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Sur les hauts de Thonon et d'Evian: des lacs à protéger
SESIANO, Jean
SESIANO, Jean. Sur les hauts de Thonon et d'Evian: des lacs à protéger. Arve Léman Savoie nature, 1990, no. 62, p. 1-5
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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:154547
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::>SUR LES HAUTS DE THONON ET D'EVIAN DES LACS A PROTEGER
1 :
INTRODUCTION
J.
SESIANô
Département de Minéralogie
13, rue des Maraichers - 1211
GENEVE
4Dans le cadre d'un inventaire de tous les plans d'eau de
' .
Haute-Savoiè, le Léman et le lac d'Annecy non compris, nous avons ét• amenés à étudier leur origine, leur équilibre (àffluents,
~ffl~ents, éva~~rati6n>, leùr~ paramètres physic~-chimiques et, poc.ir certains; leur hydrogéologie. De nombreuses visites à ces
m~mes lacs ont été faites, afin de cerner au mieux leurs
fluctuati~ns saisonriières. Ce t~avail, qui touche~ sa fin après
s~pt an~ d'observations, ne représente en fait, pour beaùcoup de
~laris " d'e~u. qu'une première approche.
Eri
effet, ~~rtaines~e6~erdh~s devront êtr~ approfondies au vu de ces résultais
pré
i' i mi na i rés, ma· i s · ce 1 a permettra une concentration sur des cas particulièrem"ent inté'ressants ou plus spécialement complexes.C'est ainsi que dans le Chablais, à moyenne altitude, · entre 600 et 950 m, nous avons examiné deux groupes de lacs situés de part et d'autre de la Dranse, l'un derrfère Thonon, l'autre au-dessus d'Evian.
2 . Les "VOUA" OU "TI NES"
Cet ensemble, formé de trois plans d'eau libre et d'un certain nombre de zones déprimées humides, recouvertes d'eau en certaines occasions, est situé au pied des Préalpes, à quelques kilomètres a~ sud d~ Thonon, entr~ Orcier et Noyer.. L'altitude
~st de 600 m environ. Leur origfn~ a fait l'objet de riombreuses hypothèses. Dans un volumineux ouvrage écrit en 1802, A.
·BEAUMONT
nient i onne ces lacs,a 1
ors au nombre de cinq, appe"l és ''lacs du Camp". Il les estime "très profonds èt poissonneux".Plus près de ·nous, A.
FAVRE
(1867) pense que les dépressions de ceite régi~n scint d~e~ à des ' ~ffouillements laissés par la Dtanse qui "si écoulait, lors du retrait du glacier rhodanien, entra le front d~s Préalpes et la co(lirie d~~ Allinges.Quant à H.
DOUXAM I
< 1903>,
il y voit un effet de1
a dissolution du gypse en profondeur, gypse affleurant en bordure de la Dranse sous Armoy, suivi d'un effondrement des terrainsle recouvrant et de la création d'entonnoirs.
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Pour E. GAGNEBIN (1937), les "voua" ont été formés par des fragments de glace morte, abandonnés par le glacier du Rhône, alors en net recul <interstade de Bolling, env. 15000 ans BP, BP
=avant le présent). C'est un phénomène identique à celui observé actuellement au voisinage d'un glacier en recul, dont la langue abandonne des fragments de glace parfois très volumineux, recouverts de matériaux morainiques. Ces masses vont fondre très
lentement sous leur manteau protecteur, avant d'abandonner, là où elles stagnaient, des dépressions dans les dépôts morainiques.
Colmatées par de fines particules d'argile, celles-ci se rempliront d'eau progressivement. BURRI (1963) hésite entre cette hypothèse et celle basée sur la dissolution du gypse triasique sous-jacent <suffosion). Pour OLIVE .<1972), les terrains environ- nants sont caractértstiques d'un dépôt sur le fond d'un lac entre un rivage <monts d'Hermone) et Ja langue du glacier du Rhône, alors en recul. Des blocs de _ glace morte, à la dérive, qui y ont été abandonnés ou _ échoués, ont vu par exemple des sédiments s'accumuler autour d'eux lors d'une débâcle, avant de fondre et . - d'engendrer 1 es dépressions des "voua". C'est __ du reste 1 'avis de SERRA-BERTRAL dans sa thèse < 1976), ainsi .que le nôtre. Les ''voua" sont donc d 1 origine glaciaire et peuveri:t être considérés comme _des regards suri~ nappe occupant la terrasse dans laquelle
ils sont excavés. ~~·. :; ~
3. PLANS D'EAU DE LA REGION DE LA BEUNAZ
Toute la région entre Larringe.s et Thollon, 6 km au sud-est d'Evian, au-dessus de 850 m, semble ~'être:maintenue en marge du glacier du Rhône, au Würm récent .• ~ ~ritre .; 1 2 7000 et 14000 BP.
En effet,
maximale : de
entièrement recouverts de _ vallums morainiques
la confluence entre le glacier
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mo,uvement des glac_iers, les cinq lacs de la Beuq.a.z , cartes . Ils sont donc. eux·
anciens que les "voua"'.
glaciers locaux
~allée d~ Berriex .
le : ~ e sont certaines mais plus
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- 3 -4. DANGERS MENACANT CES PLANS D'EAU
Que cela soit pour les "voua" ou pour les lacs des environs de la Beunaz, les dangers sont les mêmes : le comblement, dest.in .inexorable de tous les lacs. Ce phénomène n'est cependant. pas celui de la nature qui, lui, est causé par un lent envahissement de la végétation ou par les sédiments apportés par des affluents, car ces plans d'eau en sont prat~quement dépourvus : leur nive~u varie selon les précipitations et selon le niveau de la .nappe.
