un instrument, ou par le mouvement dansé qui est souvent inséparable20. La perception du son ne s’effectue pas uniquement par l’appareil auditif (formé principalement des cellules ciliées, de la cochlée et de la membrane basilaire) mais par toutes les parties résonantes du corps, qui vibre littéralement. Les ondes s’y propagent puisque celui-ci constitue lui-même un milieu de propagation. Finalement, il se crée une boucle énergétique rétroactive où la notion de mouvement est omniprésente : mouvement (événement) => son = mouvement => perception = mouvement. Dans un contexte musical, le mouvement de jeu du musicien possède une qualité transductrice21. En effet, le musicien convertit une impulsion intérieure (donnée par le souffle) en énergie cinétique (mouvement) puis, par le biais de l’instrument, en énergie acoustique (vibration sonore). Il réalise donc une chaîne énergétique du mouvement au phénomène sensible du sonore qui produit un paradoxe du phénomène musical. D’une part, les sons sont des oscillations de l’air, donc non corporels, et d’autre part, ils sons produits par des activités musculaires, et sont donc corporels :

La musique comme art à partir de sons, au sens le plus large, est donc un art de l’air, incorporel […] La musique est un art corporel et matériel, un processus impliquant de multiples activités musculaires, qui à leur tour sont diversement liées entre elles, et ce processus se déroule constamment au présent. Globalement, ce qui est mis en oscillation est de la matière, humaine ou inanimée, individuelle ou collective.22

D’un point de vue biologique, la présence d’un son peut indiquer un danger pour celui qui le perçoit23, c’est-à-dire être une menace potentielle qui peut mener l’animal (dont l’homme) à sa perte. Des bruissements de feuilles à une tempête en passant par un coup de feu, le son reste toujours la source éventuelle d’un risque, le signe éventuel d’une menace. En d’autres termes, « [l’écoute] est un mode de défense contre la surprise24 ». Par exemple, le cri d’un bébé est aigu, puissant et couvre une très grande plage de fréquences, justement car l’homme demeure plus

20 Il s’avère que la plupart des musiques du monde sont dansées tandis que l’inverse n’est pas vrai.

21 Un transducteur est un élément qui convertit un type d’énergie en une autre. Par exemple, un haut-parleur est un

transducteur puisqu’il transforme de l’énergie électrique en énergie acoustique. Une dynamo de bicyclette possède également une qualité transductrice puisqu’elle convertit de l’énergie mécanique en énergie lumineuse.

22 SCHNEBEL, Dieter. Son et corps. Dijon : Les presses du réel, 2017, p. 40, p. 42.

23 Par ailleurs, les bords de la rétine servent à détecter le mouvement et non à identifier l’objet. Lorsque l’objet en

question est immobile, on ne le perçoit pas, comme si cette partie précise de l’œil agissait tel un capteur de danger. En d’autres termes, l’œil aussi – comme l’oreille – possède cette fonction biologique primordiale de détection. Cette découverte tient de Richard L. Gregory, qui conclut que « le bord de la rétine est donc un dispositif d’alerte précoce, utilisé pour faire tourner les yeux afin de diriger la partie sophistiquée de reconnaissance d’objet du système sur des objets susceptibles d’être des amis, des ennemis ou de la nourriture plutôt que d’être neutres23 ».

“The edge of the retina is thus an early-warning device, used to rotate the eyes to aim the sophisticated object-recognition part of the system on to objects likely to be friend or foe or food rather than neutral”. GREGORY, Richard L. Eye and Brain. The Psychology of Seeing. New York/Toronto : World University Library, 1978, p. 93.

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sensible à une des zones fréquentielles concernées25. Puisque les oreilles peuvent prévenir du danger à n’importe quel moment, elles ne possèdent pas de protection (à la différence des yeux qui peuvent se protéger de la lumière grâce aux paupières). On peut décider de ne pas voir tandis que pour décider de ne pas entendre, nous sommes obligés d’utiliser nos mains pour nous « boucher les oreilles », ce que ne peuvent d’ailleurs pas faire la plupart des animaux.

