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Médecine sexuelle et cancers : une main tendue vers l’humain

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Médecine sexuelle et cancers : une main tendue vers l'humain

AMRAM, Marie-Laure, et al.

Abstract

Le cancer et ses traitements peuvent induire de nombreux effets secondaires. Parmi eux, les problèmes liés à la santé sexuelle sont souvent laissés de côté, tant par les cliniciens que par les patients eux-mêmes. Du côté des cliniciens, les principaux obstacles évoqués sont le sentiment d'une formation inadéquate, ou le manque de temps ou d'intimité. Du côté des patients, la gêne ou l'impression que les problèmes sexuels liés au cancer sont incurables, sont souvent retrouvées. Devant cette problématique, un groupe multidisciplinaire a été créé pour traiter de la santé sexuelle des patients oncologiques et mettre en place une formation spécialisée pour les cliniciens, avec comme objectif global d'intégrer la problématique sexuelle dans la prise en charge globale de ces patients.

AMRAM, Marie-Laure, et al . Médecine sexuelle et cancers : une main tendue vers l'humain.

Revue médicale suisse , 2018, vol. 14, no. 598, p. 582-584

PMID : 29537747

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:127662

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REVUE MÉDICALE SUISSE

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Médecine sexuelle et cancers : une main tendue vers l’humain

Le cancer et ses traitements peuvent induire de nombreux effets secondaires. Parmi eux, les problèmes liés à la santé sexuelle sont souvent laissés de côté, tant par les cliniciens que par les patients eux-mêmes. Du côté des cliniciens, les principaux obstacles évoqués sont le sentiment d’une formation inadéquate, ou le manque de temps ou d’intimité. Du côté des patients, la gêne ou l’impression que les problèmes sexuels liés au cancer sont incurables, sont souvent retrouvées. Devant cette problé- matique, un groupe multidisciplinaire a été créé pour traiter de la santé sexuelle des patients oncologiques et mettre en place une formation spécialisée pour les cliniciens, avec comme objectif global d’intégrer la problématique sexuelle dans la prise en charge globale de ces patients.

Cancer and sexual medicine: a hand to the human Cancer itself and its treatments can result in physical and/or psychological adverse events which include disorders of sexual health. Both clinicians and patients are reluctant to talk about sexual issues, body image or intimacy between partners. Barriers from the clinician’s perspective include feeling inadequately trained, lack of time or privacy. On the patients’ side, embarrassment or belief that their sexual health are an untreatable complication of their disease and its treatment are the main barriers.  Concerned by this proble- matic, a multidisciplinary group was created to address the question of sexual health in cancer patients and to set up a specialized trai- ning for the clinicians, with the overall goal to integrate this field in the standard management of cancer patients.

INTRODUCTION

Elément essentiel de la vie quotidienne, la sexualité ne concerne pas seulement l’acte lui-même ou la reproduction, c’est aussi tout ce qui touche à la libido, le besoin de rappro- chement, d’intimité, d’attention et de plaisir. Le cancer et ses traitements peuvent affecter la sexualité dans tous ses aspects et modifier la relation de couple. S’il est difficile d’en parler ouvertement, aborder à cœur ouvert la sexualité offre les meilleures chances de faire face à tout changement induit par le traitement oncologique.

Les conséquences du cancer sur la vie sexuelle varient en fonction de chacun. L’anxiété quant à l’évolution de la mala-

die et aux conséquences des traitements (changements d’aspect physique, fatigue, perturbation de l’équilibre hor- monal) peut entraîner une baisse importante de la libido.

L’apparition de sécheresse vaginale (entraînant des rapports douloureux), de troubles érectiles perturbe la sexualité des patients.

L’annonce du cancer peut avoir des conséquences émotion- nelles majeures pour le couple et peut péjorer la vision de leur avenir commun.

RÉPERCUSSIONS PHYSIQUES ET PSYCHOLOGIQUES DES TRAITEMENTS ONCOLOGIQUES

Sur le plan sexuel, les traitements oncologiques peuvent en- traîner des troubles fonctionnels (suite à une prostatecto- mie, une radiothérapie sur le petit bassin, une colostomie, une chirurgie cervico-faciale …) ; une fatigue (qu’elle soit chimio- et/ou radio-induite) ; une diminution du désir sexuel (libido) liée aux nausées/vomissements mais également à la douleur ; une modification de l’image du corps secondaire à une chirurgie oncologique (mastectomie, colostomie, cys- tectomie…) ; des troubles de la fertilité ou une ménopause précoce.

