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Article pp.27-43 du Vol.37 n°218-219 (2011)

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Texte intégral

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Réalités

de la marque France

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Une marque pays n’est pas une marque comme une autre.

Multidimensionnelle, multi-acteur, multicible et sans pilote dédié, sa logique d’image héritée de l’histoire donne une version déformée de sa réalité. La marque France n’échappe pas à la règle. Appuyé sur des études internationales inédites et des exemples concrets, cet article détaille la logique d’image de la marque France, son potentiel et ses handicaps et propose des pistes pour piloter, comme on dirige un orchestre, la marque France.

FRANÇOISE BONNAL Groupe DDB France

Comprendre et gérer la marque France

Mode d’emploi pour les acteurs de la marque France

DOI:10.3166/RFG.218-219.27-43 © 2011 Lavoisier, Paris

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I – LA MARQUE PAYS, UNE MARQUE PAS TOUT À FAIT COMME LES AUTRES 1. Tout pays fonctionne comme une marque

La marque est un nom qui a du pouvoir, le pouvoir d’ajouter de la valeur de crédibilité et de désirabilité à un produit, un service, une entreprise. Le même polo de coton blanc assorti du crocodile Lacoste, plutôt que du petit oiseau Auchan, aura la préférence de beaucoup, à l’exclusion de quelques origi- naux. L’effet de marque marche tout autant pour un territoire, ville, région ou pays.

Paris, Tokyo, New York valorisent un parfum ou du prêt-à-porter plus que Berlin, Sofia ou Kuala Lumpur. Un PC « Made in Japan » attirera plus que le même « Made in Italy » et le « Made in Germany » est assez porteur de valeur pour qu’Opel en fasse actuellement son argument publicitaire exclusif. Tout pays, donc, et la France en particulier, fonc- tionne comme une marque.

L’idée de comparer un pays à une marque remonte, à notre connaissance, à 1993. C’est l’année où Philip Kotler énonce le concept de « nation branding »1. Conséquence ou co- occurrence, c’est aussi l’année où l’agence de publicité DDB lance l’étude « Nations for Sales », qui sera diffusée en France sous le titre « Le scandale de la marque France »2. Le mot marque a choqué à l’époque dans l’hexagone. L’idée, cependant, a fait son che- min. Un logo de marque « France » a été lancé en 2008 pour promouvoir la politique touristique et « harmoniser… à horizon

2020… l’image de la France partout dans le monde ». Ubifrance déploie son programme Label France pour soutenir les activités col- lectives à l’étranger. La Sopexa lance actuel- lement un nouvel appel d’offre sur la marque France en agroalimentaire et une réflexion pourrait être en cours sur la qualification du

« Made in France ».

Figure 1 –Logo de la « marque France » pour sa promotion touristique

(Atout France, 2008)

2. Mais une marque pas tout à fait comme les autres

Il est important de préciser, cependant, qu’une marque pays est une marque beau- coup plus complexequ’une marque corpo- rate ou commerciale dans l’univers spéci- fique du business.

Multidimensionnelle

La marque pays, en premier lieu, est émi- nemment multidimensionnelle. Un pays, en effet, est une réalité multiple. C’est une réa- lité géographique avec un territoire, un cli-

1. Philip Kotler, Marketing Places, Free Press, 1993.

2. Nous étions au cœur de cette aventure. À partir d’une idée venue de Londres, nous avons développé la métho- dologie, étendu l’investigation à l’Europe continentale et promu la version française sous le titre de « Le scandale de la marque France », présentée à de nombreuses instances : ministères, assemblée annuelle des chambres de com- merce internationales (CCI), Forum de l’Expansion… Notre expérience sur les « nation brands » a commencé là, puis s’est enrichie au cours des années.

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mat, des paysages, des régions, des villes qui sont à la fois ressources, lieux de vie et d’ac- tivité et peuvent attirer habitants, touristes, entrepreneurs et investisseurs. C’est une réalité humaine, sociologique, sociale avec des populations, des modes de vie, des manières d’être ensemble plus ou moins familières ou exotiques, attirantes ou pro- blématiques, selon les publics. C’est une réalité économique, florissante ou pas, avec ses ressources, ses savoir-faire, ses entre- prises, ses prestations multisectorielles et ses performances. C’est une réalité cultu- relle, politique, enfin, et une réalité histo- rique, souvent de longue date et de grande épaisseur. Toutes ces dimensions font de la marque pays, un cocktail de composantes qui s’interpénètrent, s’influencent mutuel- lement et impactent l’ensemble de l’image.

Les « Blacks Blancs Beurs » surprennent au Mondial en 1998 et la presse internatio- nale redécouvre des talents latents de la France : l’esprit d’équipe, l’esprit de fête, la diversité, la stratégie qui sait se transformer en action gagnante. Les « Bleus » déraillent en Afrique du Sud, et c’est l’instabilité d’humeur et l’irresponsabilité bien fran- çaise, et certainement pas britannique, qui ressort. Obama succède à Bush et un vent de sympathie et de renouveau souffle sur

l’image impérialiste et bornée de la marque America. Entre âme des peuples, identité nationale et image de marque du pays, où est la frontière ?

Logique d’image

L’image d’une marque pays, par ailleurs, ne peut pas se limiter à une simple liste de forces et de faiblesses. Elle comporte une logique d’image interne, fabriquée au fil de l’histoire, de la géopolitique, dont les sté- réotypes nationaux constituent la partie émergée de l’iceberg. Cette logique d’image fonctionne comme une loupe déformante (perception sélective) qui va toujours majorer ce qui confirme le stéréo- type et minorer ce qui n’entre pas dedans (dissonance cognitive). L’image stéréotypée de la France, par exemple, et entre autres, a quelque chose de la danseuse de luxe alors que celle de l’Allemagne tiendrait plus du robot à produire. L’Allemagne, ainsi, aura plus à faire pour valoriser la beauté de ses paysages, la diversité féconde de sa culture et l’art de vivre de ses villes ; tandis que la France devra insister plus sur sa fiabilité, ses performances industrielles ou la dyna- mique de sa recherche technologique. La figure 2 montre les polarités différentes de quelques pays.

