J.L. TROCCON,
E. POTTIER*INRA Station de recherches sur la Vache Laitière 35590 Saint-Gilles
* Station expérimentale de l’EDE La Touche ès Bouviers 56430 Mauron
Depuis plusieurs années,
le blé engrain
estdisponible
enBretagne
pour l’alimentation desbovins,
d’autant que sonprix apparaît
intéressant dans les conditions fermières.
Chez les
jeunes
bovins sevrésprécocement,
l’aliment concentré
représente
au sevrage 90 % de la ration solide dont les céréales peu- vent constituerjusqu’à
80 %. Le blé distribuéen
grains
entiers est moinsdigestible
que le blébroyé
ouaplati
chez les bovins même trèsjeunes (Coulon
et al1985,
Laurent1988, Campling 1991).
Des traitementsmécaniques
ou
hydrothermiques
cassent les tissus externes dugrain
etpermettent
aux microor-ganismes
ruminaux et aux enzymesdiges-
tives d’accéder
plus
facilement à l’amidon.L’amidon de blé est alors
rapidement dégra-
dable
(Herrera-Saldana
et al1990)
etquasi-
totalement dans le rumen
(90
à 95%)
bien quel’augmentation
de la taille desparticules
se traduise par une moindre
dégradabilité (Cerneau
et Michalet-Doreau1991).
Les rations riches en
grains
traités mécani-quement
sontingérées rapidement,
cequi
réduit la
production
de salive pour le main- tien dupH
du rumen et diminue la stimula- tionmécanique
du rumen par manque de structures fibreuses.Après
un repas, lepH
ruminal diminue
rapidement
par suite d’uneproduction
intense d’acides gras volatils absorbés dans le sang etsusceptibles
d’occa-sionner des acidoses
métaboliques
surtoutAlimentation des
veaux d’élevage.
Distribution au
cours de la période
de sevrage de
blé-grain traité mécaniquement
lorsque l’adaptation
des bovins à la ration est insuffisante et que de l’acidelactique
est pro- duit(Russell
et Chow1993).
Un abaissementimportant
dupH
ruminalpeut
réduire la mo- tilité du rumen et provoquer la mortrapide
deveaux par entérotoxémie
(Troccon
etal 1986).
Deux essais ont été réalisés chez les
génis-
ses
d’élevage,
lepremier ayant
pourobjectif
de tester l’effet des traitements
mécaniques
du blé en termes
d’appétibilité
et deperfor-
mances
zootechniques (ingestion, gain
depoids vif),
le second de tester l’addition de bicarbonate de sodium à du blébroyé
à lagrille
de 8 mm afin de contrôler l’acidité durumen. Pour les vaches
laitières,
10 g de bicarbonate de sodium sont recommandés parkg
de matière sèche totale. Les effets mesurés concernentl’ingestion,
legain
depoids
vif etla santé des
génisses d’élevage. Cinq
essaiseffectués sur les mâles ont
permis
de tester lafaisabilité
zootechnique
et sanitaire de la dis-tribution de blé dès le
démarrage
du veaud’élevage
dans les conditions fermières.1 / Conditions expérimentales
Essais
Dans l’essai
1,
3 formes deprésentation
ontété
comparées : -
a - du bléaggloméré
en gra- nulés de 5 mm de diamètreaprès
unbroyage
àune
grille
à mailles de 3 mm dediamètre, -
b - du blébroyé
à unegrille
à mailles de 8 mm dediamètre, -
c - du bléaplati.
Les formesbroyées
ont fait
l’objet
d’une fabricationunique. L’apla- tissage
du blé a étéquotidien.
Dans l’essai
II,
3 niveaux d’addition de bicarbonate de sodium à du blébroyé
à unegrille
à mailles de 8 mm ont étécomparés : -
a- pas
d’apport, -
b - 5 g parkg
brut de blé(3 g/kg
brut de la rationconcentrée), -
c - 10 g parkg
brut de blé(6 g/kg
brut de la rationconcentrée).
