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Submitted on 1 Jan 1968
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La canaligraphie, méthode d’étude des défauts cristallins
Y. Quéré
To cite this version:
Y. Quéré. La canaligraphie, méthode d’étude des défauts cristallins. Journal de Physique, 1968, 29
(2-3), pp.215-219. �10.1051/jphys:01968002902-3021500�. �jpa-00206639�
LA
CANALIGRAPHIE, MÉTHODE D’ÉTUDE
DESDÉFAUTS
CRISTALLINSPar Y.
QUÉRÉ,
Centre d’Études Nucléaires de Fontenay-aux-Roses.
(Reçu
le 12 août1967.)
Résumé. 2014 Des
particules
03B1 issues d’une sourceisotrope
et traversant une feuille métal-lique d’épaisseur adéquate
donnent sur unrécepteur
uneimage
de la feuille. On montre que cetteimage
est formée par desparticules
canalisées et l’on étudie l’influence de l’orientation, desjoints
degrains (ou
demacles),
des fautesd’empilement
et des dislocations sur le contraste.On observe des
figures géométriques
liées à la canalisation dans lesplans
denses.Abstract. 2014 03B1
particles
emitted from anisotropic
source andtraversing
a metallic foil ofadequate
thickness,produce
on a collector animage
of the foil. Theimage
is shown tobe due to channeled
particles.
The influence, on the contrast, of orientation, ofgrain (or twin)
boundaries,stacking
faults and dislocations is studied. Patterns are observed whichare related to
channeling
in low indexplanes.
1.
Principe.
- Desrang6es atomiques
denses pro- ches voisines d6finissent dans un cristal unprisme
-
appel6
canal - dont l’axe constitue unetrajectoire privil6gi6e
pour uneparticule
sed6plaqant
dans lecristal. Une
particule charg6e, rapide, engag6e
dans untel canal
s’y
trouve maintenue par les atomes consti-tuant le canal : on dit
qu’elle
est canalis6e. Elle subit alors un ralentissement bien moindre que celui corres-pondant
a unetrajectoire quelconque
dans le cristal.Ce
phenomene
decanalisation, pr6vu
dès 1912[1],
a ete 6tudi6
th6oriquement [2
a4]
et d6montr6experimentalement [5
a8]. Ainsi,
dans un cristalcubique
a facescentr6es,
les canaux lesplus
efficacessont ceux constitués par les
rangées
110>,
et, a un moindredegre, (
100>.
Inversement,
tout d6faut de reseau obstruant uncanal doit tendre a diminuer la transmission de par- ticules
charg6es
dans un cristal. Cephénomène
d’ob-struction a 6t6 notamment utilis6 pour observer I’action des
joints
degrains
ou des fautesd’empilement [9].
On
distinguera bien, ici,
l’obstruction dublocage.
Cedernier se
produit lorsqu’une particule
est 6mise enun site
atomique (soit
par emissionradioactive,
soitpar diffusion de Rutherford d’une
particule
heurtantun atome avec un tres faible
parametre d’impact).
Dans ce cas, les
plans
denses passant par ce site difi’u-sent la
particule
dans des directions non contenues parces
plans.
On ditqu’il
y ablocage.
Cettepropriete
a ete notamment utilis6e pour r6aliser a 1’aide d’un faisceau de
protons
des clich6s deblocage
permettant d’orienter des monocristaux[10],
ou pour 6tudier laconfiguration
de certains atomesd’impuret6
dans lescristaux
[11], [12].
L’existence de la canalisation et de l’obstruction 6tant
admise,
il est alorslogique
de penser que la transmission departicules charg6es
dans un corps cristallind’6paisseur
uniforme etsupirieure
au parcours moyen desparticules
doit varier d’unpoint
a1’autre,
suivant l’orientation des
grains
et suivant la concen-tration en defauts de réseau. Cette variation doit creer
un contraste. Nous montrerons ci-dessous que tel est bien le cas.
L’image
obtenue sur unr6cepteur
departicules apr6s
travers6e du cristal seraappel6e canaligraphie.
2.
Dispositif expdrimental.
- I1 est resume sur lafigure
1. Outre le cristal a 6tudierC,
il consiste en une source departicules
S et unr6cepteur
R situe àune distance d de la face de sortie du cristal.
FiG. 1. - Schema d’une
exp6rience
decanaligraphie :
S = source
isotrope
departicules
a,C = cristal a 6tudier,
d’6paisseur
e,R =
recepteur
desparticules a
ayant traverse C.L’ensemble des traces des
particules
a sur R constituela
canaligraphie,
-
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphys:01968002902-3021500
216
2.1. Nous avons utilise des sources de
particules
ocpratiquement isotropes.