Lorsque le mouvement possède une fonction autre que sa simple charge utilitaire, c’est-à-dire lorsqu’il est dirigé vers un autre but (moyen d’expression, entité structurelle, etc.), le son représente l’indice d’un geste produit. Par conséquent, les gestes ne concernent a priori pas les mouvements issus de phénomènes naturels (comme la foudre) ou animaliers (comme le cri d’un oiseau, la marche d’un mammifère ou la vibration de la queue d’un serpent à sonnette). Certes, des branches bougent ou se meuvent sous l’effet du vent, une pierre roule, mais on ne dit pas qu’un arbre ou une montagne fait un geste26. Les animaux sont bien sûr capables de transmettre

une charge expressive par leurs mouvements (il suffit pour cela d’observer un paon faire la roue), mais il semble que le propre de l’homme, à travers l’art, réside dans la structure de cette charge expressive volontaire sur une durée de temps assez longue. En créant des œuvres d’art, l’homme prouve qu’il est un « animal gestuel » :

Au lieu que les sons naturels soient subis, ils sont produits volontairement. Telle est la première différence, et peut-être la principale, entre la nature et l’art. L’art consiste à faire activement – donc à produire – ce qui d’habitude est seulement passivement perçu – et donc subi […] Le plaisir de faire du bruit se double du plaisir gestuel. Les gestes se font causes des sons, le corps discipline les événements environnants, l’esprit produit des sons ad libitum et selon la règle qu’il se donne.27

La composante essentielle du geste est la double présence d’un caractère vivant et d’un aspect informationnel : « le geste est un mécanisme vivant et intelligible propulsé par une énergie à l’intérieur d’un être28 ». Le terme « arts vivants », qui désigne communément le théâtre, la

danse, l’opéra, la musique ainsi que les spectacles de rue ou le cirque semble adéquat puisqu’il qualifie des activités requérant la réalisation de gestes devant le spectateur (contrairement aux

25 Les courbes isosoniques mettent en valeur une zone située entre 3 et 4 kHz, dans laquelle l’homme y est plus

sensible que tout le reste.

26 On remarque que lorsque, dans certains mythes – comme chez les grecs anciens – telle montage ou tel

phénomène naturel est associé sert de cause vis-à-vis d’un comportement humain, cela se passe par une déification considérée comme une « surhumanité », comme si la charge expressive d’un mouvement ne pouvait provenir que de l’homme.

27 WOLFF, Francis. Pourquoi la musique ? op. cit., p. 44.

28 ANAKESA KULULUKA, Apollinaire. « Du fait gestuel à l’empreinte sonore : pour un geste musical ». Cahiers

d’ethnomusicologie [en ligne] 2001, n°14 : Le geste musical. Disponible sur :

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pratiques picturales où le geste est effectué en amont, bien que perceptible à travers l’œuvre elle-même). La présence d’hommes sur scène (ou dans la rue) au sein du processus de création artistique en train de se faire impose le qualificatif « vivant ». Finalement, tout son est le résultat d’un mouvement, toute vie se manifeste par du mouvement (et provoque donc du son) mais l’organisation de sons semble être la conséquence de mouvements humains qui dépassent la seule valeur fonctionnelle : le geste.

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I. État de l’art

« S’il est un concept étrange, de plus en plus employé en musique, même pour décrire des figures de l’écriture la plus abstraite […] aussi pertinent en anthropologie qu’en analyse musicale, s’il est un concept par essence transdisciplinaire… c’est bien celui de ‘geste’. Le geste musical est l’un des phénomènes complexes de l’expression humaine et animalière, qui relève de réactions synchrones diverses et variées29 »

29 ANAKESA KULULUKA, Apollinaire. « Du fait gestuel à l’empreinte sonore : pour un geste musical ».

APC-MCX [en ligne] 2010, Atelier n°37 : Complexité à l’œuvre : musique, musicologie, spectacle vivant. Disponible sur : http://archive.mcxapc.org/docs/ateliers/0905anakesa.pdf (consulté le 25 août 2018), p. 1.