Mais le problème vient de l'homme, qui cherche à remblaye~ ces dépressions "inutiles".
Examinons brièvement la situation de chacun des plans d'eau.
Un des lacs de la Beunaz, le plus septentrional des trois se trouvant dans le bois du Fayet, peu profond il est vrai, . a disparu en une dizaine d'années (décharge officielle et
incinérateur). Le lac de la Beunaz (env. 1,8 ha et 10 m de profondeur max.) exploité touristiquement, est à l'abri de pareille mésaventure, de même que son proche voisin (env. 0,65 ha et 6 m de profondeur max.), seul plan d'eau parmi ceux dont nous
p~rlons ici, à avoir un affluent et un émissaire. Ses rives sont malheureusement parsemées de déchets variés. On peut remarquer .fci ~u'à une époque antérieure, reliés par le sud, ces deux lacs
n'en faisaient qu'un, sorte de gigantesque fer à cheval .
...
Quant aux deux autres lacs, également dans le bois du Fayet, le Creux Bochet (0,3 ha et . env. 5 m de prof. max.>, et la Grande Gouilla (0,4 ha et 5 .~ de prof. max. en hautes eaux, mais
s '. ~ss~chant presque totalement lors d'étiages marqués), ils sont laiss .. és à _eux-mêmes, envahis par la végétation, ce qui est normal, mais aussi par des ordures de toute sorte et de nombreux fôts vides, ce qui l'est moins. Quant au Creux Crozat, sur le versant de l'Ugine, sous la route de la Beunaz à Bernex, il est en voie de comblement naturel. Des glissements de: terrain successifs ont empiété toujours plus sur le lac, et il ne reste plus qu'un plan d'eau moribond. Là encore, le processus est
nature~, même s'il y a eu surcharge par un bâtiment au haut du talus dominant le lac, il n'y a rien à redire.
En ce qui concerne les "voua", seul le plus occidental, le "voua" .de la Motte <0,4 ha et env. 9 .m de prof. max.) est en a_ssez bonne condition. Quant au "voua" Baudet .. .. C env.. 1 , 1 ha et 4 m de prof. max. en hautes ea~x), il s'assèche presque totalement
lors d'étiages prolongés ; il est fréquenté par des pêcheurs,
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comme 1 es autres "voua", mais aussi par des gens qui y abandonnent des déchets variés. Ses rives ne sont donc pas très propres ; ses larges fluctuations de niveau < plus de 2 m ) en rendent parfois le fond visible, avec tout ce qui y a été jeté
~pneus, bouteilles, fûts, etc ... ) . Finalement, le "voua" Bénit (env. 0, 7 ha et 5 m de profondeu~ max.) : malgré son nom, c'est celui dont la situation est la pl~s préoccupante. En effet, sa cuvette est comblée progressivement à son extrémité sud par la décharge du Lyaud, et sur sa rive est, c'est une porcherie qui y déverse son lisier, indirectement et malgré la présence d'une
fosse . C'est pourquoi l'eau du lac présente une teinte verte marquée <état eutrophe très avancé), et il est même inquiétant d'y naviguer pour y faire des prélèvements d'eau, à l'odeur nauséabonde, parmi des plaques flottantes de matières organiques suspectes, semées de bulles.
5. CONCLUSIONS
Nous avons présenté en quelques lignes les plans d'eau de la Beunaz et les "voua". Ces deux milieux sont d'origine glaciaire, mais d'époques différentes Cgl6balement, entre 50000 et 12000 ans BP>. Ce sont des zone~ humides iri~éressantes, tant par leur flore que par la faune qui s•Ç 'développe; pour autant que le plan d'eau ne soit pas déjà dans un étàt par trop délabré. Les eaux ne s'y renouvelant en général que par infiltrations (regard sur la nappe phréatique), tout ' débris abandonné dans ia cuvette lacustre y restera. Ils ne subissent qu'une faible pression humaine, sauf le lac de la Beunaz, exploité touristiquement. Tous les autres ne voient défiler que des pêcheu~~ ou~e rares promeneurs : il est vrai que ces
n'àttirent pas C'est le
dormantes '~!'·et~';' ' sombres, sinistres parfois.
for~ : ~e~ieu~ement.
"voua" séni t • 'QUi'
e:~t' ·:~actuellement
le olus menacé par les ·déchàrges.déjà disparu, comblé, il serait
des études informations palynologie, Centre
depuis plusieurs années.
ayant voisin nappe,
de Genève et au sont déjà en cours
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Un autre point semble néanmoins plus inquiétant. Depuis plusieurs années qua nous suivons ces plans d'eau, leur niveau moyen ne cessa de s'abaisser, nonobstant les fluctuations climatiques (déficit da précipitations sur certaines années).
C~la ne reflète-t-il pas l'utilisation plus intense des eaux de la nappe par la développement galopant de l'habitat régional ? Dans ce cas, il faudrait peut-être envisager une recharge artifi- ciel le de la nappa à l'aide de la Dranse (hauteur de relèvement plus faible que depuis le Léman), au niveau des "voua" comme cela a été fait dans la zone urbaine Annemasse - St Julien - Genève, en injectant dans la nappe des eaux de l'Arve.
Une prise de conscience pour la sauvegarde de ces plans d'eau est donc nécessaire, même si leur "utilité" n'apparait pas immédiatement. Il serait dommage de faire disparaitra à jamais ces riches biotopes, témoins des périodes glaciaires.
6. BIBLIOGRAPHIE
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~éodynamiques, Thonon .
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