FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
-A.3ST3STÉE! 1896-97 No 91
L K
S ÉN MÉDECINE
ET PRINCIPALFMENT EN
THÉRAPEUTIQUE,
PAI! LA PHYSIOLOGIE«La médecineestphysiologique.C'est-à-dire
que dans la production des phénomènes morbides, il n'intervient pasde forces spé¬
ciales,mais seulement les forces qui prési¬
dentauxfonctions normales de la vie».
(Marey, La circulation du sang).
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MERE
présentée et soutenue publiquement le 2 Juillet 1897
J,î
Henri-Théophile
MIGNON
Né à Champagné-Saint-IIilaire (Vienne), le 20 août 1873.
Examinateurs de laThèse
MM. ARNOZAN, VIAULT, AUC1IÉ, PACHON,
professeur... Présideh professeur...
agrégé Juges agrégé
Lé Candidatrépondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
tk, —
BORDEAUX
IMPRIMERIE Y. CAD OR ET
17 RUE MONTMÉJAN 17
1897
FACULTE HE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. PITRES
Doyen.
PROFESSEURS :
MM. MICÉ. l D , .
AZAM ( Professeurs honoraires.
Cliniqueinterne.
Clinique externe Pathologieinterne.. ..
Pathologieetthérapeu¬
tique générales Thérapeutique
Médecineopératoire.. .
Clinique d'accouchements
Anatomiepathologique
Anatomie
Anatomie générale et histologie
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE DUPUY.
VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
MOUSSOUS COYNE.
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Physiologie Hygiène Médecinelégale Physique
Chimie.
Histoire naturelle Pharmacie Matière médicale
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Clinique des maladies chirurgicales Clinique gynécologique.. .
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GUILLAUD.
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section de médecine (Pathologie interneetMédecine légale).
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section des sciences anatomiques et physioi.ogiques Anatomie. MM. PRINCETEAU.
CANNIEU. Physiologie MM. PACHON.
Histoire naturelle BEILLE.
section des sciences physiques
Physique MM. SIGALAS. I Pharmacie
ChimieetToxicologie.. DEN1GÈS. M. BARTHE.
COURS COMPLEMENTAIRES :
Clinique interne des enfants MM. MOUSSOUS.
Cliniquedes maladiescutanéesetsyphilitiques DUBREUILH.
Cliniquedes maladiesdes voies urinaires POUSSON.
Maladiesdu larynx, des oreilles etdunez MOURE.
Maladiesmentales RÉGIS.
Pathologie externe DENUCÉ.
Accouchements RIVIERE.
Chimie DENIGÈS.
LeSecrétaire de la Faculté: LEMAIRE.
Pardélibérationdu 5 août1819, la Facultéaarrêté queles opinions émises dans les " hèses qui lui sont présentées doivent être considéréesconnue propres àleursauteurs, et qu'elle n'entend leur donner ni approbation ni improbation.
A Monsieur le Docteur PACHON
Professeur agrégé del'hgsiologieà la Faculté de Médecine de Bordeaux.
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur ARNOZAN
Professeurde Thérapeutiqueà laFaculté deMédecine deBordeaux
Médecin des Hôpitaux, Officier del'Instructionpublique.
L E
PROGRÈS EN MÉDECINE
ET PRINCIPALEMENT EN
THÉRAPEUTIQUE, PAR LA PHYSIOLOGIE
« La médecineestphysiologique. C'est-à-dire que dans la production des phénomènes morbides, il n'intervient pasde forces spé¬
ciales, maisseulement les forcesqui prési¬
dentauxfonctions normales de la vie».
(Marey, La circulation du sang).
INTRODUCTION
Notre époque ou plutôt notre fin de siècle a été marquée,
pour la médecine, par des progrès exceptionnellement remar¬
quables et féconds, si bien qu'on a pu dire àjuste titre qu' « il
fait bon y vivre quand on s'intéresse aux choses de la méde¬
cine ». Dans cette édification nouvelle une science quasi-entière
est née : la pathogénie avec les travaux de l'Ecole française;
mais, àcôté d'elle, toutes les autres parties de la science médi¬
cale se sont ou bien enrichies ou bien transformées. La théra¬
peutique, notamment, est une de celles qui ont le plus large¬
ment bénéficié des découvertes modernes. Durant le coursdu semestre d'hiver, nous avons été entretenus longuement, par lesleçons de M. le professeur Arnozan, de ces merveilleux pro¬
cédés thérapeutiques tels que l'opothérapie et la sérothérapie
qui sont exclusivement l'œuvre de
la science contemporaine. La
nouveauté du sujet, l'intérêt que nous y ont fait prendre les explications et les exposés
lumineux de
notremaître
nousont
dès lors donnél'idée de consacrer à ce sujet les quelques pages
de notre thèse inaugurale. Depuis lors, dans les moments
de
réflexion et de causerie quenous avons eus avec
M.
leprofesseur
agrégé Pachon, un faita particulièrement
sollicité
notre atten¬tion:c'estle rôle quel'idée physiologique,
ainsi
quesaméthode,
ajoué dans la genèsede ces progrès et
particulièrement de
ceuxde la thérapeutique. Pourquoi ne
saisirions-nous
pasd'ailleurs
ici l'occasion de proclamer l'intérêt constant et majeurque nous
ont présenté les études physiologiques et
d'exprimer le regret
que leur place à côté des études
anatomiques soit
un peutrop
oubliée? Quoi qu'il en soit, c'est du rapprochement et
du
rap¬port de ces divers objets d'études, autrement
mais également
pleins d'intérêt pour nous, qu'est née la matière de cetravail.
