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Cours n 2 Naissance d une littérature française

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Faculté des lettres et langues étrangères

Département de langue et littérature françaises

1ère année Licence

Présenté par : Mr. HALLAL Karim Akram Maitre-assistant classe B Université Sétif 2 Spécialité sciences des textes littéraires

Année universitaire 2020/2021

Introduction à la culture de la langue

Cours n°2

Naissance d’une littérature française

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Table des matières

I. Introduction ... 3

II. La question de la langue ... 3

III. Les auteurs au Moyen Âge... 4

1. Le clerc ... 4

2. Le jongleur ... 5

3. Le copiste ... 5

4. Le statut de l’auteur ... 5

IV. Les genres littéraires ... 6

1. La chanson de geste ... 6

2. La littérature courtoise ... 7

3. La littérature satirique ... 9

4. La prose ... 9

5. Le roman ... 10

V. La Chanson de Roland ... 11

1. La réalité historique... 11

2. De l’histoire à l’épopée ... 11

3. Son auteur ... 12

4. Une destinée prestigieuse ... 12

5. Structure et esthétique du texte ... 13

5.1. Les laisses ... 13

5.2. Des thèmes épiques ... 13

5.3. L’écriture ... 13

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I. Introduction

La littérature française est née au moyen âge, mais elle s’inscrit dans une continuité.

Elle se souvient des lettres antiques, elle est confrontée à une littérature latine toujours vivante. On peut y percevoir un effort délibéré pour imiter, poursuivre, adapter les modèles antiques au-delà des ruptures que constituent l’effondrement du monde romain, la formation des jeunes langues romanes, l’émergence de la société féodale. Mais elle aussi est l’expression d’une culture largement originale et elle a pour véhicule une langue toute neuve. Des premiers textes écrits au IXe siècle dans cette langue, qui n’est plus du latin et qui est en train de devenir le français ou la langue d’oc, jusqu’à la fin du XVe siècle, elle couvre aussi une très longue période. Elle reflète ou modèle des sensibilités, un imaginaire, une esthétique, des valeurs.

II. La question de la langue

Au moment des invasions germaniques et de l’effondrement de l’Empire romain, une seule institution survit au naufrage et assure la continuité de la culture latine : l’Eglise.Dans le même temps, le latin parlé, introduit en Gaule cinq siècles plus tôt lors de la conquête romaine, et qui avait déjà subi des altérations sensibles, les voit alors s’accentuer rapidement.

La langue parlée a évolué au point que les illiterati, ceux qui n’ont pas fait d’études, ne comprennent plus le latin. Il n’y a plus désormais un latin « littéraire » et un latin parlé, mais deux langues différentes. En 842, les serments de Strasbourg, prêtés lors d’une de leurs réconciliations par deux des fils de Louis le Pieux sont prononcés en allemand et en langue romane. Ainsi nous a été conservé ce premier texte dans une langue qui n’est plus du latin et qui deviendra le français.

Sur l’étendue de la France actuelle, deux langues apparaîtront : la langue d’oïl au Nord et la langue d’oc au Sud. Mais ces langues elles-mêmes se divisent en nombreux dialectes, au point que les contemporains semblent avoir eu longtemps le sentiment qu’il n’y avait qu’une seule langue romane et que toutes les variations étaient dialectales. Face à ce mouvement la littérature fera œuvre d’unification, soit qu’un dialecte l’emporte-parfois momentanément- sur les autres, soit, plus souvent, que par un effort délibéré elle efface ou combine les marques dialectales dans le souci d’être comprise de tous.

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La langue romane émerge donc face au latin. Il ne lui suffit pas d’exister pour devenir une langue de culture, et rien n’assure alors qu’elle le deviendra. Ou plus exactement, rien n’assure qu’elle ne sera jamais écrite.

Au moment où apparaissent les langues romanes, le latin, a le monopole de l’écriture.

