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La télévision transfrontière dans la cadre du Conseil de l'Europe : enjeux et portée d'une règlementation

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La télévision transfrontière dans la cadre du Conseil de l'Europe : enjeux et portée d'une règlementation

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence. La télévision transfrontière dans la cadre du Conseil de l'Europe : enjeux et portée d'une règlementation. Annuaire français de droit

international, 1988, vol. 34, p. 795-806

DOI : 10.3406/afdi.1988.2872

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41951

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ORGANISATION DE L'EUROPE

LA TELEVISION TRANSFRONTIERE DANS LE CA DRE DU CONSEIL DE L'EUROPE :

ENJEUX ET PORTÉE D'UNE RÉGLEMENTATION Laurence BOISSON de CHAZOURNES

1 — Introduction : Nécessités et enjeux

La nécessité d'une entente interétatique relative à la radiodiffusion transfront ière s'est fait ressentir dès le début des années 80, les progrès techniques et la concurrence économique entraînant des mutations et des bouleversements dans un domaine qu'il est important pour les Etats de réglementer. En effet, le paysage audiovisuel européen ne cesse de se transformer : les phénomènes de privatisation et de multiplication des chaînes, les possibilités accrues de diffusion au plan international par l'entremise de satellites, de câbles, d'antennes collectives mais aussi d'antennes paraboliques individuelles dont le prix devient de plus en plus accessible à un large public, en dessinent les principaux contours.

A la fois à cause de leur attachement au respect du principe de la libre circulation des idées et des informations sans considération de frontière, énoncé à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, mais aussi à cause du tracé des frontières qui ne correspondent pas aux ellipses des satellites natio naux, les Etats membres du Conseil de l'Europe ont renoncé à l'invocation les uns à l'égard des autres des principes du droit international des télécommunications , en matière de télévision directe par satellite, à savoir le principe de la «couverture/

nationale», «les débordements techniquement inévitables» exceptés, auquel il nef pourrait être dérogé que par un «accord préalable» intervenu entre l'Etat d'émis sion et l'Etat de réception(l).

Leur volonté d'élaborer un cadre commun de réglementation de la radiodiffu sion transfrontière, quel qu'en soit le support, s'est manifestée par l'adoption, le 29 avril 1982, de La Déclaration sur la liberté d'expression et d'information(2). Cet instrument énonce, de plus, des principes, tels celui de la diversité des moyens de

(*) Laurence Boisson de Chazournes, assistante à l'Université de Genève.

(1) Sur ces principes, voir L. Condorelli, La résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la télévision directe par satellite et le «Nouvel ordre mondial de l'information». Aspects du droit des médias II, Fribourg/Suisse, Editions Universitaires, pp 199-214; B. Cherreau, la télévision directe in Droit de l'espace (sous la direction de J. Dutheil de la Rochère), Paris, Pedone, 1988, pp. 257-262; S. Courtedc, Vers un code de conduite des relations télévisuelles européennes par satellites, Annuaire français de droit international, 1984, pp. 836-841. (2) Bulletin d'information sur les activités juridiques au sein du Conseil de l'Europe et dans les Etats membres, janvier 1983, pp. 50-51.

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communication, privés et publics, et celui de la pluralité des sources d'information, destinés à servir de fondements à une réglementation en ce domaine.

Les enjeux d'une réglementation de ce type sont multiples. Ils sont interdé pendants mais peuvent aussi être conflictuels. Il apparaît important d'en citer les principaux car ils sous-tendent les efforts de négociation et expliquent l'accord ou le désaccord des Etats sur le contenu de certaines règles de comportement. Ces enjeux seront cités sans recours à un critère de hiérarchie.

Au plan culturel tout d'abord, il faut rappeler que la télévision est l'activité culturelle principale en Europe, qu'elle est un support de diffusion d'une grande importance et qu'en cela elle fait concurrence aux productions littéraires et cinématographiques. Se posent aussi des problèmes liés à la création, à l'identité nationale et au choix du mode d'organisation et du statut de la télévision en chaque Etat, notamment en ce qui concerne l'existence d'un service public. De plus, la programmation d'oeuvres audiovisuelles est conditionnée par la nécessité de trou ver des sources de financement.

Au plan politique, la télévision apparaît comme un instrument de pouvoir privilégié, ce qui a donné lieu à un attrait plus ou moins marqué des autorités étatiques à son égard. D'autre part, la télévision participant à l'intégration euro péenne, la réglementation de sa diffusion devra prendre en compte cet objectif.

Au plan technique, les innovations sont nombreuses et rapides donnant lieu à la fois à une multiplication et une diversification des supports médiatiques et à un plus large accès pour les particuliers à des programmes tant nationaux que transfrontières. De plus, le choix de normes techniques de production, de diffusion, de distribution et de réception, notamment en matière de «Télévision à Haute Définition» constitue un enjeu dont les répercussions économiques sont impor- tantes(3).

En dernier heu, il faut souligner les aspects économiques et financiers liés à la gestion des médias audiovisuels. La télévision est un instrument d'expansion commerciale très efficace qui suscite la convoitise de nombreux investisseurs de tout genre. Il en découle une multiplication des moyens de support de la transmis sion audiovisuelle qui a donné lieu et continue de provoquer une restructuration des marchés au plan national mais aussi au plan international. De plus, sans financement provenant de ressources publicitaires, la diversification et l'interna tionalisation de la diffusion des émissions télévisées ne pourront se réaliser.

