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Le sujet « incasable », entre psychopathologie et limite institutionnelle

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n°12 | Automne 2011 Varia

Le sujet « incasable », entre psychopathologie et limite institutionnelle

Multiproblem young people, between psychopathology and institutional limit El término “inadaptado”, entre psicopatología y límite institucional

Gillonne Desquesnes et Nadine Proia-Lelouey

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/sejed/7319 ISSN : 1953-8375

Éditeur

École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse Édition imprimée

Date de publication : 30 décembre 2012

Référence électronique

Gillonne Desquesnes et Nadine Proia-Lelouey, « Le sujet « incasable », entre psychopathologie et limite institutionnelle », Sociétés et jeunesses en difficulté [En ligne], n°12 | Automne 2011, mis en ligne le 20 décembre 2012, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/sejed/7319

Ce document a été généré automatiquement le 19 avril 2019.

Sociétés et jeunesses en difficulté est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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Le sujet « incasable », entre psychopathologie et limite institutionnelle

Multiproblem young people, between psychopathology and institutional limit El término “inadaptado”, entre psicopatología y límite institucional

Gillonne Desquesnes et Nadine Proia-Lelouey

1 La notion d’ « incasable » est réapparue dans le cadre de l’appel d’offre de recherche thématique de l’Observatoire national de l’enfance en danger en 2006 sous l’intitulé « les mineurs dits incasables ». Selon Paul Durning & Jean-Luc Rongé1, c’est à la demande des professionnels de la Protection judiciaire de la jeunesse que cet appel d’offre a été lancé et formulé en ces termes.

2 Notre équipe2 ayant elle-même repris cette terminologie pour réaliser une série de travaux sur les jeunes dont le placement s’est avéré particulièrement chaotique, nous avons souhaité faire une étude systématique de ce terme.

3 Nous en avons recherché l’origine et étudié les varia3 avant de formuler deux hypothèses sur les causes de l’émergence d’un tel vocable. Ces hypothèses sont toutes deux liées au travail clinique de Hubert Flavigny4 (1977) sur les sujets psychopathes. Cet auteur, bien qu’utilisant lui-même ce terme tout en lui préférant celui de « conduites psychopathiques », préconise de le bannir du travail social, première origine selon nous au terme « incasable ».

4 Nous verrons également que pour Hubert Flavigny, les conduites psychopathiques constituent une pathologie individuelle et une pathologie sociale. Double perspective, qui si elle maintient une approche psychopathologique de ces troubles, ouvre également la voie à une approche sociologique et institutionnelle dont rend bien compte, de par son ambiguïté, le vocable « incasable ». Difficile en effet de déterminer l’agent de l’incasabilité : le sujet lui-même ou la société et ses institutions ?

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Le vocable « incasable »

5 « Tendances antisociales, difficultés d’insertion, délits rendent ces jeunes difficilement intégrables et ne facilitent pas leur prise en charge : les institutions ne leur conviennent pas, la prison n’est pas toujours possible ou souhaitable, la psychiatrie estime qu’ils ne sont pas de son ressort5. » Tel est le discours, éminemment actuel, tenu maintenant depuis voici plus de quarante ans, dans le rapport sur Les mineurs les plus difficiles, demandé en 1974 par le ministre de la Justice au président du Tribunal pour enfants de Paris, M. Molines. Retraçant le profil d’adolescents accueillis dans un centre de rééducation pour délinquants au début des années 1960, Pierre Segond6 décrit la plupart des pensionnaires comme des jeunes récidivistes ayant déjà été incarcérés, présentant des troubles du caractère et du comportement et chargés d’un long passé institutionnel.

Aujourd’hui, dit l’auteur, ils seraient qualifiés « d’incasables ». Jacques Bourquin7 souligne de même ce changement de dénomination au fil du temps : des jeunes « inéducables » ou

« inamendables » dans les termes d’Ernest Dupré au début du XXème siècle pour parler des « pervers constitutionnels », inadaptés sociaux, nous serions passés, dans les années 1950, aux « cas résiduels » pour qualifier ceux qui ne peuvent s’adapter aux structures d’internat puis, aujourd’hui, aux « cas lourds » ou aux « incasables », « ceux dont personne ne veut ». Ainsi, aurait-il toujours existé des « incasables », seuls les mots employés pour les nommer ont varié avec le temps.

Reconstitution généalogique

6 L’expression « incasables » serait née dans les années 1980 au croisement des champs de la délinquance, de l’éducation spécialisée et du soin médico-psychologique. La généalogie du terme demeure toutefois difficile à déterminer.

7 Selon les deux rapporteurs d’un colloque organisé par l’AVVEJ8, en collaboration avec l’UNIOPSS9 en 1988, l’initiative du vocable reviendrait au psychiatre de l’AVVEJ, Didier- Jacques Duché. Créée en 1978, cette association, située en région parisienne, est issue de la fusion de deux associations nées dans les années 1950, elle gère aujourd’hui plusieurs établissements à l’attention des enfants et des adolescents justiciables10.

8 Selon d’autres auteurs comme Jacques Selosse, Jacques Pain, ou Serge Lesourd, la paternité du terme reviendrait à Jean-Pierre et Laetitia Chartier, dans le cadre d’une réflexion sur les délinquants souffrant de troubles apparentés à la psychopathie et suivis par le Service de soins et d’éducation spécialisée à domicile pour adolescents, service fondé par ces mêmes auteurs au début des années 1970 au sein de l’AVVEJ. Cependant, dans l’ouvrage du couple Chartier11, on ne trouve pas trace du qualificatif « incasable », les auteurs parlant explicitement de jeunes toxicomanes et psychopathes.

