Comparaison des ordres maximaux dans les groupes GL(n, Z ) et S
npar
Jean-Louis NICOLAS
1Abstract. Let S
nbe the symmetric group on n letters, and g(n) be the maximal order of an element of S
n. Let G(n) be the maximum order of torsion elements of GL(n, Z ). It is known that for all n, g(n) ≤ G(n) and that, as n → ∞,
log g(n) ∼ log G(n) ∼ p
n log n . In this paper, it is proved that for n ≥ 5, the inequality
log G(n) ≤ 1.054511 p
n log n
holds. Further, it is proved that, as n → ∞, G(n)/g(n) → ∞.
2000 Mathematics subject classification : primary 11 N 56, secondary 11 N 37.
1. Introduction
1. Recherche partiellement financée par le CNRS, Institut Girard Desargues, UMR
5028.
Soit GL(n, Z ) le groupe multiplicatif des matrices n×n inversibles à coef- ficients entiers. Différents auteurs ont étudié la fonction γ(n) ordre maximal d’un sous groupe d’ordre fini de GL(n, Z ). En particulier dans [6], il est démontré :
γ(n) ≤ (e
c+ o(1))
nn!, n → +∞, où c = P
p logp
(p−1)2
= 1.227 . . ., la sommation portant sur tous les nombres premiers. On conjecture que la constante e
c= 3.41 . . . peut être remplacée par 2.
Nous définissons G(n) comme l’ordre maximal d’un sous groupe cyclique d’ordre fini de GL(n, Z ). On trouvera dans [9] quelques propriétés de G(n).
Soit S
nle groupe des n! permutations de n lettres. Dans [8], E. Landau a introduit la fonction g(n), ordre maximal d’un élément de S
n, et prouvé que
(1.1) log g(n) ∼ p
n log n .
Il est facile de voir que S
nse plonge naturellement dans GL(n, Z ) et cela entraîne :
(1.2) g(n) ≤ G(n).
La fonction de Landau g a fait l’objet de plusieurs articles, et on lira avec intérêt l’exposé de synthèse [14]. On trouvera dans la thèse de H. Gerlach [3] une généralisation des fonctions g et G.
Une fonction arithmétique f est dite additive si l’on a f (mn) = f (m) + f (n) lorsque m et n sont premiers entre eux. Une telle fonction est donc définie si l’on connait sa valeur sur les puissances de nombres premiers. On définit la fonction additive ` par `(p
α) = p
αpour tout p premier et α ≥ 1.
Il est démontré dans [15], p.139 que
(1.3) g(n) = max
`(N)≤n
N.
Erdős et Turán ont observé dans [2] qu’il existe un élément d’ordre K
dans S
nsi et seulement si `(K) ≤ n, et ont montré que le nombre W (n)
d’ordres distincts d’éléments de S
nvérifiait
log W (n) = 2π
√ 6 r n
log n + O √
n log log n log n
.
Soit f une fonction telle que lim
t→+∞f(t) = +∞. On dit que N est un champion pour la fonction f (on un f-champion) si M > N ⇒ f(M ) >
f (N ) ou, ce qui est équivalent, si f(M ) ≤ f(N ) ⇒ M ≤ N . Une autre façon de formuler (1.3) est de dire que les nombres g(n), valeurs prises par la fonction g, sont exactement les nombres `-champions.
Soit ϕ l’indicateur d’ Euler, et `
0la fonction additive définie par ( `
0(1) = `
0(2) = 0
`
0(p
α) = ϕ(p
α) = p
α− p
α−1si p
α≥ 3.
Notons que, pour N = Q
p
αii6≡ 2 mod 4, on a `
0(N ) = P
ϕ(p
αii), tandis que, pour N ≡ 2 mod 4, on a `
0(N ) = P
ϕ(p
αii) − 1. Remarquons aussi que
`
0(N ) est toujours pair, et que, pour N impair, `
0(2N ) = `
0(N ).
Dans [20] (cf. aussi [9] et [7]), il est démontré que K est l’ordre d’un élément de GL(n, Z ) si et seulement si `
0(K) ≤ n. Il s’ensuit que
(1.4) G(n) = max
`0(N)≤n
N et les remarques ci-dessus montrent que
(1.5) G(2n + 1) = G(2n), n ≥ 1.
On trouvera aussi dans [9] l’ équivalence :
(1.6) log G(n) ∼ p
n log n , n → ∞ et une table des valeurs de G(n) pour n ≤ 300.
Comme ϕ(n) ≤ n, on a `
0(n) ≤ `(n) et les formules (1.3) et (1.4) re- donnent aisément (1.2). La similitude des formules (1.3) et (1.4) permet d’étendre à G la plupart des résultats démontrés pour g.
Nous dirons qu’un nombre N est super `-champion s’il existe un réel
ρ > 0 tel que pour tout entier M on ait
(1.7) `(M ) − ρ log M ≥ `(N ) − ρ log N.
Un tel nombre est `-champion : M > N ⇒ `(M ) ≥ `(N ) + ρ log
MN> `(N ).
Cette définition généralise la notion de nombre hautement composé supé- rieur introduite par Ramanujan (cf. [17]), et dans le problème d’optimisation défini par (1.3), le paramètre ρ joue le rôle d’un multiplicateur de Lagrange discret. L’inconvénient est que tous les nombres `-champions ne sont pas super `-champions.
Les nombres super `
0-champions sont définis en remplaçant dans la défi- nition des nombres super `-champions la fonction ` par `
0, notamment dans (1.7). Au paragraphe 2, nous rappellerons les propriétés des nombres super
`-champions, et nous donnerons les propriétés, très similaires, des nombres super `
0-champions. Comme application, nous donnerons au paragraphe 3 la démonstration du theorème 1, qui étend à la fonction G le résultat de [10] :
THÉORÈME 1. On a pour tout n ≥ 5 :
(1.8) log G(n) ≤ 1.054510... p
n log n
avec égalité pour n = 235630, G(n) = 2
93
55
37
311
2. . . 29
231 . . . 1811.
La démonstration du théorème 1 que nous donnerons ci-dessous est dif- férente de celle donnée dans [10] pour majorer log g(n), et qui aurait pu s’adapter sans difficulté. Il s’agit en fait de deux méthodes de démonstra- tion de ce type de résultat, et il est difficile de dire quelle est la meilleure.
Rappelons que d’après [12], on a log g(n) ≥ √
n log n pour n ≥ 906.
(1.2) et le calcul de G(n) pour n ≤ 905 montrent que
(1.9) log G(n) ≥ p
n log n pour n ≥ 154.