Dans les 5
essais,
des veaux mâles ont reçucomme aliment concentré de sevrage soit un
Résumé
,Des veaux d’élevage (génisses et mâles) sevrés précocement (10 semaines) ont reçu au cours de la période de sevrage une alimentation concentrée à base de blé (60 à 75 % de la ration). Trois traitements mécaniques du
blé-grain (broyage
3 mmet granulation 5 mm,
broyage
8 mm etaplatissage)
n’ont pas eu d’effet sur les per- formances de génisses bien que les moutures grossières soient plus appétibles.L’addition de bicarbonate de sodium à raison de 10 g/kg de blé broyé à la grille de
8 mm a eu un effet
positif
sur le gain de poids vif des génisses après le sevrage.Comparativement
à des aliments du commerce(granulé
ou floconné), la distribu-tion de blé aplati (+ soja + minéraux) à des mâles (n = 240, 5 essais) n’a pas modi- fié le
gain
de poids vif malgré une consommation moindre du mélange fermier.Ces résultats sont discutés en fonction de
quelques
observations sanitaires.aliment concentré du commerce
(granulé
oufloconné,
lottémoin)
soit unmélange
fermierà base de blé
aplati (+ soja
+CMV,
lotexpéri- mental). Après
le sevrage, lemélange
fermiera
remplacé
enpartie puis
en totalité l’aliment du commerce(figure 1). L’aplatissage
du bléétait réalisé au
jour
lejour.
Animaux
Des
génisses
nées enseptembre,
octobre etnovembre
(1991
et1992)
ont étéréparties
en 3cases de 5 têtes selon leur date de naissance (3
répétitions,
45génisses) après
unepériode pré- expérimentale.
Lescomparaisons expérimen-
tales ont débuté 4 semaines avant la date
pré-
vue de sevrage
(remplacement
de l’aliment concentré dedémarrage
par lemélange
à basede
blé)
et ontpris
finlorsque
lesgénisses
ontatteint
l’âge
de 4 mois. Le blé était alors retiré de la ration et toutes lesgénisses
recevaient le mêmerégime.
Des mâles
âgés
de 15jours (n
=240)
de diverstypes génétiques (96
Holstein - 62kg ;
48 Montbéliard - 60
kg ;
48 Charolais x Hol-stein - 67
kg ;
48 Charolais x Montbéliard - 64kg)
ont été achetés en 5 bandes succes-sives de 48 têtes. Deux semaines
après
leurarrivée,
ils ont étérépartis
selon leurspoids
vifs en 2
lots,
eux-mêmesplacés
dans 2 casesde 12 veaux
(soit
10 cases contrôlées avecchaque alimentation).
Les essais ont duré 12 semaines àpartir
de l’arrivée des veaux.Alimentation (figure 1)
Les
génisses
ont reçu le colostrum en 2 repas parjour pendant
4jours (jour
1 : colos-trum
maternel ; jours
2-3-4 : colostrum demélange) puis
du lait deremplacement (95
%de lait entier et 5 % d’aliment
d’allaitement)
en 1 repas par
jour jusqu’au
sevrage simultanépour les 15
génisses
dechaque répétition.
L’aliment d’allaitement utilisé pour les
génis-
ses en
complément
de lait entier et pour les mâles(1
repas parjour
à la concentration de 20%)
contenait 60 % depoudre
de lait écré- mé. Les blés avaient des teneurs en MAT parkgMS
de12,1
%(essai
I sur lesgénisses), 13,3
%(essai
II surgénisses)
et12,8
% ±0,5 (5
essais sur lesmâles).
L’alimentcomplé-
mentaire distribué aux
génisses (1 UFL,
250 g
MAT,
165 g PDIN et 121 g PDIE parkg MS) apportait
des nutrimentscellulosiques, azotés,
minéraux etvitaminiques
engranulé
de 5 mm de diamètre. Les
génisses
et lesmâles étaient
logés
en stabulation librepaillée
et avaient un accèspermanent
à dufourrage
et à des abreuvoirsdispensant
del’eau propre.
Mesures et contrôles
Les
quantités
consommées de colostrum oude lait de
remplacement
ont été mesurées indi- viduellementchaque jour.
Les consommations des aliments solides(aliments concentrés, ensilage
demaïs)
ont été mesuréeschaque jour
pour
chaque
case. Des échantillons des blés traitésmécaniquement
ont été tamisés pouren déterminer la
granulométrie.
Lesgénisses
ont été
pesées
à la naissancepuis
toutes les 2semaines et à la fin de l’essai. Les mâles ont été
pesés
à leur arrivéepuis
toutes les 4semaines avec une double
pesée
au sevrage et àl’âge
de 84jours.
2 / Résultats
_!!! ! _!!!!