Toutefois, la recherche de ce type de financement risque d'avoir des incidences sur les grilles de programmation, les taux d'audiométrie et les coûts de diffusion devenant les premiers critères à prendre en compte. Il faut aussi faire mention du coût très élevé, à l'heure actuelle, des procédés de doublage et sous-titrage.

A l'échelle européenne, il s'agit alors pour les autorités étatiques de prendre en compte ces divers paramètres et de s'entendre sur un cadre de réglementation approprié.

(3) Voir Télévision et nouvelles technologies, Etude rédigée par le Club de Bruxelles, sous la direction de A.M. Eckstein, Agence européenne d'informations, 1984, 84 p. + annexes.

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2 — L'élaboration d'une convention relative à la télévision transfrontière A — De l'adoption de recommandations à l'adoption d'une convention

Au début des années 80, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a décidé de légiférer au moyen de recommandations dont les plus importantes, adoptées entre 1984 et 1986, ont trait à la publicité télévisée (Recommandation N° R(84) 3), à l'utilisation de capacités de satellite pour la télévision et la radiodif fusion sonore (Recommandation N° R(84) 22), aux principes relatifs aux questions de droit d'auteur dans le domaine de la télévision par satellite et par câble (Recommandation N° R(86) 2), à la promotion de la production audiovisuelle en Europe (Recommandation N° R(86) 3) et aux principes en matière de droit d'auteur et de politique culturelle (Recommandation N° R(86) 9)(4). Dans un second temps, lors de la première Conférence européenne réunissant les ministres responsables des moyens de communication de masse en Europe qui s'est tenue à Vienne en décembre 1986, il a été décidé que la réglementation élaborée devrait revêtir la forme d'instruments juridiquement contraignants(5). Les Etats ont donc envisagé la possibilité de se lier en ce domaine par des conventions négociées au sein du Conseil de l'Europe.

La principale justification d'une telle décision tient à la volonté de certains Etats de confirmer le Conseil de l'Europe (organisation dont les compétences dans les domaines des droits de l'homme et des moyens de communication de masse sont bien établies) en tant qu'institution privilégiée en Europe pour réglementer ce type d'activité. En effet, la Commission des Communautés économiques européennes travaille depuis 1983 à l'élaboration d'une directive communautaire réglementant la diffusion transfrontière d'émissions télévisées — dont elle a présenté au Conseil des ministres une proposition en 1986 et une version modifiée de cette proposition en 1988(6) — et cela dans la perspective de l'achèvement du marché intérieur d'ici à 1992(7). Or, certains Etats, soit contestent à la C.E.E. une telle compétence, soit désapprouvent l'approche de la Commission en ce domaine. Il nous a semblé important de rappeler ces événements afin de souligner le fait que les négociations qui se sont déroulées et qui continuent de se dérouler dans le cadre du Conseil de l'Europe l'ont été en parallèle de celles menées au sein de la C.E.E., tout en se

«contaminant» mutuellement (ceci même si l'objet et le but de chacun des projets de réglementation sont différents). Il n'est donc pas étonnant que ces négociations parallèles aient conduit à ce que des normes énoncées par chacun des deux projets d'instruments juridiques soient similaires. Toutefois, quelques divergences de (4) Pour le texte de ces recommandations, voir Recommandations adoptées par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe dans le domaine des médias, Direction des droits de l'homme, Conseil de l'Europe, DH-MM(86) 4. Sur la décision de légiférer par recommandations, voir F.W. Hondius, European Principles on the Use of Satellites for Television and Sound Radio, Annales de droit aérien et spatial, 1985, vol. X, p. 372.

(5) Voir la Déclaration adoptée lors de cette Conférence, Textes adoptés, Conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse, MCM(86) 15. (6) «La politique audiovisuelle de la Communauté - Proposition de directive du Conseil concernant l'activité de radiodiffusion», Bulletin des Communautés européennes, Supplément 5/86; Voir aussi la Proposition modifiée de cette directive du Conseil datée du 21 mars 1988, COM(88) 154 final - SYN 52.

Lorsqu'il sera fait référence au projet de directive communautaire, ce sera sur la base de la proposition modifiée présentée en 1988.

(7) Le Livre blanc des Communautés européennes sur «l'achèvement du marché intérieur», dont le principe et les grandes lignes ont été approuvés lors du Conseil européen de Milan en juin 1985, souligne que la création d'un espace audiovisuel à l'échelle de la Communauté est l'une des propositions essentielles qui s'imposent en vue de l'achèvement du marché intérieur d'ici à 1992, COM(85) 310 fin, 14 juin 1985.

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vues subsistent(8). Dans la suite de notre analyse, nous ferons référence au projet de directive communautaire pour souligner les aspects caractéristiques de chacune des deux réglementations européennes ainsi que pour envisager les perspectives de leur cohabitation.

Au cours de l'année 1987, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe décida qu'il ne serait procédé à l'élaboration que d'une seule convention qui reprendrait en grande partie les principes énoncés dans les recommandations précédemment citées et les compléterait par d'autres dispositions. Cet organe s'est attelé à cette tâche, s'appuyant, à cet effet, sur les travaux du Comité directeur sur les moyens de communication de masse (C.D.M.M.) et des comités d'experts constitués par ce dernier.