Mais, durant tout le Moyen Age, et bien que la place de l’écrit ne cesse de s’étendre, les relations entre l’oral et l’écrit sont d’une façon générale très différentes de celles dont nous avons l’habitude. La performance orale joue le plus souvent le rôle essentiel, et l’écrit semble n’être là que pour pallier les défaillances de la mémoire. Toute la littérature en langue vulgaire, sans exception, est destinée au chant. La lecture, celle du vers comme celle de la prose, se fait à voix haute. L’accession au monde de l’écrit revêt une valeur considérable, à la fois sociale et religieuse. L’écrit s’impose comme source et comme autorité. L’autorité par excellence, c’est la Bible, le Livre, l’Ecriture.

III. Les auteurs au Moyen Âge

Une œuvre du moyen âge dans l’état où nous la lisons aujourd’hui n’est pas le fruit du travail d’un auteur unique. Des remaniements successifs, dus autant aux jongleurs qu’aux copistes ou aux clercs, à partir d’un texte original que nous cernons très mal (y a-t-il au départ une première œuvre littéraire, ou un emprunt à un fonds folklorique ?), nous livrent des œuvres « anonymes ».

1. Le clerc

Le clerc est un homme cultivé ; il est passé par l’université, appartient à l’Église, c’est- à-dire qu’il dépend de la justice ecclésiastique. Il est dispensé d’impôt, occupe des charges qui rapportent des bénéfices (direction d’une abbaye, par exemple) ; il porte la robe longue qui le distingue des laïcs, et peut se marier s’il n’accède pas à la prêtrise.

A lui s’attachent l’autorité de l’Ecriture et celle qui émane de tous les livres. Sa langue est celle de l’Eglise, le latin. C’est lui qui a été l’instrument de la conservation des lettres latines au sein de l’Eglise. Comme il a le monopole de l’écrit, le sort de la jeune langue vulgaire est entre ses mains. Il dépend de lui qu’elle devienne ou ne devienne pas la langue d’une culture écrite.

De son propre mouvement, l’Eglise se souciait peu, sans doute, de mettre la compétence des clercs au service de la jeune langue romane. Mais elle y était contrainte. Les fils de Louis le Pieux y avaient été contraints en 842 pour des raisons politiques, afin que chacun comprît

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le serment qu’il prêtait. La prédication au peuple devait se faire dans sa langue, sous peine de renoncer à poursuivre son évangélisation. C’estdonc dansun souci de prêcher dans une langue simple, accessible à tous, et la nécessité de renoncer à l’élégance oratoire, si importante dans les lettres latines.

2. Le jongleur

Dans toutes les occasions de fêtes (mariage, banquets, cérémonie d’adoubement lors de laquelle on arme un nouveau chevalier, etc.), le jongleur est un élément essentiel car non seulement, comme son nom l’indique, c’est un homme de spectacle (danse, musique, acrobatie, tours de magie), mais c’est aussi lui qui récite les poèmes qu’il a appris par cœur. L’œuvre littéraire est diffusée par lui, mais il ne se contente pas de réciter : il compose lui-même des vers, qu’il ajoute à l’œuvre récitée. Il participe ainsi à l’évolution d’un texte primitif : la mémoire joue un rôle important dans ce système de transmission orale des œuvres littéraires, et des versions divergentes font évoluer sans cesse le texte primitif.

3. Le copiste

Lui aussi fait évoluer le texte primitif, mais dans un autre souci ; il ne récite pas, il est chargé de recopier le manuscrit. Dans ce travail, le copiste intervient avec sa personnalité : il lui arrive de rajouter ou de retrancher une partie d’un texte, d’en moderniser la langue. De plus, il travaille parfois de mémoire, parfois sous la dictée d’un jongleur : la transmission orale de l’œuvre crée des divergences d’une version à l’autre, et, si sa mémoire a oublié un épisode, il l’inventera. Enfin, à partir du XIIIe siècle, le goût du public s’oriente vers les cycles : le copiste va rassembler dans un même manuscrit des épisodes épars d’une histoire et les organiser en une suite plus ou moins cohérente. Tous ces remaniements s’expliquent par le désir d’adapter au goût du public (qui change, sur trois siècles) une œuvre donnée.

4. Le statut de l’auteur

Si le jongleur produit le texte devant le public (avec des variantes personnelles), si le copiste recopie (et remanie) le texte, qui est donc à l’origine de l’œuvre, qui est le créateur ? Les critiques littéraires se demandent toujours si, à cette époque, une œuvre est la rédaction, un jour donné, d’une légende, d’un élément folklorique populaire, qui existe depuis longtemps, ou s’il s’agit d’une création individuelle et originale, non plus populaire mais savante.