Sans doute, nous ne comptons pas apporter des idées bien
neuves ou originales sur la question; sans doute, les idées con¬
tenues dans ces pages sont à peu près toutes du domaine com¬
mun;mais n'eussions-nous fait seulement d'une manière un peu claire et profitable, et en même temps un peu
personnelle,
quel'œuvre de synthèse et de comparaison que nous nous sommes proposée, que nous nous jugerions satisfait.
Au reste,nous devons beaucoup aux conseils et auxleçons de
M. le professeur Arnozan, qui abien voulu,en outre,nous
faire
l'honneur d'accepter la présidence de notre thèse; nous devons
aussi beaucoup à M. le professeur agrégé Pachon,
qui
nous a,en tant de circonstances, manifesté sa cordiale sollicitude et qui
a réussi si souvent à nous communiquer sa flamme enthousiaste
pour la science qu'il professe.
Que
tousdeux surtout,
encette
circonstance, reçoivent l'expression de notre profonde gratitude
et de notre vive admiration. Nous prions aussi bien MM. les professeurs Lanelongue et Vergely,
qui
ontguidé
nospremiers
pas dans la clinique chirurgicale et
médicale, d'accepter
nossincères remerciments.
Nous les devons aussi à M. le professeur Picot, dont
l'ensei-
— il —
gnement clinique nous restera comme un guide précieux de
l'étude des malades.
Que tous nos maîtres, d'ailleurs, à la Faculté ou dans les hôpitaux, quinousont toujours montré une sympathie attentive,
veuillent bien considérer ces lignes comme la traduction de
notre très réelle reconnaissance.
CHAPITRE PREMIER
RAPPORTS GÉNÉRAUX DE LA PHYSIOLOGIE AVEC LAMÉDECINE. — SA PLACE
ETSON UTILITÉDANS LES DIVERSESSCIENCES MÉDICALES
Avant d'aborder l'étude plus particulière et
plus détaillée
des rapports de la physiologie avec la
thérapeutique,
nousallons tâcher, dans une vue large et rapide, d'un coup
d'œil
d'ensemble plus synthétique, de définir et
de déterminer
sonrôle, sa place, son utilité dans la
science médicale. Notre
principal sujet en tirera, croyons-nous,
plus de clarté et de
rigueur.
La physiologie a pour objet
l'étude de l'être vivant
enaction.
Mais comme l'être vivant, l'être humain en particulier est un
organisme complexe, où s'est faite une
division du travail, où
chaque partie remplit une fonction propre,plus
oumoins diffé¬
rente ou indépendante, la physiologie
doit
sedéfinir, d'une
manière plus précise, l'étude des
fonctions de l'organisme.
Et quel est donc en regard l'objet
général de la médecine?
C'est l'étude des déviations pathologiques de ces
fonctions,
et,empressons-nous d'ajouter, l'art d'y
remédier. 11 apparaît donc
apriori quele lien le plus étroit et
le plus indispensable relie
ces deux sciences l'une à l'autre. Dans ces conditions, en effet,
il y a nécessité de connaître : d'abord la structure
des
organes, c'est-à-dire l'anatomie, le substratum nécessairesans lequel rienne peut exister; et en deuxième
lieu le fonctionnement de
cesorganes, c'est à-dire la physiologie. Et la conclusion
qui s'im¬
pose, c'est que l'anatomie et la
physiologie
sont au mêmetitre
les bases de la médecine.
Mais de ces affirmations logiques et a priori passons aux preuvesde l'expérience et de l'exemple et proposons-nous
de
vi
1^
— 13 —
démontrer successivement quoique brièvementpour les diverses parties de la science médicale, l'utilité de la science
physiolo¬
gique. Nous allons acquérir la preuve qu'elle apporte au diag¬
nostic, àla séméiologie, àla pathogénie,un concours d'une inap¬
préciable valeur.
-f
Le diagnostic, surtout complet et savant,
sepoursuit toujours
à l'aide d'une exploration attentive et méthodique des divers appareils de l'organisme. Orcette exploration relève
de la phy¬
siologie à la fois dans ses inspirations et sa méthode, dans ses
procédés et dans ses résultats : dans ses inspirations et sa méthode, carelle dépend pourêtre bien conduite d'uneconnais¬
sance préalablement très profonde des divers éléments
fonction¬
nels susceptibles dese troubler; dans sesprocédés, car elle tire
souvent ses renseignements de l'emploi des appareils même de
laphysiologie (étude du pouls, de la capacité
pulmonaire,
uro¬logie, etc...); enfin dans ses résultats, car ceux-ci ne provien¬
nent en définitive qued'un jugement de comparaison avec l'état physiologique. Pour le diagnostic des
maladies de l'appareil
circulatoire, que fait-on par exemple? On interroge
successive¬
ment le choc cardiaque, le pouls, la tension artérielle, l'état du
sang, bref tous les éléments de la fonction circulatoire.