Celles-ci sont constituées d’un mincedepot électrolytique
deplutonium
sur une feuillede
platine,
ou d’am6ricium sur une feuille depalla-
dium. Dans ce dernier cas
(1),
l’américium est lui- meme recouvert d’undepot m6tallique évaporé, qui
augmente la
securite,
mais reduit16g6rement 1’6nergie
des
particules
ot 6mises. Celle-ci est5,1
MeV avec unflux de 105 cm-2 S-1 pour les sources en
plutonium
et4,5
MeV environ avec un flux de 3 X 106 cm-2 S-1 pour les sources en americium.2.2. Le cristal 6tudi6 est une feuille
m6tallique poly-
cristalline. Son
6paisseur
doit etre assezgrande
pourque seules des
particules
canalis6espuissent
la tra-verser. En
realite,
on peutajuster
cette condition eninterposant
entre la source et le metal une6paisseur adequate
d’absorbant.Ainsi,
pour des feuilles d’ord’epaisseur 10 03BC,
nous avons utilise4 {i
de Makrofolcomme absorbant.
Les metaux que nous avons examines sont 1’alumi- nium
(6paisseur
2303BC), 1’argent (10 03BC),
1’etain(15 03BC),
l’or
(10 03BC)
et leplatine (7 03BC).
2.3. Comme
récepteur,
nous avons utilis6 du nitrate de cellulose. On sait en effet[13]
que lesparticules
ay laissent des traces que l’on peut r6v6ler par attaque dans de la soude a 55 OC environ. Les traces sont
alors examinees en
microscopie optique,
par trans-mission,
le nitrate de cellulose 6tant transparent.3. Observation d’un contraste. - La
figure
2pr6-
sente un
exemple typique
decanaligraphie.
11s’agit
d’un 6chantillon de
platine
recuit a 900 OCpendant
FIG. 2. -
Exemple
decanaligraphie
d’une lame deplatuie (6paisseur :
703BC)
recuite 6 h a 900 OC.(1)
rournisseur : «L’énergie froide )),
Paris,6 h. La pose
(c’est-a-dire
le temps d’irradiation dur6cepteur)
a ete de 14 h. 11s’agit
ici d’une pose aucontact
(d
=0; voir fig. 1).
4. Role de la canalisation. - Pour le mettre en
evidence,
il suffit de faire varier d(voir fig. 1).
Lafigure
3 montre ainsi les troiscanaligraphies
obtenuesen un meme
point pour d
=0, d
=60 03BC,
et d = 100 03BC.I1
s’agit
deplatine partiellement
recristallisé. On voitnettement
l’image
d’ungrain allonge
dumetal, qui
seFIG. 3. -
Canaligraphie
d’ungrain
d’une lame deplatine
recuit
1/2
h a 605°C pour diff6rentes distances dmétal-récepteur. fpaisseur
du metal : 7 03BC.a) d = 0 ; b) d = 60 V. ; c) d = 100
y.retrouve sur les trois clichés. C’est donc bien un fais-
ceau de
particules x pratiquement parall6les qui emerge
de la feuillem6tallique
au niveau de cegrain.
D’autre part, on voit
fr6quemment apparaitre
surles
canaligraphies
desfigures g6om6triques
noires :triangles, g6n6ralement equilateraux (voir fig. 4), croix, lignes rectilignes...
Etantnoires,
cesfigures
FIG. 4. -
Exenlple
defigure
de canalisation.Ici un
triangle
dans de l’or recuit 1 h a 900 °C.correspondent
a l’intersection dur6cepteur
par unf famille deplans
cristallinsparticulierement
« bon;conducteurs » des
particules
(x. Nous les attribuon;donc a la canalisation
planaire
et nous lesappelleron;
figures
de canalisation.FIG. 5. -
Apparition
defigures
de canalisation pat traitementthermique
dans de l’or :a)
Metal recuit 1 h a 800 OC.b)
Memeregion après
recuitsupplémentaire
de 1 ha 900 °C.
FIG. 6. - Variation de forme d’une
figures
de canalisationen fonction de la distance d
metal-recepteur :
a) d=0.b) d == 60 [L.
c) Reconstitution du t6tra6dre de canalisation.
Ces
figures
sont d’autantplus
nombreuses que lei metal est recuit a
plus
hautetemperature.
Elles appa- raissent alors souvent par groupes, comme le montre lafigure
5.La
figure
6 montre une memefigure
de canalisation observ6e dans l’or pour deux distances d m6tal-r6cepteur
différentes : d = 0( fig.
6a)
et d =60 03BC ( fig.
6b).
