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Soixante années d'existence d'un droit à l'alimentation depuis la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

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Soixante années d'existence d'un droit à l'alimentation depuis la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

SOMA, Abdoulaye

SOMA, Abdoulaye. Soixante années d'existence d'un droit à l'alimentation depuis la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Point Sud : regards sur le monde, 2008, no. 31, p. 6-8

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:5690

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Titre : Soixante années d’existence d’un droit à l’alimentation depuis la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

INTRODUCTION :GÉNÉRALITÉS SUR LA DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME ET LE DROIT À LALIMENTATION QUELLE RECONNAÎT

La Charte des Nations Unies, signée à San Francisco le 26 juin 19451, a amplement proclamé l’engouement de l’ONU à promouvoir le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales pour tous2. Censée développer cette dimension protectrice de l’ONU, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), a été adoptée à Paris et proclamée par l’Assemblée générale de l’ONU dans sa Résolution 217 A (III) du 10 décembre 19483. Reflétant « l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations »4, cette « grande Charte de l’humanité », qui est la première « réalisation remarquable » de la Communauté internationale dans le domaine des droits de l’Homme, reconnaît le droit à l’alimentation dans le cadre général de son article 25 sur le droit à un niveau de vie suffisant. Cet article 25 dispose que «toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation (je souligne), l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. La maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales». Le droit à l’alimentation vient ainsi de trouver sa première consécration formelle dans un instrument universel, il y a une soixantaine d’années.

Techniquement, le droit à l’alimentation ou encore droit à la nourriture a été défini par le Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels, qui est l’organe le plus compétent à cet égard dans le système de protection des droits de l’Homme par l’ONU. Ce Comité estime que « le droit à une nourriture suffisante est réalisé lorsque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul ou en communauté avec d’autres, a physiquement et économiquement accès à tout moment à une nourriture suffisante ou aux moyens de se la procurer»5. Plus simplement, le droit à l’alimentation signifie le droit de toute personne de disposer d’une nourriture qui lui est quantitativement suffisante et qualitativement adéquate pour être dans des conditions nutritionnelles décentes, pour ne pas souffrir de faim, de sous-alimentation ou de malnutrition. C’est un droit fondamental de la personne, un droit attaché à tout individu en raison de son appartenance au genre humain, sans distinction aucune, consacré par la DUDH aux origines de l’ordre mondial contemporain établi dès le lendemain de la seconde guerre mondiale6.

1 SZUREK Sandra, La Charte des Nations Unies. Constitution mondiale ?, in sous dir. COT Jean-Pierre, PELLET Alain, FORTEAU Mathias, La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Paris, Economica, 2005, 3e éd., vol.I, p.29-68.

2Nation Unies, Activités de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme, New York, Nations Unies, 1975, p. 5 et ss.

3 Pour un exposé approfondi sur l’origine de la D.U.D.H., le processus et le contexte de son élaboration et de son adoption et pour un commentaire général de son contenu, consulter MORSINK Johannes, The universal declaration of human rights, origines, drafting, and content, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1999, p.2 et ss.

4 C’est ainsi que le Préambule de la DUDH la caractérise.

5 Nations Unies, Comité DESC, « Le droit à une nourriture suffisante (art.11) », Observation générale n°12, 12 mai 1999, §6.

6 Pour quelques propos généraux sur le droit à l’alimentation, consulter SOMA Abdoulaye, Droit de l’Homme à l’alimentation : contenu normatif et mécanismes juridiques de mise en œuvre, mémoire de D.E.A., Genève, Université de Genève, sous dir. Pr. MALINVERNI Giorgio, février 2006. Accessible sur le site de l’Agence

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Voyons comment ce droit à évolué depuis (I) et qu’en est-il actuellement (II).