La convention sur la télévision transfrontière a été adoptée dans sa forme finale par le Comité des délégués des ministres le 15 mars 1989(9). Le 22 mars, les ministres compétents ont décidé de l'ouverture à la signature de la convention dont la date a été fixée au 5 mai 1989(10 et 10 bis).

B — Objet et champ d'application de la convention

La convention doit servir de cadre pour la circulation transfrontière des services de programmes de télévision. A cette fin tout service indépendamment des moyens techniques de transmission utilisés — qu'il s'agisse d'un satellite de télécommunication, d'un satellite de radiodiffusion directe, d'un satellite de puis sance moyenne, d'un réseau câblé et d'un émetteur terrestre — qui peut être reçu directement ou indirectement dans un ou plusieurs Etats parties à la convention, devra se conformer aux règles édictées par celle-ci. Il est donc fait recours à des critères objectifs pour déterminer le champ d'application de la convention. Ainsi peu importe, par exemple, que la diffusion d'émissions sur une partie du territoire d'un autre Etat soit intentionnelle ou qu'elle soit inévitable. S'il y a une quelconque possibilité de réception dans un Etat partie à la convention, d'émissions télévisées émises par des radiodiffuseurs relevant de la compétence d'un autre Etat partie à cette même convention, les règles énoncées par cette dernière devront s'appliquer.

D'autre part, sont donc exclus du champ d'application de la convention les services qui ne peuvent pas être considérés comme destinés à être reçus par le public en général, tels, par exemple, les services de vidéotexte ou les banques de données électroniques. En revanche, les systèmes de télévision par abonnement sont couverts par la convention étant donné que toute personne est susceptible moyennant le paiement d'une somme de pouvoir recevoir de tels services.

(8) Les Conclusions du Conseil européen (C.E.E.) de Rhodes laissent présager que celles-ci s'att énueront, le Conseil européen ayant estimé «important que les efforts faits par la Communauté soient déployés en conformité avec la Convention du Conseil de l'Europe», Conclusions de Ut Présidence, Conseil européen, Rhodes 2 et 3 décembre 1988, p. 8.

(9) La convention a été adoptée dans les conditions suivantes : seize voix pour et quatre abstentions (Belgique, Danemark, France et Turquie). Malte et l'Islande étaient absents lors du vote.

(10) La Communauté européenne, représentée par la Commission, a participé aux travaux des différents organes compétents du Conseil de l'Europe. La possibilité donnée à la C.E.E. de devenir partie à la convention est réglée par une disposition de la convention. De ce fait, il a été prévu que les décisions relatives à la convention doivent être adoptées à la majorité des 3/4 des Etats parties à la convention. Après l'écoulement d'un délai de cinq ans, cette procédure de vote pourra être révisée. Sur les modalités de coopération entre les deux organisations européennes, voir Arrangement entre le Conseil de l'Europe et la Communauté européenne du 16 juin 1987, Revue générale de droit international public, Tome 92, 1988, n°l, pp. 247-249.

(10 bis) Au 20 mai 1989, dix Etats avaient signé la convention : l'Autriche, le Liechtenstein, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, Saint-Marin, l'Espagne, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni.

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La convention ne réglementera que la diffusion de services télévisés. La radiodiffusion sonore est donc exclue. Toutefois, elle pourrait être l'objet d'un protocole additionnel. Seraient surtout visées les émissions diffusées sur ondes ultra-courtes, principalement l'émission de messages publicitaires.

Si un programme est conforme aux normes établies par la convention, normes minimales à respecter en toute circonstance, il devra alors bénéficier de la liberté de circulation transfrontière; il ne pourra faire l'objet d'aucune restriction de la part d'un Etat de réception. Il revient à l'Etat d'émission de veiller par les moyens constitutionnels, législatifs ou réglementaires appropriés à ce que les programmes transmis par des organismes ou par des moyens techniques relevant de sa juridic tion — selon les différentes hypothèses d'engagement de la responsabilité interna tionale d'un Etat envisagées par la convention(ll) — soient conformes aux prescriptions de la convention.

L'Etat d'émission sera d'ailleurs en droit s'il le souhaite d'imposer le respect de règles plus strictes, ceci car l'objet de la convention n'est que d'imposer le respect d'un ensemble de règles dites minimales auquel un programme télévisé doit se conformer s'il veut pouvoir bénéficier de la liberté de circulation et de réception en tout pays partie à la convention. Un Etat ne pourra pas s'opposer à la diffusion sur son territoire de programmes conformes aux prescriptions de la convention, mais il pourra exiger que les programmes émis par des organismes de radiodiffusion ou à l'aide de moyens techniques relevant de sa compétence soient conformes à une législation plus restrictive que la convention à laquelle il est partie. En cela le projet de convention diffère de la proposition de directive communautaire qui vise à assurer une liberté de circulation intra-communautaire à tout programme télévisé sur la base du principe de non-discrimination, l'harmonisation des législations nationales étant requise pour supprimer les entraves à la libre circulation aujour d'hui encore existantes. Tout programme communautaire devrait bénéficier des mêmes conditions en tout Etat : si ce n'était pas le cas, un radiodiffuseur pourrait

alors porter plainte.