9 C’est encore l’AVVEJ qui organise le colloque de 1988 (cf. supra). Contribuent entre autres à ce congrès Jean-Pierre Chartier, psychologue, Laetitia Chartier, psychiatre, Jacques Selosse, professeur de psychologie, spécialisé sur les questions de délinquance juvénile et ancien directeur du service de recherche du Centre de formation et d’étude de l’Education surveillée (CFEES) de Vaucresson, Maryse Vaillant, psychologue et chargée d’études au CFEES de Vaucresson, Hubert Flavigny, pédopsychiatre. Ainsi, comme le souligne Sandro Cargnelli12, l’invention du vocable « incasable » est étroitement liée aux activités de

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l’association AVVEJ. Ce terme est toutefois utilisé au sein d’un cercle social plus large dans lequel le CFEES de Vaucresson joue un rôle majeur.

10 Fondé en 1951 par la direction de l’Education surveillée du ministère de la Justice, le CFEES de Vaucresson a pour mission d’assurer la formation des éducateurs, d’être un lieu de ressources documentaires et de réaliser des recherches. Jacques Selosse y a tenu différentes fonctions. Dans les années 1980, ce centre fait paraître plusieurs travaux sur les jeunes « incasables ». Citons d’abord Les prises en charge difficiles, ouvrage coordonné par Maryse Vaillant et publié en 1986, qui fait suite à une session de formation continue consacrée à l’« Evolution des pathologies lourdes, structure, diagnostic, mode de prise en charge ». A la lecture de ce fascicule, on remarque que tous les intervenants sont

« psys » : on y trouve les contributions de Jean-Pierre Chartier, Richard Hellbrunn, Robert Samacher, Gilbert Diatkine. Les termes utilisés pour parler des jeunes en question sont nombreux : « cas difficiles », « psychopathes » ou bien encore « adolescents difficiles ».

Notons encore la journée d’études, dans une optique résolument pluridisciplinaire, consacrée aux Adolescents difficiles, également publiée par le CFEES de Vaucresson en 1988 dans laquelle on retrouve les contributions cliniques de Jean-Pierre Chartier, Maryse Vaillant, Jacques Pain, Claude Balier et sociologiques de François Dubet, Christian Léomant et Nicole Sotteau-Léomant. Ensuite, presque une décennie plus tard, en 1997, sera publié l’ouvrage de Jean-Pierre Chartier, reconnu aujourd’hui comme une référence sur les sujets « incasables », intitulé Adolescents difficiles et préfacé par Jacques Selosse. A partir des années 1990, nombreux sont alors les colloques ou journées d’études rassemblant chercheurs et professionnels autour du thème des « incasables » ou des « cas limites » comme, par exemple, la journée d’études organisée par le Centre national de formation et d’études de la protection judiciaire de la jeunesse CNFE PJJ de Vaucresson13 intitulée « L’éducatif, le psychiatrique, les cas limites et la PJJ » tenue en 1993. Le centre de recherche de Vaucresson a donc, de façon complémentaire, repris et promu le terme

« d’incasables ». On notera au passage l’influence de Jacques Selosse, connu pour ses travaux sur la délinquance et la psychopathie, sur la pensée de ceux qui furent ses étudiants ou qui l’ont connu comme Jean-Pierre Chartier. En effet, pour Jacques Selosse la fin des années 1970 et le début des années 1980 voit émerger, chez certains jeunes, une nouvelle délinquance plus violente et plus radicale, plus pathologique, les futurs

« incasables », qu’il tente d’expliquer par le concept de désidentification qui traduit une rupture dans le processus d’identification14.

Des terminologies variées

11 Pris littéralement dans le sens d’absence de « case » ou de place pour ces jeunes, le terme

« incasable » ne convient pas à tous. Chez les professionnels du champ de l’enfance inadaptée, le mot, par sa résonance normative, suscite des réactions de rejet comme l’expriment Roger Bello15, par ailleurs ancien Vice-président de l’association AVVEJ, qui parle d’un terme « affreux » ou bien encore plus récemment Jacques Ladsous16 qui qualifie ce vocable « d’impossible » : « Comment imaginer qu’un être humain ne puisse trouver sur cette terre une case où se poser ? » Certains professionnels du champ éducatif récusent toute étiquette stigmatisante et précisent alors employer le terme « incasables » pour traduire leur sentiment d’impuissance et leur constat d’échec face à des jeunes en grande difficulté. Ainsi peut-on lire dans la préface du congrès de 1988 sur les incasables :

« Cette notion d’incasable ne s’applique pas à une nouvelle catégorie de jeunes qui relèveraient d’une nouvelle pathologie. Ce terme traduit plus simplement le désarroi de

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l’éducateur, de l’assistante sociale devant un certain nombre de situations limites ».

Cependant, dans la littérature médico-psychologique, les auteurs, pour qualifier ces

« incasables », utilisent d’autres termes comme ceux de « cas lourds », « cas limites »,

« adolescents difficiles » tout en proposant une description comportementale de ces jeunes axée sur leurs agirs violents, la peur et l’inquiétude qu’ils suscitent dans les institutions.