Puis
l'on cherche, à l'aide des instruments appropriés, à mesurer ces divers éléments : on fait l'analyse du sang, dont la composition peut seule donner d'emblée
le diagnostic des anémies;
on arecours au cardiographe au sphygmographe, lequel en
particu¬
lier peut donner des indications
diagnostiques
extrêmement précises : La courhe graphiquedu
poulsdans
sonensemble
est l'expression fidèle des variations de lapression
au coursde la
révolution cardiaque et chaque portion de cette courbe corres¬
pond à une phase
déterminée de
cetterévolution
: nous savons,par exemple, que la ligne
d'ascension traduit la systole ventri-
culaire, la ligne de descente la diastole et le crochet
diastoli
• que, surle trajet de cettedernière, la réaction élastique des val¬
vulesaortiquesquiconstitue le phénomène
normal du dicrotisme
du pouls. Or, qui ne voit, par suite, que toute
modification dans
"p l'inclinaison, dans
la
hauteur,dans la direction d'une portion
f
— 14 —
quelconque de cette
courbe devra correspondre à
uneperturba¬
tion de l'undes moments bienprécis de lafonction
circulatoire?
Il n'en faut pas davantage pour
faire le diagnostic de l'athé-
rome, de l'insuffisance aortique, etc...
Il en va de même pourl'explorationdes autres
appareils. Aux
modifications bien étudiées de la qualité du murmure
vésicu-
laire, des rapports des divers temps
respiratoires
serattachent
les diagnosticsdivers de
l'induration pulmonaire, de l'emphy¬
sème, etc.
Aux modifications des produits normaux
des sécrétions, de la
sécrétion urinaire spécialement, se
rattachent
presqueexclusive¬
mentcertains diagnostics d'importance
majeure, tels
quele dia¬
bèteet l'albuminurie. Bref, etaussi bien pourtousles
appareils,
le diagnostic procède pour ses
conclusions dans
unordre et
un esprit toutphysiologique.Au reste, n'apparaît-il pas que la
nosologie de tel
outel
appareil a ses cadresd'autant plus parfaits,
sesdivisions d'au¬
tant plus précises, que la
physiologie de cet appareil est mieux
établie et mieux fixée?
Il existe en quelque sorte un rapport
direct
entre cesdeux
ordres de faits; et il y a des chances, par exemple, pourque,
tant que ne sera pas mieux
débrouillé le mécanisme fonctionnel
de l'estomac, nous soyons voués à la plus
déplorable incerti¬
tude diagnostiqueetthérapeutiqueà
l'égard des maladies de cet
organe.
Ilne ressort pas avec moins d'évidence
combien la physiolo¬
gie jette de lumière sur
la séméiologie et
surla pathogénie qui
n'est en sommequel'interprétation
rationnelle des signes
etdes
étatsmorbides eux-mêmes. Nousallonsessayer de montrer par
exemple que beaucoup
de phénomènes pathologiques
nesont
compréhensiblesqu'à l'aide des phénomènes physiologiques
seuls. A coup sûr, le médecin
empirique
purqui
nerecherche
que des faits bruts
qu'il puisse
entoute occasion rattacher à
unecause immuable et certaine, sans s'inquiéter du lien qui les unit, n'a que faire de la
physiologie
euséméiologie. Mais le
véritable esprit scientifique, avide de
comprendre
etd'interpré-
— 15 —
ter Je pourquoi des choses, ne peut manquer
de demander à
qui de droitlesexplications qu'il
achance d'en tirer. Il
y adans
lapathologiecardiaque,
notamment,
unphénomène dont la
con¬statation implique danspresque tous
les
casle diagnostic inva-
variabled'une maladie, du rétrécissement mitral : c'est le dé¬
doublement du second bruit. Or, nous nous demandonss'il est possible, sans une
connaissance approfondie de la fonction cir¬
culatoire, sans l'étude éclairée du rôle des
pressions sanguines,
de comprendre quoique ce
soit
à cephénomène important
:A
l'état normal le rapport des pressions du sang
artériel dans le
grand et le petit systèmede la circulation est tel qu'après
l'expulsion de
l'ondée ventriculaire les valvulessygmoïdes,
aor- tiques etpulmonaires
seferment simultanément. Mais voici
qu'un obstacle au cours
sanguin,
auniveau de l'orilice mitral,
exagèrela pression en amont
dans le système pulmonaire et la
diminue, au moins relativement, dans le système
aortique
:dès
lors, l'équilibre est rompu et
les valvules du système pulmo¬
naire,pousséesparune
force plus active
qued'ordinaire, claque¬
ront les premières avant les
aortiques
:d'où le double bruit
entendu, comme l'expliquent du moins
la majorité des auteurs.