Il faut rappeler que les émissions qui ne sont pas transfrontières, c'est-à-dire qui ne sont émises qu'à un échelon national, sur tout ou partie de ce territoire, ne relèvent pas de la convention. En revanche, la proposition de directive communau- (11) Dans le cas de transmissions terrestres, l'Etat responsable est l'Etat dans lequel l'émission primaire est réalisée (en principe : l'Etat à qui a été attribué la fréquence et dans lequel est situé l'émetteur terrestre et, dans le cas de transmissions par câble, l'Etat dans lequel est située la tête du réseau câblé).

Dans le cas de transmissions par satellite, trois hypothèses ont été envisagées pour éviter le contournement des dispositions de la convention. En principe, l'Etat responsable est l'Etat dans lequel est située l'origine de la liaison montante vers le satellite. On le remarque, cet Etat ne sera pas forcément celui dans lequel le radiodiffuseur fournissant le service de programmes a son siège. Toutefois, ces deux Etats pourraient procéder entre eux, au moyen d'un accord bilatéral, à un transfert de responsabilité. La seconde hypothèse vise la situation dans laquelle l'origine de la liaison montante vers le satellite se situe dans un Etat qui n'est pas partie à la convention. Dans ce cas l'Etat responsable est l'Etat qui a accordé l'utilisation d'une fréquence de satellite ou d'une capacité de satellite. La dernière hypothèse vise les situations pour lesquelles on ne peut avoir recours à aucun des critères prévus par les deux hypothèses précédentes. L'Etat responsable sera alors celui dans lequel le radiodiffuseur a son siège.

Le projet de directive communautaire ne fait usage que d'un seul critère de compétence. L'Etat responsable est celui de la compétence duquel relève l'organisme de radiodiffusion. Cette unicité de chef de compétence tient à l'objet de la directive qui est celui de supprimer les obstacles à la libre circulation des émissions télévisées provenant de chacun des pays membres de la C.E.E.; il n'y aurait donc pas d'intérêt à tenter de contourner l'application de la législation d'un Etat en ce domaine, chacun des Etats devant s'être doté d'un même type de réglementation. De plus, dans le cas d'un radiodiffuseur qui émettrait des programmes télévisés mais qui ne relèverait pas de la compétence d'un Etat membre de la C.E.E., tout Etat commun autaire dans lequel seraient émis ces programmes serait en droit d'appliquer à leur égard une réglement ation plus restrictive que la réglementation communautaire car ces programmes ne pourraient pas bénéficier du principe de la libre circulation au sein du Marché commun.

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taire assujettit à un même régime toutes les émissions télévisées, qu'elles soient transfrontières ou non, tout en précisant qu'en certains domaines les Etats peuvent imposer des règles spécifiques aux programmes non transfrontières.

Précisons aussi que l'organisation et l'exploitation des activités de radiodiffu sion restent de la compétence de chaque Etat. Les Etats sont libres de définir le statut juridique des organismes de radiodiffusion relevant de leur compétence (concession exclusive, concurrence, etc)(12).

C — Présentation du contenu de la convention

La réglementation des questions faisant l'objet de dispositions dans la conven tion sera présentée dans ses principaux aspects(13).

En matière de programmation, toutes les émissions télévisées doivent respec ter la dignité de la personne humaine et les droits fondamentaux d'autrui. Il est aussi demandé de prendre en compte le fait qu'à certaines heures les enfants et les adolescents sont plus susceptibles de regarder la télévision, le principe selon lequel l'information télévisée doit favoriser la libre formation des opinions ainsi que le fait que le système des droits exclusifs de transmission ou de retransmission ne doit pas priver une grande partie des téléspectateurs de la possibilité de suivre un événement d'un grand intérêt.

Toute personne, quels que soient sa nationalité ou son lieu de résidence, est titulaire d'un droit de réponse ou d'un droit similaire.

Afin de protéger l'industrie européenne dans le domaine de la création audio visuelle, il est demandé que chacun des services de télévision réserve un certain temps à la diffusion d'oeuvres audiovisuelles d'origine européenne (œuvres de création dont la production ou la coproduction est contrôlée par des personnes physiques ou morales ressortissantes d'un Etat partie à la Convention culturelle européenne). Les Etats se sont accordés sur la part du temps qui devra être consacrée à la diffusion de telles œuvres audiovisuelles. La notion de «proportion majoritaire du temps de diffusion» (à l'exclusion du temps consacré aux informat ions, à des manifestations sportives, à des jeux, à la publicité et aux services de télétexte) a été retenue. Il a aussi été admis que la mise en œuvre du respect de cette exigence pourrait être progressive. S'il y avait désaccord sur l'interprétation et l'application de ces notions, un avis consultatif pourrait être demandé par l'un des Etats à un organe composé de représentants gouvernementaux (dénommé Comité permanent) institué par la convention. En aucun cas un différend portant sur cette question ne pourrait être soumis à la procédure d'arbitrage prévue par la convention. L'imposition de quotas, système initialement prévu par la proposi- (12) Toutefois la définition de ce statut devrait être conforme aux exigences qui découlent du respect de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme tel qu'interprété par la Commission européenne des droits de l'homme et la Cour européenne des droits de l'homme. Pour un aperçu de la jurisprudence de ces deux organes, voir Activités du Conseil de l'Europe dans le domaine des media, Direction des droits de l'homme, Conseil de l'Europe, DH-MM(88) 1, pp. 54-62.