Sur le plan psychologique, la révélation de la présence d’un cancer peut créer un sérieux choc émotionnel. Le terme « can- cer » reste encore souvent associé aux images de souffrance, de tristesse, de déchéance et de mort. L’annonce de la maladie peut aussi provoquer une réaction post-traumatique si le diag nostic est brutal, inattendu et annoncé dans de mauvaises conditions d’écoute. Enfin, les traitements oncologiques (chirurgie mais également radiothérapie et traitements onco- logiques systémiques) peuvent modifier le schéma et l’image corporelle.

IMAGE CORPORELLE DU PATIENT ONCOLOGIQUE

Les manifestations physiques de l’atteinte de l’image corpo- relle sont multiples et diffèrent selon les traitements utilisés.

Face à l’agression somatique, le malade perçoit son corps dif- féremment et son psychisme peut en être affecté sachant qu’il n’y a jamais véritablement de restitutio ad integrum.

Ainsi, la chirurgie oncologique pourrait-elle être vécue comme une mutilation. Parfois elle conduit à la perte d’un membre par amputation, à une cicatrice cutanée disgracieuse, voire à une défiguration. La mise en place d’une prothèse ne suffit pas toujours à compenser les limitations ou les pertes Dr MARIE-LAURE AMRAM a, Pr PIERRE-YVES DIETRICH a, FLORENCE ROCHON b, MYLÈNE BOLMONT c et Pr FRANCESCO BIANCHI-DEMICHELI d

Rev Med Suisse 2018 ; 14 : 582-4

a Service d’oncologie, HUG, 1211 Genève14, b Direction des soins, HUG, 1211 Genève 14, c Département de gynécologie et obstétrique, HUG, 1211 Genève 14,

d Unité de médecine sexuelle et sexologie, Service des spécialités psychiatriques, Département de santé mentale et de psychiatrie, HUG, 1211 Genève 14 marie-laure.amram @hcuge.ch

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MÉDECINE SEXUELLE

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fonctionnelles. Les actes chirurgicaux pourtant indispen- sables à la survie, les plus emblématiques et stigmatisants pour les patients, sont notamment la mastectomie, la colo- stomie, la cystectomie, la laryngectomie.

Quant à la chimiothérapie, elle renvoie à la perte de cheveux – marque visible de la maladie « cancéreuse » – mais aussi à l’atteinte de tout le système pileux : cils, sourcils, pilosité pubienne et axillaire. L’alopécie peut remettre en cause la féminité et le pouvoir de séduction, et constitue souvent un traumatisme parfois difficile à assumer par les femmes mais aussi par certains hommes.

La radiothérapie peut affecter le corps par une modification de la texture de la peau (radiodermite, atrophie cutanée) et des brûlures au niveau de la zone irradiée.

D’autres réactions telles que perte de goût, manque de salive, perte d’appétit, sensations nauséeuses, fatigue, troubles cognitifs (en cas d’atteinte cérébrale), atrophie des muqueuses, sécheresse des organes sexuels (en cas d’atteinte gyné co- logique) ont elles aussi des répercussions majeures sur la santé (y compris sexuelle).

La déprivation hormonale, utilisée dans le traitement du can- cer du sein et de la prostate, bouleverse les cycles féminins et masculins et précipite ménopause et andropause avec – entre autres  – prise pondérale, flush facial et bouffées vasomo- trices, baisse de la libido et troubles érectiles.

En conclusion, les troubles de l’image corporelle en oncologie résultent du diagnostic du cancer, des pertes fonctionnelles et des mutilations, des symptômes, des douleurs, des effets secondaires des traitements, de la modification du vécu corporel avec, pour les patients, le sentiment de perdre le contrôle et parfois, d’être trahi par son propre corps.

QU’EST-CE QUE LA MÉDECINE SEXUELLE ?