I : EVOLUTION NORMATIVE DU DROIT À LALIMENTATION À TRAVERS LES INSTRUMENTS JURIDIQUES PROCÉDANT DE LA DUDH

La DUDH est effectivement devenue l’étalon d’évaluation permettant de déterminer la mesure dans laquelle sont respectées et appliquées les normes internationales des droits de l’Homme par les Etats. Elle est la plus importante et la plus influente de toutes les Déclarations de l’ONU. Elle est une source d’inspiration abondamment évoquée dans plusieurs instruments et activités diligentés par les Nations Unies, les organisations internationales, les Etats et les personnes privées7. A son soixantième anniversaire, le rayonnement normatif de la D.U.D.H. est unique et sans précédent8.

Au niveau universel, La DUDH a directement inspiré l’adoption de diverses conventions de protection des droits de l’Homme, notamment le Pacte de l’ONU sur les droits civils et politiques et le Pacte de l’ONU sur les droits économiques, sociaux et culturels, tous adoptés le 16 décembre 1966. Ce dernier instrument reconnaît le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant, y compris le droit à l’alimentation de chaque individu humain, quelques 18 ans après l’article 25 de la DUDH. Au surplus, l’ONU a garantie le droit à l’alimentation à certaines catégories particulière de personnes, comme les femmes9, et les enfants10, entres autres.

Au niveau européen, La DUDH a servi de fondement à l’adoption des instruments tels que la Convention européenne des droits de l’Homme du 4 novembre 1950, qui est d’ailleurs le premier traité régional des droits de l’Homme visant à mettre en œuvre les dispositions de cette Déclaration, ainsi que la Charte sociale européenne de 1961, révisée le 3 mai 1996.

Même si ces instruments européens ne consacrent pas explicitement le droit à l’alimentation, ils contiennent des dispositions de protection sociale qui peuvent engendrer une certaine garantie de ce droit.

Au niveau américain, la Convention interaméricaine des droits de l’Homme conclue le 22 novembre 1969 procède elle aussi de la DUDH. C’est plutôt son protocole additionnel n° 1 traitant des droit économiques, sociaux et culturels adopté en 1988 qui reconnaît le droit de toute personne à une alimentation adéquate, en son article 12.

Au niveau africain, fondées sur la DUDH, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples du 27 juin 198711, son protocole facultatif n°2 relative aux droits de la femme en Afrique adopté le 11 juillet 200312, ainsi que la Charte africaine des droits et du bien-être

Universitaire de la francophonie (A.U.F.) et de l’Association Internet pour la promotion des Droit de l’Homme (A.I.D.H.), http://www.aidh.org/alimentation/images/Mem-DEA-SOMA.pdf.

7 Nations Unies, Droits de l’homme, la Charte internationale des droits de l’Homme, New York, Genève, Nations Unies, 2004, p.3 et ss.

8 Nations Unies, Le rayonnement de la Déclaration universelle des droits de l’homme, New York, Nations Unies, 1953,p.1 et ss. Il y est consignée une liste de domaines d’activités et de réglementations directement inspirées par la D.U.D.H.

9 Voir l’article 12 de la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes adopté le 18 décembre 1979

10 Lire les articles 24 et 27 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant en date du 20 novembre 1989.

11 L’article 29 de cette Charte garantit, le cas échéant, le droit à la nourriture des parents envers leurs enfants. Par ailleurs, la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, dans une affaire célèbre dite affaire du peuple Ogoni, a estimé que le droit à l’alimentation est inhérent au droit à la santé notamment que reconnaît cette Charte.

12 Voir l’article 15 de ce protocole, qui consacre le droit à la sécurité alimentaire des femmes en Afrique.

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de l’enfant de 199013, reconnaissent le droit à l’alimentation des personnes qu’ils sont destinés à protéger.

Au surplus, certaines constitutions nationales qui affirment leur rattachement à la DUDH, à l’instar de celle de l’Afrique du Sud, de l’Equateur, de Haïti, du Sri Lanka et de l’Ukraine, parmi tant d’autres, reconnaissent le droit à l’alimentation14.