Il faut avoir en tête deux notions pour comprendre quel sens peut avoir le mot

« auteur » au Moyen Âge. Tout d’abord, l’idée d’une « propriété littéraire » n’existe pas : un

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texte n’appartient pas à un auteur, il est normal de s’en servir (on peut le plagier, le remanier, lui donner une suite). D’autre part, les auteurs du Moyen Âge ont une conception de l’originalité différente de la nôtre : ils connaissent parfaitement les versions antérieures de l’œuvre qu’ils composent, non pour s’en démarquer, mais pour intégrer au mieux la tradition, pour en rassembler les éléments épars ; ainsi, dans une composition théâtrale par exemple, un auteur n’hésitera pas à insérer plusieurs passages. Le Mystère de la Passion, d’Arnoul Gréban, composé vers 1450 intègre des vers d’un mystère d’Eustache Mercadé écrit en 1420, et sert à Jean Michel pour son propre Mystère de la Passion, en 1486. Il faut donc, même lorsque l’histoire nous a conservé le nom d’un auteur, faire la part de la tradition dans l’invention originale.

IV. Les genres littéraires

L’écrivain du Moyen Âge est intimement lié à la société dans laquelle il vit. C’est elle qui le fait vivre matériellement. L’écrivain partage les valeurs, les croyances, les goûts de la communauté pour laquelle il compose, de la minorité qui détient le pouvoir ; ses œuvres reflètent les idéaux de cette communauté, dans la chanson de geste, qui glorifie la chevalerie, dans la littérature courtoise, qui codifie les relations de la société seigneuriale, dans la littérature satirique, qui en dénonce les abus.

1. La chanson de geste

Dans les dernières années du XIe siècle apparaissent à peu près simultanément deux formes littéraires très différentes, mais qui toutes deux rompent nettement avec les modèles que pouvaient offrir les lettres latines, et qui toutes deux allaient constituer pour un temps les manifestations essentielles de la littérature romane : la chanson de geste en langue d’oïl et la poésie lyrique des troubadours en langue d’oc.

Les chansons de geste, racontent les aventures d’un chevalier pendant des événements historiques remontant aux siècles antérieurs (gesta, en latin, signifie « acte accompli »). Mais c’est bien l’idéal de la société féodale contemporaine qui est en fait mis en scène : respect absolu des engagements féodaux entre suzerain et vassal, morale chevaleresque, qualités guerrières au service de la foi. Le chevalier obéit à un code d’honneur très exigeant : méprisant la fatigue, la peur, le danger, il est irrémédiablement fidèle à son seigneur. Le chevalier vit pour la guerre, il est fier de ses exploits guerriers ; de plus, parce que l’Église essaye de détourner vers la Croisade l’énergie violente de ces hommes passionnés de combats, les chansons de geste

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évoquent des guerres « saintes » contre les Infidèles. Toute une communauté se reconnaît donc dans ces œuvres qui exaltent les valeurs chevaleresques.

Ces poèmes se définissent par une forme et par un contenu particulier. D’abord par une forme particulière : ils sont composés de laisses (strophes1 de longueur irrégulière) homophones2 et assonancées3. Le mètre employé est le décasyllabe4.

Le mot laisse à lui seul peut donner une première idée de ce qu’est l’esthétique des chansons de geste. Ce dérivé du verbe laissier, venant du bas latin laxare, signifie « ce qu’on laisse » et revêt à partir de là des sens variés : celui de « legs, donation » aussi bien que celui d’« excrément». Dans le domaine littéraire il désigne d’une façon générale un morceau, un paragraphe, une tirade d’un texte ou d’un poème, qui forme un ensemble, s’étend d’un seul tenant, est récité ou chanté d’un seul élan, sans interruption.