Prenons un autre phénomène
remarquable tel
quele pouls
veineux. Nous savons que c'estl'un des signes
de l'insuffisance
tricuspidienne. Larelation est établie empiriquement, brutale¬
ment. Mais à quoi tient-elle ?
La physiologie vasculaire
nousl'explique encore :
quand
secontracte le ventricule droit,
l'ondée sanguine est arrêtée
normalement
enarrière
parla
valvule tricuspidienne qui se ferme.
Mais
supposonscelle-ci
insuffisante commeelle l'est réellement dans le cas qui nous
occupe et le sang,
refluant
àtravers l'oreillette jusque dans les
vaisseaux du cou yproduira ce battement
caractéristique qu'on
appelle lepouls veineux.
Enfin le phénomène de
l'asystolie elle-même, qui est l'abou¬
tissant obligé de toutes les
maladies du
cœur,reçoit, dans
sa complexité, soninterprétation du raisonnement physiologique
qui indique la rupture
de l'équilibre entre la tension artérielle
amoindrie et la tension veineuse surélevée.
— 16 —
Mais à côté de ces faits notoirement démonstratifs empruntés
àlapathologie
cardiaque,
on enpeuttirer à volonté de la patho¬
logie des autres appareils.
Entrons
enparticulier
surle terrain
nerveux où nous allons saisir, pour ainsi dire sur le vif, le
rôle
qu'unenotionphysiologique
peut tout à coupjouer dansl'interpé-
tation dessignesoudes étatsmorbides. Ce futen
etfet
unvéritable
événement scientifique le jour où, en 1870,
Fritsch
etIlitzig
démontrèrent expérimentalement
l'excitabilité de l'écorce grise
du cerveau et arrivèrent ainsi à fonder avec Ferrier, Cliarcot, Pitres,Franck et tant d'autres éminents
expérimentateurs
àleur
suite, la doctrine des localisations
cérébrales. Quand
oneut
démontré de la sorte la fonction propre à chaque sphère du
cerveau, on put interpréter par
des lésions bien précises et
localisées la majorité des faits cliniques
observés. Toute la
question del'épilepsie jacksonienne naquit du
coup,et elle eut
son retentissement remarquable dans
l'application des
moyens thérapeutiques.Sur
ceterrain donc la clinique et la pathologie
avaientbénéficié le plus largement
possible des découvertes de
la physiologie.
11
estvrai de dire qu'elles l'ont bien,
en revan¬che, payée de retour.
Si, au nom des signes seuls, phénomènes
plus
oumoins sim¬
ples et univoques, nous avons
emprunté
uneexplication ration¬
nelle à la science physiologique, il y a en
plus
tout un groupede maladies, d'états morbides complexes cette fois, qui
lui
estredevable du même service. Nous voulons parlerdu groupe des
maladies par
auto-intoxication. Quand MM. Bouchard et Gau¬
tier, en etfet, eurent démontré, par
l'analyse des produits toxi¬
ques desurines et
des fèces, qu'à l'état normal même, l'intestin
était le lieu d'une formation constante de substances énergique-
ment toxiques, il devint
évident
quecertaines maladies devaient
avoir leur originedans ce genre
d'empoisonnement; si
àl'état
normal nous n'étions pas incommodés par ces
poisons, c'est
que nous
suffisions
àles éliminer, les neutraliser
oules dé¬
truire; mais que la production en
devint tout à
coupexcessive,
ou la disparition
imparfaite,
et nous nepouvions
manquerd'en
subir l'intluence délétère. Par là s'éclairait du même coup la
;1
pathogénie de l'ictère grave,
de l'embarras gastrique, de
cesmalaises passagers ou de ces états
infectieux plus
oumoins
bâtards et chroniques, dontnous ne
pouvions guère auparavant
soupçonner la raison.
Et pratiquement,
enmême temps
cesvues pathogéniques
avaient,
comme nousle
verronsplus loin,
des conséquencs de premier
ordre, puisqu'elles conduisaient à
la pratique de
l'antisepsie intestinale.
Nouspourrions ajouter àces
exemples
unnouveau,bien
carac¬téristique : c'est celui de la
pathogénie du diabète,
oudu moins
d'une de ses formes, qui s'éclaira subitement à
la suite d'une
expérience
physiologique faite
en1889
parVon Mering et Min-
kowski. Mais nous nous réservons d'insister plus loin surcette question. De même,
dans les
pagesqui suivent, nous nous
réservons de montrer commentles recherches pathogéniques et thérapeutiques surles
maladies infectieuses ont pris
uneorien¬
tation toute physiologique, comment, en
définitive, toutes
nos conceptions et nosinterventions relatives à l'infection reposent
sur la physiologie de la
maladie microbienne.
Mignon 2
CHAPITRE II
rapports particuliers de la physiologie avec la thérapeutique
De l'étude des rapports de la
thérapeutique
avecla physiolo¬
gie, nous ferons deux
parties
:En premier lieu,nous montrerons
la thérapeutique
nefaisant
qu'appliquer par
quelques-unes de
sesméthodes de traitement,
les plus récentes et
les plus merveilleuses notamment, les
no¬tions physiologiques.