Une récente décision de la Commission rendue en l'affaire Groppera Radio AG et autres c. Suisse (Requête n° 10890/84, Rapport de la Commission adopté le 13 octobre 1988, polycopié du Conseil de l'Europe, pp. 28-32) a permis de rappeler l'une des exigences qui découlent du respect de l'article 10 : un Etat ne peut pas s'appuyer sur l'article 10, paragraphe 1 pour limiter la diffusion d'émissions transfrontières que des sociétés d'exploitation de réseaux câblés voudraient distribuer à leurs abonnés. Une telle restriction devrait être conforme aux conditions énoncées par le paragraphe 2 de l'article 10 (sur ces conditions, voir G.

Cohen-Jonathan, La Convention européenne des droits de l'homme, Paris, Economica-Presses Universit aires d'Aix-Marseille, 1989, pp. 466-480).

(13) Cette présentation est établie à partir du projet de convention tel qu'il a été adopté le 15 mars 1989.

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tion de directive communautaire, n'a pas été retenue(14). Toutefois, on peut constater que si la disposition faisant référence à la notion de «proportion majori taire du temps de diffusion» faisant l'objet d'une interprétation stricte, un système s'apparentant à celui de l'imposition de quotas serait alors mis en place. De plus, le principe d'un ordre chronologique qui assure la diffusion d'œuvres cinématogra phiques dans les salles de cinéma avant qu'elles ne le soient à la télévision doit être respecté. Pour ce faire, un délai de deux ans a été retenu et un délai d'un an en cas d'œuvres cinématographiques coproduites par le radiodiffuseur.

Quant aux droits d'auteur, il a été décidé qu'ils feraient l'objet d'un protocole additionnel à la convention sur la télévision transfrontière. Il n'y aurait qu'un seul régime de réglementation quel que soit le système de radiodiffusion. Il faut aussi signaler une très nette opposition à l'égard d'un système qui priverait les auteurs d'œuvres audiovisuelles de leur droit de négocier les conditions d'autorisation de diffusion de chacune de leurs œuvres ainsi que de leur droit de négocier les conditions de rémunération.

La publicité est soumise au respect de divers principes : elle doit être loyale et honnête, ne doit pas être trompeuse, doit tenir compte de la sensibilité particu lière des enfants, doit être clairement identifiable en tant que telle, etc. Sont interdites les publicités pour les produits du tabac et pour les médicaments et traitements médicaux disponibles seulement sur prescription médicale dans l'Etat d'émission. La publicité pour les autres médicaments et traitements médicaux ainsi que la publicité pour les boissons alcoolisées de toutes sortes sont soumises au respect de règles particulières(15). Les limites maximales du temps de diffusion consacré à la publicité sont de 15 % par jour et 20 % par heure d'émission. Le temps quotidien maximal pourrait être porté à 20 % si l'Etat d'émission autorisait la diffusion d'émissions de télé-achat(16), la diffusion de messages publicitaires ne devant toutefois pas dépasser 15 % de ce temps d'antenne. De plus, la diffusion d'émissions de télé-achat ne devrait pas dépasser la limite d'une heure par jour.

La possibilité d'interrompre la diffusion d'émissions télévisées par la diffusion de messages publicitaires a été admise, cependant certaines conditions devraient être respectées. Ainsi, par exemple, un long métrage cinématographique ne pourrait être interrompu qu'une seule fois, les œuvres audiovisuelles faites pour la télévi sion, si leur durée était supérieure à 45 minutes, pourraient être interrompues une fois par tranche de 45 minutes; d'autres conditions sont prévues pour les autres types d'émissions. Le régime des interruptions publicitaires est dans l'ensemble très libéral et en cela s'apparente au régime proposé par le projet de directive communautaire. Quant aux chaînes de télévision spécialisées dans la diffusion de messages publicitaires, la convention ne les mentionnant pas, leur existence devrait dépendre de l'interprétation qui sera faite de la convention. Elles pour raient être soumises à autorisation de l'Etat d'émission mais l'Etat de réception (14) Dans sa position commune arrêtée le 13 avril 1989, le Conseil de la C.E.E. a abandonné la technique des quotas et utilise une formule qui s'apparente grandement à celle de la convention du Conseil de l'Europe. Le Parlement européen n'a pas contesté cette nouvelle orientation (Le Monde, 26 mai 1989).

(15) Bien que le principe de l'interdiction des réserves ait été retenu, pour des raisons de compromis devant conduire à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la convention à l'égard de tous les Etats, il a été admis deux exceptions à ce principe : la première permet à un Etat d'imposer une réglementation plus restrictive à l'égard de la diffusion sur son territoire de programmes transfrontières contenant de la publicité pour les boissons alcoolisées, la seconde donne la possibilité au Royaume-Uni de permettre à un organisme relevant de sa compétence, l'Independent Broadcasting Authority, de diffuser par des moyens terrestres des messages publicitaires pour les cigares et le tabac pour pipe; vu l'objet de la convention, cette réserve vise donc les situations de diffusion en-dehors du territoire britannique.

(16) Les émissions de télé-achat sont les offres, faites directement au public, de vente, d'achat ou de location de produits ou de fourniture de services.

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pourrait restreindre la diffusion de tels services. Est prohibée la diffusion de messages publicitaires qui seraient fréquemment et spécifiquement dirigés vers l'audience d'un Etat autre que l'Etat d'émission, si cette diffusion pouvait être considérée comme contournant les règles relatives à la publicité télévisée en cet Etat. Les critères de la langue utilisée, des devises mentionnées et des points de vente indiqués devraient permettre de prouver un manquement à une telle prescription. Cette dernière disposition a été vivement critiquée par la Commission de la C.E.E. pour qui elle est contraire au principe de la libre circulation des services.