12 Jugée pragmatique avant tout, l’expression « cas lourds » est utilisée par le psychiatre Didier-Jacques Duché de l’association AVVEJ : « Ils circulent d’une institution à l’autre, épuisent les ressources, insécurisant les équipes jusqu’à l’abandon. »17 De façon analogue, le psychologue Jean-Michel Labadie parle de « cas limites » pour évoquer des jeunes à la fois « insupportables » car faisant craquer les institutions et affolant les équipes,

« ingérables » par leur accès de violence et « innommables », l’auteur soulignant ainsi l’absence de concepts pour les qualifier. « Avec les cas limites s’ouvre une véritable dé- théorisation, le vertige d’un "dé-fonctionnement" de la pensée (…). Devant un cas limite, l’éducatif se trouve à une place redoutable au niveau épistémologique. Il cherche des mots, il réclame des concepts, des modèles (…). Dès que la frontière est menacée, les mots se désertifient, les concepts s’absentent, les concepts deviennent les concepts d’ailleurs18 . »Un peu plus loin dans son texte, l’auteur fait toutefois référence au travail de Kurt Schneider, publié en 192319, sur les personnalités psychopathiques et parle de trouble de la personnalité et de pathologie du lien comme finalement le seul savoir à disposition sur ces jeunes dits « incasables ».

13 D’autres auteurs du champ médico-psychologique utilisent comme synonymes, et/ou préfèrent évoquer des « adolescents difficiles », tel le psychiatre Michel Botbol rattaché à la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce dernier définit les « adolescents difficiles » comme « des adolescents dont les troubles s’expriment surtout par les difficultés qu’ils font éprouver aux autres (…) la répétition des troubles du comportement de ces adolescents, aussi bien que leurs réactions aux réponses qui leur sont données, laissent fréquemment désemparées les institutions qui ont en la charge.20 » C’est encore et toujours le « syndrome institutionnel », que ces jeunes génèrent, qui permet de les caractériser. A propos de l’expression « adolescents difficiles », le psychiatre Jean- Philippe Raynaud note que cette terminologie est, quoique plus large donc plus floue,

« plus politiquement correcte » qu’« adolescents incasables »21. A l’inverse, d’autres auteurs estiment que l’expression « adolescents difficiles » est tautologique, l’adolescence étant intrinsèquement une période de vie caractérisée par un mal être du fait du remaniement psychique et identitaire. Pour le psychiatre Hubert Flavigny22, les manifestations symptomatiques présentées par les jeunes dits « incasables » seraient même une « caricature » des difficultés liées à l’adolescence23.

14 En somme, la pluralité des termes utilisés pour qualifier ces adolescents, « incasables »,

« cas limites », « cas lourds », « adolescents difficiles », etc. traduit à la fois l’embarras des intervenants confrontés à ces jeunes24 mais aussi la difficulté qu’il y a, du fait des allers- retours entre la psychiatrie, le judiciaire et l’éducatif, à les appréhender et à les classer dans une catégorie. Pourtant dans l’analyse que proposent Jean-Pierre Chartier et Jacques Selosse, les « incasables » présentent des troubles qui s’apparentent à la psychopathie.

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Le psychopathe comme incasable : la contribution involontaire de Hubert Flavigny ?

15 Dans le champ psychopathologique, la plupart des auteurs qui ont promu le vocable de

« l’incasable » ont été conduits à s’intéresser à ces jeunes dans le cadre d’une activité de supervisions d’équipes éducatives et de consultations en institution, leur approche est largement étayée par la psychanalyse et recouvre la problématique des troubles psychopathiques.

16 Jean-Pierre Chartier, comme Jacques Selosse, décrivent les adolescents « incasables »,

«semeurs de discorde permanente », comme des sujets aux comportements instables, imprévisibles, à la fois avides d’affection et agressifs, provocateurs et séducteurs, aux visages changeants, dans l’oisiveté, l’errance, la marginalité, oscillant entre les conduites délictueuses, la prostitution et la toxicomanie. Ils expriment rarement une demande d’aide. Sur un plan clinique, il ressort des différentes études de cas que ces jeunes ont été exposés dans leur petite enfance à des traumatismes (violence parentale meurtrière, abandon, carence, dépression maternelle grave) entraînant une privation fondamentale de sécurité affective. A cela, s’ajoute une surstimulation oedipienne ou un climat incestuel qui les empêche d’intégrer l’interdit de l’inceste. Jean-Pierre Chartier note en particulier chez ces jeunes un « échec de la métaphore paternelle », dit autrement, le père n’a pas été investi par la mère comme tiers dans la relation. Il est sans signification ou bien disqualifié par sa violence. Jacques Selosse parle d’une « filiation mal médiatisée25 ».

Les « messages d’anti-vie », pour reprendre l’expression de Jean-Pierre Chartier, délivrés par la mère quant à la venue au monde de l’enfant sont fréquents. Jacques Selosse évoque même le fait que ces jeunes ont, pour la plupart, été l’objet de « souhaits meurtriers26 », renforçant encore leur dimension mortifère. Jacques Selosse parle aussi des « incasables » comme des « morts à la vie27 » tant leurs expériences de « négation primitive » sont envahissantes. Ils se trouvent dans l’incapacité à se construire une histoire personnelle et leur rapport au temps et à l’espace s’en trouve perturbé. Finalement, résument Jean- Pierre et Laetitia Chartier28 « quelque chose a été tragiquement raté lors de ces rencontres inaugurales avec l’autre ». Jean-Pierre Chartier les pense gouvernés par la pulsion de mort, d’où l’expression de Chevaliers de Thanatos, ce qui n’est pas sans susciter chez les professionnels les prenant en charge le sentiment, d’après Jacques Selosse, d’une

« inquiétante étrangeté »29. Face à toute tension psychique, ils mettent en place un mode de réponse particulier : celui de l’agir, immédiat et brutal. Ils se différencient en cela des névrosés qui utilisent la voie psychique pour métaboliser leurs tensions. Pour accompagner au mieux ces Chevaliers de Thanatos, il convient de leur insuffler ou plutôt de

« transfuser » la vie. Jacques Selosse considère en effet que ces jeunes ont été

« vampirisés », qu’à leur quête d’ « un reflet humanisant de leur présence au monde dans le regard des autres chargés de les signifier, ils n’ont trouvé que l’absence et le vide »,

« les rencontrer » ajoute l’auteur, « c’est risquer d’être vidé de son propre sang »30.