Nous verrons que la fonction G n’est pas beaucoup plus grande que la fonction g. Plus précisément, nous démontrerons :
THÉORÈME 2.
(i) Lorsque n → ∞, on a :
(1.10) (log n)
1+o(1)≤ G(n)/g(n) ≤ exp(O(log log n)
2).
(ii) Sous l’hypothèse de Riemann, on a, lorsque n → +∞ :
(1.11) G(n)/g(n) ≤ (log n)
3+o(1).
Je conjecture que G(n)/g(n) = (log n)
1+o(1). Cependant, la liste des points (n, G(n)/g(n)) donnée en annexe, montre une assez grande dispersion.
La démonstration du théorème 2, exposée au paragraphe 6, repose de façon essentielle sur l’estimation de la somme portant sur les nombres pre- miers :
(1.12) U (x) = X
p≤x
p
αp−1,
où α
pest le plus grand entier tel que
(1.13) p
αp≤ p
p − 1 log p x log x ,
et sur une somme voisine V (x) définie en (5.21). En effet, si N est un nombre super `-champion, sa décomposition en facteurs premiers est connue (cf.
(2.6) ci dessous), et l’on a
`(N ) − `
0(N ) = U (x) pour une valeur de x adéquate.
Pour majorer U (x), on utilise le théorème des nombres premiers qui, sous l’hypothèse de Riemann est beaucoup plus précis, et cela explique la différence entre (1.10) et (1.11). L’étude des sommes U(x) et V (x) fera l’objet du paragraphe 5.
Un autre outil important dans la preuve du théorème 2 est la proposition
3 qui fournit une formule des “accroissements finis” pour les fonctions log g
et log G, et montre que leur comportement local est assez régulier. Cette
proposition repose sur la “méthode des bénéfices”, qui a déjà été appliquée
avec succès dans [15], [11] et [12].
En gros, cette méthode exposée au paragraphe 4, montre que si g(n) est voisin d’un nombre super `-champion N
ρde paramètre ρ, le point (log g(n),
`(g (n))) ne s’écarte pas trop de la droite de pente ρ passant par le point (log N
ρ, `(N
ρ)). Cet écart, mesuré verticalement, est par définition le bé- néfice de g(n) par rapport à ρ. Cette méthode s’étend sans difficultés aux valeurs de G(n) et aux nombres super `
0-champion.
Il résulte du théorème 2 que les estimations asymptotiques données dans [11] pour log g(n), sont aussi valables pour log G(n), en particulier
(1.14) log G(n) = p
Li
−1(n) + O( √ n e
−a√logn
)
où Li désigne le logarithme intégral, Li
−1sa fonction réciproque et a un nombre réel positif convenable.
Parmi les problèmes ouverts, nous signalons au paragraphe 2 : les images de N par g et G ont elles une infinité d’éléments communs ? Soit n
jla suite des nombres tels que G(n
j) > G(n
j− 1). Compte tenu de (1.5) les nombres n
jsont pairs, et l’on peut conjecturer (comme dans [16] pour la fonction g) que lim(n
j+1− n
j) = 2. Par contre, on peut démontrer comme pour la fonction g (cf. [15], p. 158) qu’ il existe des intervalles arbitrairement grands sur lesquels la fonction G est constante, c’est-à-dire lim(n
j+1− n
j) = +∞.
Enfin l’estimation précise des sommes U (x) et V (x) définies au lemme 10, permettant d’obtenir dans le théorème 2 un équivalent de log(G(n)/g(n)) est sans doute un problème difficile.
Notation. Nous utiliserons les notations suivantes : f g veut dire f = O(g)
bxc notera la partie entière de x
p, P , q, Q, p
i, P
i, q
idésigneront des nombres premiers.
2. Les nombres super-champions.
Il a été démontré dans [15], p. 139-141 les équivalences :
(2.1) N ∈ g( N ) ⇐⇒ N est un ` − champion ⇐⇒ N = g(`(N )).
On a de même comme conséquence de (1.4)
(2.2) N ∈ G( N ) ⇐⇒ N est un `
0− champion ⇐⇒ N = G(`
0(N )).
En effet, il résulte de (1.4) que, pour tout n ≥ 0,
(2.3) `
0(G(n)) ≤ n,
et que
A > G(n) = ⇒ `
0(A) > n ≥ `
0(G(n)).
Cela prouve que G(n) est un `
0-champion. Ensuite soit N un `
0-champion ; on a, toujours par (1.4),
A = G(`
0(N )) ≥ N,
et, par (2.3), avec n = `
0(N ), on a `
0(A) ≤ `
0(N ). Comme N est un `
0- champion, cela implique A ≤ N et A = N = G(`
0(N)). Enfin, N = G(`
0(N )) entraîne évidemment N ∈ G( N ), ce qui complète la preuve de (2.2).
Si N possède k facteurs premiers, on a :
(N )
1/k= (p
α11...p
αkk)
1/k≤ p
α11+ p
α22+ ... + p
αkkk = `(N )
k · Il s’ensuit que
(2.4) `(N ) ≥ k N
1/ket comme k ≤ (1 + o(1))
log loglogNN(cf. [4], chap. 18) et que la fonction t 7→
tN
1/test décroissante pour t ≤ log N , on a lorsque N → +∞,
(2.5) `(N ) ≥ (log N )
2+o(1)log log N ·
Pour tout ρ > 0 réel fixé, on a donc `(N )−ρ log N → +∞, et cette fonction admet un minimum qu’elle atteint en un (ou plusieurs) nombres N qui, par (1.7), sont super `-champion. Comme la fonction N 7→ `(N ) − ρ log N est additive, il est possible de déterminer ces nombres.
Supposons ρ ≥
log 22. Il existe un unique x ≥ 4 tel que ρ =
logxx. On
définit alors
(2.6) N
ρ= Y
p≤x
p
αp, ρ = x log x avec
(2.7)
( α
p= 1 si
logpp≤ ρ <
plog2−ppα
p= α ≥ 2 si
pαlog−pα−1p≤ ρ <
pα+1log−ppα·
Il est montré dans [12] que les nombres super `-champions sont 1, 3, 6 ou N
ρdéfini par (2.6) avec ρ ≥
log 22·
Pour tout i ≥ 1, la fonction t 7→
tilog−ti−1t= t
i−1 logt−1test une bijection croissante de [1, +∞[ sur lui-même. Pour ρ ≥
log 22, on définit x
1≥ 4 par ρ =
logxx, x
1= x et pour i ≥ 2, on définit x
ipar
(2.8) x
ii− x
i−1ilog x
i= ρ.