Afin d’aider patients et proches, un groupe pluridisciplinaire de soignants impliqués dans la prise en charge de patients oncologiques a été formé aux HUG et a mis en place un pro- gramme de formation en médecine sexuelle.

La médecine sexuelle concerne divers aspects liés à la sexualité : fonction sexuelle, expérience et comportement sexuels, questions relatives à l’identité sexuelle, trauma- tismes sexuels et leurs conséquences. Elle joue aussi un rôle de prévention générale, car la consultation chez un spécialiste est l’occasion de faire un bilan de santé com- plet. Elle se base sur trois principes fondamentaux. En uti- lisant les connaissances et la méthodologie des sciences médicales, psychologiques et sociales, le spécialiste va s’in- téresser au problème médical, aux éventuels problèmes psychologiques et aux conditions sociales et culturelles du patient et du couple. Deuxièmement, la médecine sexuelle permet d’appliquer strictement les connaissances récentes des recherches scientifiques pour le diagnostic et le traitement des troubles sexuels. Enfin, le spécialiste ne propose que des traitements à l’efficacité scientifiquement prouvée.

Les patients ont aujourd’hui libéré leur parole et leurs diffi- cultés sexuelles ne sont plus taboues : il est donc indispen- sable pour les praticiens en médecine sexuelle et en sexologie de répondre précisément à toute question, en connaissance de cause, avec l’aide d’un réseau de spécialistes vers qui orien- ter le patient oncologique.

CRÉATION D’UN GROUPE TRANSVERSAL PLURIDISCIPLINAIRE

En 2010, sous l’impulsion d’une infirmière spécialiste clinique, un sondage important a mis en évidence que les répercussions physiques et psychologiques des traitements oncologiques sur le plan sexuel étaient une problématique ré- currente et qu’elles avaient un impact majeur sur la qualité de vie des patients ; le manque de connaissances et de formation des soignants a été relevé ; enfin certains patients ont déploré le fait d’être mal entendus sur des questions relatives à leur santé sexuelle. En association avec un psychiatre sexologue, un groupe transversal de réflexion et d’étude a été créé en 2011. Soutenu par le directeur des soins, le groupe a initié trois séminaires interactifs ayant pour thèmes : cancer du sein/de la prostate, cancer ORL et radiothérapie, place des dilatateurs vaginaux. Force a été de constater un intérêt crois- sant (des médecins, infirmiers, physiothérapeutes, psycholo- gues) et une nombreuse participation aux séminaires des soignants (240 participants). L’objectif de ce groupe transver- sal a donc été de réunir plusieurs spécialités et de pouvoir faire connaître ce réseau de soignants spécialisés (intra- et extrahospitalier) à qui s’adresser en cas de besoin spécifique.

En 2015, sous l’égide du Centre des Cancers a été créé le groupe « Médecine sexuelle et cancer » qui réunit à ce jour en- viron 20 soignants (médecins et infirmiers(ères)) issus de douze services différents, tous directement impliqués dans la prise en charge de patients oncologiques (figure 1). Depuis 2015, ce groupe a élaboré un projet accepté et soutenu finan- cièrement par la Fondation privée des HUG en 2016, Médecine sexuelle et cancers : une main tendue vers l’humain. Ce projet comporte deux phases : évaluer les besoins des soignants à se former en médecine sexuelle et aussi le besoin des patients et/ou des proches à aborder cette problématique avec leur(s) soignant(s).

STOMATHÉRAPIE CHIRURGIE VISCÉRALE

UROLOGIE

DIRECTION DES SOINS

ORL RADIO-

THÉRAPIE GYNÉCOLOGIE

PMA PSYCHIATRIE

PSYCHO- ONCOLOGIE

HÉMATOLOGIE ONCOLOGIE

MÉDICALE

Groupe médecine sexuelle et cancers

FIG 1 Groupe transversal pluridisciplinaire

« médecine sexuelle et cancers  »

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ÉVALUATION DES BESOINS DES SOIGNANTS

1,2,3 

Les échanges au sein du groupe transversal ont mis en lu- mière l’insuffisance de formation dans le domaine et le besoin d’y remédier, c’est-à-dire d’être formé en santé sexuelle. Le manque de temps, l’existence de difficultés de communi- cation (gêne, pudeur, barrages culturels, religieux) ont aussi été soulignés. Enfin les membres du groupe ont relevé la nécessité d’obtenir une meilleure visibilité et de faire connaître le réseau des partenaires spécialisés à qui adresser les patients et/ou proches.