17 En somme, caractérisés par l’absence d’élaboration mentale au profit de réponses agies, ces jeunes « incasables » présentent, selon Jean-Pierre Chartier, des troubles à expression psychopathique : « Les psychopathes représentent l’essentiel du contingent des incasables »31.

18 Dans le champ psychiatrique, le concept de psychopathie a fait l’objet de multiples débats non tranchés : existence ou non d’une structure psychopathologique, limite avec les

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perversions, appréhension d’une pathologie mentale à partir d’indicateurs quasi- exclusivement comportementaux. Le passage à l’acte est pourtant reconnu comme le symptôme-clé de ce trouble voire « le tout d’une existence, le mode sur lequel tout s’y joue »32. Malgré ces controverses, un tableau extrêmement précis de la psychopathie (sémiologie, étiologie, évolution) et de sa prise en charge en institution, fut dressé par Hubert Flavigny, à la fin des années 1970. Selon cet auteur, les conduites psychopathiques sont liées à une discontinuité dans les premières relations affectives entraînant un moi fragmenté. Il s’agit d’une organisation intermédiaire qui ne renvoie pas à une structure sous-jacente mais se définit par un manque. Les manifestations cliniques peuvent se regrouper dans quatre grands types de symptômes : la passivité, la dépendance, des exigences mégalomaniaques, un besoin de satisfaction immédiate auxquels s’ajoutent l’instabilité, le manque d’intérêt, le besoin d’évasion et des moments de dépression sur un arrière fond d’angoisse et d’une frustration affective permanentes.

19 Mais Hubert Flavigny parle de « conduites psychopathiques » et « d’empreinte psychopathique » qui se révèlera ou pas en fonction des circonstances de la vie, point de vue que reprend le psychiatre Philippe Jeammet33. Hubert Flavigny insiste par ailleurs sur le danger qu’il y a à se servir de la notion de psychopathie en raison de sa connotation extrêmement négative et, bien sûr, de son caractère fixiste. Il serait ainsi fallacieux de faire usage de cette « épithète diagnostique34 » que l’auteur conseille de bannir du vocabulaire du travail social. N’est-ce pas ce bannissement que recouvre l’usage du vocable « incasable » ?

Les incasables et la société

20 Comme nous pouvons le constater, dans la description clinique ci-dessus, Hubert Flavigny ne met pas en avant-plan de son tableau clinique, la symptomatologie « anti-sociale ». Il considère pourtant ces troubles comme intrication d’une pathologie individuelle et d’une pathologie sociale. Son originalité tient au fait que dans sa « sémiologie sociale », il pose tant le rapport du sujet à conduites psychopathiques au regard de la société que celui du rapport de la société face au sujet à conduites psychopathiques35, ligne de crête que ses successeurs dans le champ psychopathologique ont plus de mal à tenir.

21 Ainsi, Jean-Pierre Chartier36 analyse la problématique de ces psychopathes, individus « ni vraiment fous ni simplement délinquants », à partir de sa conception ternaire des 3D : Déni (« incapacité à se situer en tant que responsable de ses actions »), Défi (« du droit et de l’autorité sous toutes ses formes… mais aussi de l’autre et défi de soi-même »), Délit (« réalisation immédiate de l’acte interdit »). Serge Lesourd, pour sa part, qualifie ces adolescents, de « désarrimés du social et de ses lois » parce qu’ils se trouvent écartés de la société par leurs actes de délinquance. Ces jeunes se caractérisent, selon l’auteur, avant tout par leur relation défaillante à la loi. Ils manifestent leur mal être par leurs agirs qui exprimeraient « une quête désespérée de séparation d’avec l’univers angoissant de la jouissance de la mère archaïque »37 ou ce que l’auteur nomme une « délinquance de la jouissance archaïque de la mère ». Les conduites déviantes de ces adolescents, dont l’auteur souligne comme Hubert Flavigny la faiblesse du narcissisme primaire38, sont à comprendre dans le cadre général d’un déclin de la fonction paternelle, du père qui n’a pas pu « défusionner », laissant en quelque sorte libre cours à la jouissance archaïque avec la mère. Il en serait ainsi des conduites toxicomaniaques visant la disparition même du sujet. Les comportements délinquants, et en particulier les agressions envers les

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personnes, prendraient leur origine dans une perception paranoïaque du regard de l’autre sur soi, renvoyant en fait au retour du regard d’envie que le sujet socialement exclu adresse à l’autre. L’envie, devenant alors, pour Serge Lesourd, le mécanisme essentiel de la relation violente avec l’autre. Pour l’auteur, il existerait une

« psychopathologie des banlieues », basée sur l’envie et les défaillances du narcissisme primaire.

22 Nous voyons bien, dans ces propos, que la pathologie est remise du côté du sujet et que le second volet ouvert par Hubert Flavigny a en grande partie disparu. Jacques Selosse y fait néanmoins allusion quand il ajoute un quatrième D aux trois de Jean-Pierre Chartier, celui de Délocation, pour renvoyer à la fois à l’absence de place de ces sujets dans la société comme à leur rejet originel.