Le nombre N
ρdéfini par (2.6) peut être écrit
(2.9) N
ρ= Y
k≥1
Y
xk+1<p≤xk
p
k.
Notons que dans (2.9) le produit en k est fini puisque, par (2.8), pour 2
k−1>
ρ log 2, on a x
k< 2.
Avant d’étudier les nombres super `
0-champions, on observe d’abord : LEMME 1. Pour N ≥ 7, on a `
0(N ) ≥ `(N)/2.
Démonstration. Soit N = Q
p
p
αp. Si N est impair, on a
`
0(N ) = X
p|N
p
αp(1 − 1 p ) ≥ 2
3 X
p|N
p
αp= 2`(N )
3 ≥ `(N ) 2 ·
Si N est multiple de 4, la même démonstration, en minorant 1 − 1/p par
1/2, fournit `
0(N ) ≥
`(N2 ). Si N ≡ 2 mod 4, on écrit N = 2N
0avec N
0impair
et
`
0(N ) = `
0(N
0) ≥ 2`(N
0)
3 = 2(`(N ) − 2)
3 ≥ `(N )
2
dès que `(N ) ≥ 8. Or l’étude de la fonction t 7→ tN
1/tet (2.4) montrent que
`(N ) ≥ e log N et donc pour N ≥ 19, on a `(N ) ≥ 8. Le calcul de `(N ) et
`
0(N ) pour N = 10, 14, 18 achève la preuve du lemme 1.
Par (2.5) et le lemme 1, on voit que pour ρ fixé, `
0(N ) − ρ log N tend vers l’infini avec N , et la fonction N 7→ `
0(N ) − ρ log N admet un minimum sur N
∗, qu’elle atteint en un, ou plusieurs nombres N qui, par (1.7), sont super `
0-champions.
Pour ρ > 0, ou définit N
ρ0par :
(2.10) N
ρ0= Y
p≤x0
p
α0poù, pour ρ > 0, x
0est défini par x
0= 2 si ρ ≤
log 21et pour ρ >
log 21par :
(2.11) x
0− 1
log x
0= ρ.
Quant à α
0p, il est défini comme l’exposant α qui minimise la quantité `
0(p
α)−
ρα log p ; de façon plus précise, pour p impair on a
(2.12)
( α
0p= 1 si
logp−1p≤ ρ <
(p−1)logp2α
0p= α ≥ 2 si
pα−2log(p−1)p 2≤ ρ <
pα−1log(p−1)p 2, et pour p = 2, compte tenu de ce que `
0(2) = 0, on a
(2.13)
( α
02= 1 si ρ <
log 22α
02= α ≥ 3 si
2log 2α−2≤ ρ <
2log 2α−1·
Table des N
ρ0ρ > 0 N
ρ0l
0(N
ρ0)
2 0
2
log 3
= 1.82
6 = 2 · 3 2
4
log 5
= 2.48
30 = 2 · 3 · 5 6
2
log 2
= 2.88
120 = 8 · 3 · 5 10
6
log 7
= 3.08
840 = 8 · 3 · 5 · 7 16
4
log 3
= 3.64
2520 = 8 · 9 · 5 · 7 20
10
log 11
= 4.17
27720 = 8 · 9 · 5 · 7 · 11 30
On peut alors énoncer :
PROPOSITION 1. On définit pour p premier et α ≥ 2 le nombre
e(p, α) = `
0(p
α) − `
0(p
α−1) log p et
e(p, 1) = `
0(p) log p .
Alors les nombres e(p, α), α ≥ 1 et p premier sont tous distincts, à l’excep- tion de
e(2, 2) = e(2, 3) = 2/ log 2.
Soit E
0= ∪
p,α{e(p, α)} = {e
1= 0, e
2= 2/ log 3, e
3= 4/ log 5, e
4=
2/ log 2, e
5= 6/ log 7, ..., e
j, ...}, où l’on a classé les éléments de E
0par
ordre croissant.
Si ρ / ∈ E
0, `
0(N ) − ρ log N est minimal en un seul nombre N
ρ0défini par (2.10). Si ρ = e
j, avec 0 < ρ 6= 2/ log 2, `
0(N ) − ρ log N est minimal en deux nombres N
ρ0−et N
ρ0+, où ρ
−est un nombre quelconque de ]e
j−1, e
j[ et ρ
+un nombre quelconque de [e
j, e
j+1[. Si ρ = 2/ log 2, alors `
0(N ) −ρ log N atteint son minimum en 3 nombres : 30, 60 et 120. Seul, 60 est un nombre super `
0-champion qui n’est pas de la forme (2.10).
Démonstration. La preuve est tout à fait semblable à celle que l’on trouvera dans [15], p. 150 pour le minimum de `(N ) − ρ log N . On utilise l’additivité de `
0(N ) − ρ log N , et l’on détermine α
p0pour minimiser `
0(p
α) − ρα log p.
Remarque. Comme on a vu dans l’introduction, un nombre super `
0- champion est un `
0-champion, et par (2.2), on a donc :
(2.14) N super `
0-champion = ⇒ N = G(`
0(N )).
DÉFINITION DE x
0i. Pour tout k ≥ 0, la fonction t 7→
tk(t−1)logt2est croissante pour t ≥ 1, et est donc une bijection de [1, +∞[ sur [0, +∞[. On définit x
0en fonction de ρ par (2.11) lorsque ρ > 1/ log 2, x
01= x
0et pour i ≥ 2, x
0iest défini par
(2.15) (x
0i)
i−2(x
0i− 1)
2log x
0i= x
0− 1 log x
0= ρ.
On déduit alors de (2.10), (2.12), et (2.13) : Pour ρ >
log 22, on a :
(2.16) N
ρ0=
∞
Y
k=1
Y
x0k+1<p≤x0k
p
k.
Comme dans (2.9), le produit en k est en fait fini puisque pour 2
k−2>
ρ log 2, (2.15) donne x
0k< 2.
Comparons maintenant les nombres N
ρet N
ρ0définis par (2.6) ou (2.9) et (2.10) ou (2.16).
PROPOSITION 2. Pour ρ >
log 22, N
ρ0défini par (2.10) est un multiple
de 2N
ρoù N
ρest défini par (2.6).
Démonstration. Observons d’abord que x
0défini par (2.11) est plus grand que x défini par (2.6). On a de même x
0i> x
ioù x
0iet x
isont définis en fonction de ρ par (2.8) et (2.15). (2.9) et (2.16) montrent alors que N
ρdivise N
ρ0. Le calcul de α
20et α
2par (2.7) et (2.13) montre que l’on a exactement α
20= α
2+ 1, ce qui achève la démonstration.