Les chansons de geste traitent de sujets essentiellement guerriers qui ont la particularité de se situer toujours à l’époque carolingienne, le plus souvent au temps de Charlemagne ou de son fils Louis le Pieux. Les personnages qu’elles mettent en scène sont des barons de Charlemagne qui combattent les Sarrasins ou défendent leurs droits contre l’empereur ou son faible fils. Elles se regroupent en cycles autour des mêmes personnages ou des mêmes lignages et se divisent ainsi en trois branches principales : la geste du roi, dont le noyau est la Chanson de Roland ; la geste des barons révoltés, avec Doon de Mayence et Ogier le Danois ; la geste de Garin de Monglane, dont le héros principal est Guillaume d’Orange.

2. La littérature courtoise

À partir du XIe siècle dans le sud de la France, du XIIe siècle dans le nord, la société féodale ajoute une nouvelle valeur à l’idéal chevaleresque : le service d’amour, qui met les préoccupations amoureuses au centre de la vie.

La courtoisie est une conception à la fois de la vie et de l’amour. Elle exige la noblesse du cœur, sinon de la naissance, le désintéressement, la bonne éducation sous toutes ses formes.

Être courtois suppose de connaître les usages, de se conduire avec aisance et distinction dans le monde, d’être habile à l’exercice de la chasse et de la guerre, d’avoir l’esprit assez agile pour les raffinements de la conversation et de la poésie. Être courtois suppose le goût du luxe en même temps que la familiarité détachée à son égard, l’horreur et le mépris de tout ce qui

1 Une strophe est un groupe de VERS.

2 On appelle homophones des mots qui se prononcent de façon identique mais de sens différent.

3 Répétitions de la voyelle accentuée à la fin de chaque vers.

4 Se dit d'un vers qui a dix syllabes.

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ressemble à la cupidité, à l’avarice. Qui n’est pas courtois est vilain, mot qui désigne le paysan, mais qui prend très tôt une signification morale. Le vilain est âpre, avide, grossier. Il ne pense qu’à amasser et à retenir. Il est jaloux de ce qu’il possède ou croit posséder : de son avoir, de sa femme.

Mais nul ne peut être parfaitement courtois s’il n’aime, car l’amour multiplie les bonnes qualités de celui qui l’éprouve et lui donne même celles qu’il n’a pas. L’originalité de la courtoisie est de faire à la femme et à l’amour une place essentielle. C’est une originalité au regard des positions de l’Eglise comme au regard des mœurs du temps. L’amant courtois fait de celle qu’il aime sa dame, sa domna (domina), c’est-à-dire sa suzeraine au sens féodal. Il se plie à tous ses caprices et son seul but est de mériter des faveurs qu’elle est toujours en droit d’accorder ou de refuser librement.

L’amour courtois, ou fin’amor, « amour parfait », repose sur l’idée que l’amour se confond avec le désir. Le désir, par définition, est désir d’être assouvi, mais il sait aussi que l’assouvissement consacrera sa disparition comme désir.

Cette intuition fondamentale a pour conséquence que l’amour ne doit être assouvi ni rapidement ni facilement, qu’il doit auparavant mériter de l’être, et qu’il faut multiplier les obstacles qui exacerberont le désir avant de le satisfaire.

D’où un certain nombre d’exigences qui découlent toutes du principe que la femme doit être, non pas inaccessible, car l’amour courtois n’est pas platonique, mais difficilement accessible. C’est ainsi qu’il ne peut théoriquement y avoir d’amour dans le mariage, où le désir, pouvant à tout moment s’assouvir. On doit donc en principe aimer la femme d’un autre, et il n’est pas étonnant que la première qualité de l’amant soit la discrétion. D’autre part la dame doit être d’un rang social supérieur à son amoureux de manière à calquer les rapports amoureux sur les rapports féodaux et à éviter que les deux partenaires soient tentés : elle d’accorder ses faveurs par intérêt, lui d’user de son autorité sur elle pour la contraindre à lui céder.

Courtoisie et fin’amor trouvent leur expression dans la poésie lyrique des troubadours

de langue d’oc, et plus tard des trouvères de langue d’oïl, c’est-à-dire de ceux qui

« trouvent » (trobar en langue d’oc), qui inventent des poèmes. La cour imaginaire du roi Arthur dans les romans de la Table ronde devient le modèle idéal des cours : non seulement le chevalier est brave, mais il a en plus le désir de plaire (importance de la beauté physique, de la toilette, des parures) ; parce que les femmes sont présentes, le chevalier doit avoir des attitudes élégantes, des propos délicats ; à côté des tournois et des banquets, il prend plaisir

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aux jeux (les échecs, par exemple), à la musique, à la poésie ; il est en tout mesuré. Cet idéal est bien celui des gens de cour (de là vient le mot « courtoisie »), véhiculé par toute une littérature en tant que modèle à imiter. Si les romans courtois présentent aussi des traîtres parmi les chevaliers, c’est pour mieux mettre en lumière l’image idéale du chevalier courtois qui peu à peu influencera réellement les mœurs.