Figure 2 –Profils d’image de différents pays sur 6 paramètres majeurs

Sources : Enquête internet internationale périodique ; site Countries index.

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Autant d’acteurs que de nationaux Enfin, last but not least, une marque pays a non seulement un nombre incalculable de composantes, mais, plus encore, autant d’ac- teurs que de nationaux, publics et privés, indi- viduels et collectifs, connus et inconnus. Tout

ce monde ne peut être rangé dans le même ordre de bataille que dans une entreprise, tant les raisons d’être et les préoccupations sont variées.Pour en donner une idée nous pou- vons tenter de ranger schématiquement ces composantes et acteurs (cf. tableau 1).

Tableau 1 –Classement non exhaustif des composantes et acteurs d’une marque pays

Corporate

Grands secteurs et acteurs

« commerciaux »

Prestations : produits, services

et expériences de la marque

Tous les organismes de gouvernance publics et parapublics, élus et administratifs, nationaux et locaux : du président de la République, à la préfecture de Pointe-à-Pitre à Ubifrance ou France 24

Tous les actifs : le patrimoine naturel, ses paysages et ses ressources ; le patrimoine bâti, public et privé, professionnel et particulier ; économique et culturel, matériel et immatériel dont l’histoire…

Dont les identifiants plus ou moins stéréotypés : Tour Eiffel, Louvre et Versailles, Napoléon, Brigitte Bardot ; béret, baguette, fromages qui puent et grenouilles, La Marseillaiseet La Vie en Rose.

Tous les Français,sorte de public interne à la fois collaborateur et

ambassadeur. Nicolas Sarkozy, Zidane et l’ambassadeur en titre ; le chauffeur de taxi à l’aéroport, Monsieur tout le Monde en vacances au Maroc et l’expat.

Toute la conjoncture du moment : politique, sportive, économique, financière…

Tous les secteurs : tourisme, agroalimentaire, énergie, transports, BTP, banque-assurance, TIC, santé, culture, mode/textile, distribution, etc.

Tous les acteurs :régions, villes grandes et petites : de Paris à la Chapelle le Guidou ; entreprises publiques et privées, CAC 40, PME et TPE ; de Total au Louvre ; de LVMH à Alter Eco ; d’Aéroports de Paris à Gemalto…

Organismes de promotion : Sopexa, Atout France, Ubifrance, Alliance Française, etc. ;

Professionnels, experts et personnalités : des French doctors, à François Pinault, Carlos Ghosn, et Dominique Strauss Kahn…

Label de fait ou déposé : « Made in France », « marque France » récemment lancé pour le tourisme.

Réalisations emblématique :TGV, pont de Millau, Opéra de Pékin…

Produits typiques :Versailles, camembert Lepetit, la Veuve Cliquot, Chanel n° 5 et Chez Paul…

Prestations commerciales :appels d’offres, négociation, bonne finition du contrat, relations humaines.

Tout produit ou service acheté dans la vie quotidienne et associé à la France ou ses attributs, à juste titre ou non :marquage « Made in France », nom évocateur : champagne de Yves Saint Laurent ou prêt-à-manger, UK.

Expériences vécuesd’une lune de miel ou d’un voyage d’affaires à Paris, etc.

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Pas de pilote unique

Et il n’y a pas, a priori, de pilote unique pour orchestrer cette cacophonie naturelle, ni d’équipe managériale resserrée, non plus, autour de lui, ni de charte de marque, ni de stratégie à long terme, de plan d’ac- tions cohérent, de moyens et d’équipe dédiés, pour organiser la cohérence dans la diversité et consolider ainsi la valeur de la marque. Du président de la République lui- même au garçon de café, en passant par le chef d’entreprise, la priorité centrale n’est pas de promouvoir la marque France en tant que telle. Le président de la République, certes, représente la France, mais il dirige surtout la politique de la France, à l’inté- rieur comme à l’extérieur, avec tous les arbitrages, les jeux de pouvoir que cela implique et, bien sûr, ses enjeux électoraux personnels et partisans ; le garçon de café essaie de soutenir le rythme et les horaires plutôt longs, au point parfois d’oublier d’être aimable pour collecter un pourboire ; le patron de PME s’active par tous les moyens pour remplir son carnet de com- mande, gérer sa trésorerie et boucler son compte d’exploitation et le patron d’une multinationale française a souvent plus inté- rêt à lui donner une dimension internatio- nale, voire patrimoniale dans chaque pays, que de promouvoir sa francité, à l’exception de quelques catégories de produits ou sec- teurs directement dépendants de l’origine française (AOC par exemple) ou de l’image de la France (cosmétique, mode, etc.).