Problème. Existe-t-il une suite de valeurs de ρ tendant vers l’infini pour lesquelles on ait N
ρ0= 2N
ρ? Ceci se produit pour des valeurs de ρ assez grandes. Par exemple ρ = 700, N
ρ= 2
103
65
47
311
313
2...53
259...6101. Mais ce problème dépend des approximations diophantiennes des logarithmes de nombres premiers, et il se peut qu’il soit très difficile. S’il avait une réponse affirmative, on en déduirait que l’intersection
{G(n); n ≥ 1} ∩ {2g(n); n ≥ 1}
est infinie. On peut se demander aussi si les images de N par g et G ont une infinité d’éléments communs.
LEMME 2. Désignons les fonctions de Chebichev par Θ(x) = P
p≤x
log p et par Ψ(x) = P
p≤x
blog x/ log pc log p .
(i) Soit x ≥ 4, ρ = x/ log x et N
ρdéfini par (2.6). Alors, pour tout p ≤ x, p premier, on a p
αp≤ x et
(2.17) Θ(x) ≤ log N
ρ≤ Ψ(x)
(ii) Soit x
0≥ 16, ρ = (x
0− 1)/ log x
0et N
ρ0défini par (2.10). Alors, pour tout p ≤ x
0, p premier, on a p
α0p≤ x
0et
(2.18) Θ(x
0) ≤ log N
ρ0≤ Ψ(x
0).
Démonstration. On trouvera dans [10] la preuve de (i). La preuve de (ii) est similaire : si α
0p= 1, p
α0p≤ x
0est évident. Supposons α
0p≥ 2 et raisonnons par l’absurde : si l’on avait x
0< p
α0p, par la croissance de la fonction t 7→
logt−1t, on aurait
logx0−1x0<
pα0p−1
α0plogp
<
pα0p
α0plogp
. En comparant avec (2.12), on aurait :
p
α0p−2(p − 1)
2log p ≤ ρ = x
0− 1
log x
0< p
α0pα
0plog p
et cela entraînerait
(2.19) (α
0p− 1)p
2− 2α
0pp + α
0p< 0.
Mais, pour α
0p≥ 2, on a (α
0p− 1) ≥ α
0p/2, et pour p ≥ 5, (2.19) n’est jamais vérifiée. Il reste à vérifier les cas p = 2 et p = 3. Pour p = 2, (2.13) donne : 2
α02≤ 4ρ log 2 =
logx0−1x0log(16) ≤ x
0− 1 < x
0pour x
0≥ 16. De même, pour p = 3, (2.12) donne 3
α03≤
94ρ log 3 ≤
logx0−1x09
4
log 3 ≤ x
0− 1 < x
0pour x
0≥ 12.
La preuve de (2.18) est une conséquence facile de p
α0p≤ x
0, de (2.10) et de la définition des fonctions de Chebichev.
Remarque. D’après le théorème des nombres premiers, on a Θ(x) ∼ Ψ(x) ∼ x. Les inégalités (2.17) et (2.18) nous donnent donc des informations sur la valeur des nombres super champions. Considérons la suite ordonnée des nombres super `
0-champions : N
(1)= 2, N
(2)= 6, ..., N
(j), ... . D’après la proposition 1, N
(j)divise N
(j+1), et le quotient N
(j+1)/N
(j)est un nombre premier p ≤ P où P est le plus petit nombre premier ne divisant pas N
(j). Posons n
(j)= `
0(N
(j)). On aura n
(j+1)− n
(j)= `
0(p
α0p+1) − `
0(p
α0p), où α
0pest l’exposant de p dans N
(j). Soit ρ le paramètre commun à N
(j)et N
(j+1). On a ρ = (`
0(p
αp+1) − `
0(p
αp))/ log p. On définit x
0par (x
0− 1)/ log x
0= ρ. On a donc x
0≤ P . Par le lemme 2, (ii) appliqué à N
(j+1), on a p
α0p+1≤ x
0≤ P et il s’ensuit que n
(j+1)− n
(j)≤ `
0(p
α0p+1) ≤ P .
3. Majoration effective de G(n)
Il résulte d’abord de (1.3), (1.4) et du lemme 1, que pour n suffisamment grand, on a
(3.1) G(n) ≤ g(2n).
Un calcul plus précis montre qu’en fait, (3.1) est vérifié dès que n ≥ 3.
Du résultat de J.P. Massias [10], log g(n) ≤ 1.0532 √
n log n, on déduit l’existence d’une constante C telle que
log G(n) ≤ C p
n log n ∀n ≥ 2.
LEMME 3. Soit N
0et N
00deux nombres super `
0-champions consécutifs,
supérieurs ou égaux à 6. Soit n vérifiant `
0(N
0) ≤ n ≤ `
0(N
00). On a :
(3.2) log G(n)
√ n log n ≤ max log N
0p `
0(N
0) log `
0(N
0) , log N
00p `
0(N
00) log `
0(N
00)
! .
Démonstration. Observons d’abord que la fonction t 7→ √
t log t est croissante et concave de ]1, +∞[ dans ]0, +∞[, et donc, sa fonction réci- proque est croissante et convexe sur ]0, +∞[. D’après la proposition 1, les deux nombres N
0et N
00ont un paramètre commun ρ ∈ E
0tel que la fonction M 7→ `
0(M ) − ρ log M atteigne son minimum aux deux points N
0et N
00. Posons A = G(n), on a :
(3.3) `
0(A) − ρ log A ≥ `
0(N
0) − ρ log N
0= `
0(N
00) − ρ log N
00. Désignons par c le membre de droite de (3.2), et posons Φ(t) = c √
t log t. N étant l’un quelconque des deux nombres N
0et N
00, on a log N ≤ Φ(`
0(N )) et encore `
0(N ) ≥ Φ
−1(log N ). De (3.3), on déduit
(3.4) `
0(A) ≥ `
0(N )− ρ log N + ρ log A ≥ Φ
−1(log N )− ρ log N +ρ log A.
De l’hypothèse `
0(N
0) ≤ n ≤ `
0(N
00), de la croissance de la fonction G et de (2.14), on déduit N
0≤ A ≤ N
00, et comme la fonction t 7→ Φ
−1(t) − ρ log t est convexe, pour au moins un des deux nombres N = N
0ou N = N
00on a :
Φ
−1(log N ) − ρ log N ≥ Φ
−1(log A) − ρ log A.
Par (3.4), on obtient `
0(A) ≥ Φ
−1(log A) soit log A ≤ Φ(`
0(A)) = c p
`
0(A) log(`
0(A)).