Comme on peut le constater, depuis sa proclamation en 1948, la DUDH sert de fondement à plusieurs instruments juridiques dans des cadres divers. Et comme pour rependre l’esprit de cette Déclaration qui reconnaît le droit à l’alimentation, ces instruments ont largement continué et renforcé la garantie formelle du droit à la nourriture, aussi bien au plan national qu’international. Qu’est-il actuellement de la jouissance effective de droit ?

II : ACTUALITE ET DEFIS DE LA PROTECTION DU DROIT A LALIMENTATION RECONNU DEPUIS LA DUDH

Malgré cette reconnaissance massive et historique du droit à l’alimentation, c’est-à- dire de l’instrument juridique d’élimination de la faim, près de 2 milliards d’êtres humains sont atteints de carences alimentaires et sont ainsi physiquement et mentalement fragilisées par la pauvreté et le déséquilibre de leur régime alimentaire15. Selon les instances de l’ONU, Plus de 852 millions de personnes sont sous-alimentées dans le monde, soit 815 millions dans les pays en voie de développement, 28 millions dans les pays en transition et 9 millions dans les pays industrialisés16 ; les femmes représentent 70% de ce total. Ces problèmes alimentaires entraînent 4 milliards de cas annuels de diarrhée avec corrélativement 2,2 millions de décès d’enfants17. On peut donc malheureusement constater que le droit à l’alimentation, droit vital de l’Homme, est loin d’être satisfait dans notre monde pourtant riche. En effet et selon les évaluations de la FAO, les ressources planétaires actuelles permettraient de nourrir adéquatement le double de la population mondiale18.

L’un des défis majeurs de ce XXIe siècle en cours et des différents systèmes de protection des droits de l’Homme consiste à mettre en œuvre le droit à l’alimentation. Sont aller dans ce sens tous les engagements de lutte contre la pauvreté et la malnutrition, notamment ceux contenus dans la Déclaration du millénaire de 2000 et dans les actes finaux

13 Considérer les articles 14 et 20 de cette Charte.

14 GOLAY Christophe et ÖZDEN Melik, Le droit à l’alimentation, un droit humain fondamental stipulé par l’ONU et reconnu par les traités régionaux et de nombreuses constitutions nationales, Genève, CETIM, 2006, p.49 et ss.

15 DUMONT René, Désordre libéral et démographie incontrôlée. Famines, le retour, Arléas, éd. Politis, 1997, p.26.

16 FAO, « L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde 2004 », p. 8. Ces chiffres reflètent la situation sous- alimentaire mondiale pendant la période 2000-2002. Etant donné qu’ils n’ont évolué que de façon résiduelle et mitigée, ils peuvent encore être considérés comme étant toujours d’actualité.

17 Commission des droits de l’Homme de l’ONU, « Le droit à l’alimentation », rapport présenté par ZIEGLER Jean, Nations Unies, E/CN.4/2001/53, 7 février 2001, § 78.

18 V°FAO, « L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde 2004 », p.8 et ss. La FAO nous apprend que la terre pourrait, au stade actuelle de ses ressources agricoles et du développement de ses forces productives, nourrir normalement 12 milliards d’êtres humains, c’est-à-dire fournir à chaque individu une nourriture équivalant à 2.700 calories et 65 grammes de protéines par jour. Or nous ne sommes qu’un peu plus de 6 milliards sur cette planète depuis 1999. Donc en principe tout Homme dispose théoriquement de quoi manger à sa faim. Le problème semble être que la nourriture produite en abondance sur la planète est disproportionnellement repartie à l’échelle mondiale, non équitablement distribuée au niveau régional ou national. Voir aussi ZIEGLER Jean, le droit à l’alimentation, précédé de, le droit du faible contre la raison du fort, Paris, Mille et une nuits, 2003, p. 17.

