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Nouvelle loi sur la PMA : un bricolage nécessaire

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Elles sont à disposition sur Internet :1 il faut lire les discussions du Parlement qui ont mené au projet de loi concernant la procréation médica- lement assistée (PMA) sur lequel nous allons voter. C’est un immense méli-mélo d’arguments et de logiques, souvent incompatibles. S’enche- vêtrent des raisonnements faisant appel à quan- tité de croyances, de non-dits, de visions du monde. Chaque politicien-orateur, ou presque, propose sa propre échelle de l’admissible/

inadmissible. Le bien de l’enfant à naître, la souf- france des couples, la santé de la mère, le sta- tut de l’embryon, la diversité future des person- nes humaines et les dérives possibles, proches et lointaines, de la PMA : la difficulté n’est pas d’énoncer tout cela mais d’articuler l’ensemble et de trancher dans les dilemmes. Aucun parti politique ne dispose de repères bioéthiques et d’objectifs adaptés. A la fin, le Parlement est arrivé à un compromis qui apparaît boiteux, illo- gique, bricolé.

Qu’importent cette démarche à tâtons et les décisions en demi-teinte, en réalité. Tout autre résultat est probablement impossible dans une société pluraliste comme la nôtre. Comment atteindre un consensus lorsqu’il s’agit d’affron- ter des problèmes radicalement nouveaux ? Pous sés par les biotechnologies, nous errons collectivement, sans véritable cadre permettant des affrontements clairs, comme c’est le cas pour les classiques problèmes politiques.

A l’impossible création d’un cadre se mêle une autre difficulté : en plus de modifier le monde matériel, les technologies transforment de ma- nière continue nos conceptions de la vie et nos aspirations. Il suffit de tourner son regard sur les dix dernière années pour voir que non seule- ment les progrès technologiques ont ringardi- sé les anciennes décisions, qui nous servaient pourtant de garde-fous, mais qu’en même temps ils ont fait évoluer le regard éthique collectif. En inscrivant les règles pratiques de la PMA dans la Constitution, notre pays cherchait peut-être à solidifier ce qui lui semblait constituer des limi tes indépassables. Voilà qu’il faut pourtant les modifier. On pourrait bien sûr ne pas le faire.

Estimer que non, l’évolution technique des PMA ne change rien au problème. Mais chez les po- liticiens et dans la population domine le senti- ment que cette attitude n’est pas tenable. Elle ne mènerait qu’à figer notre médecine repro- ductive dans des pratiques d’il y a dix ans – pourquoi s’arrêter à ce moment plutôt qu’à un autre ? – de plus en plus décalées par rapport au savoir mondial.

Plusieurs problèmes découlent de la loi ac- tuelle sur la PMA. Concernant la procédure de la fécondation in vitro : seuls trois embryons peu-

vent être conservés jusqu’à l’implantation et tous sont généralement implantés. En conséquence, le taux de grossesses multiples liées aux PMA est deux fois supérieur en Suisse que dans les autres pays développés aux lois moins contrai- gnantes. Ces grossesses multiples ont des ef- fets sur la santé des mères. Mais surtout, elles sont dangereuses pour les enfants, entraînant en particulier un risque élevé de prématurité, au gigantesque coût humain et économique.

Avec la nouvelle loi, les médecins suisses pourront enfin pratiquer le «transfert électif d’un embryon (eSET)».2 Autrement dit, laisser les embryons évoluer jusqu’au cinquième jour puis sélectionner celui qui semble le plus dynamique et viable. En moyenne, sur six ovules fécondés, un seul se développe normalement. Grâce à l’eSET, les chances de grossesse sont iden- tiques à l’actuelle procédure, mais le fait de n’im- planter que l’embryon le plus adéquat réduit considérablement les risques de grossesse multiple.