Puisque A = G(n), et que par (2.3), `
0(A) ≤ n, cela prouve (3.2).
LEMME 4. Soit S(x) = P
p≤x
p. On a pour x ≥ 70841, S(x) ≥ x
22 log x
1 + 0.477 log x
·
Démonstration. C’est le théorème D, (ii) de [13].
LEMME 5. Soit x
0≥ 200000, ρ = (x
0− 1)/ log x
0, et N
ρ0défini par (2.10). Alors on a
(3.5) log N
ρ0≤ 1.05434 q
`
0(N
ρ0) log(`
0(N
ρ0)) .
Démonstration. Par (2.18), on a log N
ρ0≤ Ψ(x
0), et l’on a pour Ψ(x
0) la majoration (cf. [19], p. 357)
(3.6) Ψ(x
0) ≤ x
01 + 0.0221 log x
0≤ x
01 + 0.0221 log(200000)
≤ 1.00182 x
0.
L’exposant de 2 dans N
ρ0est, par (2.13), supérieur à 3 ; en observant que pour α ≥ 2, `
0(p
α) = p
α− p
α−1≥ p et que `
0(p) = p − 1, on a, par (2.10) :
`
0(N
ρ0) ≥ X
p≤x0
p − π(x
0).
Par le lemme 4, et la majoration classique de π(x) = P
p≤x
1 (cf. [18], p.
69), il vient :
`
0(N
ρ0) ≥ S(x
0) − π(x
0) ≥ x
022 log x
01 + 0.477 log x
0− 1.26 x
0log x
0≥ x
022 log x
01 + 1 log x
00.477 − 2.52 log x
0x
0.
Et, comme pour x
0≥ 200000,
2.52 logx0 x0≤ 10
−3, on obtient :
(3.7) `
0(N
ρ0) ≥ x
022 log x
01 + 0.476 log x
0. Il vient ensuite, en posant X = 1/ log x
0:
log `
0(N
ρ0) ≥ 2 log x
0− log 2 − log log x
0= 2 X
1 − X log 2
2 + X log X 2
et
1 x
0q
`
0(N
ρ0) log(`
0(N
ρ0)) ≥
(1 + 0.476X)
1 − X log 2
2 + X log X 2
1/2. Or le membre de droite ci-dessus est une fonction décroissante de X pour 0 ≤ X ≤ 1/10 et vaut 0.9502 pour X = 1/ log(200000)). On a donc pour x
0≥ 200000 :
(3.8)
q
`
0(N
ρ0) log(`
0(N
ρ0)) ≥ 0.9502 x
0. Par (2.18), (3.6) et (3.8), il vient :
log N
ρ0q
`
0(N
ρ0) log(`
0(N
ρ0))
≤ 1.00182 x
00.9502 x
0≤ 1.05434 ce qui démontre (3.5).
Démonstration du théorème 1. Par les lemmes 3 et 5, il suffit de calculer
logNρ0
√
`0(Nρ0) log(`0(Nρ0))pour les nombres super `
0-champions vérifiant x
0≤ 200000. Il faut aussi calculer
√lognG(n)lognpour les n ≤ 2 puisque le lemme 3 n’est valable que pour 6 ≤ N
0< N
00. Tout ceci a été fait en ordinateur en utilisant MAPLE. Pour tout N
ρ0≥ 30 et vérifiant x
0≤ 200000, on trouve un quotient
≤ 1.054511, et le maximum est obtenu pour x
0= 1811, `
0(N
ρ0) = 235630. La
table ci-dessous montre que les seules exceptions à (1.8) sont n = 1, n = 2
et n = 4.
n G(n) log G(n) p n log n
1 2 ∞
2 6 1.52178
3 6 0.98695
4 12 1.05524
5 12 0.87597
6 30 1.03733
4. La méthode des bénéfices
Soit ρ un nombre réel positif, et définissons N
ρpar ( 2.6 ). On sait que la fonction M 7→ `(M ) − ρ log M est minimale pour M = N
ρ. On pose pour un nombre M entier, M ≥ 1 :
(4.1) bén
ρ(M ) = `(M ) − `(N
ρ) − ρ log(M/N
ρ) ≥ 0.
Comme la fonction ` est additive, si l’on pose M = Q
p
p
βp, on a : (4.2) bén
ρ(M ) = X
p
`(p
βp) − `(p
αp) − ρ(β
p− α
p) log p ,
et d’après la définition de α
p, chaque terme de cette somme est positif ou nul. On trouvera des explications supplémentaires dans [11] et [16].
Evidemment, cette notion se définit aussi pour la fonction `
0. On pose (4.3) BÉN
ρ(M ) = `
0(M ) − `
0(N
ρ0) − ρ log M
N
ρ0≥ 0,
avec N
ρ0défini par (2.10). Notons que, avec les notations de la proposition
1, si ρ ∈ E
0, et si N ˆ
ρ0est un autre nombre où le minimum de la fonction
M 7→ `
0(M ) − ρ log M est atteint, on a aussi
BÉN
ρ(M ) = `
0(M) − `
0( ˆ N
ρ0) − ρ log(M/ N ˆ
ρ0).
Cela permet de montrer la continuité par rapport à ρ de BÉN
ρ(M). En utilisant l’additivité de la fonction `
0, on a comme en (4.2)
(4.4) BÉN
ρ(M) = X
p
`
0(p
βp) − `
0(p
α0p) − ρ(β
p− α
0p) log p
et grâce au choix de α
p0en (2.12) et (2.13), on a pour tout p premier
(4.5) `
0(p
βp) − `
0(p
α0p) − ρ(β
p− α
0p) log p ≥ 0.
Nous allons montrer
LEMME 6. Soit ρ un nombre réel tendant vers +∞. On définit x et x
0par x ≥ e et
logxx=
logx0−1x0= ρ. Il existe une constante δ, 1/2 < δ < 1 telle que :
(i) soit n = `(N
ρ) et |t| ≤ n
δalors bén
ρg (n + t) = O(x/ log x)
(ii) soit n
0= `
0(N
ρ0) et |t| ≤ n
0δalors BÉN
ρG(n
0+ t) = O(x
0/ log x
0).
On peut prendre δ = 0.732.
Démonstration. (i) est une amélioration du lemme D de [11], dont nous suivons la méthode de démonstration. Le premier ingrédient est le théorème de Hoheisel [5] : Soit π(y) = P
p≤y
1 ; il existe τ < 1 tel que pour y assez grand
(4.6) π(y + y
τ) − π(y) y
τlog y ·
La meilleure valeur de τ est due à Baker et Harman (cf. [1]) et vaut 0, 535.
