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La nouvelle cartographie médicale française du don d’organes

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REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 7 septembre 2016

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avancée thérapeutique

La nouveLLe cartographie médicaLe française du don d’organes

Nous évoquions, il y a peu, la nouvelle cartographie médicale française de la fin de vie.1 La même loi produisant des effets voisins, la France vient de se doter de nou­

velles dispositions concernant les modalités pratiques de prélèvements d’organes et de tissus. Il s’agit tout d’abord d’un décret re­

latif aux modalités d’expression du refus de ces mêmes prélèvements.2 Et ensuite d’un arrêté fixant « les règles relatives à l’entre­

tien avec les proches du défunt ».3

On sait que les pays qui sont dotés de lois et de réglementations dans ce do­

maine se divisent, schématiquement, en deux grandes catégories : ceux où le con­

sentement est explicite et ceux où il est présumé. Au cours du dernier quart de siècle, presque tous les pays d’Europe ont adopté des lois sur la transplantation d’organes. « L’argument principal des par­

tisans du consentement présumé est que cette politique serait susceptible d’aug­

menter le nombre de greffons disponibles pour la transplantation, explique David Rodríguez­Arias Vailhen (Universidad de Salamanca).4 A contrario, l’argument cen­

tral de ceux qui critiquent ce modèle con­

siste à signaler que si l’on accepte le con­

sentement présumé, on finira par prélever des organes de personnes qui ne voulaient pas être prélevées – et que cette situation n’est moralement pas acceptable dans la mesure où elle viole le principe du respect de l’autonomie individuelle, lequel est censé fonder le consentement éclairé et la confiance du public dans le système de transplantation. »

En France, depuis quarante ans, le mo­

dèle officiel qui prévaut est celui du con­

sentement présumé – celui de la loi dite

« Caillavet ». Dans les faits, toutefois, les prélèvements d’organes n’étaient effectués qu’au terme d’échanges entre les équipes médicales spécialisées et les proches. Puis le système avait été « assoupli » il y a cinq ans, avec une loi disposant que le refus du prélèvement pouvait être exprimé « par l’inscription sur un registre national auto­

matisé prévu à cet effet ».

Le sujet est redevenu il y a peu d’ac­

tualité à l’occasion d’un texte de loi hétéro­

gène et pléthorique visant à moderniser le système national français de santé. Une nouvelle fois, la pénurie chronique de greffons avait conduit plusieurs députés

socialistes à souhaiter revenir au système du consentement présumé. Ils ont été entendus et leur amendement voté. C’est ainsi que l’Agence française de bioméde­

cine diffuse un nouveau slogan : « Vous êtes donneurs. Sauf si vous dites que vous ne voulez pas être donneur ».

Désormais, en France, une personne peut (toujours) re­

fuser qu’un prélèvement d’or­

ganes soit pratiqué sur elle après sa mort en s’inscrivant sur le « registre national auto­

matisé des refus de prélève­

ment ». Mais on peut égale­

ment exprimer son refus par écrit et confier ce document à

un proche. Ce document doit être daté et signé par son auteur dûment identifié par l’indication de ses nom, prénom, date et lieu de naissance. Enfin, lorsqu’une personne, bien qu’en état d’exprimer sa volonté, est dans l’impossibilité d’écrire et de signer elle­même ce document, elle peut faire appel à deux témoins. Ces derniers peu­

vent attester que le document qu’elle n’a pu rédiger elle­même est l’expression de sa volonté libre et éclairée.

Un proche de la personne décédée peut

aussi, le cas échéant, faire valoir le refus de prélèvement d’organes que cette person ne a manifesté expressément de son vivant.

Ce proche (ou l’équipe de coordination hospitalière de prélèvement) transcrit par écrit ce refus en mentionnant précisément le contexte et les circonstan­

ces de son expression.