En second lieu, nous verrons que la
thérapeutique
pourl'étude de ses moyens d'actions (des
remèdes, autrement dit),
doit toujours chercher et trouve
souvent dans l'expérimentation
physiologique, la
raison, l'interprétation, la clef même de ces
moyens.
Première partie : Applicationspar la
thérapeutique des notions
physiologiques oumédications dérivées des
connaissancesphy¬
siologiques. — § I. S'il
existe,
àl'heure présente,
unemédica¬
tion importante, c'est bien
celle qui s'adresse à l'infection
soustoutes ses formes. Or, il ne nous parait pas malaisé de montrer
que cette médication,
dans
toute sacomplexité, n'est
quele
corollaire de la physiologie appliquée à
l'analyse de la maladie
microbienne.
Danstoutemaladieinfectieuse,ily adeuxtermesàconsidérer: l'attaque du microbe
d'un
côté,et la défense de l'organisme de
l'autre. Les germes morbides, causes des
maladies spécifiques,
sontdes êtres vivants : ils ont par suite des
besoins matériels
comparables à ceux desanimaux
oumieux des parties élémen¬
tairesquiconstituentnos
tissus
etnosorganes.Avant tout il leur
faut un milieu nutritif. Le bouillon de culture en est un, mer-
veilleusement approprié à leurs
besoins. L'organisme humain
en estun autretout spécial. Or
cju'arrive-t-il lorsque les micro¬
bes ont envahi un pareil milieu?
Evidemment ils entrent en
lutte pour l'existence avec
les éléments des tissus. Il faut qu'ils
puissent
satisfaire leurs grands besoins nutritifs et ils tendent à
le faire de la même manière que dans ces
bouillons de culture.
Mais il ne viendra certainement à l'idéede personne
d'assimiler
le corps d'un
animal
auxmilieux artificiels qui sont utilisés dans
les expériences de
laboratoire. Les microbes introduits dans
l'organisme setrouventen
présence d'un tout complexe constitué
par les éléments
cellulaires qui ont également des besoins
nutritifs et qui sont
capables de réagir contre les agents venant
troubler lejeude leur
fonction. Bien plus,
cesêtres vivants sont
aidés dans leur réaction et par conséquent
dans leur lutte
parune organisation
préétablie représentant l'individu. Une ingé¬
nieuse comparaison de
M. Duclaux fait ressortir les conditions
spéciales dans
lesquelles
setrouvent alors les microbes. Le
développement des
microbes dans
unmilieu minéral, artificiel,
estl'envahissement par les
colons d'un
paysvierge où toutes les
ressources disponibles sont à
la disposition de l'envahisseur.
La résistance à vaincre est celle qui
vient de la plus
oumoins
grande fertilité du
sol. Au contraire, la pénétration dans le corps
des animaux de microbes pathogènes
équivaut à l'arrivée de
nouveaux immigrants dansun
terrain habité
par unepopulation
dense etautochtone, oùtout est disposé pourassurer
la vie des
habitants. Aux résistances relatives à
la
natureplus
oumoins
favorables du terrain s'ajoute celle des
habitants.
—11 est donc
avéré quela
maladie microbienne est une lutte, une des formes
en somme de celte grande lutte pour
la vie; et la lin de la
maladie équivaut toujours
à la défaite d'un des deux ennemis.
Mais, dans cette lutte,
si l'attaque du microbe envahisseur est
importante à
connaître et à mesurer, l'expérience nous a appris
que la
terminaison dépendait bien plus encore de 1a. résistance
spéciale de
l'organisme envahi.
«En face des découvertes con¬
temporaines,
s'écrie le professeur Jaccoud dans ses cliniques de
la Pitié, la spontanéité
morbide de l'organisme reste encore
- 20 —
debout avec son entière puissance ». Dails ces conditions, le
médecin a plus d'intérêtencore àconnaîtrela défensequel'atta¬
que ; il doit donc s'appliquer surtout à apprécier les moyens à
l'aidedesquels l'organisme réagit, s'il veutles mettrehabilement
en œuvre. Quels sont donc ces moyens, véritables fonctions de défense au point de vue qui nous occupe ?
Ils sont de deux ordres : les uns constants et généraux,
les autres spéciaux et momentanés. Les fonctions constantes de
défense s'adressent aux poisons sécrétés par les microbes et
déversés dans l'organisme, soit d'une manière directe, en les
détruisant ou les neutralisant, soit d'une manière indirecte, en les éliminant. L'élimination se fait par les divers émonctoires,
tels que le rein au premier chef, la peau, les poumons et les
surfaces muqueuses en deuxième ordre. La destruction, par contre, est dévolue à certains organes quiont la possibilité soit
de les brûler par une véritable oxygénation, soit de les combi¬
ner avec d'autressubstances qui en neutralisent lespropriétés.
Au premier rang de ces organes, il y a le foie, dont la fonction uropoiétique représente déjà une fonction constante de défense
pour l'organisme, et dont le rôle toxicolytique général a été si
bien mis en relief par M. Roger. Il est indubitable, à l'heure actuelle, que la plupart des poisons (à certaine dose, du moins) jetésdanslaveine porte, nedépassentpasle système hépatique;
ils trouvent là comme une barrière qui les arrête en majeure partie. L'expérience la plus concluante à cet égard est bien
connue : on peutinjecter dans la veine porte d'un chien et sans grand dommage pourl'animal, une dose de nicotine,par exem¬
ple, double de celle qui suffit à le tuer par injection dans telle
ou telle autre veine de la circulation générale.