23 Victor Girard39, toujours dans le colloque de 1988, est atypique sur ce plan car, bien que

« psychiste », il n’en consacre pas moins justement son propos « aux souffrances d’origine sociale » développant un point de vue original entre causalité sociale et risque de reproduction institutionnelle. Mais, c’est bien davantage dans le champ de la sociologie qu’il faut chercher une interrogation du rapport de la société à ces jeunes. Ainsi, dans la recherche de François Dubet sur les jeunes des cités, ceux-ci évoquent la délinquance comme faisant partie de l’expérience de la « la galère » qui, selon l’auteur, entraîne une destruction et un éclatement du sujet. Les jeunes ne peuvent pas dire « moi », en tant que personne existant sur la scène sociale, ni « je » comme subjectivité unifiée. Ces individus seraient réduits à l’état de morceaux d’acteurs, de sujets éclatés qui tournent et circulent en fonction des évènements. Ils sont tout à la fois « des gens défaits, dépendants, qui demandent de l’amour et de l’affection », et en même temps « des gens enragés, haineux qui ne savent même pas ce qu’ils haïssent40 » Sociologue de la délinquance, Laurent Mucchielli cherche à montrer que les conduites des jeunes délinquants ne peuvent être l’expression d’une pathologie. Il procède d’ailleurs à une analyse critique du concept de psychopathie qu’il juge et qualifie de « fourre-tout ». Il critique aussi vivement l’assimilation dangereuse entre personnalité anti-sociale telle que construite par le DSM41 et la psychopathie « qui ouvre la voie à une pathologisation abusive des problèmes sociaux42 » puisque les traits, repris un à un, composant cette personnalité, pourraient être selon l’auteur, étendus à tous les délinquants voire à tout un chacun43. Finalement, Laurent Mucchielli se montre d’accord avec la conception clinique d’Hubert Flavigny sur les conduites psychopathiques. Il en souligne, à raison, la rigueur et la finesse descriptive et relève le nombre peu élevé de psychopathes dans la population délinquante.

Finalement, Laurent Mucchielli pense que les conduites agressives et transgressives des jeunes délinquants sont avant tout à comprendre comme une « forme de révolte contre la société » dont ces jeunes sont éjectés.

L’incasable : une problématique psychopathologique ou institutionnelle ?

24 Dans son paragraphe sur la « sémiologie sociale », Hubert Flavigny, au-delà du rapport de la société en général face à ces jeunes, pose également la question des institutions qui ont à les prendre en charge. Cette question est, de notre point de vue, au cœur du vocable d’incasable ou « d’incasabilité » comme en témoigne la question centrale du colloque de 1988 : « les institutions secrèteraient-elles des incasables ? »44, à laquelle plusieurs auteurs vont s’attaquer pour en dresser un constat plutôt alarmant, comme l’illustrent les propos

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de Jean-Pierre Chartier sur la « démission alternée » des structures les accueillant ou encore ceux de Hubert Flavigny sur les « jeux de passes de rugby entre institutions »45.

25 De façon analogue, Jacques Moriau, plutôt que de s’interroger sur les caractéristiques des jeunes « incasables », centre son attention sur la façon dont le fonctionnement institutionnel génère des situations « d’incasabilité ». Analysant de façon fine les trajectoires de ces jeunes, dans le cadre d’une vaste recherche menée pour le Conseil d’arrondissement de l’aide à la jeunesse de Bruxelles, l’auteur montre comment s’instaure le passage et le rejet de ces jeunes par les différentes institutions éducative, psychiatrique et judiciaire : « une fois que l’adolescent est passé par une des institutions(s) de chaque secteur, les grilles de lectures se brouillent (…) au fil des différents renvois, le jeune s’est construit son propre no man’s land46. » Il rejoint dans son propos la position de Paul Durning47 qui préfère également parler de situations « d’incasabilité ». Celles-ci renverraient à un ensemble d’interrelations entre les institutions d’accueil, le jeune et sa famille. C’est aussi en terme de dysfonctionnement des institutions et de leurs régulations que Cécile Carra48 évoque les jeunes « incasables » qui, rejetés tour à tour par les différentes institutions éducatives, n’ont plus d’autres alternatives que la prison ou l’établissement psychiatrique. Ils se trouvent ainsi paradoxalement exclus par les structures même de l’action sociale censées favoriser leur intégration.

26 Sandro Cargnelli49 aborde, pour sa part, le problème du côté de la construction sociale de

« l’incasable ». Selon cet auteur, les institutions (des secteurs de la justice, éducatif et sanitaire) confrontés aux sujets dits « incasables » subissent en fait de profondes transformations qui se traduisent entre autres par une spécialisation de plus en plus importante. Roger Bello, dans la préface du colloque de 1988, faisait déjà un tel constat :

« la progression des formations et des techniques a conduit à affiner de plus en plus les filières de prise en charge et les procédures d’admission dans les différentes institutions, à tel point que nous avons vu naître peu à peu la catégorie de ceux dont personne ne voulait. Dans notre association nous les avons appelés les « incasables »50. Ces institutions en arrivent alors à rejeter la population qui ne correspond plus à leurs critères d’admission et à leur mode de fonctionnement. Autrement dit, les institutions, qui sont chargées de prendre en charge les populations déviantes, deviennent elles-mêmes source de catégorisation et donc productrices de sujets déviants. En ce sens, les jeunes dits

« incasables » seraient en train de constituer une nouvelle catégorie de déviance juvénile désignant, de façon quelque peu provocante, des jeunes présentant des conduites violentes, des passages à l’acte… et exclus de toutes les institutions.