Pas évidente

On comprendra ainsi que focaliser toute la réalité d’un pays en une marque est loin d’être une évidence. C’est, de fait, par l’ac-

tivité touristique, naturellement amenée à promouvoir le pays comme destination de voyage de loisirs ou d’affaires, que le besoin de définir un pays à la manière d’une marque commerciale a commencé. Et ce sont certains pays neufs ou re-nés, qui se sont lancés pleinement dans l’aventure les premiers, il y a une dizaine d’années : la Pologne pour alléger son image ; l’Afrique du Sud de Nelson Mandela pour ouvrir le nouveau chapitre de son histoire ; l’Austra- lie soucieuse d’attirer touristes et migrants sur son lointain continent…

Figure 3 –Logos de la Pologne et de l’Afrique du Sud

Résistance pour les vieilles nations Pour les vieux pays, dotés de longue date d’une identité forte, difficile à résumer et qui sont/étaient souvent les pays les mieux campés sur leur position de puissances mondiales, l’utilité et la faisabilité de la démarche suscitent la résistance. Sans compter la difficulté à accepter de traiter son pays comme une vulgaire marque, au sens commercial du terme, et la conviction de certaines instances majeures du pays, qu’elles en sont déjà dépositaires et ne tien- nent pas à en voir d’autres s’en mêler.

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II – LA MARQUE FRANCE : LOGIQUE D’IMAGE, POTENTIEL ET HANDICAPS

1. Un état des lieux approfondi

À la demande du SIG (Service d’informa- tion du gouvernement) et Maison de la France, devenue Atout France, nous avons eu l’opportunité en l’an 2000, de procéder au diagnostic approfondi de l’image France, dans toutes ses dimensions, en France et à l’international, assorti d’une réflexion pour dégager des orientations pour actions (voir encadré ci-après pour les détails de l’étude). Rien de très visible n’a semblé en sortir, mais une partie du contenu a influencé jusqu’à ce jour un certain nombre de communications ou d’actions, d’Air France à Aéroports de Paris, de la Sopexa à Ubifrance et à Atout France. Nous n’avons pas connaissance d’un autre bilan aussi complet depuis cette date. Nous nous appuyons ici sur cette réflexion de fond dont les observations se sont confirmées et

dont les alertes et suggestions sont toujours plus d’actualité, avec la mondialisation galopante, l’explosion du net, la montée des Brics et le glissement du centre gravité de la planète vers l’Asie.

2. Une logique d’image désirable, mais déformante

Un pays de cocagne où il fait bon vivre…

Le script de l’image France tient du mythe.

La France apparaît d’abord comme une créature de rêve avec la séduction des marques de luxe, de mode, de cosmétique, de gastronomie ; les paysages variés et le climat clément ; l’éblouissement de Paris et la douceur des pays de France ; le patri- moine historique artistique et architectural ; l’engagement culturel passé et présent ; l’art de vivre ; les dons de l’esprit ; un cer- tain talent pour le social et un reste de terre d’asile, des droits de l’homme et des liber- tés. La France serait une sorte de pays de cocagne, havre de luxe et de volupté, terre

INGRÉDIENTS PRINCIPAUX DE L’ÉTUDE SUR L’IMAGE DE LA FRANCE (2000)

Inventaire et bilan des études existantes

Étude qualitative : groupes de résidents étrangers européens et groupes de résidents étran- gers venus d’Asie : leur image avant et après leur installation.

Enquête quantitative en ligne auprès de 768 cadres du réseau DDB Europe, Amérique, Asie : questions ouvertes et fermées, sur toutes les dimensions de l’image France, avec comparai- son États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie.

Interviews de 30 experts internationaux dans les principaux secteurs d’activité : diagnostic et conseil.

Interviews de 30 acteurs nationaux au contact de l’international, entreprises et administrations.

Analyse quantitative des principaux titres de presse des pays leaders d’opinion : principales thématiques d’apparition de la France et analyse de contenu des grands articles économiques.

On notera que toutes ces études portent délibérément sur des publics un minimum avertis et ciblés pour pouvoir aller au-delà des stéréotypes grand public.

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de culture mais aussi de nature, où il fait bon vivre plutôt que de travailler.

Spontanément, les Françaissuscitent moins l’enthousiasme avec un mélange de fascina- tion et d’incompréhension. À la fois jouis- seurs et intellectuels, individualistes et col- lectivistes, séducteurs et arrogants, brillants et irresponsables, ils manqueraient de sim- plicité, de chaleur d’accueil, de sens du ser- vice et ne tiendraient pas toujours leurs pro- messes. En fait, et pour continuer le mythe, la France serait comme peuplée d’esprits jouisseurs et talentueux(artistes, ingénieurs, théoriciens, chercheurs, politiciens, etc.), doués pour toutes les intellectualisations complexes (l’esthétisme, les idées, les sys- tèmes), mais en retour peu ouverts à l’exté- rieur, aux autres, à la réalité, aux faits, et conséquemment peu intéressés aux applica- tions concrètes et « mercantiles ».En tirant les choses au pis, de beaux penseurs et de beaux parleurs, plutôt imbus d’eux-mêmes, parfois rebelles, souvent peu accessibles et peu capables d’adaptation et de coopération.

…moins porté sur les choses sérieuses de l’économie

Justifiée ou non, cette dimension légendaire de la France, passée au crible déformant du modèle anglo-saxon dominant, a des consé- quences sur la dimension économique de son image.

Elle place bien le « Made in France » sur les critères de qualité, d’attractivitéet de créa- tivité dans la plupart des domaines, mais avec un présupposé de cherté.

Elle valide sa performance dans les secteurs duluxe,ducosmétique,de lamode, del’ali-

mentation, du tourisme,et de tous lesbiens de consommationen général.

En revanche, elle campe une France moins motivée et moins douée pour tout ce qui touche aux dures réalités de l’économie mondiale ainsi qu’aux exigences de profes- sionnalisme et de pragmatisme requises pour une bonne aptitude au business com- mercial et financier, une véritable efficacité industrielle et une compétence technolo- gique pointue3.

Les compétences du « Made in France » et des entreprises d’origine françaises sont ainsi minorées par rapport à la réalité objective.