ÉVALUATION DES ATTENTES DU PATIENT ET DES PROCHES

1,2,3 

Le groupe a aussi relevé une importante demande des pa- tients de pouvoir aborder des questions liées à leur santé sexuelle. Demandes nombreuses pas forcément entendues par le(s) thérapeute(s). Difficulté de communiquer aussi : comment aborder ce sujet ? A quel moment des soins ? Avec le médecin ? Le personnel infirmier ? Constat aussi d’un manque de formation des thérapeutes et insuffisance des réponses.

L’entourage d’un patient oncologique joue un rôle primordial.

Le remède principal reste une bonne communication dans le couple. Seul un dialogue permet de venir à bout des idées fausses et des peurs. L’anxiété et la frustration peuvent en- traîner chez l’un une diminution du désir physique et chez l’autre un besoin exacerbé de contact et de relations intimes.

Maintenir une vie sexuelle épanouie est de toute manière bien difficile lorsque le corps se montre défaillant, que l’estime de soi est ébranlée. La définition même de « vie sexuelle épa- nouie » n’est pas arrêtée et chaque couple ou chaque individu peut s’en faire une idée bien différente. L’important est de maintenir la qualité de vie quelle que soit l’évolution de sa santé sexuelle.4 Des questionnaires élaborés par le groupe, distribués aux patients et aux proches, ont été analysés par une psycho-sexologue. Les résultats sont présentés dans un autre article de ce numéro.

ACTUALITÉS

Un cours annuel de sensibilisation aux soignants a été suivi par des infirmiers(ères), tous et toutes impliqué(e)s dans la prise en charge de patients oncologiques. Ce cours figure dans le catalogue des formations des HUG. La 7e rencontre romande sexualité, fertilité et cancer a eu lieu les 2 et 3 no- vembre 2017 au CHUV. Organisé conjointement par les HUG, le CHUV et l’AFSOS (Association francophone des soins de support), cet événement a répondu à l’un des objec- tifs principaux de la création de ce groupe : développer la transdisciplinarité. Des soignants en gynécologie-obsté- trique, urologie, psychologie et psycho-oncologie et sexolo- gie ont pu échanger leurs points de vue sur deux thèmes : la médecine sexuelle dans le contexte du cancer du sein et du cancer de la prostate, les relations entre médecine sexuelle et troubles psychiques. Deux problématiques auxquelles il est indispensable d’apporter des connaissances en médecine sexuelle.

CONCLUSION

Le cancer, maladie somatique par excellence, peut également être source de difficultés psychiques. Il impose de soigner un corps malade, mais aussi de soigner un être humain dans sa totalité, avec ses interrogations, ses sentiments, ses attentes ! Sensibilisé par cette problématique, le groupe  Médecine sexuelle et cancers a été créé et, dans l’intérêt des patients, une formation spécifique a vu le jour. Reste encore à poursuivre dans cette voie afin que chaque patient se sente toujours entendu et soutenu par les intervenants. La pluridisciplinarité de cette formation, les interactions actuelles et futures entre partenaires de soins est une force pour chacun.

Conflit d’intérêts : Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt en relation avec cet article.

1 Bober SL, Reese JB, Barbera L, et al. How to ask and what to do: A guide for clinical inquiry and intervention regarding female sexual health after cancer. Curr Opin Support Palliat Care 2016;10:44-54.

2 Jaspers L, Feys F, Bramer WM, et al. Efficacy and safety of flibanserin for the treatment of hypoactive sexual desire disorder in women: A systematic review and meta-analysis. JAMA Intern Med 2016;176:453-62. 

3 Gao Z, Yang D, Yu L, et al. Efficacy and safety of flibanserin in women with hypoactive sexual desire disorder: A systematic review and meta-analysis. J Sex Med 2015;12:2095-104. 

4 Carter J, Lacchetti C, Rowland JH.

Interventions to address sexual problems in people with cancer: American Society of Clinical Oncology Clinical Practice Guideline Adaptation Summary. J Oncol Pract 2017, epub ahead of print.

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