Granulométrie
La
granulométrie
du blébroyé
à lagrille
àmailles de 3 mm est très
pulvérulente
(92 %des
particules
< à 1 mm et 8 % entre 1 et2,5 mm). Après
unbroyage
à lagrille
à maillesde 8 mm, elle est
plus grossière (38
% des par- ticules < à 1 mm, 50 % entre 1 et2,5
mm et12 % >
2,5 mm). L’aplatissage préserve
desparticules
de tailleplus
élevée(19
% < à 1 mm,30 % entre 1 et 2,5 mm et 51 % > à 2,5 mm) ;
8à 10 % en
poids
de l’échantillon de bléaplati
sont des
grains
de blé entiers.Quantités ingérées
Les
génisses
ont reçu 220kg (essai I)
et250
kg
(essai II) de lait deremplacement (lait
entierplus
alimentd’allaitement)
et les mâlesen moyenne 40
kg
d’aliment d’allaitement.Les
génisses
de l’essai Iauxquelles
les 3 for-mes de blé ont été
proposées
en libre-service(cafétéria)
ontpréféré
lesgranulométries
gros- sières(27
% de blébroyé
3 mm etgranulé,
37 % du blé
broyé
8 mm et 36 % du bléaplati).
Lorsque
les 2 formesgrossières
ont été main-tenues,
le blébroyé
a été un peupréféré
au bléaplati (respectivement
53 et 47 % desquanti-
tés
consommées).
Dans l’essaiI,
le blébroyé
àla
grille
à mailles de 8 mm est consommé àraison de 3 %
supplémentaires
mais essentiel- lement entre les semaines - 3 et + 3 par rap-port
au sevrage(100 g/j) puis
l’aliment concen-tré est limité
(figure 2).
Dans l’essai
II,
le blé est mieux consommésans addition de bicarbonate de sodium
(figu-
re
2). Cependant,
cette différence est limitéeaux semaines - 3 à + 1 par
rapport
au sevrage(150
à 200g/j) puis
l’aliment concentré est limité.Dans les essais réalisés avec des
mâles,
l’aliment fermier est consommé en moindrequantité
que les aliments du commerce.L’écart moyen est de
6,3 kg
MS sur les 8 pre- mières semaines(phase lactée).
La différenceaugmente
un peuaprès
le sevragepuis
lesquantités
d’aliment concentré sont limitées àLe
grain broyé
à 8mm a été un peu
plus
consommépar les
génisses,
essentiellement au cours des 6
semaines entourant le sevrage.
Le
gain
depoids
au cours des 2 mois suivant le sevrage a été de
100glj plus
élevéchez les
génisses
recevant 10 g de bicarbonate par
kg
de blé.2,1 kg
bruts parjour
atteints dans les 2semaines suivant le sevrage selon les essais.
Gains de poids vif
Dans l’essai
I,
lesgains
depoids
vif desgénisses
n’ont pas variésignificativement
avecla forme de
présentation
du blé. Legain
depoids
vif moyen au cours de l’essai s’établit à 956g/j
± 122(tableau
1).Dans l’essai
II,
legain
depoids
vif desgénisses
tend à êtreplus
élevé avec l’additionde 10 g de bicarbonate de sodium par
kg
deblé (traitement
Ile)
etplus
faible avec celle de5
g/kg
(traitementIIb).
Dans les 2 mois sui-vant le sevrage, les
génisses ayant
reçu le blé additionné de 10 g de bicarbonate de sodium parkg
ont ungain plus
élevé d’environ100
g/j
(P <0,05).
Legain
depoids
vif moyenau cours de l’essai s’établit à 933
g/j
± 105(tableau 1).
De l’arrivée au sevrage, le
gain
depoids
vifmoyen des mâles recevant le blé
aplati
estplus
faible(-
31g/j,
nonsignificatif). Cepen- dant,
leurgain
depoids
vif estplus
élevéaprès
le sevrage(60 g/j,
nonsignificatif)
desorte que sur l’ensemble de la
période,
lesgains
sont tout-à-faitéquivalents (867 g/j
±100,
tableau 2). Selon lesessais,
lesgains
depoids
vif des mâles ont varié de 733 à1 014
g/j
avec des écarts moyens intra-essai entre le lot témoin et le lotexpérimental
com-pris
entre - 44 et + 44g/j.
Santé et mortalité
Dans l’essai
I,
lesgénisses
ontdéveloppé
desdiarrhées au moment du sevrage
lorsque l’aug-
mentation de
l’ingestion
de l’aliment concentré estrapide.
Dans l’essaiII,
lesgénisses
n’ontpas eu de
diarrhées,
mais desproblèmes respi-
ratoires apparus début
janvier
se sont sérieu-sement
aggravés
enpneumonies.
Toutes les
génisses
entrées dans l’essai 1 l’ont terminé. Troisgénisses
entrées dans l’essai II ont étéperdues :
une accidentée versla fin de l’essai
(lot IIb),
une morte de troubles nerveuxaprès
le sevrage(lot IIb)
et l’autre sacrifiée pour morbiditéquelques
semaines
plus
tard (lotIla).