Le parrainage fait l'objet de dispositions spécifiques. Il est notamment deman dé que cette activité soit signalée clairement en début ou en fin d'émission, qu'elle ne porte pas atteinte à l'indépendance éditoriale du radiodiffuseur et qu'elle n'incite pas à l'achat ou à la location des produits ou services du parrain ou d'un tiers. Il y a interdiction de parrainer les journaux télévisés et les magazines d'actualités. Les parrainages par des entreprises dont les produits ou services ne peuvent pas faire l'objet de publicité sont aussi interdits.

Les négociateurs ont voulu que la mise en œuvre et le respect de la convention repose sur le principe de coopération entre les Etats parties. A cette fin, chaque Etat devra indiquer le nom d'un ou plusieurs organismes compétents en son for pour traiter des questions d'application de la future convention. Ces diverses autorités nationales devront coopérer entre elles. De plus, il y aura constitution d'un Comité permanent composé de représentants étatiques qui sera chargé de suivre l'application de la convention et pourra faire des propositions de modifica tion de la convention si cela s'avérait nécessaire. Cet organe sera aussi investi de la fonction de régler des différends qui viendraient à naître de l'application de la convention. Ainsi si des Etats ne parvenaient pas à s'entendre par le biais de négociations directes, ils pourraient demander un avis à ce Comité. Mais si le différend persistait, il est prévu une procédure arbitrale, ce qui donnerait lieu à des décisions juridiquement contraignantes pour les Etats. Il est aussi envisagé de permettre à l'Etat de réception, en cas de violations présentant un caractère manifeste, grave et sérieux et qui concernent un nombre limité d'articles de la convention (en grande partie relatifs à la publicité), de suspendre à titre provisoire la diffusion des programmes qui ne seraient pas conformes aux règles énoncées par la conventiond 7). L'Etat ne pourrait le faire qu'au terme des deux semaines faisant suite à la date de la formulation de ses prétentions à l'Etat d'émission.

Quant à l'allégation de la violation d'autres articles de la convention, exception faite des violations portant sur la majorité des dispositions relatives à la program mation à l'encontre desquelles aucune contre-mesure ne pourra être exercée, l'Etat

de réception aura le droit de suspendre à titre provisoire la diffusion des pr ogrammes mis en cause mais il ne pourra le faire que si la violation de la convention

persiste et que s'il respecte l'échéance de huit mois à compter de la formulation de ses prétentions à l'Etat d'émission. Ces dispositions relatives à des exercices unilatéraux de contre-mesures ont été fortement critiquées par la Commission de la C.E.E. Cette dernière considère qu'elles introduisent un système s'apparentant (17) II est à remarquer que de telles actions de suspension de la diffusion de programmes sont conditionnées par les moyens techniques à la disposition de l'Etat de réception. Ainsi par exemple, si les programmes contestés étaient transmis par câble, l'Etat pourrait procéder à la fermeture de la tête du réseau câblé en cause; s'ils l'étaient par voies hertziennes, il pourrait procéder au changement d'orientation d'un émetteur terrestre. En revanche, en cas de réception au moyen d'antennes paraboliques, de pr ogrammes diffusés par le biais de satellites, les possibilités d'action de l'Etat de réception apparaissent inexistantes.

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à un contrôle a priori qui fait obstacle aux principes de la libre émission et de la libre réception des programmes transfrontières.

En dernier lieu, il faut souligner qu'il est prévu qu'une clause de la future convention permette aux Etats membres de la C.E.E., dans leurs relations inter se, de faire primer sur les prescriptions de cette convention les obligations auxquelles ils sont assujettis par le droit communautaire. Ainsi par exemple, en matière de règlement des différends, les Etats membres de la C.E.E., si une directive commun autaire devait être adoptée, appliqueront dans leurs rapports réciproques des règles autres que celles qu'ils devront appliquer dans leurs rapports avec des Etats non membres de la C.E.E. et parties à la future convention adoptée dans le cadre du Conseil de l'Europe.

Pour s'interroger sur la portée de la future convention, on pourrait analyser cette convention sous l'angle des forces et faiblesses que présentent les dispositions qu'elle renferme. On peut aussi tenter d'évaluer le jeu des diverses techniques juridiques auxquelles ont eu recours les Etats et se demander quelles pourraient être les incidences de celles-ci dans la formation du paysage audiovisuel européen.

C'est en fonction de cette deuxième approche que l'on appréciera la portée de la future convention européenne.

3 — Conclusion .'Apropos de quelques insuffisances d'une telle réglementation II était apparu à l'issue de la deuxième Conférence réunissant les ministres responsables des moyens de communication de masse en Europe qui s'est tenue à Stockholm en novembre 1988, que la convention sur la télévision transfrontière serait prochainement adoptée(18) et ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe et des autres Etats parties à la Convention culturelle euro- péenne(19). Les faits ont confirmé ces prévisions puisque la convention a été ouverte à la signature des Etats le 5 mai 1989. Les Etats pourront ensuite manifester leur consentement à être liés par cet instrument conventionnel au moyen des procédures de ratification, d'acceptation ou d'approbation prévues à cet effet(20). Toutefois, un Etat lors de la signature de la convention ou à tout moment précédant l'entrée en vigueur de la convention à son égard pourra déclarer qu'il applique la convention à titre provisoire(20 bis). L'application de cette convention sur une base provisoire ou définitive devrait permettre que se dessinent et se renforcent les contours d'un paysage audiovisuel européen acceptés par tous les

Etats.