Nous choisirons dans notre lemme δ < 1 − τ /2.
Nous allons prouver (ii), la preuve de (i) étant très similaire. Nous défi- nissons x
02et x
03par (2.15) :
x
03(x
03− 1)
2log x
03= (x
02− 1)
2log x
02= x
0− 1 log x
0= ρ,
et les méthodes classiques donnent les développements asymptotiques, lors-
que x
0→ +∞ :
(4.7) x
02= p x
0/2
1 − log 2
2 log x
0+ O 1 (log x
0)
2, x
03∼
3r x
03 (cf. lemme 9 ci-dessous et (5.19)). Ensuite par (2.18) et le théorème des nombres premiers, on a log N
ρ0∼ x
0, et comme n
0= `
0(N
ρ0), on a, par (2.14), N
ρ0= G(n
0) et
log G(n
0) = log N
ρ0∼ x
0. Enfin, par (1.6), on a x
0∼ √
n
0log n
0, ce qui entraîne :
(4.8) n
0= (x
0)
2+o(1).
Soit x
0< P
1< P
2< · · · les nombres premiers suivant x
0. On définit j ≥ 0 par
(4.9) P
1− 1 + P
2− 1 + · · · + P
j− 1 ≤ t < P
1− 1 + · · · + P
j+1− 1 lorsque t est positif. Nous allons démontrer (ii) lorsque t est positif. Pour t négatif, on utiliserait les nombres premiers précédant x
0. De (4.9) il vient :
j (x
0− 1) ≤ t ≤ n
0δ, et, par (4.8) et le choix de δ, pour x
0assez grand,
(4.10) j ≤ (x
0)
2δ−1+o(1)= o (x
0)
1−τ= o x
0τ/ log x
0car τ > 1/2. On a donc aussi j + 1 = o(x
0τ/ log x
0) et (4.6) entraîne que, pour ρ assez grand
(4.11) x
0< P
1< P
2< · · · < P
j+1≤ x
0+ (x
0)
τ.
On introduit ensuite les nombres premiers q
i< · · · < q
2< q
1< x
02précédant x
02mais supérieur à x
03, et l’on pose
M
j,h= P
1P
2...P
jP
j+1...P
j+hq
1q
2...q
2hN
ρ0.
Par (2.16), les nombres premiers q
i, 1 ≤ i ≤ 2h qui sont compris entre x
03et x
02divisent N
ρ0avec l’exposant 2 et l’on a, puisque `
0(N
ρ0) = n
0(4.12)
`
0(M
j,h) = n
0+
j
X
i=1
(P
i− 1) +
h
X
i=1
(P
j+i− 1) − (q
2i−1− 1)
2− (q
2i− 1)
2.
Dans la deuxième somme, chaque terme vérifie
(4.13) (P
j+i− 1) − (q
2i−1− 1)
2− (q
2i− 1)
2≥ x
0− 1 − 2(x
02− 1)
2∼ x
0log 2 log x
0en utilisant (4.7). Ceci montre que `
0(M
j,h) est croissant en h, et l’on fixe alors h tel que
(4.14) `
0(M
j,h) ≤ n
0+ t < `
0(M
j,h+1).
Par (4.12), (4.13) et (4.14), on a
n
0+
j
X
i=1
(P
i− 1) + h(1 + o(1)) x
0log 2
log x
0≤ `
0(M
j,h) ≤ n
0+ t tandis que, par (4.9) et (4.11), on a
n
0+ t ≤ n
0+
j
X
i=1
(P
i− 1) + P
j+1≤ n
0+
j
X
i=1
(P
i− 1) + x
0+ (x
0)
τ.
Par comparaison, on obtient avec (4.10)
(4.15) h ≤ (1 + o(1)) log x
0log 2 .
Pour h vérifiant (4.15), on a bien par (4.6) et (4.7)
(4.16) x
02> q
1> q
2> · · · > q
2h≥ x
02− x
02τ> x
03.
Par (4.10) et (4.15), on a j + h = o(x
0τ/ log x
0), qui assure, par (4.6)
(4.17) x
0< P
1< P
2< · · · < P
j+h≤ x
0+ x
0τ.
Majorons maintenant BÉN
ρ(M
j,h) : par (4.3) et (4.12), il vient :
(4.18) BÉN
ρ(M
j,h) =
j+h
X
i=1
(P
i− 1 − ρ log P
i) +
2h
X
i=1
ρ log q
i− (q
i− 1)
2.
Or on a, puisque ρ =
logx0−1x0=
(xlog02−1)x02 2:
P
i− 1 − ρ log P
i= P
i− 1 − (x
0− 1) − ρ log P
ix
0≤ P
i− x
0et
ρ log q
i− (q
i− 1)
2= (x
02− 1)
2− (q
i− 1)
2+ ρ log q
ix
02≤ (x
02− 1)
2− (q
i− 1)
2≤ 2x
02(x
02− q
i).
Donc (4.16), (4.17) et (4.18) entraînent :
BÉN
ρ(M
j,h) ≤ (j + h)x
0τ+ 4h x
02x
02τet par (4.10), (4.15) et (4.7),
(4.19) BÉN
ρ(M
j,h) ≤ (x
0)
max(2δ+τ−1,(1+τ)/2)+o(1).
Enfin, de (4.14) et de (1.4), on déduit G(n
0+ t) ≥ M
j,h. Par (4.3), (2.3) et (4.14), il suit :
BÉN
ρ(G(n
0+ t)) = `
0(G(n
0+ t)) − `
0(N
ρ0) − ρ log G(n
0+ t)
N
ρ0≤ n
0+ t − `
0(N
ρ0) − ρ log M
j,hN
ρ0≤ `
0(M
j,h+1) − `
0(N
ρ0) − ρ log M
j,hN
ρ0= BÉN
ρ(M
j,h+1) + ρ log M
j,h+1M
j,h·
Mais, par (4.16),(4.17) et (4.7), il vient M
j,h+1M
j,h= P
j+h+1(q
2h+1q
2h+2) ∼ x
0(x
02)
2→ 2
et donc, par (4.19), puisque δ < 1 − τ /2, on complète la preuve de (ii).
LEMME 7. Soit τ un nombre tel que (4.6) soit vérifié, et ε > 0. Lorsque n → +∞, on a :
(i) `(g(n)) = n + O
ε(n
τ /2+ε)
(ii) `
0(G(n)) = n + O
ε(n
τ /2+ε).
Démonstration. Nous allons montrer (ii). La preuve de (i) est similaire.