Parmi les fonctions de défense dites spéciales et momenta¬
nées, nous rangeons deux grands ordres de phénomènes, capi¬
tauxdans l'histoire de laphysiologie de la maladie microbienne :
ce sontlaphagocytose, d'une part, et, d'autre part, la formation
parles cellules de contre-poisons, d'antitoxines, capables deneu¬
traliser les poisons microbiens. Ou bien nos cellules s'attaquant
directement à leur ennemi essaient de le détruire en le dévo-
rant, ce qui est certes Ja
manière la plus radicale de
sedéfen¬
dre; oubien, comme ces
ennemis,
nonseulement nuisibles
pareux-mêmes, laissent derrière eux des
substances toxiques qui
vont par le sang
infecter toute l'économie, elles leur opposent
parun acte
chimique, cette fois', le contre-poison efficace. La
phagocytose représente
la réaction matérielle, visible, physique
en quelque sorte,de
l'organisme contre
sonenvahisseur, sur les
divers points où il
l'attaque; tandis
quela fabrication des anti¬
toxines représente la
réaction invisible, chimique
paropposition
à la précédente,
mais
nonmoins souveraine de l'organisme
contre les poisons
microbiens qui l'imprègnent.
Voilà lesdonnéesfondamentalesde la
physiologie de la mala¬
die microbienne. Il en ressort que l'acte
essentiel de défense de
l'organisme contre
les
agentsmorbides est
unacte éminemment
complexe etvarié, et pourtant
l'analyse n'en saurait être poussée
troploin carnous
allons précisément
enfaire découler logique¬
ment à peu près
l'ensemble des
moyens quela thérapeutique
moderne met en œuvre contre les maladies infectieuses,
notam¬
ment une grande méthode dont
la découverte n'a
pasfait moins
de bien que de bruit, la
sérothérapie.
Que convient-il de faire, en
effet,
aumédecin,
enprésence
d'une lutteoù il prend parti,
résolument
sansdoute,
pourl'un
des combattants? Ou bien s'attaquer directement à
l'ennemi
commun qui est ici le
microbe;
oubien fortifier les moyens de
résistance de l'opprimé qui est
ici l'organisme;
oumieux
encore, faire, sipossible, les
deux choses à la fois. Mais si la
première
partie de cette conduite est évidemment la préférable
et la plus
souhaitable, elle n'est aussi bien qu'exceptionnelle¬
ment réalisable. A peine connaissons-nous
deux
outrois spéci¬
fiques (mercure,
quinine, acide salicylique) qui, agissant direc¬
tement sur l'agent morbide, sont
susceptibles de le tuer sans
nuire à l'organisme. Dans tous
les autres
cas,la dose de subs¬
tance nécessaire pour léser
le microbe serait autant capable de
léser l'individu. «Aforcedevouloirtuer
le microbe,
onpourrait
bientuerle malade », a dit spirituellement
le professeur Jac-
coud. Le médecin, sur le terrain
de
sonintervention,
setrouve
— 22 —
donc borné dans la majorité des cas à fortifier
les résistances de
l'organisme, autrement dit àdiriger
et àexalter
sesfonctions
de défense. Et comment le ferait-il sans une connaissance préa¬
lable de ces fonctions et de leur degré d'importance?
L'infection tire en somme ses grands dangers de cette source principale : l'imprégnation
de l'organisme
parles poisons mi¬
crobiens; c'est en majeure partie une intoxication, comme con¬
courent à l'établir de plus en plus les idées
actuelles. Or
nousvenons de voir que l'économie pourse
défendre tend
à sedébar¬
rasser de ces poisons soit enles
détruisant directement, soit
sur¬tout en les éliminant ou en les neutralisant par des antitoxines.
Dès lors,voilà qu'il devienttoutindiqué de
favoriser d'abord
au maximum cette élimination; etpuisque celle-ci estdévolue
aux émonctoires, la première règlerelative
àla thérapeutique de
l'infection sera d'activer énergiquement la diurèse,
de veiller
àl'évacuation régulière et complète de l'intestin,
d'exalter
toutesles sécrétions muqueuses et cutanées
puisque,
entemps ordi¬
naire, la peauet les muqueuses
constituent
unevaste surface
paroù s'échappent bien des déchets
nuisibles.
Mais pourrons-nous aussi bien
remplir la seconde portion de
notre programme? Est-il en notre
pouvoir de
procurerà l'orga¬
nisme un renfort du contre-poison efficace dont
il
abesoin?