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Définitions du geste

Lorsqu’un violoniste joue une phrase de Mozart, que Marcel Duchamp expose son premier ready-made, que le calendrier républicain fut créé, que nous tendons un cadeau à quelqu’un, qu’un chirurgien opère, que Jackson Pollock est en pleine phase de dripping, que Ludwig van Beethoven raye la dédicace qu’il avait faite à Napoléon, qu’un opérateur téléphonique nous fait une ristourne, qu’une personne utilise sa main pour « dire » au revoir, qu’une autre fronce les sourcils d’étonnement ou que nous contemplons une statue représentant une divinité hindoue mettant en valeur la mudrâ, il s’agit toujours de gestes. Bien que les configurations soient tout-à-fait différentes les unes des autres (geste révolutionnaire, geste commercial, geste provocateur, geste physique, etc.), il apparait bien que le geste reste toujours associé à des situations humaines, des situations où ce qui compte est « en train de se faire ».

Le terme gestus30 et motus (qui lui signifie non seulement les gestes humains mais peut aussi être étendu à toutes sortes de mouvements, comme celui de la Terre, des étoiles ou d’un animal) dérivent tous deux du terme grec κίνησις (kinêsis). Comme le constate Jean-Claude Schmitt, auteur d’une étude historique approfondie sur l’emploi et la signification des gestes de l’Antiquité tardive jusqu’au Moyen Âge central, avec une simple analyse du vocabulaire, nous faisons face à un écueil majeur qui va perdurer jusqu’à la fin du Moyen Âge : « d’un côté le geste humain se distingue mal d’une conception plus vaste du mouvement, qui englobe tout l’ordre de la nature et fait dépendre le corps des forces qui gouvernent l’univers […] D’un autre côté, la singularité du geste humain tend aussi à être reconnue31 ». Selon l’auteur, « ce qui paraît caractériser le mieux la culture antique du geste, c’est sa capacité à ‘objectiver’ la gestualité, à instaurer un écart entre le sujet et ses gestes, afin de pouvoir nommer, définir, critiquer ces derniers par le langage et les figurer dans des images32 ». Même si pour Saint Augustin, « le geste est un signe parmi d’autres et peut être mis au rang d’un langage33 », c’est-à-dire qu’il

30 Employé au féminin, le terme « geste » (comme dans « la geste hilalienne ») provient de gesta (pluriel de

gestum), qui désigne un récit, une histoire. La trace la plus ancienne de son acception féminine remonte au XIe

siècle et fait référence à un poème épique qui raconte les aventures d’un héros ou d’un peuple, le récit de ses exploits. Le terme « chanson de geste » désigne quant à lui un genre particulier de musique médiévale, dont l’auteur, troubadour ou trouvère, proposait un récit versifié qui décrivait les faits héroïques d’un ancien guerrier et qui était destiné à être chanté et accompagné.

31 SCHMITT, Jean-Claude. La raison des gestes dans l’occident médiéval. Paris : Gallimard, 1990, p. 35. 32 Id., p. 34.

33 KIDA, Tsuyoshi. « Réflexion sur les observables : définitions du geste ». In : FARACO, Martine (dir.). La

classe de langue : Théories, méthodes et pratiques. Aix-en-Provence : Presses Universitaires de Provence, 2006, p. 92.

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forme un langage visible [verba visiblia], il faut attendre Rémi d’Auxerre (ca. 841 – ca. 908) pour obtenir une première définition du geste en Occident. Ce dernier distingue le geste du mouvement en ce que ce dernier concerne le corps entier alors que le premier n’engage que les mains. Les définitions usuelles et actuelles du geste comportent souvent encore aujourd’hui le côté manuel34 en y ajoutant la composante intentionnelle. Selon Tsuyoshi Kida, qui a réalisé une histoire de la définition du geste dans l’Antiquité et le Moyen Âge :

