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Diagnostic préimplantatoire ; vingt ans après (2)

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1332

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

15 juin 2011

actualité, info

:

Diagnostic préimplantat oire ; vingt ans après (2)

Après les aspects techniques du DPI (Revue mé- dicale suisse du 8 juin 2011), abordons les princi­

paux questionnements éthiques que cette pra­

tique soulève depuis qu’elle existe. A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous apprenons qu’en Allemagne les responsables de l’Eglise catholique viennent de condamner un projet de loi visant à autoriser le DPI en se pronon­

çant pour «une interdiction absolue et sans ex­

ception». A cette occasion, ils ont rappelé que les «tests génétiques préimplantatoires» consti­

tuaient, à leurs yeux, «une instrumentalisation de la vie humaine» et donc une violation de la dignité humaine. Argument avancé : avec cette pratique, les embryons voient «leur existence subordonnée à des dispositions, des tendances et des caractéristiques génétiques particulières» ; ceci pourrait aller, à terme, jusqu’à des «discri­

minations ultérieures» à l’encontre des person­

nes handicapées qui n’auraient pas, elles, été soumises à ce diagnostic. L’Eglise luthérienne a adopté une position similaire. Mgr Wolfgang Huber, son ancien président, membre du con­

seil d’éthique allemand, a notamment rappelé

«les raisons historiques propres à l’Allemagne»

qui plaident contre cette pratique de sélection embryonnaire, mais aussi «la responsabilité de chacun de protéger la dignité de la vie humaine».

«Le DPI a été décrié en raison de la crainte du spectre de l’eugénisme, expliquait il y a quel­

ques jours le Pr René Frydman devant l’Acadé­

avancée thérapeutique

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Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

15 juin 2011

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Diagnostic préimplantat oire ; vingt ans après (2)

mie nationale française de médecine. Ces at­

taques à l’encontre du DPI sont injustifiées puisqu’il s’agit toujours d’une démarche vo­

lontaire du couple (10% des couples vus en consultation ne souhaitent plus poursuivre la démarche de DPI) et dans la mesure où sont transférés dans l’utérus de la patiente les em­

bryons indemnes de la maladie (c’est­à­dire aussi les embryons porteurs sains)». On aurait donc tort, selon lui, de percevoir là une entre­

prise visant à «l’éradication des mutations géné­

tiques».

La récente communication du Pr Frydman devant l’Académie nationale française de mé­

decine était suivie de celle du Pr Alexandre Mauron, directeur de l’Institut d’éthique bio­

médicale du Centre médical universitaire de Genève, un auteur bien connu des lecteurs de ces colonnes. Le résumé de sa communication est on ne peut plus éclairant quant à l’analyse qu’il fait de la situation.

«Le DPI reste une pratique controversée» ex­

plique­t­il ajoutant que la controverse porte sur le statut de l’embryon, la question de l’eugé­

nisme et le reproche d’instrumentalisation de l’enfant futur. «Nous estimons qu’aucun de ces arguments n’est convaincant et que c’est la pré­

somption en faveur de la liberté procréatrice des couples souhaitant recourir au DPI qui doit prévaloir» souligne le Pr Mauron.

Il n’est guère surprenant, selon lui, que le DPI demeure un enjeu éthique persistant, et ce en dépit du caractère très limité

dans son extension quantita­

tive. C’est qu’il faut ici tenir compte des nombreux enjeux éthiques et symboliques mobi­

lisés par cette technique. «C’est d’ailleurs un des paradoxes per­

manents de la réflexion bioéthi que qu’elle con­

sacre la même énergie à des enjeux très différents quant à l’ampleur de leurs impacts con crets sur la vie des individus et des collectivités» ob­

serve­t­il. Mais, précisément, n’est­ce pas la fonction même du symbole que de faire peu de cas des chiffres et des nombres ? Un cas unique suffit à Antigone et à Créon.