Sans doute, car c'est sur ce terrain que
l'expérimentation et le
raisonnement, appliqués à la notion des
fonctions de défense,
nous ont livré cette merveilleuse méthode de traitement qui
a nom la sérothérapie. Il nous est ici tout indiqué de
rendre
hommage aux hommes qui ont
présidé
à cetteféconde décou¬
verte, d'autant plus qu'à l'encontre de
l'opinion
courante,qui
attribue les premiers essais faits dans cette
voie,
àBehring et
Kitasato, c'est à un physiologiste, auprofesseur
Ch. Richet,
querevient l'honneur de cette priorité. Lui-même, dans un
article
du t. III de ses« Travaux de laboratoire » sur l'hématothérapie
a nettement discuté et établi ses droits à cet égard; l'affaire
nous parait donc jugée à son
profit, et,
parlà,
auprofit de la
science française.
Quoiquil en soit, voici
quel fut le principe delà sérothé-
Y
x
t
— 23 -rapie : puisque nos
cellules élaborent, afin de neutraliser les
toxines microbiennes, des contre-poisons
énergiques, il est évi¬
dent qu'on viendra
singulièrement
enaide à
unorganisme dé-
. bilité et épuisé par la
lutte,
enlui procurant
parun procédé
quelconque ces
contre-poisons dont il a peine ou dont il est
impuissant à
fabriquer
unequantité suffisante. Or, à qui les
emprunter?
Eh bien!
sansdoute
ausang d'un autre individu,
animal ou homme, qui, affectéde
la
mêmemaladie,
aréagi lui-
même en produisant
des antitoxines, mais
en aproduit une
bonnedose capable de
lui
assurerla victoire. Et voilà pourquoi
par le
choix d'un animal auquel on peut inoculer telle ou telle
maladie, et réitérer cette
inoculation,
on enfait
unvéritable
laboratoire et un réservoir du
contre-poison spécifique. Sur la
foi de ce raisonnement, la
sérothérapie était née; elle n'avait
qu'à passer au
contrôle de l'expérience. Or, nous savons quels
merveilleux résultats elle a donnés
dans le traitement de la
diphtérie; nous savons
quelles autres applications l'on a cher¬
ché etl'on cherche tous les
jours, plus
oumoins victorieuse¬
ment, à en faire; nous
prévoyons quelles espérances il nous est
permis
d'en tirer.
Ilimporte
aussi de
remarquercombien le médecin thérapeute,
bien pénétré
de l'importance majeure de cette résistance orga¬
nique à
l'infection, dirigera activement son intervention de ce
côté-là. C'est ainsi qu'en
comprenant tout l'intérêt qu'il
yavait
à soutenir les forces du
malade, la thérapeutique moderne a
rationnellement condamné la
vieille diète classique, absolue et
inflexible, et préconisé au
contraire
unecertaine alimentation
réparatrice
et réconfortante, capable de fournir opportunément
à nos cellules des réserves
d'énergie et des matériaux de com-
'
bat. Aussi voit-on moins
communément
quejadis ces états
adynamiques et
typhiques graves, dans lesquels tendent tout
naturellement à tomber les
malades
enproie à l'infection et
privés de ressources
nutritives.
§ 2. Sur un
terrain bien voisin de l'infection, celui de l'intoxi¬
cation, mais d'une
intoxication d'un
genreparticulier, ayant sa
source en dedans de nous-mêmes,
et
pourcela dénommée auto-
V
x
— 24 —
intoxication parM. Bouchard, les notions physiologiques récem¬
mentacquises n'ont pas manqué non plus d'avoir leurs consé¬
quences thérapeutiques. Nous avons déjà défini ce qu'était l'au-
to-intoxication, oùelle prenait son origine, comment, en temps ordinaire, notre organisme y échappait, ou sinon, comment il
en était impressionné; bref nous avons suffisamment établi ce
chapitre de la physiologie de l'acte digestifpour n'y plus insis¬
ter; mais il nous reste sans doute àfaire voir comment de ces notionson a été toutnaturellement amené à déduire une médi¬
cation de la plus haute importance.
S'il s'élabore dans le tube digestif, en vertu de fermentations
anormales ou exagéréesdes matériaux de la digestion, une trop grande quantité de ces substances toxiques que le professeur
Gantier a désignées du nom de leucomaïnes et de ptomaïnes,
l'indication thérapeutique à remplir pour le médecin, primor¬
diale et dominante, devient évidemment celle-ci : restreindre
outarir sipossible la sourcedeces poisons, et cela, vraisembla¬
blement, au moyen de substances qui, mises encontactavec les aliments, sontcapables d'entraver l'action desfermentssur eux,
c'est-à-dire, dansl'espèce,parles antiseptiques. Ce fut là l'idée de l'antisepsie intestinale, mise aujour par Bouchard ; il n'y avait plus qu'à rechercher les divers moyens doués de la propriété demandée, et l'on sait combien ils sont nombreux et parfois remarquablement efficaces.
A vrai dire, la notion acquise sur la résorption des produits
de la putridité intestinale comportait, commeadjuvant del'anti¬
sepsie directe, les moyens que nous avons déjà vu l'organisme spontanément employer contre les poisons microbiens, à savoir
la destruction par le foie en particulier, et surtoutl'élimination.