Quelques remarques sur les techniques juridiques auxquelles ont fait recours les Etats pour élaborer le texte de cette convention et en prévoir les conditions de mise en œuvre méritent d'être formulées afin d'évaluer la portée des mécanismes mis en place dans leurs lignes directrices ainsi que dans leur fonctionnement.

On peut tout d'abord remarquer que les Etats ont fait recours à des méca nismes classiques du droit international. Cette réglementation revêt la forme d'une convention-cadre, forme la plus usitée au sein du Conseil de l'Europe pour lier (18) Stockholm : unexpected harmony, Media Bulletin, The European Institute for the Media, vol. 5, N° 4, p. 6.

(19) Une procédure spéciale d'adhésion est prévue pour les Etats qui ne sont ni membres du Conseil de l'Europe, ni parties à la Convention culturelle européenne et qui voudraient devenir parties à la convention sur la télévision transfrontière.

(20) L'entrée en vigueur de la convention se fera quand sept Etats dont au moins cinq membres du Conseil de l'Europe auront exprimé leur consentement à être liés par la Convention.

(20 bis) Ce que la Suisse a fait le 5 mai 1989.

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juridiquement les Etats membres dans des domaines très diversifiés, l'objectif recherché étant l'établissement d'une coopération interétatique. Le recours à un instrument conventionnel entraîne l'application du corpus de règles relatives au

droit des traités. Mais pour tenter d'éviter une «compartimentalisation» des rapports entre les Etats parties, sachant que les divergences d'intérêt restent nombreuses, il a été décidé de faire récours à certaines règles spécifiques du droit des traités telles que codifiées par la Convention de Vienne de 1969(21).

Il est donné la possibilité à un Etat de déclarer appliquer à titre provisoire la convention avant l'entrée en vigueur de cette dernière à son égard. Mais cette faculté permettra-t-elle l'instauration rapide d'un ordre audiovisuel commun à tous les Etats ? Ne trouverait-elle pas son sens que si tous les Etats déclaraient en même temps reconnaître cette application provisoire de la convention, ce qui permettrait alors de hâter le processus d'instauration du respect de règles communes à tous les Etats. Toutefois l'application provisoire de la convention pourrait être entravée par des problèmes nés de ^applicabilité» de la convention dans l'ordre interne de certains Etats.

La convention stipule une interdiction générale d'émettre des réserves, tout en en autorisant deux à titre d'exception, à l'égard desquelles aucun Etat ne pourra formuler d'objections(22). Cette prohibition vise à empêcher que les rapports juridiques entre les Etats parties ne se segmentent du fait du jeu des réserves et des objections qui pourraient être formulées de manière diverse par chacun des Etats parties. Mais cette interdiction pour les Etats d'émettre des réserves ne risque-t-elle pas de donner lieu à des déclarations d'interprétation que des Etats formuleraient au moment d'exprimer leur consentement à être lié par la conven tion ? Quels effets juridiques auraient alors de telles déclarations ? La question se pose notamment pour les dispositions qui ont été formulées en termes généraux permettant ainsi d'obtenir l'accord de principe de tous les Etats sur leur contenu.

Leur interprétation pourrait donner lieu à des divergences de vues entre les Etats Parties, susceptibles, qui plus est, d'être renforcées par les déclarations d'interpré tation émises par certains Etats.

Le recours à la technique de la clause de déconnexion permettant aux Etats membres de la C.E.E. de faire primer dans leurs rapports mutuels le droit communautaire sur les prescriptions de la convention souligne aussi la fragilité du processus d'instauration d'un ordre audiovisuel commun à tous les Etats européens.

En matière de respect et de mise en œuvre des obligations édictées par la convention, il a aussi été fait application de techniques traditionnelles du droit international, tel l'assujetissement de l'Etat d'émission à une obligation relevant de la catégorie générique des obligations de moyen et non des obligations de résultat(23), n'exigeant de ce dernier que de «veiller» à ce que les programmes transmis soient conformes aux dispositions de la convention. De plus, les compor tements qui devraient être ceux de l'Etat d'émission ainsi que les moyens auxquels ce dernier devra avoir recours dans l'accomplissement de ses prestations sont peu spécifiés. Il est ainsi reconnu à l'Etat d'émission une large marge d'appréciation (21 ) Pour le texte de cette convention, voir H. Thierry, Droit et relations internationales — Traités, Résolutions et Jurisprudence, Paris, Montchrestien, 1984, pp. 49-78.

(22) Voir la note (15).

(23) Distinction reprise de la théorie civiliste française; pour une présentation de celle-ci voir J. Combacau, Obligations de résultat et obligations de comportement : Quelques questions et pas de réponse, Mélanges offerts à P. Reuter, le droit international : unité et diversité, Paris, Pédone, 1981, pp. 193-197.

