Images en Dermatologie
•Vol. X - n° 5
•septembre-octobre 2017 184
Littérature
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
L es complications dermatologiques associées au pseudo- tatouage avec le henné noir et à la présence de paraphény- lènediamine (PPD) sont bien connues depuis le début des années 2000 (1, 2) . Malgré tout, les enfants continuent de faire les frais de cette pratique estivale dans les stations touristiques (3) . Depuis quelques années, la sève de génipa américain (Genipa americana) est utilisée et commercialisée comme une alterna- tive au henné pour réaliser des pseudo-tatouages sur la peau.
Le génipa américain (ou génipayer, encore appelé communé- ment “jagua”) est un fruit de la famille des rubiacées originaire de l’Amérique du Sud, des Caraïbes et du Mexique (4) . Ce fruit est propre à la consommation cru ou en jus, en gelée ou en liqueur. Il est également utilisé en médecine traditionnelle en Amérique du Sud. Ce jus prend une couleur bleu-noir lors de son application sur la peau et est utilisé par les populations indigènes comme peinture corporelle et capillaire ainsi que comme teinture de vêtements.
Le génipa/jagua est à l’Amérique du Sud ce que le henné est au Moyen-Orient en quelque sorte, il apparaît donc comme une alternative à ce dernier (5) .
Des sociétés proposent à la vente sur Internet des kits de tatouage temporaire à base de jagua.
Jusqu’à récemment, il n’avait pas été rapporté d’allergie de contact au Genipa americana dans la littérature médicale. Le génipa/jagua apparaîtrait donc comme une alternative au henné noir allergisant.
Pourtant, des cas d’allergie semblent mentionnés sur Internet par des utilisateurs. En outre, coup sur coup cette année, 2 cas d’allergie ont été rapportés dans Contact Dermatitis (6, 7) . Tout d’abord, l’équipe de Nancy a rapporté le cas d’une actrice qui travaille aux États-Unis et qui s’appliquait toutes les semaines un pseudo-tatouage au jagua (6) . Après 3 semaines, elle a développé une réaction prurigineuse eczématiforme au site d’application du tatouage et à distance. Une pigmentation postinfl ammatoire a été observée après le traitement. Les auteurs n’ont pas pu faire de tests avec le produit appliqué ni avec le fruit du Genipa americana, car, pour des raisons professionnelles, l’actrice devait retourner aux États-Unis. Les autres membres de la troupe d’acteurs, qui s’appliquaient le même tatouage, n’avaient aucun problème, éliminant ainsi une éventuelle toxicité du produit, et l’absence d’expositions aux ultraviolets permettait quant à elle d’écarter la possibilité d’une photo réaction. Une possible allergie à d’autres ingrédients présents dans l’encre utilisée était également éliminée sur la
Les tatouages au jagua : une nouvelle cause d’allergie de contact
Jagua tattoos: a new cause of contact allergy
N. Kluger (Service de dermatologie, Centre hospitalier universitaire d’Helsinki, Finlande)
foi de la patiente, qui s’applique des cosmétiques contenant les mêmes ingrédients sans problème.
Par la suite, les Suisses de Bâle ont rapporté le cas d’une femme âgée de 39 ans qui s’était fait elle-même et à plusieurs reprises un pseudo-tatouage de la main à base de jagua (7) . Le kit avait été acheté sur Internet. Elle avait développé un eczéma de contact après la cinquième application sur une période de 6 semaines.
Le prick-test avec l’encre jagua non diluée était positif à J5.
Ceux à la PPD étaient négatifs. L’analyse par chromato graphie de la poudre commerciale a détecté la présence de génipine et de géniposide. Les patch-tests ont montré une positivité pour la génipine à 0,5, 1 et 2 %, mais non aux autres composants de l’encre. Vingt contrôles se sont révélés négatifs. La génipine semble donc bien être responsable de l’allergie de contact. Le génipa contient de la génipine, dérivé de géniposide présent également dans le Gardenia jasminoides (jasmin du Cap), lui- même utilisé en médecine traditionnelle chinoise. La génipine est également utilisée comme colorant alimentaire (blue jagua) et dans certains dispositifs médicaux tels les pansements hydro- colloïdes. C’est la génipine qui vire au bleu-noir avec les pro- téines cutanées. Pourquoi le génipa n’a-t-il pas été rapporté comme étant responsable d’allergie auparavant ? Les auteurs émettent l’hypothèse selon laquelle l’allergie serait prévenue par un mécanisme de tolérance, notamment alimentaire, déclenché par contact dès le plus jeune âge chez les Amérindiens.
Quoi qu’il en soit, si le tatouage au jagua devient plus populaire en remplacement du henné, il faudra rester vigilant et savoir
évoquer cette allergie.
IIRéférences bibliographiques
1.
Kluger N. De l’art du henné (Mehndi) au henné noir. Images en dermato-
logie 2008;2(3):100-4.
2.
Kluger N, Raison-Peyron N, Guillot B. Tatouages temporaires au henné :
des effets indésirables parfois graves. Presse Med 2008;37(7-8):1138-42.
3.
Panfi li E, Esposito S, Di Cara G. Temporary black henna tattoos and sensi-
tization to para-phenylenediamine (PPD): two paediatric case reports and a review of the literature. Int J Environ Res Public Health 2017;14(4):421.
4.
https://en.wikipedia.org/wiki/Genipa_americana. Consulté le 11 juillet 2017.
5.
https://en.wikipedia.org/wiki/Jagua_Tattoo. Consulté le 11 juillet 2017.
6.
Waton J, Brault F, Laveine E. A putative case of allergic contact dermatitis
caused by a jagua tattoo. Contact Dermatitis 2017;76(5):296-7.
7.
Bircher AJ, Sigg R, Scherer Hofmeier K, Schlegel U, Hauri U. Allergic
contact dermatitis caused by a new temporary blue-black tattoo dye - sensi- tization to genipin from jagua (Genipa americana L.) fruit extract. Contact Dermatitis 2017 Jul 4. [Epub ahead of print]
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