Les diurétiques, les laxatifs, les sudorifiques,aubesoin, doivent
donc seconder le rôle des antiseptiques. Même il paraîtrait qu'à
côté de ces divers agents, il existe d'autres substances capables
de former avecles leucomaïnes des combinaisonsnon nuisibles cette fois et facilement éliminables. Le sulfate de soude et les sulfates, d'après de toutes récentes et savantes recherches sur
les urines, seraient douésdecette propriété : il se formerait des
composés sulfo-conjligués tout anodins et
éminemment dialysa-
bles à travers le filtre rénal.
§ III. Dans un troisième ordre d'idées, sur
lequel
nous ne pouvons manquer de nousétendre,
nousallons
trouverà
coupsur l'exemple le plus éclatant et le plus
péremptoire de l'adap¬
tation directe et rationnelle des méthodes de la thérapeutique
aux notions de la physiologie. Ici le rapport a été
si immédiat
que ce sont les physiologistes eux-mêmes
qui ont à
peuprès
tout fait et d'autantmieux que pendant longtemps la clinique et beaucoup decliniciens se montraient
réfractaires
auxidées
nou¬velles. Nous voulons parler de la grande
notion des sécrétions
internes dont le corollaire thérapeutique est devenu
l'opothéra-
pie ou la médication parles
sucsorganiques. Ce sont les varié¬
tés diverses de cette médication que M. le professeur
Arnozan
a traitées devantnous au cours de cet hiver et nousavons préci¬sément remarqué avec quel
souci d'argumentation il s'est
efforcé defirer, en toute occasion, de la connaissance
des faits
physiologiques lesapplications pratiques dont ils étaient
sus¬ceptibles.
En quoi consiste donc cette
notion fondamentale? D'où
nousest-elle venue? Et par qui?Et
quelles
conséquencespouvait-elle
donc produire? La réponse à ces
diverses questions n'est,
enréa¬
lité que l'exposé des
découvertes et des idées dont la filiation a
conduitàl'établissementde cette grande etfécondevérité.
Aussi
bien nous ne laisserons pas de faire un peu cette
histoire
pourbien comprendre la genèse
de l'opothérapie.
A côté des produils de
sécrétion visibles,
enquantité notable
et facilement analysable, que les organes
de notre
corpsydé¬
versent par des conduits
spéciaux,
endes points bien spécifiés,
il y a d'autres substances, non
moins importantes, que, dans
l'intimité profonde et secrète
de leur vie cellulaire, élaborent
ces mêmes organes, mais qu'au
lieu de jeter dans
unréservoir
spécial et
approprié, ils déversent constamment dans le sang et
par là dans toute
l'économie,
pour yjouer
unrôle sur la nutri¬
tion, variable, mais
indispensable
àla vie. Ce sont bien là des
sécrétionsjustement appelées
internes
parcomparaison
avecles
— 26 —
sécrétions précédentes
dites externes et canalisées, si l'on peut
ainsi parler. Et pour ceux
de
nos organesqui sont dépourvus
de canauxexcréteurs, il n'existe même que
cette seule fonction,
et l'on conçoit combien leur
rôle dans l'économie, forcément
obscur et incompris auparavant, a
dû s'éclairer à la lumière de
cette notion nouvelle.
Or, c'est à un
physiologiste,
àl'illustre Brown-Séquard, qu'il
a été donné de concevoir et de formuler cette
grande et féconde
idée. Nous en trouvons le premier germe
dans
sontravail de
1856 sur les fonctions des capsules
surrénales. Ayant constaté
que
l'ablation des capsules chez
unanimal détermine à bref
délai des "phénomènes
toxiques mortels, il exprima dès lors la
pensée que
certaines glandes déversent directement dans le sang
des substances nécessaires à la vie;
il la développa,
en1869,
dans des leçons faites à la
Faculté de médecine de Paris; enfin
il la reprit, en
la généralisant cette fois et on sait avec quelle
énergie et quelle
foi vigoureuse
en sonœuvre, vingt ans plus
tard, en 1889, àl'occasion de ses
recherches
surl'action phy¬
siologique du suc
testiculaire. Dès cette année, d'ailleurs, d'au¬
tres preuves
surgissaient du laboratoire, et ces découvertes,
corroborant l'idée de Brown-Séquard,
l'étendant et la complé¬
tant en même temps, en
rendaient désormais la valeur indis¬
cutable, comme ils en
élargissaient singulièrement la portée
thérapeutique.
Ces découvertes et
cesexpériences démonstra¬
tives étaient relatives à trois organes
principaux
:le pancréas,
les capsules
surrénales, le
corpsthyroïde.
La pancréas,
jusqu'à
nosjours, était considéré comme une
glande des
plus importantes
pourla fonction digestive, la plus
importante même
(Cl. Bernard), mais rien de plus. Or, un fait
fondamental, dont la première
notion est due à
vonMéring et
Minkowski, vint démontrer que
le pancréas possède
uneautre
fonction : quand cet organe a
été complètement enlevé à un
chien, l'animal devient
diabétique
:le pancréas jouerait donc
normalement un rôle particulier
dans les transformations
quesubissent les matières sucrées dans
l'organisme ? L'existence
d'une relation causale entre le diabèteet les