Minoration des attributs : praticité/fiabi- lité/rapport qualité-prix/high-tech/service.

Minoration des secteurs à forte présence des entreprises françaises : distribution/

médecine et recherche médicale/construc- tion BTP/télécommunications et informa- tique/énergie/transports/services aux col- lectivités locales…

3. Grandeur et poids du passé : le risque de ne plus être dans le mouvement Histoire

La France a la chance d’être riche d’un incomparable patrimoine historique. C’est ce legs du passé qui vient spontanément à l’esprit, qui est le plus mis en avant par les français eux-mêmes et le plus recherché par les étrangers : Versailles, le petit bistrot pari- sien, le marché de Provence… Cet atout a une contrepartie, s’il n’est pas complé- menté : celui du vieillissement, de tirer toutes les références à la France vers le passé et la figer en musée, hors du temps présent, sans dynamique vers le futur.

3. On notera que ce mécanisme d’image rejoint pour beaucoup les stéréotypes sur les pays latins par opposition aux pays plus associés au modèle anglo-saxon dominant, Japon inclus.

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Grandeur

La France a aussi la chance d’être de longue date une grande nation, avec une grandeur qu’elle doit maintenant apprendre à redéfinir dans un concert de nations plus nombreuses, en commençant par l’Europe. Cet atout d’être toujours une grande puissance, mais dans un club élargi, peut donner l’image d’un pays dont la dynamique est derrière elle, plus que devant. Cette impression peut être renforcée par l’apparente résistancede la France, au nom d’une « exception »qui peut être perçue comme conservatrice. Si cette résistance n’est pas proposée comme l’invention à plusieurs d’un nouveau modèle ouvert à tous, le risque est de passer le mes- sage de la crispation ethnocentrique et de l’immobilisme, antichambre du déclinisme.

France éternelle

Enfin, il y a, parfois, une manière empha- tique de parler de « La France », comme d’un tout quasi sacré et éternel, avec sa ver- sion colonialiste de « Madame la France », qui tend à donner de notre pays une image monolithique, figéedans le temps, comme d’une quasi-momie, aux antipodes de sa diversité, sa pugnacité et son goût contesta- taire, aussi, pour ce qui sort des sentiers bat- tus, et en particulier, du statu quo dominant.

Vieillissement, immobilisme, monoli- thisme. Dans tous les cas, le risque de fond est de ne plus être dans le mouvement, la variété, la surprise, la vie; de ne plus être associé à ce qui bouge, change et n’arrête pas d’évoluer ; de ce qui est en exploration, en expérimentation permanente pour inven- ter les modalités du futur.

4. Envers et contre tout : le formidable capital de talents de la French Touch Il est important de bien connaître et com- prendre cette logique d’image de la France pour éviter de l’alimenter par nos comporte- ments. Il est plus important encore de ne pas nous laisser entraîner par notre penchant bien français à l’autocritique, qui mène à l’im- puissance, et de nous rappeler au contraire, que l’image France est éminemment riche, désirable et qualitative, et que l’immense majorité des quelques 192 pays membres de l’Onu pourrait nous l’envier. La sous-estima- tion de certaines dimensions ne doit pas cacher le formidable capital à disposition.

Derrière l’image mythique de la France, en effet, se cache un potentiel richissime d’at- tributs qui peuvent être mis au service de ses activités économiques en tout genre.

Toute marque se reconnaît à sa manière unique de faire les choses, qui la différencie des autres marques opérant dans le même domaine qu’elle. Le mappingprésenté dans la figure 4 tente de faire un inventaire de ce capital spécifique d’attributs et de valeurs qui font ce que l’on peut appeler la French Touch, beaucoup plus multidimensionnelle et déclinable que le seul Art de vivre. Que les acteurs de la marque France fassent ou non explicitement référence à leur origine française, il leur est possible de puiser dans à ce fonds commun déjà acquis au « Made in France » ou potentiellement crédible.

Le mapping4 s’organise à partir de deux grands axes et quatre pôles significatifs de l’image France. L’axe 1 unit deux grands talents reconnus du génie français, en prin- cipe aux antipodes : les dons de l’esprit,

4. Ce mappingainsi que l’inventaire des handicaps qui suit, ont été diffusés à l’initiative de DDB Brand and Busi- ness Consulting, et avec l’accord du SIG et de Maison de la France/Atout France, sous la forme d’un petit tiré à part appelé « Encore un petit effort les Français. Mode d’emploi à l’usage des acteurs de la marque France ».

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l’intelligence d’un côté, et le plaisir des sens, la recherche hédoniste, de l’autre.

L’axe 2 rejoint deux postures également associées aux Français et a priori contra- dictoires : la liberté individuelle, l’indivi- dualisme d’une part et le sens de l’universel et de la « chose publique » de l’autre, sorte de « bien commun » qui était la nation et l’humanité hier, et peut être aussi l’Europe et la planète aujourd’hui.

On notera que poussée à l’extrême, chacune des polarités devient un défaut : les dons de l’esprit virent à l’intellectualisme, genre technocrate arrogant ; le plaisir des sens dérape vers le laisser-aller, genre beauf mal rasé, ou débauché sexuel ; l’individualisme à l’excès mène à l’irresponsabilité, genre grèves à répétition ; le sens de l’universel ou de la chose publique peut tourner au cen-

tralisme, à l’étatisme et à l’idéologue don- neur de leçon. À titre d’exemple malheu- reux, l’affaire DSK, quelle qu’en soit l’is- sue, rentre inexorablement en résonance avec certaines polarités de la French Touch: une personnalité brillante, dotée des meilleurs dons de l’esprit, se laisse aller au plaisir des sens plus que de raison, sans considération de ses responsabilités collectives et de la confiance mise en lui, et passe, ainsi, du meilleur au pis, du plus haut au plus bas, confirmant l’irrégularité, voire la non-fia- bilité des « français ».