L’intérêt scientifique porté au geste resta minoritaire au Moyen Âge. La primauté fut, suivant la théologie chrétienne, accordée au langage verbal, à savoir les Écritures bibliques, et le ‘langage gestuel’ resta quelque chose de sacré, restant plutôt non expliqué tout au long de cette période. La réflexion théorique plus générale de la culture gestuelle en était absente. Ainsi, la culture gestuelle s’oriente à l’époque médiévale vers la symbolisation, la ritualisation ou la conventionnalisation de l’acte gestuel, pouvant être considéré comme un système sémiotique autonome.35

Les dictionnaires usuels proposent des définitions basées sur le mouvement, qui sont toutes proches les unes des autres. Dans le Larousse, il s’agit d’un « mouvement du corps, principalement de la main, des bras, de la tête, porteur ou non de signification36 » tandis que dans le Dictionnaire de l’Académie française (9e édition), le geste désigne un « mouvement du

corps, notamment du bras, de la main, de la tête » ou une « action qui révèle un sentiment ou manifeste une intention37 ». Dans le Littré, le geste est défini comme une « action et mouvement du corps, particulièrement des bras et des mains, action et mouvement employés à signifier quelque chose » ou un « simple mouvement du bras, ou du corps, de la tête38 ». Les dictionnaires anglo-saxons proposent des définitions similaires. Dans l’Oxford, un geste est un « mouvement d’une partie du corps, en particulier d’une main ou de la tête, pour exprimer une idée ou un sens39 », tandis que dans le Collins, il s’agit d’un « mouvement effectué avec une partie du corps, en particulier des mains, pour exprimer des émotions ou des informations40 ». De toutes ces formulations ressortent trois éléments principaux pour caractériser le geste : le

34 Pour Quintilien, dans la section 3 du tome XI de l’Institution oratoire, le geste [gestus] ne se réfère pas

exclusivement à l’usage des bras et des mains, mais à l’ensemble du corps, les postures, les actions de la tête et du visage ainsi qu’au regard.

35 KIDA, Tsuyoshi. « Réflexion sur les observables : définitions du geste », op. cit., p. 92.

36 Disponible sur : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/geste/36848?q=geste#36789 (consulté le 2 août

2018).

37 Disponible sur : https://academie.atilf.fr/consulter/geste?page=1 (consulté le 2 août 2018). 38 Disponible sur : https://www.littre.org/definition/geste (consulté le 2 août 2018).

39 “A movement of part of the body, especially a hand or the head, to express an idea or meaning”. Disponible

sur : https://en.oxforddictionaries.com/definition/gesture (consulté le 2 août 2018).

40 “A movement that you make with a part of your body, especially your hands, to express emotion or information”.

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mouvement, une partie du corps (mains, bras, tête), une certaine « force d’intention » (expression d’une idée, d’un sens ou d’un sentiment). Contrairement à la marche ou au déplacement, qui sont de simples mouvements, le salut, lui, est un geste puisqu’il tend vers quelque chose41. Cependant, la nature de cette intention n’est pas claire et semble dépendre du geste en question. Il est malgré tout possible de simplifier toutes les propositions précédentes en considérant le geste comme un « mouvement (du corps) doté d’une signification ».

La notion de mouvement est également omniprésente dans les entrées de dictionnaires spécialisés. Ce point de convergence transdisciplinaire n’empêche cependant pas de préserver la spécificité de l’angle de vue adopté dans chaque domaine. Ainsi, la psychologie semble considérer le geste avant tout comme un mouvement dirigé vers un but, une signification, en tous cas, portant une charge intentionnelle42. En théâtre, cette intention est liée au texte et permet de créer un langage scénique43. Dans les sciences sociales, le geste est un moyen d’interagir avec ses congénères. Ce moyen de communication est un langage44. En peinture,