11s’agit
dans les deux cas detriangles equi- latéraux, parallèles,
de cotes(mesures
a fortgrossis- sement)
a’=108 03BC, (d
=0)
et a =183 lL (d
= 6003BC).
Ces
triangles
sont donc les intersections par ler6cepteur
d’un
trièdre, divergent
apartir
dumetal,
de hauteur :On a donc :
hla
=0,80.
Le rapport
h/a
d’un trièdreequilateral
estB/2/3,
soit 0,81.
Ceci montre que, aux erreurs de mesure
pr6s,
les,
plans
de facile canalisation donnant naissance auxtriangles
observes sont les troisplans (111)
degrains
tels que le
quatrieme plan (111)
soitparall6le
a lalame
m6tallique.
Les cotes dutriangle
sont doncparall6les
a troisdirections
110>.
5.
Origines
du contraste. - 5.1. CONTRASTE D’ORIENTATION. - Si deuxgrains
sont orient6s de telle maniere que l’un d’euxpossede
une directiondense
perpendiculaire
a la lame et 1’autre non, lepremier
doitapparaitre
sur unecanaligraphie
en noiret le second en blanc.
C’est
probablement pourquoi
legrain
du centre dela
figure
2apparait
en blanc. Nous trouverons surla
figure
7 unexemple plus
sur de ce contraste. On y observe eneffet,
au centre, ungrain
contenant unemacle de recuit
(platine
chauffe 20 h a 950°C) .
LesFIG. 7. -
Canaligraphie
deplatine
recuit 1 h a 950 °C.On remarquera,
indiqu6e
par la fl6che, une macle de recuit(en noir)
dans legrain
central(en gris).
qualites
cristallines de la matrice et de la macle sontcertainement
comparables
et c’est la différence d’orien-I
tation entre macle et matrice
(non-verticalité
duplan
de
macle) qui produit
une difference de noircissement.On notera que celui-ci est
identique
dans legrain
depart
et d’autre de lamacle,
cequi
est normal.218
5.2. CONTRASTE D’OBSTRUCTION. - Ce contraste est du a la
rupture
de la canalisation desparticules
apar des defauts cristallins. Nous d6crirons successi-
vement 1’effet des
joints,
celui desfautes d’empilement
et celui des dislocations.
5.2.1.
Joints.
- Les canaux sont briséslorsqu’ils
rencontrent un
joint
degrain.
Nous avonssoulign6
ailleurs
[9]
que lesjoints
degrains
nonperpendi-
culaires a la lame observ6e donnaient lieu en canali-
graphie a
des filaments blancs. Lafigure
8empruntée
a
[9]
montre lacorrespondance
entre ces filaments etFiG. 8. - Effet
des joints
degrains
sur la canalisation[9] : a) Micrographie
d’un 6chantillon d’or(epaisseur :
7[k) b) Canaligraphie
de la memeregion.
Evyaturn : Sur la
micrographie
b, lire : 70 03BC.(au
lieude 100
[1.).
les joints
observesmétallographiquement.
Ce sont doncdes
grains
que dessinent les filaments blancs de lafigure
2.Le role des
joints
de macle non verticauxapparait
. sur la
figure
7 : la macle de recuit est entour6e de deux liser6s blancsqui
sont donc les « ombres » des deuxplans
de macle dont nous avonsdeja
ditqu’ils
n’6taientpas verticaux.
5.2.2. Fautes
d’empilement.
- En traversant unefaute
d’empilement,
uncanal,
tout en restantparall6le
a
lui-meme,
subit une translationparall6le
auplan
deFIG. 9. - Section droite des
canaux ( 110 > et 100 >
d’un metal
cubique
a faces centr6es au niveau d’une fauted’empilement.
En traits
interrompus, position
du canal au-dela de la faute.la faute. 11 se trouve donc
partiellement
obstru6 parune
rang6e
d’atomesparall6le
a lui-meme. Lafigure
9montre cette obstruction pour les
canaux 110 >
et100 >
d’un cristalcubique
a faces centr6es.Une maniere
simple
de creer des fautesd’empile-
ment sans faire varier 1’orientation des cristaux consiste a creer par trempe et recuit des t6tra6dres de faute dans 1’or.
Nous avons
trempe
un ruban d’or(6paisseur
1003BC) pr6alablement
recuit 6 h a 1000 OC. Le centre de ceruban chauffe par effet
Joule
6taitport6
a 950 OCenviron,
tandis que les extrémités demeuraient a tem-p6rature
ordinaire. Latrempe
a ete faite dans de 1’eau a 0 oC. Le ruban a alors ete recuit a 3000Cpendant
1 h. Onpermet
ainsi aux lacunestremp6es
de
pr6cipiter
en tétraèdres[14].