En revanche, le potentiel des qualités à l’in- térieur des axes est un formidable capital d’opportunités. On remarquera, aussi, qu’au centre, la valeur d’humanisme, fortement revendiquée dans notre pays, ne serait-ce que par sa devise, permet de faire la syn- Figure 4 –Le capital de talents de la French Touch

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Tableau 2 –Inventaire des handicaps de l’image France et pistes pour les compenser

Arrogance, manque de gentillesse, défaut d’ouverture aux autres Manque de simplicité, d’accessibilité, de convivialité

Manque de constance, de régularité, de fiabilité

Manque de concret, de pragmatisme

Déficit d’actualité, de contemporanéité, de nouveau et de dynamisme

Déficit

d’internationalité

Minoration de la performance économique et des compétences sectorielles

Manque d’aptitude au business et au management

Rigidité structurelle, étatisme, monolithisme

Et toujours le manque d’hygiène,

l’insuffisance de la pratique de l’anglais…

Introduire du « cœur », écouter le point de vue de l’autre, accepter le « doute », chercher le partage, penser « service », ne pas chercher absolument la solution tout seul.

Attention à l’hypersophistication ; ne pas avoir honte d’être simple, prendre la peine de se rendre accessible, valoriser aussi ce qui est populaire et simplement festif ; ne pas toujours se prendre au sérieux.

Être le plus clair possible ; planifier rigoureusement et s’y tenir ; attacher autant d’importance aux délais, à l’après-vente, au suivi qu’au produit lui-même ou à la prestation.

Privilégier les faits, les données, les exemples pour amener, illustrer voire simplement suggérer une idée, pas l’inverse.

Montrer ce qui bouge, privilégier ce qui change, ce qui est en train de se faire, de s’explorer, s’inventer, montrer le vivant, même imparfait.

Trouver une manière d’inscrire dans le mouvement et l’inattendu ce qui est ancien.

Ce déficit a bougé. Néanmoins, il faut persister. Privilégier les mises en perspectives européennes et internationales plutôt que franco-françaises ; mettre en avant les actions et entreprises françaises à l’international et les entreprises étrangères en France ; montrer les alliances, les coopérations ; pratiquer un bon anglais pour faire passer les idées et les points de vue ; faire de la défense de la langue française un combat progressiste en faveur de la « bio-diversité » planétaire à côté d’autres langues… De même continuer de faire de la Francophonie, un festival de la diversité multiculturelle toujours en recréée.

La performance technologique pour la performance technologique et les entreprises du CAC 40 ne suffisent pas. Montrer la performance des entreprises au travers de leur valeur d’usage (services aux collectivités locales, transports en commun, urbanisme nouveau), les innovations aux applications concrètes (recherche médicale, automatismes), les PME, TPE et les jeunes pousses aux expertises pointues, les rangs, les tests, les citations sectorielles.

Susciter de nouveaux systèmes de classement/palmarès, de nouveaux labels pour la nouvelle éco-économie au niveau européen. Qualifier et charter le « Made in France ».

La présence de grands responsables d’origine françaises à la tête de grandes organisations mondiales devrait aider. Mais il faut persévérer : valoriser la nouvelle génération des managers qui jouent le jeu international. Valoriser nos grandes écoles…

Améliorer la communication des hommes politiques auprès de la presse étrangère ; donner des signes de pragmatisme.

Mettre en valeur la variété, la diversité tout azimut de la France. Par chance les grandes régions et métropoles de France se sont mises à communiquer.

L’effort est toujours à continuer pour les premiers points de contact des étrangers quand ils arrivent à Paris : aéroports, taxis, lieux publics, cafés.

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thèse des apparentes contradictions et de la complexité de l’image France : plus que l’économie ou tout autre référent, l’humain, dans toutes ses facettes, est au centre5. 5. Des handicaps à compenser

Nous l’avons déjà évoqué, l’image de la France et des Français comporte des handicaps récurrents, justifiés ou injustifiés. Ceux-ci pré- cèdent, filtrent et pénalisent toute personne, prestation ou initiative étiquetée France. Nous en faisons l’inventaire dans le tableau 2, avec leur possible antidote pour mieux les faire comprendre et en prendre conscience. Que ce soit dans le choix d’actions et de thématiques ou dans le style du discours, il est utile de les avoir en tête pour éviter de nourrir les stéréo- types et être mieux reçu.

III – PISTES POUR ORCHESTRER LA MARQUE FRANCE

1. Orchestrer plus que diriger

Keith Reinhardt, ancien président de DDB Worldwide et fondateur du club Business for Diplomatic Action, dédié à la promotion de Brand America par les entreprises privées6, a une manière assez élégante de décrire ce que devrait être les grandes étapes du management d’une marque pays (voir encadré ci-dessous).

En bon publicitaire vendeur et bon améri- cain pragmatique, Keith Reinhardt veut faire simple et applique la démarche clas- sique de gestion d’une marque ordinaire. On peut s’inspirer des grandes étapes qui sont frappées au coin du bon sens. Pratiquement, cependant, il n’est pas possible de gérer une marque pays, dont la France, d’une façon aussi autoritaire et unidimensionnelle. La multiplicité des acteurs publics, que nous avons déjà détaillés, et la liste infinie des différents publics internes et étrangers, ne permettent ni le dirigisme, ni l’uniformité.