3. La littérature satirique

Même dans les textes qui semblent les plus critiques et les plus moqueurs, il serait faux de lire des œuvres « engagées » contre l’ordre établi. Au contraire, la littérature satirique s’adresse toujours au public restreint de la classe dominante, pour rappeler une exigence morale ou religieuse, celle qui existe selon la tradition.

Si l’on présente un mauvais chevalier, ce n’est pas pour critiquer la chevalerie dans son essence, mais pour dénoncer une faute, une erreur, un manquement qui peut compromettre les valeurs reconnues par tous. Ainsi, dans le Roman de Renart, la satire de la justice royale ou des pèlerinages encouragés par l’Église se lit moins comme une critique des institutions que comme un rappel de leur vraie nature.

4. La prose

Jusqu’à la fin du XIIe siècle, la littérature française est tout entière en vers et la prose littéraire n’existe pas. Les seuls textes en prose vernaculaire ont un caractère utilitaire, qu’il soit juridique ou édifiant : ce sont des chartes, des traductions de l’Ecriture ou des prêches.

Cette situation caractérise toutes les jeunes littératures : partout le vers apparaît avant la prose. Celle-ci revêt à ses débuts deux formes, celle du roman et celle de la chronique.

Rétablissant en partie la relation entre Histoire et les histoires. Jusque-là, l’Histoire appartenait au genre de la chronique et était versifiée ; mais un nouveau souci de vérité apparaît.

La prose jugée moins trompeuse que la poésie, car moins artificielle, la remplace ; une nouvelle conception de l’historien se fait jour : écrivain au service d’un pouvoir individuel - il peut s’agir du roi ou d’un grand seigneur - l’historien défend une politique, l’explique, autant qu’il raconte des événements. Cependant la prose, qui est en latin la forme de l’histoire, le devient en français dès le début du XIIIe siècle, au moment même où la matière du Graal inaugure le roman en prose.

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5. Le roman

Le roman apparaît vers le milieu du XIIe siècle, soit un peu plus tard que la chanson de geste et que la poésie lyrique. La chanson de geste et la poésie des troubadours et des trouvères ont en commun d’être destinées à être chantées. Le roman est le premier genre littéraire destiné à la lecture. A la lecture à voix haute, l’usage de la lecture individuelle ne se répandra véritablement que plus tard. Les premiers romans français se distinguent également des chansons de geste par leurs sujets. Ce sont des adaptations d’œuvres de l’Antiquité latine.

Le genre romanesque, qui deviendra le plus libre qui soit, est donc emprisonné à ses débuts dans l’espace étroit de la traduction, tandis que sa seule ambition affichée est celle de la vérité historique. Mieux, ce genre reçoit le nom de roman - mot qui désigne dans son emploi usuel la langue vulgaire romane par opposition au latin - parce qu’il se définit comme une mise en roman, c’est-à-dire comme une traduction du latin en langue romane.

Tant que l’action des romans se situait dans l’Antiquité et que leurs sources étaient des sources antiques, la prétention à la vérité historique pouvait être maintenue. Il n’en va plus de même dès lors que l’action s’est transportée dans les îles bretonnes et que les romanciers prennent pour source l’œuvre d’historiens qui leur sont contemporains. En quittant l’Antiquité et le monde méditerranéen pour la Bretagne et le temps du roi Arthur, le roman renonce à la vérité historique, référentielle, et doit se chercher une autre vérité. Une vérité qui est celle du sens ; un sens qui se nourrit pour l’essentiel d’une réflexion sur la chevalerie et l’amour.

