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23 mai 2012actualité, info
point de vue
Avec le temps, il faut imaginer le journaliste médical ronchon. A for
tiori quand il a fait sa médecine avant, faute d’être rassasié d’aven
tures, de cingler vers l’océan jour
nalistique papier et généraliste.
Ils sont encore quelquesuns dans ce cas. Dont, en France, Martine Perez. Au Figaro, elle couvre depuis plus de vingt ans les sujets science et médecine. C’est ainsi qu’elle est présentée en quatrième de cou
verture d’un ouvrage 1 qui sort des rotatives numériques Prosper d’une imprimerie verte de la ban
lieue rouge de Paris. Pour le compte de l’éditeur parisien Odile Jacob, bien connu de longue date des amateurs d’ouvrages à succès de vulgarisation médicale et scientifique.
Ainsi donc plus de vingt ans passés à traduire au mieux les avancées (et les reculs) du savoir et de la pratique médicale, les positives beautés et les côtés parfois misé
rables d’un art qui se nourrit de sciences. Et encore : l’émergence de la biologie génétique dans le champ du diagnosticdépistage (faute de pouvoir bouleverser celui de la thérapeutique) ; la prise en compte des affections nées des existences humaines chaque jour plus longues ; le corsetage progres
sif des médecins par ceux (assu
reurs privés ou pas, dirigeants de Big Pharma) qui ont la haute main sur les cassettes. Plus de vingt ans
à prendre la mesure de ce que peut être une crise, une affaire, un scan
dale sanitaire. Avec parfois ses conséquences judiciaires.
Elargissons ici un peu la focale temporelle. De notre point de vue, l’époque s’est ouverte avec les années 1980 et le scandale du Distilbène avant de se clore (mo
mentanément) par celui des pro
thèses mammaires de fabrication française et de marque PIP. Entre ces deux dossiers nous eûmes à faire avec les affairesscandales du sang contaminé (par le VIH), de l’hormone de croissance extractive contaminée (par un prion patho
logique), de la vache devenue folle pour avoir été contaminée (par un autre prion pathologi que).
Et encore une canicule (en 2003), une redoutable grippe aviaire (et qui pour l’essentiel le demeura), une grippe pandémique (redouta
blement atypique) et des scandales médicamenteux à foison. Dont l’étrange et omniprésent Médiator.
Sans oublier la montée des refus vaccinaux et celle du principe de précaution. Sans oublier non plus une hiérarchie journalistique auto
dissoute avec sa conséquence : l’émergence quasimensuelle de nouveaux scandales généralement invisibles car imperceptibles et environnementaux. Dans ce con
texte, la tentation est grande (pour le journaliste médical) d’imaginer (le temps passant) que le moment
est venu pour lui de remettre un peu d’ordre dans le magasin des scandales. Et que cette tâche lui revient de droit. Mme Perez y suc
combe avec le tabac en qui elle voit
«le plus grand scandale de santé publique». Le tabac que l’on doit, selon cette grande et paradoxale libérale, interdire. Et en urgence s’il vous plaît !
Comment ne pas partager son point de vue ? On adhère volon
tiers à son combat comme on ap
plaudirait à l’inconscient qui oserait faire de même avec les boissons alcooliques, les casinos et tous les jeux de hasard. Interdire tout ce qui est objet d’assuétude majeure et source de pathologies multiples. Et interdire en urgence.
A dire vrai dans un monde idéal la question du tabac serait, depuis bien longtemps, tranchée. Une re
lation de causalité établie depuis plus d’un demisiècle ; des centai
nes de milliers de morts prématu
rées à déplorer chaque année ; un phénomène dont personne n’ose plus contester la dimension de fléau sanitaire majeur. Et, qui plus est, des centaines de millions de fumeurs qui aimeraient en finir avec une consommation qui ne leur procure plus aucun plaisir mais qui est souvent source récur
rente de dégoût.
Tout est en place et rien ne se fait.