L’intention ne peut être que d’aider à la convergence et à l’amplification des efforts diversifiés des uns et des autres dans leurs domaines. L’image de l’orchestre philhar- monique peut servir le propos : chacun joue son jeu selon les règles de son instrument et avec toute l’ampleur de ses talents, mais sous l’inspiration d’une ligne mélodique commune plus ou moins subliminale et d’un chef d’orchestre invitant à la coopération.

Sans oublier l’attachée de presse chargée de la mise en valeur de l’ensemble.

2. Organiser la continuité et la cohérence

Cohérence et continuité sont des leviers majeurs pour gérer une marque. Ceci n’est

Les grandes étapes du management d’une marque pays Étape 1. Comprendre le contenu de la marque pays et sa problématique

Étape 2. Concevoir une plate-forme de marque authentique et distinctive

Étape 3. Créer un concept ombrelle original et le développer/décliner avec inventivité Étape 4. Développer un plan marketing multipublic

Étape 5. Établir les priorités, allouer les fonds et mettre quelqu’un en charge.

5. Nous avions à l’époque joué avec la formule « Human Friendly » pour définir le « Made in France ».

6. Cette initiative américaine privée en faveur de Brand Americaa été directement inspirée par la démarche pionnière de DDB Paris sur les marques pays.

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pas encore l’usage pour les marques-pays, et en l’occurrence la France. Et, pourtant, pouvoir se reporter à une instance durable, consulter un corpus d’informations centra- lisées et d’études régulières, disposer d’une charte au moins d’inspiration, pouvoir par- ticiper à un rendez-vous de bilan et de réflexion sur son sujet, se concerter pour piloter des actions clés dans le temps sont un minimum pour entretenir une marque.

Toutes les suggestions suivantes pour la marque France vont aller dans ce sens.

Compétence corporatede l’État

L’orchestration de la continuité et de la cohérence dans la diversité la plus extrême relève dans une entreprise du niveau corpo- rate. Pour une marque pays, ce niveau cor- porate est celui des pouvoirs publics et gagne à se situer là où la transversalité est la plus grande, soit au niveau, le plus proba- blement, du Premier ministre. Ceci sup- pose, ensuite, la coopération en réseau avec tous les acteurs potentiels : les ministères (Affaires étrangères, Économie, Culture, Sport, etc. et leurs représentations locales : ambassadeurs, consuls et conseillers divers) ; les acteurs parapublics, spécialisés dans leurs domaines : Invest in France, Sopexa, Ubifrance, Atout France, TV5/

France 24/RFI, etc. ; les entreprises : du Medef au Comité Colbert et les territoires : instances régionales, municipalités, de leurs offices du tourisme, à leur chambre de com- merce et d’industrie.

Centre d’impulsion et de coordination durable et organisation en réseau Les instances Ubifrance, Atout France, Sopexa, Alliance française, Invest in France, etc. promeuvent tous les jours la

France, mais dans leurs secteurs de compé- tences respectifs. La marque France, dans sa globalité, en revanche, ne suscite l’inté- rêt que de manière épisodique au gré des préoccupations politiques et n’a aucune ins- tance pérenne, ne serait-ce que pour capita- liser la connaissance et les expériences acquises en la matière. Personne n’est grand fan des comités ou des structures inutiles. Pour donner corps à la préoccupa- tion de la marque France, cependant, il paraît inévitable, d’envisager la création d’un Centre d’impulsion et de coordination pour organiser la mobilisation en réseau autour d’elle. Nous rappelons ici pour l’es- sentiel une proposition faite il y a déjà une dizaine d’années et qui n’engage que nous.

Ce centre de coordination et « d’impul- sion », pourrait être rattaché à l’autorité du Premier ministre, rapproché ou non du SIG.

Son rôle serait à la fois d’être :

– l’initiateur, le diffuseur ou le centralisa- teur de l’information, des études, des réflexions sur la marque France, sorte de base de ressources sur le sujet ;

– le référent d’une charte d’inspiration (au moins sur le fond) ;

– l’animateur d’un agenda de réflexions, d’actions et de rendez-vous entre les acteurs de la marque France.

Il pourrait être associé, en réseau, à un club d’acteurs publics et privés, constitués des représentants institutionnels, de territoires et d’entreprises ou associations d’entre- prises volontaires. Ce club pourrait diffuser et stimuler les initiatives dans leurs propre organisation et réseau et participer éven- tuellement plus activement à la validation et au cofinancement de certaines actions prioritaires.

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Il pourrait cogérer un hub d’accueil, d’in- formation et de veille à destination, entre autres, des journalistes étrangers en quête de données et de contacts sur tout ce qui bouge en France.

Les initiatives de cette force de proposition institutionnelle pourraient être ensuite dif- fusées en réseau aux acteurs sectoriels ou locaux, pour faciliter l’inspiration et l’har- monisation commune, sous forme de docu- ments utiles, de participation aux manifes- tations des grandes organisations publiques, parapubliques, territoriales et profession- nelles. Au besoin, un rendez-vous annuel d’information et d’échanges autour « des Frances en mouvement »pourrait être l’oc- casion de cette diffusion en réseau.

Charte d’inspiration, pool d’identité, qualification du « made in » ?

Il est d’usage pour les marques de disposer d’outils pour donner un sens à tous ses col- laborateurs et fédérer toutes ses actions sur le fond et sur la forme : plateforme de marque, signature, logo, code d’identité, code publicitaire. « Créateurs d’auto - mobile » et losange Renault, « agitateur d’idées » et logo moutarde de la Fnac, « le monde est notre invité » et la tour Eiffel d’Aéro port de Paris…, il est clair qu’il n’est pas facile pour une marque pays de se mettre ainsi un uniforme univoque et de l’imposer à tous ses membres. Les grands identifiants de la marque France : le dra- peau tricolore, Marianne, « Liberté, égalité, fraternité », sans compter le jingle de La Marseillaise, ne peuvent à l’évidence pas faire l’affaire en toutes circonstances. Nous préférons proposer le principe d’une charte d’inspiration où chacun pourrait puiser.