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V. La Chanson de Roland

La Chanson de Roland est la plus ancienne des chansons de geste, c’est-à-dire des chansons consacrées aux exploits guerriers d’un héros. Elle nous est parvenue écrite sur un manuscrit datant de 1070. Ses 4 002 vers de dix syllabes répartis en 291 laisses racontent dans un dialecte anglo-normand les hauts faits de Roland contre les Sarrasins.

1. La réalité historique

Ce long poème de la fin du XIe siècle conserve la mémoire d’un événement historique connu, remontant au VIIIe siècle. Sous la direction de l’empereur Charlemagne, une expédition militaire franchit les Pyrénées pour aller assiéger en Espagne Saragosse ; occupée par les Infidèles. Mais, à la suite d’un soulèvement en Aquitaine Charlemagne est contraint de lever le siège et de rentrer d’urgence en France. Ainsi, après avoir subi un échec face aux Musulmans, l’armée repasse les Pyrénées et pille au passage des villes chrétiennes. L’arrière- garde, qui transportait le butin, est attaquée par des montagnards basques, par des chrétiens donc, qui massacrent les Francs, pillent leurs trésors de guerre et repartent impunis. Dans la bataille, le comte Roland trouve la mort.

Trois siècles plus tard naît La Chanson de Roland, œuvre achevée, de grande qualité, qui nous permet de cerner deux problèmes littéraires intéressants, celui de la transformation épique et celui de l’origine du texte.

2. De l’histoire à l’épopée

Il y a loin entre l’événement historique du VIIIe siècle et l’œuvre littéraire du XIe siècle. Les circonstances de la bataille de Roncevaux ont été profondément modifiées : dans l’épopée, l’armée, fatiguée d’une croisade qui dure depuis sept ans, veut rentrer en France ; Charlemagne, très âgé, accepte de conclure un traité avec le roi ennemi, mais un de ses barons, Ganelon, va profiter de ce traité pour vider une querelle familiale qui l’oppose à son beau-fils Roland, neveu de l’empereur; l’arrière-garde, que dirige Roland, tombe dans le piège tendu par ce traître et les Sarrasins: après une bataille extraordinaire de bravoure, les chevaliers francs sont vaincus, mais Charlemagne reviendra les venger et verra périr le traître.

On ne peut expliquer une telle modification de la vérité historique par le simple embellissement dû au temps et à une mémoire fautive. Lorsqu’on entreprend d’écrire cette épopée, c’est pour glorifier la figure du grand empereur chrétien, à une époque où la royauté

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française paraît bien faible, exalter l’idéal de la guerre sainte contre l’Infidèle à l’époque des grandes Croisades, vanter l’idéal chevaleresque et les liens vassaliques au moment où ils commencent à s’affaiblir, célébrer l’esprit national quand il commence à naître. On comprend alors que les Basques deviennent des Sarrasins, que la défaite franque s’explique par la trahison et le nombre des ennemis, que l’empereur venge cette défaite.

3. Son auteur

Le manuscrit se termine par une formule bien embarrassante : « Ci flat(finit) la geste que Turoldus declinet ». Qui voir derrière ce nom de Turoldus ? l’auteur qui a composé le texte, le copiste qui l’a transcrit, le jongleur qui l’a récité. En fait, deux hypothèses de composition s’affrontent.

La première consiste à supposer que, depuis le VIIIe siècle, on a gardé la mémoire de l’événement dans la tradition populaire, à travers des poèmes, des récits légendaires, qui un jour ont été rassemblés en une grande œuvre. Mais on n’a, d’une part, aucune trace de ces récits antérieurs ; l’inspiration de l’œuvre, d’autre part, n’est pas populaire mais répond à la demande de l’élite féodale. Une deuxième hypothèse amène donc à penser, à l’inverse, que l’unité de l’œuvre et son caractère parfaitement achevé supposent une composition individuelle.

4. Une destinée prestigieuse

Ce poème a atteint les dimensions du mythe que recherche toute épopée. La simplification des personnages, qui réduit le récit à l’affrontement entre un traître et un courageux chevalier, pour la défense du vieux roi et de la foi, donne à chaque élément de la chanson une résonance extraordinaire. L’image que nous avons conservée de Charlemagne doit beaucoup à sa peinture dans La Chanson de Roland : il incarne à la fois l’autorité ferme, quand il parle à Roland, l’humanité et la sensibilité, lorsqu’il pleure Roland, le courage militaire et le sens de la justice, quand il venge Roland.