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des Sommets mondiaux de l’alimentation de 1996 et de 200219. Mais inutile de mentionner que l’action menée à la suite de ces multiples engagements juridiques et politique de lutte contre la faim et la sous-alimentation est restée en deçà de ce qui serait attendu et nécessaire.

Il est plus que jamais urgent d’adopter des mesures concrètes et adapter pour redresser la situation et équilibrer le fonctionnement de l’ordre mondial, une action des Etats au premier chef, mais de tous les Hommes en général.

CONCLUSION : BREVE OPINION SUR LA NATURE DU DROIT A LALIMENTATION ET LIMPORTANCE QUE DEVRAIT REVETIR SA GARANTIE AU CARREFOUR DES 60 ANS DE LA

DUDH

Le droit à l’alimentation est un droit de l’Homme. Il est classé dans la catégorie les droits économiques, sociaux et culturels, qui sont les parents pauvres de la protection des droits fondamentaux de l’individu20. Le droit à l’alimentation fait ainsi partie des droits dont la garantie effective a été négligée et n’a pas assouvit les attentes créées par la consécration normative. Pourtant le droit à l’alimentation est d’une importance vitale. Il est fondamental pour la dignité humaine. Il devrait donc occuper un place suprême dans l’échelle des droits de l’Homme, notamment être considérer comme intangible à l’image du droit à la vie et l’interdiction de la torture. Il pourrait même faire partie des règles impérative du droit international, car il est à la fois moralement et juridiquement inadmissible d’affamer des populations de façon délibéré. Tout compte fait, la grave et massive insatisfaction du droit à l’alimentation apparaît comme un échec et un déséquilibre dans la protection des droits humains qui ne doit se poursuivre ni dans le système de l’ONU, ni dans les systèmes régionaux africain, américain et européen, encore moins dans les ordres constitutionnels étatiques. C’est d’ailleurs pourquoi Asbjørn Eide s’inquiétait que si le droit à l’alimentation est négligé, « la crédibilité du système de défense des droits de l’Homme sera gravement compromise»21. Cette mise en œuvre cruellement insatisfaisante du droit à la nourriture témoigne du déséquilibre et du mal-développement qui caractérisent le fonctionnement de notre ordre mondial : surabondance et richesse au nord, pénuries et pauvreté au Sud…

Espérons que les crises alimentaires, énergétiques, boursières, financières et j’en passe, qui secouent actuellement notre système mondial, parviendront à faire prendre conscience des malaises et de la misère de notre ordre planétaire. Que des réformes et des changements d’attitudes seront engagés en profondeur pour instaurer un nouvel ordre mondial décent, équilibré, libéré au maximum de la faim, conformément aux préceptes de la DUDH, vielle de 60 ans, mais toujours d’actualité.

Tikanson Abdoulaye SOMA

Assistant à la Faculté de droit de l’Université de Genève

Coordinateur du Certificat de formation continue en droit de l’Homme

19 Pour consulter la Déclaration du millénaire, Res. A/55/L.2, v° http://www.un.org/french/millenaire/ ; pour la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et plan d’action du 17 juin 1996, ainsi que la Déclaration du Sommet mondial de l’alimentation : cinq ans après, v° http://www.fao.org/.

20 IMBERT Pierre-Henri, Droits des pauvres, pauvres droits ? Réflexion sur les droits économiques, sociaux et culturels, in Commission internationale de juristes, Droits économiques, sociaux et culturels et le rôle des juristes, Bangalore, in la Rev. de la Commission internationale de juristes, n° 55 éd. spéciale, 1995, p.97-110.

21Sous-Commission des droits de l’Homme de l’ONU, « Le droit à l’alimentation suffisante et le droit d’être à l’abri de la faim : Mise à jour de l’étude sur le droit à l’alimentation », rapport présenté par ASBJØRN Eide, ancien rapporteur spécial sur le doit à l’alimentation, E/CN.4/sub.2/1999/12., §1.

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