Sur le contenu

À titre d’exemple, dans le « Petit mode d’emploi » que nous avions élaboré, étaient proposés à l’usage de chacun :

– le mappingdes talents de la French Touch (voir ci-avant).

– une liste non exhaustive des handicaps d’image à éviter et à compenser,

– et la suggestion de quatre valeurs clés qui ne remplacent pas mais complètent les grandes valeurs corporatedu pays que sont la liberté, l’égalité et la fraternité, toujours d’actualité sur la planète, et peuvent évi- demment être repensées.

la qualité-hommeoule human friendly: une exigence de qualité intégrale qui conci- lie technologie et esthétique, valeur d’usage et plaisir, et inclut surtout le facteur humain sur toute la chaîne de valeur : de l’extrac- tion des matières premières au recyclage final en passant par le respect des produc- teurs, de l’usager et de leur environnement.

La créativité et l’innovation: une ma nière d’agir qui implique la curiosité d’esprit, la remise en question, le dépassement du statu quo ou des sentiers battus, l’explora- tion de voies nouvelles et suppose la co- création, la multidisciplinarité et la coopé- ration à plusieurs.

Le pluralisme et la diversité,qui fait de la différence l’opportunité d’un enrichisse- ment ; étend la défense de la « bio-diver- sité » à toutes les diversités culturelles, lin- guistiques, sociales ; fait valoir l’infinie variété régionale, patrimoniale, sociale, cul- turelle, économique et ethnique de la France.

Le plaisir de vivrequi pose l’aspiration au bonheur de chacun comme fin supérieure à la valeur travail ou la valeur profit.

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Sur la forme

Hormis les symboles nationaux bien connus et le code couleur bleu, blanc, rouge, il n’existe pas de charte d’identité visuelle de la marque France et cela est inenvisageable à notre sens. Mettre à dispo- sition en revanche, à titre d’inspiration encore, des connotations indicatives (élan, finesse, modernité, créativité, appétit de vivre, impertinence, humain, etc.) et surtout un pool des identités existantes parmi les acteurs privés et publics pourrait aider. De fait, tout se passe comme si une telle charte existait implicitement, parfois, si l’on regarde certains logos d’aujourd’hui (figure 5).

Qualification du « Made in France ? » Nous ne savons pas si un travail est en cours sur une forme de charte d’usage du « Made

in France ». Qualifier les conditions de son usage, envisager différents niveaux pos- sibles, pourrait contribuer à conforter et garantir son image d’exigence qualité et de transparence.

3. Contenu : mettre l’accent sur ce qui bouge

Pour tenir compte de l’effet déformant de l’image France, il ne s’agit pas d’oublier tout ce qui fait la force de l’image France, mais de dynamiser, mettre dans le mouve- ment ce qui lui est acquis et de faire émer- ger ce qui est seulement latent.

Dans les secteurs traditionnellement acquis au « Made in France » comme le luxe et la gastronomie : l’aménagement par Christian Lacroix des lignes TGV, par exemple, ou les

« apéritifs à la Française » de la Sopexa dans les principales métropoles internatio- Figure 5 –Échantillon de logos d’acteurs de la marque France

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nales, sont des manières originales de mise en valeur. Le Louvre à Metz ou son expor- tation à Dubaï sont une autre façon d’actua- liser notre patrimoine. Paris Plage et la richesse des festivals d’été, de tout acabit dans tous les coins de France, sont d’autres contributions à l’image de vitalité, de diver- sité et d’inventivité de notre atout culturel.

Mais il est tout aussi important de faire res- sortir les savoir-faire minorés : distribution, services aux collectivités locales, BTP/

architecture/urbanisme, santé et recherche médicale, TIC, éco-économie, etc. Dans le même esprit, l’accent gagne à être mis sur les traits d’image insuffisamment dévelop- pés comme la générosité et l’ouverture, l’esprit d’entreprise, le goût du risque, la capacité opérationnelle et la capacité d’adaptation. Les PME et jeunes pousses, les pôles de compétitivité, la nouvelle éco- nomie, la profusion des associations peu- vent fournir des mines d’exemples.

4. Prioriser les cibles

Le ciblage est une lapalissade du marke- ting. Nous pouvons citer des priorités assez évidentes.

Leaders d’opinion, milieux d’affaires, experts sectoriels, journalistes, grand public, etc. tous les publics ne se valent pas selon les secteurs et il en est de même en matière d’image générale.

Les journalistes des médias leaders des pays leaders d’opinionsont les relais d’opi- nion les plus rapidement accessibles et parmi eux les correspondants en France et ceux qui viennent couvrir un évènement.

Est-on sûr, par exemple que le traitement des journalistes étrangers est optimal ? À titre de suggestion, peut-être erronée, ne serait-il pas opportun d’imaginer un centre

d’accueil bien connecté et bien informé pour leur faciliter les démarches à la décou- verte d’une France qui bouge et invente ? Par pays leaders d’opinion, nous entendons : les traditionnels États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Japon, Australie, etc., auxquels viennent s’ajouter les Brics. Les pays cou- sins de la Francophonie, de l’Afrique aux Amériques, au Pacifique sont aussi une cible précieuse. Sans oublier, certes, nos partenaires européens.

Les jeunes générations et, en particulier, les étudiants/diplômés des grandes écoles de ces mêmes pays leaders.