27 S’intéressant en particulier aux délinquants issus de l’immigration, Laurent Novoa évoque, quant à lui, la constitution d’une « population flottante », ayant émergé au cours des années 1990. Cette population en serait réduite à une errance institutionnelle qui se caractérise par une forte désocialisation et de nombreuses ruptures dans les prises en charge. L’auteur met en cause, au-delà des impératifs de gestion des établissements, le

« rétrécissement des options éducatives et pédagogiques » des établissements prenant en charge les mineurs en difficulté. Il précise que « c’est dans cette population flottante,

« d’incasables », que l’on observe les mineurs susceptibles d’avoir les attitudes les plus disruptives et que l’on renvoie à eux-mêmes et à leurs parents. Le manque de prise en charge pouvant expliquer par la suite comment ces mineurs peuvent s’inscrire dans des carrières déviantes et dans des parcours institutionnels de plus en plus chaotiques51. »

28 Les travaux liés à l’appel d’offre de l’ONED concluent également sur la résonnance entre le parcours individuel et institutionnel du jeune. Jean-Yves Barreyre et al.52 se sont

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intéressés aux jeunes dits « incasables » sous l’angle de leur trajectoire de vie et de leur histoire institutionnelle qui aboutit a posteriori au label « incasables ». Laurence Libeau Mousset et Anne Winter53, se sont intéressées tant aux facteurs individuels (recherche d’un cadre sécure plutôt qu’un déni de la loi) qu’institutionnels (difficulté à accepter un travail en commun dans une logique de défense des territoires) qui peuvent venir renforcer les parcours d’incasabilité. Enfin, Michèle Guigue et al.54 se sont centrés sur le rapport à l’école de ces jeunes, « l’incasable » étant aussi un « décrocheur scolaire ».

Conclusion

29 Au moment de conclure ce parcours autour du vocable d’ « incasable », nous pouvons souligner avec Jacques Moriau55 la nécessité de faire une place à côté des « explications de type individualisante et essentialiste » à un « éclairage à ambition sociologique » sur l’apparition des situations « d’incasabilité » plus que d’individus « incasables ». Ces jeunes deviennent, d’une certaine façon, « innommables56 » tant ils génèrent perplexité, épuisement des équipes et rejet des institutions.

30 Pour Hubert Flavigny57, la solution se trouve dans un travail « hors-institution » parallèlement au travail institutionnel. Il s’agit d’offrir, comme il l’indiquait dès 1977, une véritable relation affective, choisie et soutenante, à l’extérieur d’une institution comme réponse possible pour aider ces jeunes « incasables » vivant dans la marginalité.

31 Dans le même ouvrage collectif, Laetitia Chartier58 préconise, du côté institutionnel, la nécessité de lieux qui seraient à la fois « contenant, soignant et non répressifs ». Dans des travaux récents sur le parcours de sujets « incasables », mais surtout sur la souffrance des professionnels qui y sont confrontés, nous concluons59, vingt ans plus tard, sur un plaidoyer très similaire : « l’incasable » ne doit pas être perçu comme un entre-deux, ne relevant ni du monde éducatif ni du monde psychiatrique, mais doit être accueilli par l’institution éducative qui, avec l’aide de l’institution psychiatrique, doit devenir

« institution soignante » en offrant un cadre souple mais solide à ces jeunes. Mais ce cadre soignant60, les équipes ne peuvent l’offrir que si elles sont elles-mêmes encadrées et soutenues.

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. Paul Durning, Jean-Luc Rongé, « Les « incasables » », Journal du droit des jeunes, 279, 2008, p.

11-19.

2. Gillonne Desquesnes, Nadine Proia-Lelouey, Didier Drieu, « Sujets dits « incasables », d'une trajectoire individuelle à une trajectoire institutionnelle, les jeunes des quartiers », Diversité-VEI, n° 167 - janvier 2012, p. 102-110.

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Didier Drieu, Saed Sarabian, Marie Plagès, « Les adolescents vulnérables et les alternatives thérapeutiques en protection de l'enfance », L'Evolution psychiatrique, Elsevier, Masson, accepté 5/03/2011, sous presse.

3. Nous avons procédé à une synthèse des connaissances sur le thème des incasables à partir du dépouillement des publications parues dans des revues scientifiques et des ouvrages de langue française, référencés sur les bases de données universitaires et accessibles sur Internet avec les mots-clés suivants : jeunes, incasables, sociologie, psychologie, sans limite de date. Nous ne saurions prétendre à l'exhaustivité du corpus de textes recueillis.

4. Hubert Flavigny, « De la notion de psychopathie », Revue de neuropsychiatrie infantile, 25, 1, 1977, p. 19-75.

5. H. Molines, cité par Catherine Blatier, Cécile Chautant, « Mineurs délinquants aux limites de la prise en charge », Bulletin de psychologie, 52 (3) / 441, 1999, p. 324.

6. Pierre Segond, « Descriptif des jeunes de I'ISES des Sables-d'Olonne », Revue d’histoire de l’enfance "irrégulière", n° 1, 1998.

7. Jacques Bourquin, « On les appelait en 1950 les cas résiduels. Ils furent plus tard les incasables … La protection judiciaire et les mineurs difficiles », Revue d’histoire de l’enfance irrégulière, numéro hors série, 2007.