Cette nouvelle cartogra­

phie française s’enrichit aussi des dispositions officielles re­

latives à « l’entretien avec les proches ». Cet entretien a pour but, après l’annonce du décès, de les informer sur la nature, la finalité et les modalités du prélèvement d’organes et de tissus. Il n’a bien évidemment de sens que lorsque le décès de la personne survient dans un contexte rendant de tels prélè­

vements possibles – et en cas de non­

inscription de la personne décédée sur le registre national des refus.

Afin de satisfaire aux exigences de qualité et de sécurité, cet entretien permet aussi à la « coordination hospitalière de prélèvement d’organes et de tissus » de recueillir des informations sur les antécé­

dents médicaux de la personne décédée et Jean-Yves nau

jeanyves.nau@gmail.com

on peut exprimer son

refus par écrit et confier ce document à

un proche

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www.revmed.ch

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ActuAlité

les circonstances du décès (et de réduire ainsi les risques de transmission d’une pa­

thologie infectieuse ou chronique).

Cet entretien permet également, et à défaut d’inscription sur le registre national des refus, de recueillir l’éventuelle expres­

sion d’un refus de prélèvement d’organes et de tissus qui aurait été manifestée par le défunt de son vivant. Conformément à la loi, en l’absence d’opposition, il est alors possible d’envisager le prélèvement.

Les nouvelles règles françaises de bonnes pratiques « tiennent compte de la réalité de terrain ». En pratique « le prélèvement d’organes se déroule selon un processus qui commence dès le recensement d’un donneur potentiel et finit lorsque le corps du défunt est rendu aux proches ». C’est tout au long de ce processus que doivent s’établir la relation et le dialogue entre l’équipe soignante et les proches. Et ces bonnes pratiques « décrivent chacune des étapes qui vont de l’accueil au rendu des corps, qu’il ait été possible d’aboutir ou non à un prélèvement d’organes et de tissus ».

« L’entretien intervient dans un con­

texte extrêmement difficile pour les pro­

ches qui sont plongés dans le bouleverse­

ment émotionnel lié au décès de leur proche, peut­on lire dans les textes offi­

ciels. Il s’agit d’un moment singulier qui doit être appréhendé avec humanité et attention par les soignants. Cet entretien participe à la démarche de deuil. L’entre­

tien procède par étapes séquentielles et progressives. Il vise à informer, annoncer et s’assurer de la bonne compréhension de la situation permettant d’envisager un prélèvement d’organes et de tissus, selon le contexte médical et dans le respect de l’éventuelle opposition du défunt, exprimée de son vivant. L’entretien doit permettre l’établissement d’un cadre relationnel de qualité avec les proches et être pensé et vécu comme un dialogue empathique et respectueux du vécu des proches pour établir avec tact les modalités humaines d’un accompagnement. »

Bien évidemment, la compréhension et l’acceptation de la réalité du décès consti­

tuent un préalable indispensable à la suite de l’entretien. Et l’annonce du décès vient après l’annonce de la gravité précédem­

ment faite par l’équipe de réanimation.

« Annonce d’un fait médical, elle nécessite un temps d’appropriation par les proches pour lesquels elle représente un événe­

ment brutal au cours duquel tout bascule.

La coordination hospitalière doit accom­

pagner les émotions, respecter les silences et favoriser un temps d’intimité entre les proches et le défunt. »

Inquiet des termes du débat parle­

mentaire sur ce thème, le Conseil national français de l’Ordre des médecins se dit in fine rassuré. « A la lecture du décret et de l’arrêté on peut conclure que nous avons été entendus dans les réserves que nous avions déjà émises, nous a déclaré le Dr Jean­Marie Faroudja, président de la sec­

tion éthique et déontologie. Il ne peut y avoir de prélèvements avant de s’enquérir auprès des proches de ce que la personne aurait souhaité qu’il soit fait de sa dé­

pouille. Et l’opposition de son vivant peut se faire principalement sur le Registre Na­

tional du Refus… et donc sur n’importe quel support papier ou autre comme nous l’avions demandé lors des débats. »

lu pour vous

L’utilisation du CT-scan du corps entier (CT) aux urgences pour le bilan initial du patient trau- matisé sévère est recommandée (ATLS), avec un niveau d’évidences néanmoins faible, essen- tiellement basé sur des études rétrospectives, aucune étude randomisée n’ayant été publiée.