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lors de la mise en œuvre de la convention, ce qui pourra rendre difficile une mise en cause de sa responsabilité. Ces constatations revêtent toute leur importance si on prend en compte les intérêts et enjeux tant culturels qu'économiques qui sous-tendent toute décision en ce domaine. On peut alors se demander si la prévision de mécanismes de règlement des différends ainsi que la survivance de l'idée de réciprocité d'intérêts par le possible jeu de contre-mesures (exception faite de dispositions relatives à la programmation qui ne pourraient en aucun cas faire l'objet de contre-mesures) pourraient pallier aux effets attenants à la marge d'appréciation reconnue à l'Etat d'émission dans sa mise en œuvre des règles énoncées par la convention. Mais le recours à la menace ou à l'application de ces mesures d'auto-protection, dont l'exercice repose aussi sur l'appréciation discré tionnaire de l'Etat qui en est l'auteur, ne risque-t-il pas d'affaiblir la portée du cadre multilatéral de réglementation dont le respect a été reconnu indispensable ? S'agissant de s'interroger sur la portée de la future convention sur la télévision transfrontière, il importe aussi d'analyser les mécanismes de règlement des différends tels que prévus par la convention. Bien qu'il ait été conçu qu'une coopération tant interétatique qu'infra-étatique devrait permettre la réalisation des but et objet de la convention, s'agissant des mécanismes de règlement des différends proprement dits, il a été établi que ceux-ci ne joueraient qu'au plan interétatique par le biais de négociations directes ou conduites avec la médiation d'un Comité composé de représentants gouvernementaux. Si celles-ci échouaient, il pourrait y avoir arbitrage. Les droits des particuliers et de groupes de personnes ne pourraient donc être défendus qu'au moyen de l'intervention d'un Etat à rencontre d'un autre Etat partie à la convention. On le constate, les différends opposant un particulier ou une personne morale à l'Etat de la compétence duquel ils relèvent ne pourront pas être réglés au moyen de procédures prévues par la convention. D'autre part, il existe de nombreuses situations lors desquelles les intérêts privés à défendre ne recouperont pas forcément les intérêts de l'Etat déclaré compétent pour assurer leur protection. On pense, par exemple aux droits de groupes de personnes tels des groupes de consommateurs, de téléspectateurs, de journalistes, de câblodistributeurs ou encore de publicitaires. Ces divers groupes d'intérêt devraient donc en premier lieu, s'ils voulaient voir leurs droits défendus, obtenir l'assentiment de l'Etat de la compétence duquel ils relèvent, à mettre en œuvre les procédures instituées par la convention.

Afin d'évaluer la portée de la convention, on peut aussi constater l'absence de règles régissant la concurrence économique dans le domaine couvert par la convent ion. La recherche de profits et d'économie d'échelle n'est pourtant pas absente dans ce secteur d'activité. Elle incite, au contraire, à la constitution de conglomér ats de sociétés et de groupes multi-medias transnationaux qui par leurs activités pourraient porter atteinte au respect de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme dont la réalisation constitue un objectif essentiel de la future convention. Les législations nationales portant notamment sur les abus de position dominante en ce domaine, sont-elles suffisantes ? S'il devait y avoir une réglement ation à l'échelle du Conseil de l'Europe, quelle devrait-elle être ? En cette sphère d'activité, la pratique relative au recours aux articles 85 et 86 du Traité de Rome, articles qui réglementent la concurrence au sein de la C.E.E., peut rendre dubitat if : en effet, aucune plainte n'a jusqu'alors abouti. Les conditions d'application de ces articles paraissent, en ce domaine, difficiles à satisfaire(24). Il n'empêche (24) Voir les observations de L. Dubouis, La Communauté Européenne, la radio et la télévision, in Radio et télévision en Europe - Actes du colloque tenu à Aix en octobre 1984, Paris, eds. du C.N.R.S.,

pp. 315-325.

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qu'une réflexion doit être conduite car des règles relevant de cette matière sont le pendant nécessaire de toute réglementation des activités audiovisuelles transfront

ières. Les Etats européens sont conscients de cette nécessité. Ainsi pour faire suite à une résolution adoptée lors de la Conférence de Stockholm, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a donné mandat au C.D.M.M. de constituer un groupe d'experts chargé d'étudier cette question.

En dernier lieu, une réflexion portant sur le contenu même de la convention mérite d'être formulée. Il apparaît, en effet, important de rappeler qu'en matière audiovisuelle tout doit être fait pour garantir le respect des droits de toute personne — notamment ayant la qualité de téléspectateur — quel que soit l'Etat européen de la compétence duquel elle relève, ainsi que pour promouvoir le respect des exigences d'ordre culturel(25). Or la future convention, on a pu le constater, ne renferme que peu de dispositions relatives à ces deux importantes exigences. Il appartiendra donc aux Etats européens d'être vigilants, notamment en ayant soin de se conformer à ces deux exigences lors de l'interprétation et de l'application de cette convention.

Ces diverses réflexions n'épuisent pas le vaste sujet des relations télévisuelles transfrontières. Elles ont simplement permis de souligner à propos d'une question ou d'une autre, les points forts mais aussi les insuffisances que présente la future convention européenne dont l'adoption et la mise en œuvre constitueront des étapes importantes pour l'édification d'un ordre audiovisuel européen.

Genève, le 26 mai 1989.

(25) Voir la Résolution n° 1 adoptée lors de la Conférence de Stockholm dans laquelle les Etats européens reconnaissent l'importance de ces objectifs et prévoient certains mécanismes visant à assurer leur réalisation.

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