41 Selon l’étymologie latine, « intentio » signifie « tendre vers ».

42 Le Dictionnaire fondamental de la psychologie définit le geste comme un « mouvement dirigé vers un objectif

extérieur, caractérisé par la projection d’un ou de plusieurs segments corporels dans l’espace ». Dans celui édité aux Presses Universitaires de France, Jean-Paul Bronckart et Émile Jalley considèrent le geste comme un « mouvement extérieur du corps qui est porteur d’une signification ». Pour Yves Clot et Gabriel Fernandez, le geste est une « série finalisée de contractions musculaires assurant les déplacements absolus et relatifs des segments corporels impliqués dans l’action en cours ». Dans l’Oxford Companion to the Mind, Richard L. Gregory définit les gestes comme des « mouvements du corps qui signalent des intentions, des commandes ou des commentaires – ou suggestions, qui peuvent être impolies ou grossières » [Movements of the body that signal intentions, commands, or comments – or suggestions, which may be rude or crude]. BLOCH Henriette., DÉPRET Éric., GALLO Alain et al (dir.). Dictionnaire fondamental de la psychologie. A-K. Paris : Larousse/Bordas, 1997, p. 531 ; DORON, Roland., PAROT François (dir.). Dictionnaire de psychologie. Paris : Presses Universitaires de France, 2007, p. 324 ; CLOT, Yves., FERNANDEZ Gabriel. « Analyse psychologique du mouvement : apport à la compréhension des TMS ». Activités [en ligne] 2005, vol. 2, n°2, p. 71. Disponible sur :

https://journals.openedition.org/activites/1818 (consulté le 2 août 2018) ; GREGORY, Richard D. (dir.). The Oxford Companion to the Mind. New York : Oxford University Press, 2004, p. 376.

43 Pour Patrice Pavis, le geste est un « mouvement corporel, le plus souvent volontaire et contrôlé par l’acteur,

produit en vue d’une signification plus ou moins dépendante du texte dit, ou tout à fait autonome ». Dans le Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Jean-Marie Piemme et Jean-Jacques Roubine définissent le geste comme la « composante du langage scénique consécutif au corps de l’acteur mis en représentation ». Dans le Dictionnaire de la Langue du Théâtre, le geste est une « composante du langage scénique qui, avec la voix et les jeux de physionomie, est liée au corps de l’acteur en représentation ». La gestuelle, en revanche, définit l’ensemble des gestes codifiés. PAVIS, Patrice. Dictionnaire du théâtre. Paris : Armand Colin/VUEF, 2002, p. 150 ; CORVIN, Michel (dir). Dictionnaire encyclopédique du théâtre. A-K. Paris : Bordas, 1995, p. 394 ; PIERRON, Agnès. Dictionnaire de la Langue du Théâtre. Mots et mœurs du théâtre. Paris : Le Robert, 2009, p. 249.

44 Ray L. Gold définit le geste comme des « configurations verbales ou corporelles que l’homme utilise pour

s’engager dans les interactions sensées nécessaires à une activité sociale organisée » [Gesture denotes verbal and other bodily configurations which man utilizes to engage in the meaningful interactions necessary for organized social activity]. Dans le Lexique des sciences sociales, Madeleine Grawitz dit qu’il s’agit d’un « mouvement ayant une signification, moyen de communication qui, systématisé, devient un véritable langage ». Au sein du Dictionnaire de la communication, le geste est un « mouvement du corps volontaire ou involontaire ». GOULD, Julius., KOLB, William L. (dir.). A Dictionary of the Social Sciences. Londres : Tavistock, 1964, p. 388 ; GRAWITZ, Madeleine. Lexique des sciences sociales. Paris : Dalloz, 2000, p. 193 ; TRUXILLO, Jean-Paul., CORSO, Philippe (dir.). Dictionnaire de la communication. Paris : Armand Colin, 1991, p. 200.

Figure

Figure 1 : exemples de gestes napolitains pratiqués au début du XIX e  siècle. Par ordre croissant : silence,  négatif, beauté, faim, moquerie, fatigue, stupide, guerrier, tromper, astucieux
Figure 2 : proposition de vue synoptique des divers champs de recherche sur le geste
Figure 3 : exemple de musique pour piano engageant tout le corps de l’interprète. TCHAIKOVSKY, Piotr Ilitch
Figure 4 : exemple de planche motlibriste. MARINETTI, Filippo Tommaso. « Le soir couchée dans son lit
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Références

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