(14)

8. Association vers la vie pour l’éducation des jeunes.

9. Union nationale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux.

10. Durant vingt ans, l’association Vers la vie n’avait la charge que d’un seul établissement (« Le logis » à Saint -Lambert des bois qui accueillait des garçons présentant des troubles du comportement). (cf.

http://www.cnahes.org/uploads/_cnahes/fonds/avvejrepertoire.pdf , fonds numérisés de l’Association Vers la Vie pour l’Education des Jeunes).

11. Jean-Pierre Chartier, Laetitia Chartier, Délinquants et psychanalystes. Les chevaliers de Thanatos, Paris,Hommes et groupes éditeurs, 1986.

12. Sandro Cargnelli, La construction sociale de « l’incasable » : Adolescents entre secteur social, judiciaire et psychiatrique, Mémoire de master 2 « Travail social, action sociale et société » sous la direction de A. Golse, CNAM, Paris, 2006.

13. Nouveau nom pris par le CFEES de Vaucresson en 1992.

14. Jacques Pain, « L’adolescent sans société. Le bal du vampire et de la méduse », Bulletin de psychologie, tome 52 (3) / 441, 1999, p. 329-335.

15. Roger Bello, « De l’insoumis à l’incasable », Le journal des psychologues, n°55, 1988, p. 26-27.

16. Jacques Ladsous, « Incasables », Vie sociale et traitements, n°103, 2009, p. 5-6.

17. Didier-Jacques Duché, « Ces jeunes au comportement déviant grave dits « cas lourds » », Neuropsychiatrie de l’enfance, vol. 43, n°3, 1995, p. 71-72.

18. Jean-Michel Labadie, « Réflexions épistémologiques » in L’éducatif, le psychiatrique, les cas limites et la PJJ, Compte-rendu de la journée d’études du 19 mars 1993, Centre national de formation et d’études de la protection judiciaire de la jeunesse, Vaucresson, 1993, p. 42-43.

19. Kurt Schneider, Les personnalités psychopathiques, Paris, PUF, coll. Bibliothèque de psychiatrie, 1955.

20. Michel Botbol, Luc-Henry Choquet, Jocelyne Grousset, « Eduquer et soigner les adolescents difficiles : la place de l’aide judiciaire contrainte dans le traitement des troubles des conduites », Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, vol. 58, n° 4, 2010, p. 228.

21. Jean-Philippe Raynaud, « Adolescents difficiles, partenariats en difficulté : l’épreuve des liens », La lettre de l’API, Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile, n°24, 2007, p. 2.

22. Hubert Flavigny, « Les équipes d’amitié » in Chartier (Jean-Pierre), [Dir.], Les incasables : alibi ou défi ? Marseille, Edition Le journal des psychologues, 1989, p. 89.

23. On retrouve ce point de vue chez les psychiatres Claude Balier et Gilbert Diatkine évoquant le jeune psychopathe : l’adolescent et le psychopathe auraient des problèmes de même nature à résoudre.

24. Jacques Moriau, « Habiter l’entre-deux… L’impossible prise en charge des jeunes à la limite de l’aide à la jeunesse et de la psychiatrie », Journal du droit des jeunes, n°233, 2004, p. 3-19.

25. Jacques Selosse, « L’inquiétante étrangeté des incasables », Adolescence, 1, n°59, 2007, p 10.

26. Ibid., p. 12.

27. Ibid., p 12.

28. Jean-Pierre Chartier, Laetitia Chartier, op. cit., p. 102.

29. Jacques Selosse, op. cit., p. 12.

30. Jacques Selosse, op. cit., p. 17.

31. Jean-Pierre Chartier, « L’incasable existe-t-il ? » in Les incasables : alibi ou défi ?, Marseille,Edition le journal des psychologues, 1989, p. 20.

32. Jean Kinable, « Transgression et passage à l’acte psychopathique » in Passage à l’acte, Bruxelles, DeBoeck Université, 1998, p. 106.

33. Philippe Jeammet, « De la psychopathie aux organisations intermédiaires à expressions comportementales. Evolution des idées de Hubert Flavigny », Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, vol. 43, n°3, 1995, p. 85-89.

34. Hubert Flavigny, 1977, op. cit., p. 45.

(15)

35. Ibid., p. 29-33.

36. Jean-Pierre Chartier, Les adolescents difficiles. Psychanalyse et éducation spécialisée, Paris, Dunod, 2004.

37. Serge Lesourd, « Les désarrimés de la loi », in Y a-t-il une psychopathologie des banlieues ? Ramonville Saint-Agne, Erès, 2002, p. 35.

38. Jacques Selosse souligne aussi « la blessure narcissique fondamentale » de ces sujets, qu’il traduit d’ailleurs par l’expression d’êtres humains « à l’état brut ». Jacques Selosse, op. cit., p. 10.

39. Victor Girard, « Les souffrances d’origine sociale » in Les incasables : alibi ou défi ? Marseille, Edition Le journal des psychologues, 1989, p. 71-81.

40. François Dubet, « La galère » in Les adolescents difficiles. Journées d’études 4-6 mai 1988, Service d’études, CFEES, Vaucresson, 1988, p. 28.

41. DSM : Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders, outil émanant de l’Association américaine de psychiatrie servant à classer les troubles mentaux.

42. Laurent Mucchielli, « Quelques réflexions critiques sur la psychopathologie des banlieues », VEI Enjeux, 126, 2001, p. 7.

43. Danger du repérage des « incasables » à partir du DSM contre lequel se prémunit également J.-P. Chartier qui propose plutôt des « repères cliniques et historiques » Jean-Pierre Chartier, 1989, op. cit. p XIII.