Dix-sept
mâles ont étéperdus (7
% de l’ef-fectif
initial) :
7 recevant lemélange
fermieret 10 avec les aliments du commerce. Ces évé- nements sont
indépendants
des aliments dis- tribués et les causes ont été pour l’essentield’origines digestive
etrespiratoire.
3 / Discussion - conclusion
Avant le sevrage, les veaux
d’élevage
consomment les
mélanges
fermiers à base deblé en
quantités
inférieures aux alimentscomplets
floconnés ougranulés
du commerce.Ils
préfèrent
les mouturesgrossières
du blé(broyage
à lagrille
à maille de 8mm).
Lacroissance des veaux est alors réduite par
l’ingestion énergétique
moindre(- 0,1
à -0,2 UFL)
mais c’est l’inverseaprès
le sevrage pour desgains
depoids
vif finalementéquiva-
lents. Au
total,
l’utilisation dumélange
fer-mier
permet
une économie sur l’alimentation du veaud’élevage
de la naissance à 3 mois(environ
50F/veau,
1 franc d’écart deprix
entre le blé et l’aliment du
commerce).
Les
problèmes respiratoires peuvent
prove- nir de l’inhalation desparticules
fines pro-duites par les traitements
mécaniques
du blé.La distribution de blé est-elle à éviter dans les étables où ces
problèmes respiratoires
nesont pas maîtrisés ? L’utilisation d’un
complé-
ment minéral vitaminé en semoulette
peut
contribuer à limiter cesproblèmes.
La
période
de sevrage est unepériode
detransition au cours de
laquelle
la consomma-tion d’aliment concentré
augmente,
mais oùle
développement
fonctionnel du rumen estincomplet.
Les diarrhéespeuvent
alors résul- ter du passage d’unequantité trop importan-
te d’amidon dans l’intestin
(Leibholz 1978).
Dans l’essai II où il
n’y
a pas eu dediarrhées,
lesgénisses
sontplus âgées (1 semaine)
etplus
lourdes au sevrage que dans l’essai I alors que lesquantités
consommées d’aliment concentré sont voisines(2 kg MS).
L’addition de bicarbonate de sodium
(10 g/kg
deblé)
aprobablement
contribué aucontrôle des
phénomènes digestifs
dans lerumen des
génisses ; malgré
leur consomma-tion
moindre,
leur croît est d’abord maintenupuis
amélioréaprès
le sevrage et àlong
terme. Des doses
plus
élevées de 20 à 60 g debicarbonate de sodium par
kg
MS ont amélio-ré
(Kellaway
et al1977,
Curnick et al1983)
ou non
(Fiems
et al1991, Quigley
et al1992)
les
gains
depoids
vif des veaux. Cetterépon-
se à une dose faible est
peut-être
liée à ladégradabilité
élevée du blé dans le rumen et àl’ensilage
de maïs utilisé commefourrage.
Dans les essais sur les
mâles,
la limitation de l’aliment concentré(2 kg
parjour
parveau)
et la distribution de foin ont pu éviter une
acidité
trop
élevée dans le rumen.Sous réserve d’une bonne
conservation,
leblé inerté
peut probablement
être distribuéaux veaux dans les conditions
développées
ci- dessus. D’autres céréales ont comme le blé unamidon
rapidement dégradable : l’orge (un
peu
moins)
et le triticale(un
peuplus).
D’après
Leterme et Thewis(1991),
lesprécau-
tions
d’emploi
du blés’imposent
avecplus
d’acuité pour le triticale
lorsque
son tauxd’incorporation
dans la ration estsupérieur
à50%.
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Bull. Tech C.R.Z.V. Theix,INRA,
66, 17-22.Abstract
! ! ! !! !!!!!! _ !_
Feeding
weaned calves with wheatgrain.
Early
weaned calves(heifers
andbulls)
have received wheatgrain
atweaning.
Three mecani- cal treatments wereapplied:
1 - 5 mmpelleting
after 3 mm
grinding,
2 - 8 mmgrinding,
3 - rol-ling. They
have no effects on heifersperfor-
mances but coarse
grinding
increase feed intake.Sodium bicarbonate addition
(10 g/kg
of 8 mmground wheat)
increase heiferslive-weight gain
after
weaning. Comparatively
to commercial pro- ducts(pelleted
orflaked),
rolled wheat(with soja
meal and
minerals)
reduced intake but had noeffect on
live-weight gains
of bulls. These resultsare discussed
according
tosanitary problems.
TROCCON
J.L.,
POTTIERE.,
1995. Alimentation des veauxd’élevage.
Distribution au cours de lapériode
de sevrage deblé-grain
traitemécanique-
ment. INRA Prod.