Une stratégie d’implantation sur le net est peut-être en cours, nous l’espérons. Dans cet esprit, en tout cas, une réelle dynamique s’observe du côté de l’audiovisuel franco- phone, avec la réunion radio-TV-internet et l’heureuse initiative d’une version en langue arabe semble avoir trouvé une réelle légitimité à l’occasion du « printemps arabe ».

5. Ne pas oublier les nationaux, qui sont les acteurs majeurs de la marque France S’il fallait vraiment choisir la cible priori- taire pour un travail à long terme sur la marque France, on pourrait se demander si ce ne sont pas les Français d’abord dont il conviendrait de se préoccuper. Ils sont le

« public interne » de la marque France.

C’est par eux, par leurs manières d’être et leurs actions en France et à l’étranger, que son image se véhicule. C’est par eux que le stéréotype du français et de la France se perpétue, du chauffeur de taxi à l’homme politique, du vacancier à l’expatrié, de l’ambassadeur au « French doctor », de l’in- génieur au sportif de haut niveau.

Il est de coutume de se préparer au voyage à l’étranger en s’informant sur les us et cou-

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tumes et les singularités des étrangers. Il n’est pratiquement jamais évident qu’il est tout aussi, voire encore plus important, d’avoir conscience de sa propre manière d’être et de la manière dont on est perçu a prioriau travers de son étiquette nationale.

Dans l’idéal, cette prise de conscience devrait concerner, non seulement le corps diplomatique et les organismes publics en contact avec l’international, mais aussi tous les autres publics potentiellement suscep- tibles d’être en contact international dont : – les étudiants des grandes écoles et des grands cycles universitaires, au travers d’un programme sur le multiculturel en incluant, en premier lieu, la logique d’image de la marque France et comment y contribuer ; – les cadres d’entreprises qui préparent les appels d’offres, commerciaux à l’interna- tional et expatriés ;

– tous les personnels d’accueil du tourisme, de loisirs et d’affaires. Des campagnes sur le sourire, sur la propreté, sur le sens du ser- vice ont été lancées à plusieurs reprises à

l’initiative d’Atout France. Mais on peut se demander si cela ne devrait pas figurer dans les formations à ces métiers.

Et pourquoi pas les vacanciers qui partent à l’étranger ? Nous avons en notre temps publié un petit mode d’emploi pour les acteurs politiques et économiques de la marque France. Aux États-Unis, Business for Diplomatic Action avait imaginé un petit passeport pour tous ses ressortissants.

6. Mesurer et agir sur les modes de mesure et de classement

Aucune marque ne se gère sans un suivi régulier de ses indicateurs. Certains éléments de suivis peuvent venir d’études ou panels sectoriels, d’autres lui sont spécifiques.

Suivi périodique

Pour la marque France, il existe des études régulières pour le tourisme pilotées ou syn- thétisées par Atout France et certainement d’autres, par exemple chez Ubifrance ou Invest in France, pour mesurer l’attractivité de la France auprès des publics concernés.

Figure 6 –Actions de promotion d’initiative privée pour une marque pays

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Des études ponctuelles sont sans doute menées aussi par ces mêmes acteurs secto- riels. Mais il nous semble qu’il n’existe pas un outil transversal de suivi régulier, baro- métrique, que celui-ci soit la compilation d’études thématiques régulières ou issue d’une étude régulière unique transversale. Il serait possible pourtant d’imaginer un dis- positif de suivi, raisonnable, pouvant inclure plusieurs composantes :

– une étude d’opinion, auprès des leaders d’opinion ciblés sur les pays leaders, per- mettant de brosser l’image globale : person- nalité, attractivité générale et sur certains critères/usages, perception du « made in » en général, connaissance des secteurs…

– un suivi presse sur les informations des pays leaders d’opinion ;

– une veille internet à calibrer ;

– une compilation des classements inter - nationaux ;

– une compilation des performances secto- rielles.

Agir sur les rankings

De concert avec toutes les autres marques- pays, la marque France ne cesse d’être clas- sée dans une multitude de classements internationaux, qui reposent le plus souvent sur un modèle sous-jacent anglo-saxon et privilégient certains critères plutôt que d’autres. Une première manière d’influer sur les rankings, par exemple, celui des grandes écoles, est évidemment de devenir très vigilant sur les critères retenus et de

cibler les efforts réels et/ou l’information sur ceux-ci. Une deuxième manière est de participer à la création d’autres rankingsou d’en créer soi-même et d’organiser le buzz autour.

Sur la scène internationale, les acteurs se multiplient et la compétition devient plus rude pour les marques pays. La marque France fait encore partie des marques lea- ders et dispose d’un très important poten- tiel. Mais avec le glissement du centre de gravité de l’Ouest vers l’Est et des anciennes grandes puissances aux nou- velles puissances émergentes, elle ne peut plus vivre sur ses acquis et laisser ses indi- cateurs se dégrader sans rien faire. Il est beaucoup plus complexe de gérer une marque pays qu’une marque ordinaire et le management relève plus de l’orchestration des efforts de chacun que du dirigisme.

Tous les nationaux, chacun à sa mesure, sont, en effet, acteurs de leur marque pays.

Seuls les pouvoirs publics, cependant, peu- vent donner l’impulsion et favoriser la coordination. Le premier pas est d’en affir- mer l’intention. Le deuxième qu’il y ait une instance durable pour qu’un effort cohérent dans le temps puisse avoir un impact sur le cours naturel des choses. Le troisième que l’impulsion soit suffisam- ment inspirante, opérationnelle et ouverte pour qu’elle se diffuse en réseau et que les acteurs aient envie de la relayer et de prendre eux-mêmes des initiatives.

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