Une remarque, cependant. A la sortie de la machine parlementaire à fabriquer du compro- mis, on est passé d’une ancienne limite de trois à une autre de douze embryons. Au plan médi- cal, le progrès est immense, puisqu’il devient possible de pratiquer un eSET. Mais quand même ! Pourquoi douze et pas tous les em- bryons que les ovules prélevés à la mère ont permis de former ? Etrange manière de se ras- surer en posant des bornes. De nouveau, le Par- lement dicte aux médecins la manière de pro- céder. Hormis l’Allemagne, aucun autre pays ne limite le nombre d’embryons pouvant être développés dans un cycle de traitement. Aucun n’oblige à gaspiller des ovules obtenus au prix de risques et de souffrances pour la mère.

Si on veut que la médecine offre le mieux aux patients, il n’y a pas le choix : il faut la laisser évo- luer continuellement, au sein d’une confrontation internationale. Comme l’écrit la Commission nationale d’éthique (CNE) dans son rapport sur les PMA,3 «une révision légale ne devrait pas…

proposer des limites même "élargies" qui ne per mettent pas d’assurer une pratique con for me aux standards actuellement reconnus». Suit cette remarque importante : «De telles limites rendent les pratiques suisses inévaluables au regard des standards internationaux et rendent l’information adéquate des personnes concer- nées difficile, voire contradictoire.» Comment, en effet, décrire une PMA proposée à un cou ple pour obtenir son consentement, si elle se pra- tique «à la Suisse», donc sans comparaison sérieuse avec les autres pays ?

A propos du diagnostic préimplantatoire (DPI) aussi, le Parlement s’est lancé dans d’intenses

échanges. Il a finalement décidé de l’autoriser dans le projet de loi, et donc de suivre la logi- que des 27 pays de l’Union européenne l’ayant déjà adopté. Mais il en a limité les indications : elles sont les mêmes que pour le diagnostic prénatal (la CNE avait proposé que puisse se pratiquer un dépistage des aneuploïdies, mais elle n’a pas été suivie). Certains partisans d’un refus ont argumenté en disant qu’un avortement est un acte négatif, détruisant une vie, alors que le DPI serait un acte positif, choisissant une vie et éliminant les autres. Selon eux, l’éthique peut admettre la destruction mais en aucun cas la sélection. Drôle de raisonnement. Dans les deux cas, il y a destruction. D’une seule vie, mais nettement plus développée dans l’avor- tement. De plusieurs vies, mais très primitives dans le DPI.

La grande source d’affrontement et d’illogisme à propos des PMA, c’est le statut de l’embryon.

Si l’on estime qu’il est une personne humaine dès la fécondation, il faut interdire non seule- ment le DPI, mais aussi le diagnostic prénatal et la fécondation in vitro. Peut-être faudrait-il aussi «sauver» les embryons éliminés naturel- lement, dans les ratés du développement ou de la nidation. Pour la position «gradualiste», selon laquelle l’embryon a un statut d’humanité croissante au cours de son développement, le DPI vaut beaucoup mieux que le diagnostic prénatal. Et les fécondations in vitro doivent se faire avec l’ensemble des embryons disponi- bles. Pour ceux enfin qui pensent que l’humain n’a droit au respect qu’au moment de la nais- sance, aucune procédure ne pose de problème.

Bien sûr, comme beaucoup de technologies, le DPI recèle des risques de dérive. S’il était utilisé comme outil de sélection des caractéristiques humaines, il pourrait servir à réaliser certains aspects de nos fantasmes de perfection et de performance. Mais la réponse à ce danger doit être un débat démocratique continu, une vigi- lance éthique. Non l’interdiction d’une pratique qui permet de contrer le fatalisme des lois de la biologie. Autrement dit, qui appartient aux dé- marches les plus caractéristiques et les plus nobles de l’humanité.

Bertrand Kiefer

Bloc-notes

1096 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 13 mai 2015

1 www.parlament.ch/ab/frameset/f/s/4915/443623/

f_s_4915_443623_443624.htm

2 Voir l’excellent article : Imthurn B. Oui à une procréation médicalement assistée moderne. Bull Med Suisse 2015;

96:512-4.

3 La procréation médicalement assistée. Considérations éthiques et propositions pour l’avenir. Prise de position no. 22/2013.

Nouvelle loi sur la PMA : un bricolage nécessaire

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