Soit p le plus petit nombre premier qui ne divise pas G(n) ; il est démontré dans [9], théorème 1, que p tend vers l’infini avec n. En utilisant les notations du lemme 2, on a Θ(p − 1) ≤ log G(n), et d’après le théorème des nombres premiers, cela entraîne p ≤ 2 log(G(n)) pour n assez grand. Soit Q le nombre premier précédant p. Par (4.6) et (1.6), on a :
(4.20) p − Q = O(p
τ) = O(log(G(n)))
τ= O(n
τ /2+ε).
Soit α ≥ 1 l’exposant de Q dans G(n), et posons M = pG(n)/Q. On a M > G(n) et donc, par (1.4), `
0(M ) > n. Il suit
n < `
0(M ) = `
0(G(n)) + p − 1 + `
0(Q
α−1) − `
0(Q
α) ≤ `
0(G(n)) + p − Q,
ce qui donne, par (2.3), 0 ≤ n − `
0(G(n)) ≤ p − Q et qui, avec (4.20), achève la preuve de (ii).
L’estimation dans (i) ou (ii) est assez grossière, mais cela vient du manque de précision sur la majoration de la différence entre deux nombres premiers consécutifs (cf. [15], Th. 3, p. 158).
5. Etude de sommes portant sur les nombres premiers
Rappelons d’abord deux lemmes classiques, l’un sur les nombres pre- miers, l’autre sur les développements asymptotiques.
LEMME 8. Soit π(x) le nombre de nombres premiers inférieurs ou égaux à x et li (x) = R
x2 dt
logt
. On pose r(x) = π(x) − li (x). Soit R(x) une fonction positive, croissante pour x assez grand, tendant vers +∞ et véri- fiant |r(x)| ≤ R(x) pour tout x. Soit k un réel ≥ 1, dépendant éventuellement de x, on a :
(5.1) X
p≤x
p
k−1= li (x
k) + O(x
k−1R(x))
et la constante impliquée dans le O est absolue.
Nous appliquerons ce lemme avec les fonctions R
1(x) = c
1x e
−a√logx
, qui est une majoration usuelle de |r(x)| dans le théorème des nombres premiers avec c
1et a des constantes positives bien choisies, ou encore avec R
2(x) = c
2√ x log x qui majore |r(x)| sous l’hypothèse de Riemann.
Démonstration. On a par l’intégrale de Stieltjès :
X
p≤x
p
k−1= Z
x2−
t
k−1d[π(t)] = Z
x2−
t
k−1(d( li (t)) + d[r(t)])
= Z
x2
t
k−1log t dt + [t
k−1r(t)]
x2−− Z
x2
(k − 1)t
k−2r(t)dt
= li (x
k) − li (2
k) + x
k−1r(x) − I,
avec, pour x assez grand
|I| =
Z
x2
(k − 1)t
k−2r(t)dt
≤ |R(x)|
Z
x2
(k − 1)t
k−2dt ≤ x
k−1R(x).
Puisque
li (2
k) = Z
2k2
dt
log t ≤ 2
klog 2 = O(x
k−1) pour x → +∞
on a donc
| X
p≤x
p
k−1− li (x
k)| ≤ 2x
k−1R(x) + O(x
k−1),
ce qui démontre (5.1).
LEMME 9. Soit x un nombre réel ≥ 4. Pour k ≥ 2, on définit x
kpar
(5.2) x
kk− x
k−1klog x
k= x
log x et x
0kpar
(5.3) (x
0k)
k−2(x
0k− 1)
2log x
0k= x − 1 log x ·
Par commodité, on posera x
1= x
01= x. On a pour tout k ≥ 2 :
(5.4) x
k≤ x
0k.
De plus, on a, uniformément pour 2 ≤ k ≤ (log x)/ log log x, lorsque x → +∞
(5.5) x
kk∼ (x
0k)
k∼ x/k et
(5.6) x
k∼ x
0k∼ (x/k)
1/k.
Démonstration. Notons γ
k(t) =
tklog−tk−1tet δ
k(t) =
tk−2log(t−1)t 2· Pour k ≥
2, ces deux fonctions sont croissantes pour t ≥ 1. Comme x ≥ 4, on a
δ
k(x) = x − 1
log x x
k−2(x − 1) ≥ x − 1
log x = δ
k(x
0k) > 0 = δ
k(1) et cela prouve
(5.7) 1 < x
0k≤ x.
De plus, on a, par (5.3) et (5.7) γ
k(x
0k) = δ
k(x
0k) x
0kx
0k− 1 = x − 1 log x
x
0kx
0k− 1 ≥ x
log x = γ
k(x
k) , et cela prouve (5.4). Pour 2 ≤ k ≤ (log x)/ log log x, on a
γ
k(4) ≤ 4
k≤ exp( log 4 log x
log log x ) ≤ x
log x = γ
k(x
k) pour x assez grand, et cela prouve, avec (5.4)
(5.8) 4 ≤ x
k≤ x
0k.
Pour minorer x
k, on itère la formule déduite de (5.2) :
(5.9) x
kk≥ x
log x log x
k.
En partant de (5.8), on obtient successivement, pour x assez grand : x
kk≥ x
log x log 4 ≥ √ x soit :
(5.10) x
k≥ (x)
1/2k,
x
kk≥ x log x
log x 2k = x
2k
soit
(5.11) x
k≥ (x/2k)
1/k, et enfin
(5.12) x
kk≥ x
k log x (log x − log(2k)) = x k
(1 − log(2k) log x
≥ x k
1 − log log x log x
et
(5.13) x
k≥ x k
1/k1 − log log x log x
1/k≥ x k
1/k1 − log log x log x
. Pour majorer x
0k, on itère la formule déduite de (5.3) :
(5.14) (x
0k)
k= x − 1
log x (log x
0k) (x
0k)
2(x
0k− 1)
2en observant que la fonction t 7→
t(t−1)2log2test croissante pour t ≥ 4, et que, pour x assez grand, (5.8) assure x
0k≥ 4. En partant de (5.7), on obtient :
(x
0k)
k≤ x − 1
log x log x x
2(x − 1)
2= x
2x − 1 ≤ 2x, ce qui donne
(5.15) x
0k≤ (2x)
1/k.
De (5.8) et (5.11), on déduit
x
0k≥ x
k≥ exp(− log(2k)
k )x
1/k≥ exp
− 2 e
x
(log logx)/logx≥ 1
3 log x,
et de (5.14), on obtient :
(5.16) (x
0k)
k≤ x log x
log x log x − 3
2log x
0k.