On observe alorsFIG. 10. - Contraste de fautes
d’empilement
dans l’or :a) Canaligraphie
d’uneregion
sans t6tra6dres de fautesd’empilement.
b) Canaligraphie
d’uneregion
du meme 6chantfllontrempe depuis
950 OC et recuit a 300 OC, contenant des t6tra6dres.Par recuit a 700 °C, c’est-a-dire elimination des t6tra6dres, le contraste entre
a)
etb) disparait.
un fort contraste sur la
canaligraphie
de ce ruban :sombre aux
extrémités,
elle estplus
claire au centre,c’est-a-dire a 1’endroit du ruban ou a ete retenue la
plus grande
concentration de lacunes. Lafigure
10 illustrece contraste. On y voit deux
canaligraphies
- centreet extremite du ruban d’or - r6v6l6es et
photogra- phi6es
dans des conditionsrigoureusement identiques.
Un recuit a 7000C de 1’ensemble du
ruban, qui
élimine les
t6tra6dres,
faitcompl6tement disparaitre
le contraste entre centre et extrémités du
ruban,
cequi
montre que la difference de noircissement(fig. 10
aet 10
b)
n’est pas due a un eventuel amincissement de lapartie
centrale du rubanport6e
a hautetemperature.
Ce contraste par fautes
d’empilement
confirme desmesures ant6rieures faites par
comptage
de traces[9].
5.2.3. Dislocations. - Nous montrons ailleurs l’in- fluence tres forte de
1’ecrouissage
sur le contraste[15],
mais on
m6lange,
dans cecas, l’effet
deschangements
d’orientation a ceux des dislocations et éventuellement des defauts
ponctuels.
FIG. 11. - Contraste de dislocations dans l’aluminium :
a) Canaligraphie
d’uneregion tremp6e depuis
620 OCet recuite a 250 °C, donc sans boucles de dislocations.
b) Canaligraphie
d’uneregion tremp6e depuis
620 °Cet recuite a 80 OC, contenant des boucles.
Nous avons isol6 le role des dislocations en cr6ant des boucles de dislocation dans de l’aluminium
trempe.
Un ruban d’aluminium
(6paisseur
2303BC), pr6ala-
blement recuit 6 h a
640 OC,
a ete chauffe uniform6-ment dans un conteneur en alumine a 620 °C et, de
la, trempe
dans de 1’eau a 0 °C. Une moiti6 a 6t6 recuite 1 h a 80oC, l’autre
1 h a 250 OC. Lapremiere
contenait des boucles de dislocation dues a la
pr6cipi-
tation des
lacunes,
la seconde pas.Une
canaligraphie
de ces deuxportions identiques
en tout, sauf en ce
qui
concerne la teneur enboucles,
montre ici encore un contraste tres net
( fig. 11).
Cecontraste par dislocations confirme des mesures ant6- rieures faites par
comptage
de traces[16].
6. Conclusions. - Nous avons montre
qu’on pouvait
obtenir une
image, appel6e canaligraphie,
d’une feuille cristalline suffisammentépaisse,
travers6e par des par- ticules occanalis6es,
elles-memes issues d’une sourceisotrope.
11s’agit
donc d’une m6thode partransmission,
non
destructive,
relative a des 6chantillons relative-ment
6pais (plusieurs microns),
mais ne fournissantaucun
grandissement intrins6que.
L’origine
du contraste(variations d’orientation,
defauts
cristallins)
entraine que la m6thode seprete particulierement
bien a 1’etude de la recristallisa- tion[15].
Lapresence
defigures
de canalisationmontre
qu’a
l’int6rieur d’ungrain
bien cristallise existent des zonesplanes, parall6les
auxplans denses, particulierement
favorables a la canalisation. Cesfigures
de canalisationpermettent
dans certains casd’orienter les cristaux d’une feuille
polycristalline.
La
m6thode, qui
n’est pasdestructive,
seprete
biena 1’etude de tous les defauts obstruant les canaux.
De
plus [15],
seules sortent lesparticules ayant
6t6 canalis6es sur toutel’épaisseur
de la lame cristalline.Il
s’agit
donc d’une m6thode par transmissionqui
doitse
preter
assez bien a la determination desconfigura-
tions de defauts comme les auto-interstitiels
qui
ob-struent
beaucoup plus
certains canaux que d’autres.Enfin,
contrairement auxexperiences classiques
decanalisation ou l’on utilise un faisceau de
particules parall6les, 1’emploi
d’une sourceisotrope
rend ici lesexperiences particulierement simples.
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