En France et en Suisse (deux pays familiers de l’auteur de la communication, citoyen de l’un et de l’autre), le DPI est un enjeu législatif d’ac­

tualité. En France, cette technique est concer­

née par l’actuelle révision de la loi de bioéthi­

que de 2004. En Suisse, elle est interdite par la

«Loi sur la procréation médicalement assistée»

de 1998 et implicitement par un article assez controversé de la Constitution fédérale (art.119) ; toutefois, une majorité politique se dessine, se­

lon le Pr Mauron, en faveur de la levée de cette interdiction sans qu’il y ait toutefois déjà con sensus sur le régime d’auto­

risation appelé à la remplacer.1 Les trois principaux enjeux éthiques du DPI ? La question du statut de l’embryon humain aux premiers stades de son dé­

veloppement ; la visée éventuel­

lement eugéniste du DPI ou de certaines de ses applications ; la question de «l’instrumentalisa­

tion» du «bébé du double es­

poir» qui naîtrait suite à un DPI avec typage tissulaire. «Le fait d’analyser plusieurs embryons in vitro pour choisir celui qui sera à l’origine d’une grossesse à l’exclusion des autres serait une transgression du droit à la vie si

les embryons de quelques jours étaient assimi­

lables à des personnes humaines sur la base d’une analogie moralement pertinente, résume le Pr Mauron. C’est ce que soutiennent beau­

coup d’adversaires du DPI, ainsi que plus gé­

néralement les tenants des positions «pro­vie»

sur les controverses mettant en jeu la vie pré­

natale humai ne. Malgré leur diversité appa­

rente, ces arguments se résument souvent à un paralogisme.»

Un «paralogisme» ? Celui­ci :

D’un embryon dont le destin dépend d’un DPI, on peut affirmer :

a. Cet embryon est un être vivant.

b. Cet être vivant est humain.

c. Donc, cet embryon est un être humain vivant.

d. Il est interdit de mettre volontairement fin à la vie d’un être humain vivant (sauf exceptions classiques comme la légitime défense, etc., qui ne sont pas pertinentes ici).

e. Donc, il est interdit de mettre volontairement fin à la vie de l’embryon en question.

Pour le Pr Mauron, ce raisonnement est à la fois vicié et trompeur ; et ce du fait d’un usage différent du terme «humain» dans la prémisse (b) et la conclusion intermédiaire (c). Il expli­

que : «La prémisse (b) se contente d’énoncer une évidence taxinomique, à savoir que l’em­

bryon dont on parle relève de l’espèce Homo sapiens et non d’une autre espèce. En revanche, dans (c), le terme "humain" est un élément constitutif du substantif "être humain", avec le sous­entendu qu’un être humain, c’est forcément une personne, c’est­à­dire quelqu’un comme vous et moi. On voit donc que l’énoncé (c) n’a pas d’autre fonction que d’importer dans le raisonnement l’intuition prétendument évi­

dente que l’embryon de quelques jours est déjà

"quelqu’un" plutôt que "quelque chose". Or c’est précisément cela qu’il s’agit de démontrer, ce à quoi ce syllogisme fautif échoue. »

Conclusion : en matière de procréation, la présomption est en faveur de la liberté et c’est aux adversaires d’une pratique controversée qu’incombe le fardeau de prouver le caractère à la fois nécessaire et légitime de son interdic­

tion. Quel argumentaire jésuite apportera la démonstration du contraire ?

(Fin)

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

1 Office fédéral de la santé publique (Suisse). Travaux légis- latifs en cours (admission et réglementation du diagnos- tic préimplantatoire). Berne, 2011. www.bag.admin.ch/

themen/medizin/03878/06152/index.html?lang=fr

D.R.

… la controverse porte sur le statut de l’em- bryon, la question de l’eugénisme et le repro che d’instrumentalisation de l’enfant futur …

Logo du Second International Congress of Eugenics, en 1921

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