On est frappé par une donnée dramatique assez rare car toute moderne : le destin ne joue quasiment aucun rôle ici, Roland est d’un bout à l’autre responsable de ce qui lui arrive ; il pourrait accepter l’aide que Charlemagne lui offre avant de

partir, il pourrait plus tard sonner du cor et l’appeler à son secours, mais il refuse. Lorsqu’enfin

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il sonne du cor, il reconnaît sa présomption, il meurt ainsi puni mais racheté par la souffrance.

La profondeur humaine du drame raconté par La Chanson de Roland explique l’immense succès de cette épopée depuis le Moyen Âge.

5. Structure et esthétique du texte

La Chanson de Roland n’était pas faite pour être lue, mais pour être entendue. Le jongleur qui la récite et la mime, prend la parole comme un acteur chaque fois que le monologue ou le dialogue interrompt le récit. Cet aspect oral impose à l’œuvre des caractéristiques précises dans l’écriture.

5.1. Les laisses

La Chanson de Roland est composée de laisses dont l’unité est l’assonance : tous les vers se terminent par la même voyelle accentuée. Cette assonance aidait le travail de mémoire du jongleur. Il est probable que la mélodie d’accompagnement venait soutenir aussi cette unité.

De plus, une laisse développe une seule idée ou raconte un seul fait : elle repose donc également sur une unité de signification.

5.2. Des thèmes épiques

D’une chanson de geste à l’autre, on retrouve les mêmes traits et les mêmes thèmes : l’héroïsme (Roland accepte de rester avec l’arrière-garde alors qu’il devine l’issue du combat, par exemple), la grandeur des exploits militaires (récits de passes d’armes, détails des blessures, par exemple), l’exaltation des liens féodaux, l’épopée de la foi (on combat les Infidèles, l’archevêque Turpin a sa place dans cette guerre sainte ; Olivier et Roland meurent en chrétiens, Roland surtout vit avec Dieu la même relation qu’avec son suzerain.

5.3. L’écriture

La Chanson de Roland n’accorde guère de place à l’analyse psychologique des héros, parce qu’il faut simplifier le schéma narratif, et exagérer les actions comme les sentiments afin de célébrer quelques types humains dans lesquels la collectivité va reconnaître l’incarnation de ses valeurs.

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La simplification

Dans La Chanson de Roland, la guerre se réduit à un seul combat, l’armée ne comporte plus que vingt mille guerriers francs parmi lesquels on distingue quelques combattants.

L’événement lui-même, ici la guerre contre les Sarrasins, ne dure pas. Ses causes en sont simples : tout se ramène, dans La Chanson de Roland, à une querelle entre Ganelon et Roland.

Tout se réduit à la personne de Roland : il insulte son beau-père, son beau-père le trahit, son ami lui fait des reproches, son ami meurt, il meurt à son tour, son oncle le venge, sa fiancée meurt, son beau-père est pendu. L’aspect des protagonistes comme les rouages de l’action sont simplifiés pour insister sur les lignes majeures d’un schéma préétabli qui a valeur de mythe.

L’exagération

A l’inverse, La Chanson de Roland fait une grande part à l’amplification, pour accentuer l’aspect héroïque du récit. Ainsi les Francs, à Roncevaux, sont face à quatre cent mille Sarrasins

; les coups que les chevaliers échangent sont tout à fait prodigieux : pas un qui ne transperce l’armure et le corps de part en part ; lorsque Roland sonne du cor, il met une telle force dans son souffle que sa tempe éclate, mais Charlemagne l’entend, bien loin de là ; lorsque Roland meurt, c’est une véritable tempête qui se déclenche. La peine ressentie est toujours extrême : quand Roland voit Olivier blessé, il s’évanouit de douleur ; lorsqu’Aude apprend la mort de Roland, elle meurt foudroyée par le chagrin.

L’exagération a la même fonction que la simplification : elle stylise le personnage, le sentiment, l’action, en lui donnant une valeur symbolique grandiose. Rien n’est à l’échelle du quotidien dans la chanson de geste, tout tend à l’héroïsme.

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