En itérant (5.16) à partir de (5.15), il vient :
(5.17) (x
0k)
k≤ x log x
log x log x − 3
21
k log(2x) ≤ x
k (1 + 10 log x ) pour x assez grand. Il s’ensuit que :
(5.18) x
0k≤ x k
1/k1 + 10 log x
≤ x k
1/kexp 10
log x
.
Les formules (5.8), (5.12) et (5.17) prouvent (5.5), tandis que (5.8), (5.13) et (5.18) prouvent (5.6). La même méthode fournit, pour k fixé, le dévelop- pement pour x
kou x
0k:
(5.19) ( x
k )
1/k1 − log k
k log x − log k
2k
2(log x)
2(k log k + 2k − log k) + O( 1 (log x)
3)
.
LEMME 10. Soit x un nombre réel ≥ 2. On pose
(5.20) U (x) = X
p≤x
p
αp−1(5.21) V (x) = X
p≤x
p
α0p−1où α
pet α
0psont les plus grands entiers vérifiant :
(5.22) p
αp≤ p
p − 1 log p x
log x
et
(5.23) p
α0p≤ p
2(p − 1)
2log p (x − 1) log x · Alors on a :
(i) U(x) ≤ V (x).
(ii) Lorsque x → +∞, U (x) ≥ (1 + o(1))
logxxlog log x.
(iii) Lorsque x → +∞, V (x)
logxx(log log x)
2.
(iv) Sous l’hypothèse de Riemann, on a lorsque x → +∞ : V (x) ≤ (3 + o(1)) x
log x log log x.
Remarque : Je conjecture que U (x) ∼ V (x) ∼
logxxlog log x, mais ce semble difficile à montrer. Une somme encore plus difficile à étudier est
(5.24) W (x) = X
pm≤x<pm+1
p
m−1= x X
p≤x
p
−1−{logx/logp}où {u} désigne la partie fractionnaire de u. Par une méthode voisine de la démonstration de (iii), A. Ivić a prouvé
(5.25) W (x) x log log log x.
Il est facile de voir que W (x) x. Sous l’hypothèse, très forte, que les nombres log p, p premier, sont algébriquement indépendants, A. Schinzel a prouvé que W (x)/x → +∞.
Démonstration. (i) est évident en observant que pour p ≤ x, le membre de droite de (5.22) est inférieur au membre de droite de (5.23). Pour prouver les autres assertions du lemme, on observe d’abord qu’en définissant x
ket x
0kpar (5.2) et (5.3), on a par (5.22) et (5.23)
(5.26) α
p= k ⇐⇒ x
k+1< p ≤ x
ket
(5.27) α
0p= k ⇐⇒ x
0k+1< p ≤ x
0ken posant x
1= x
01= x. Il vient ainsi
(5.28) U (x) = X
p≤xK
p
αp−1+
K−1
X
k=1
X
xk+1<p≤xk
p
k−1où K est un paramètre à fixer mais que l’on choisira tel que K → ∞ avec x et K ≤ log x/ log log x. Pour prouver (ii), on néglige dans (5.28) la première somme, et on applique le lemme 8. Il vient
(5.29) U (x) ≥
K−1
X
k=1
li (x
kk) − li (x
kk+1) + O(x
k−1kR(x
k)) .
Par le lemme 9, on a x
kk∼ x/k, et x/k → +∞ uniformément pour k ≤ K.
On a donc :
(5.30) S
2=
K−1
X
k=1
li (x
kk) ∼
K−1
X
k=1
x
kklog x
kk∼
K−1
X
k=1
x
k log x ∼ x
log x log K.
Montrons maintenant que
S
3=
K−1
X
k=1
li (x
kk+1)
est négligeable. On a par (5.5) x
kk+1= x
k+1k+1x
k+1≤ x
k+1k+1x
Kx
(k + 1) √ log x car, par (5.10) on a : x
K≥ x
2K1≥ x
log log2 logxx= √
log x si l’on choisit K ≤
logx
log logx
. On en déduit :
(5.31) S
3K−1
X
k=1
x (log x)
3/21
(k + 1) x
(log x)
3/2log K.
Il reste à estimer
S
4=
K−1
X
k=1
x
k−1kR(x
k)
K−1
X
k=1
x
kkexp(−a p
log x
k).
On choisit K = bA
(log loglogxx)2c, avec A suffisamment petit. Par (5.4) et (5.15), on a, pour k ≤ K, x
kkx et par (5.10), il s’ensuit que
S
4Kx exp(−a p
log x
K) ≤ Kx exp −a
r log x 2K
!
et, comme K ≤
(log logAlogxx)2, pour A < a
2/8, on a
(5.32) S
4Kx(log x)
−a/√
2A
= O(x/ log x).
(5.29), (5.30), (5.31) et (5.32) démontrent (ii). La preuve de (iii) est très voisine. De (5.27), on déduit :
(5.33) V (x) = X
p≤x0K
p
α0p−1+
K−1
X
k=1
X
x0k+1<p≤x0k
p
k−1.
Pour majorer
S
10= X
p≤x0K
p
α0p−1nous utilisons (5.23). On a : S
10≤ x − 1
log x X
p≤x0K
p log p
(p − 1)
2= (1 + o(1)) x
log x log x
0Ken utilisant la formule P
p≤x logp
p
∼ log x, et en remarquant que la série P
p
(
p(p−1)logp2−
logpp) est convergente. Par le lemme 9, (5.6), on a : (5.34) S
10≤ (1 + o(1)) x
K log x log x K
≤ (1 + o(1)) x
K ·
On procède alors comme ci-dessus. On applique le lemme 8 pour estimer la deuxième somme de (5.33). On obtient alors
(5.35) V (x) = S
10+ S
20− S
30+ O(S
40) ≤ S
10+ S
20+ O(S
40) avec S
20= P
K−1k=1
li ((x
0k)
k), S
30= P
K−1k=1
li ((x
0k+1)
k) et S
40=
K−1
X
k=1
(x
0k)
kexp(−a p
log x
0k).
On choisit K = b
(log logAlogxx)2c, avec A suffisamment petit, et l’on obtient comme dans (5.30) et (5.32)
(5.36) S
20∼ x
log x log K et
(5.37) S
40= O
x log x
·
Les relations (5.35), (5.34), (5.36) et (5.37) démontrent (iii).
Sous l’hypothèse de Riemann, la majoration R(x) du reste dans le théo- rème des nombres premiers peut être choisie telle que R(x) = O( √
x log x) et (5.35) devient
(5.38) V (x) ≤ S
10+ S
20+ O(S
400) avec
S
400=
K−1
X
k=1