44. Première partie : « Les institutions secrèteraient-elles des incasables ? » in Jean-Pierre Chartier, 1989, op.cit. En particulier les textes de Laetitia Chartier, Alain Bruel, Françoise Bernard et Paul Charonnat.

45. Hubert Flavigny, 1989, op. cit., p. 99.

46. Jacques Moriau, « Les jeunes « incasables », une construction collective », Ethica Clinica, n°40, 1996, p. 17.

47. Paul Durning, Jean-Luc Rongé, 2008, op. cit.

48. Cécile Carra, « Délinquances juvéniles et régulations institutionnelles », Droit et société, n°32, 1996, p. 105-113.

49. Sandro Cargnelli, op. cit.

50. C’est nous qui soulignons. Roger Bello, Préface, in Les incasables : alibi ou défi ?, Marseille,Edition le journal des psychologues, 1989 p. 5.

51. Laurent Novoa, « Une approche ethnographique de l’appréhension institutionnelle de la délinquance des jeunes dits immigrés », Socio-logos. Revue de l'association française de sociologie, n° 3, 2008

52. Jean-Yves Barreyre et al., Une souffrance maltraitée. Parcours et situations de vie des jeunes dits

« incasables », Rapport de recherche, CEDIAS-ONED, 2008.

53. Laurence Libeau Mousset, Anne Winter, Les mineurs dits incasables. Une analyse des facteurs de risque de vulnérabilité des adolescents, à travers leur parcours de vie et leurs prises en charges institutionnelles, Rapport final de recherche, Institut de criminologie et de sciences humaines, Université Rennes 2 Haute-Bretagne, 2008.

54. Michèle Guigue et al., Des jeunes de 14-16 « incasables » ? Itinéraires de jeunes aux marges du collège, Rapport final, ONED, 2008.

55. Jacques Moriau, 1996, op. cit.

56. Jacques Moriau, 2004, op. cit.

57. Hubert Flavigny, 1989, op. cit.

58. Laetitia Chartier, « Les effets iatrogènes des institutions sont-ils incontournables ? », in Les incasables : alibi ou défi ? Marseille, Edition le journal des psychologues, 1989, p. 42.

59. Gillonne Desquesnes, Nadine Proïa-Lelouey, 2012, op. cit.

60. Paul-Claude Racamier, L’esprit des soins, Paris, Editions du collège, 2002.

(16)

RÉSUMÉS

Les auteures s’interrogent sur l’utilisation du terme « incasable » dans la littérature française concernant les adolescents difficiles. Dans une première partie, elles évoquent la généalogie du terme « incasables », situé au carrefour des champs éducatif, judiciaire et sanitaire et retracent les contours du cercle social dans lequel il a été promu. Elles évoquent par ailleurs, les multiples terminologies dont ces jeunes sont également l’objet : « cas limites », « cas lourds », « adolescents difficiles ». Dans une seconde partie, elles émettent deux hypothèses sur les causes de l’émergence d’un tel terme. Elles avancent ainsi l’idée que le pédopsychiatre Hubert Flavigny serait involontairement à l’origine de ce terme en ayant préconisé le bannissement de celui de psychopathie et en ouvrant la réflexion, au-delà des aspects individuels de cette pathologie, à ses dimensions sociales et institutionnelles.

The authors question the use of the term “non integrable” (multi-problem young people) in the French scientific literature about difficult adolescents. In the first part of the paper, they mention the genealogy of the term, defined at the intersection of the educational, juvenile Justice and health fields. They describe the social circle in which this term has appeared. The authors then show the diversity of terms used in the French language to name these young people: “limit case”, “heavy case”, “difficult adolescents”. In the second part of the text, they put forward one hypothesis about the reasons of the rise of this term. The authors suggest that child psychiatrist Flavigny would unintentionally stand at the origin of the rise of that term by having proposed the exclusion of the term “antisocial personality disorder”, and thus has opened the way of thinking about this pathology, by considering the social and institutional dimensions after having eluded the individual view.

Los autores cuestionan la utilización del término “inadaptado” en la literatura francesa en relación a los adolescentes difíciles. En una primera parte, evocan la genealogía del término

“inadaptado”, situado en la intersección de los campos educativo, judicial y sanitario, y trazan el perfil del círculo social en el que se originó. Por otro lado, evocan los múltiples términos que también se utilizan para referirse a estos jóvenes: “casos límite”, “casos graves” o “adolescentes difíciles”. En una segunda parte, formulan dos hipótesis sobre las causas de la aparición de este término. Así, exponen la idea de que Flavigny dio origen a este término de manera involuntaria abogando por la eliminación del término psicopatía y suscitando la reflexión, más allá de los aspectos individuales de esta patología, sobre sus dimensiones sociales e institucionales.

INDEX

Keywords : antisocial personality disorder, institution, multiproblem young people, non integrable, society

Mots-clés : adolescents difficiles, psychopathie, société

Palabras claves : adolescentes difíciles, institución, jóvenes inadaptados, psicopatía, sociedad

(17)

AUTEURS

GILLONNE DESQUESNES

Gillonne Desquesnes : Maître de conférences en sociologie - Centre d’étude et de recherche sur les risques et les vulnérabilités (CERReV), Université de Caen Basse-Normandie.

NADINE PROIA-LELOUEY

Nadine Proia-Lelouey : Professeure de psychologie clinique et psychopathologie - Centre d’étude et de recherche sur les risques et les vulnérabilités (CERReV), Université de Caen Basse-

Normandie

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