Estce là que se situe le scandale, si scandale il y a ? On laissera aux lecteurs le soin de passer au trébu
chet les arguments développés par l’auteure. Et tout particulière
ment son programme de sortie du tabac comme d’autres rêvent (en France notamment) de sortir du nucléaire. A cette nuance près que l’on imagine mal une électricité
issue du nucléaire fabriquée de manière illégale et vendue en con trebande. Et avec cette donnée essentielle qui veut que si la con
sommation de tabac coûte (très cher) à la collectivité, cette même consommation (lourdement fisca
lisée) lui rapporte également gros.
Comment organiseton le sevrage collectif d’une drogue dure et lé
gale dans un espace démocratique contemporain ? Il ne semble pas que l’ouvrage – qu’il faut enten dre comme un cri d’alerte – fournisse une réponse.
Exposée sur le site de Planetesante.
ch 2 la dernière initiative antitabac prise aux EtatsUnis par les Cen
ters for Diseases Control and Pre
vention (CDC) vient rappeler les limites de l’action des pouvoirs publics. Et ce rappel est fait dans un pays qui garde la mémoire, avec la prohibition des boissons alcooliques (19201933), des dé
gâts multiformes induits par un sevrage imposé à marche forcée.
Les CDC offrent désormais aux citoyens américains, sous diverses coutures, la vision et les paroles des victimes du tabac. Et ces vic
times exhortent leurs semblables à ne pas commettre la même erreur qu’elles. Un acte personnel de con
trition en somme, destiné à faire peur au plus grand nombre.
C’est aussi là le dernier épisode en date d’une longue histoire schizophrénique qui dans chaque pays voit s’opposer (en coulisses) le ministre de la Santé à celui des Finances, le buraliste au pneumo
logue ; l’allergique affiché au con
sommateur honteux. Qui l’empor
tera étant bien entendu qu’une tendance lourde fait progressive
ment du fumeur un paria qui doit à la fois se terrer et faire peur.a En quelques décennies nous nous sommes habitués à voir la puis
sance publique réduire progressi
vement, au nom de la santé de tous, le libre arbitre des consom
mateurs de tabac. Il s’agit pour l’essentiel d’augmenter les prix. Il s’agit aussi d’exiler les consom
mateurs en les parquant dans des espaces de plus en plus réduits où ils peuvent d’adonner à leur addiction sans nuire à la santé des nonfumeurs. Et il s’agit aussi de faire peur. Aux fumeurs (en appo
sant des messages et/ou des slo
gans) sur les paquets de leur drogue ; aux autres en leur propo
sant d’écouter les premiers dire leurs souffrances.
Fumer tue. Fumer rend impuis sant(e).
Fumer va vous conduire plus vite
La journaliste, le tabac et les grands scandales
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qui se borne à raconter et, autant que faire se peut, à décrypter ce qui se passe et se trame autour de lui ? Ronchon ? Allons, avec le temps il faut aussi imaginer le journaliste médical heureux. Ou presque.
Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com que prévu à la déchéance physi que
avant de vous priver cruellement de la vie. La puissance publique omet dans le même temps d’affi
cher sur chaque paquet la part du prix d’achat qui gagne directement ses caisses et l’usage qui sera fait de cette somme. Elle pourrait aussi, la même puissance publi que, afficher sur les mêmes paquets les coûts que prend en charge la col
lectivité (celle des fumeurs et de ceux qui ne le sont pas – ou plus) pour un cas de cancer broncho
pulmonaire ou de bronchopneu
mopathie chronique obstructive.
Pour l’heure on pianote sur les images et les slogans censés ef
frayer. Et l’on augmente les taux de la gabelle sur un produit qui transforme en esclaves celles et ceux qui le consomment.
Dans ce triste paysage le journa
liste doitil se transformer en mi
litant ? Fautil au contraire qu’il poursuive cette assez noble tâche
a Afin de prévenir tout risque de malenten
du l’auteur de ces lignes se doit de préci
ser qu’il n’a jamais consommé de tabac, qu’il ne milite dans aucune association antitabac et qu’il lui arrive de côtoyer, ici ou là et parfois sans déplaisir, des fu
meurs et/ou des fumeuses.
Bibliographie
1 Perez M. Interdire le tabac. L’urgence.
Le plus grand scandale de santé publi
que. Paris : Editions Odile Jacob, 2012.
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