Afin de démontrer l’utilité de cette pratique, les auteurs de l’étude multicentrique hollandaise et suisse REACT-2 ont recruté 1403 patients traumatisés sévères, randomisés pour une prise en charge guidée par un CT-scan du corps entier, ou pour une prise en charge standard, compre- nant un bilan radiologique conventionnel stan- dardisé, basé sur l’évaluation clinique. L’issue primaire, la mortalité hospitalière, n’a pas été différente entre les deux approches (22 % vs 25 %, non significatif (NS)), et les analyses secondaires et de sous-groupes ne permettent pas de déceler un signal en faveur du CT-scan initial. Les auteurs proposent la conduite d’études complémentaires, permettant de mieux identifier les patients pouvant éventuellement bénéficier d’un CT-scan du corps entier dès l’admission.

commentaire : Sur la base de ces résultats, faut-il conclure à l’inutilité du CT-scan du corps entier dans ce contexte ? Cette étude est bien conçue, conduite de manière pragmatique dans des centres expérimentés, et elle a inclus des patients représentatifs qui, bien qu’ayant des constantes vitales à l’admission presque nor- males et des scores de sévérité ISS plutôt faibles, présentent une mortalité très significative. Le choix de l’issue primaire peut être critiqué, la mortalité hospitalière n’étant pas toujours re- présentative du devenir réel des patients et pouvant être influencée par de nombreux autres paramètres. Enfin, presque la moitié des patients du groupe « standard » ont bénéficié tout de même d’un CT-scan. C’est un outil diagnostique,

et non thérapeutique, qui n’est donc pas inutile, mais pas forcément nécessaire : il permet pro- bablement de gagner du temps pour les diag- nostics, simplifie la prise en charge pratique (un seul transport pour un seul examen !) et réassure les équipes en charge du patient, qui redoutent moins de « passer à côté » d’une lésion sévère. Mais il n’influence probablement pas la prise en charge thérapeutique, permettant de comprendre l’absence de différence avec une prise en charge plus classique. Les risques po- tentiels en lien avec son utilisation sont l’irra- diation, non négligeable, et la mise en évidence d’incidentalomes, mais il est difficile d’évaluer l’impact réel de ces risques chez de tels pa- tients. En conclusion, le bilan initial par CT du corps entier ne semble pas avoir d’impact sur la prise en charge des patients traumatisés sé- vères, mais il est douteux que les recomman- dations soient modifiées dans le futur et, sur- tout, que la pratique clinique actuelle revienne en arrière…

dr andré Juillerat et pr thierry fumeaux Service de médecine, Hôpital de Nyon sierink Jc, et al. immediate total-body ct scanning versus conventional imaging and selective ct scanning in patients with severe trauma (react-2) : a randomised controlled trial. Lancet 2016, epub ahead of print.

1 La nouvelle cartographie médicale française de la fin de vie. rev med suisse 2016;12:1394-5.

2 décret n° 2016-1118 du 11 août 2016 relatif aux modalités d’expression du refus de prélèvement d’organes après le décès

3 arrêté du 16 août 2016 portant homologation des règles de bonnes pratiques relatives à l’entretien avec les proches en matière de prélèvement d’organes et de tissus.

4 rodríguez-arias vailhen d. discussion sur le consente- ment présumé ou explicite pour le don d’organes. www.

ethique.inserm.fr avril 2009.

D.R.

prise en charge du patient traumatisé sévère aux urgences : le ct-scan du corps entier est-il vraiment utile ? Les résultats de l’étude react-2

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