«Mettons les modifications génétiques au ser- vice d’un développement durable et non de seuls intérêts marchands !» : tel est l’appel lancé par les auteurs sur la quatrième de couverture de ce livre court et efficace, qui cerne les enjeux natio- naux, européens et mondiaux liés aux biotech- nologies. Pour en savoir un peu plus, Biofutur est allé à la rencontre de l’un des auteurs.
Daniel Thomas, docteur d’État en sciences phy- siques, est professeur à l’université de techno- logies de Compiègne et membre de l’Académie des technologies. Il a notamment été fondateur de l’UMR CNRS Génie enzymatique et direc- teur du Programme national des biotechno- logies, et assure aujourd’hui le poste de premier vice-président du pôle de compétitivité à vocation mon- diale Industries et Agroressources.
Biofutur :Pourquoi avoir fait le choix d’un texte plutôt court et bilingue ?
D. Thomas :C’est le principe de la collection Perspec- tives de Futuribles, qui entend promouvoir une philo- sophie, des concepts et des méthodes, et des études de cas montrant comment nous pouvons devenir des arti- sans d’un avenir choisi, conciliant le progrès des sciences et des techniques avec l’exigence de la per- formance globale et du progrès humain. Les ouvrages sont publiés en deux langues pour favoriser l’indis- pensable dialogue entre cultures et civilisations.
B. :Le verbe « repenser » est déjà une remise en question de la pensée contemporaine. Quelles sont, selon vous, les faiblesses du système actuel ?
D. T. :Notre livre est en effet une remise en question profonde de la pensée dominante. J’ai participé depuis
Repenser les biotechnologies
plus d’un tiers de siècle à l’essor des biotechnologies et actuellement, il est évident qu’elles doivent se déga- ger de « l’illusion réductionniste » pour progresser.
Paradoxalement, l’achèvement du séquençage du génome humain, remarquable réussite scientifique, a débouché sur une incroyable désillusion. Le « tout- génome » complété par le « tout-thérapie génique » aboutit à un désastre : le nombre de demandes d’au- torisation de mise sur le marché des médicaments a diminué partout. Le mythe selon lequel, au lendemain du séquençage, des médicaments surgiraient en nombre, s’est effondré.
L’importance de la biologie systémique s’affirme pour deux raisons :
•les données expérimentales s’accumulent et ne peu- vent être traitées que par une approche système ;
•l’impasse de l’approche « réductionniste », les com- portements physiologiques et pathologiques com- plexes ne peuvent être expliqués par quelques gènes encore moins un seul.
B. :Vous proposez la mise en place de synergies entre entreprises, un peu sur le modèle des pôles
de compétitivité. Votre proposition, séduisante sur le papier, est-elle réalisable et économiquement viable ? D. T. : Les observations faites en Europe et dans le monde entier indiquent que la politique des « clusters» est non seulement une réussite mais aussi un passage obligé dans la « globalisation » actuelle. L’Europe struc- ture même actuellement une politique d’interclusters.
Je participe à un pôle de compétitivité à vocation mon- diale (Industries et Agroressources) qui provoque une mobilisation d’acteurs, industriels, agricoles et scien- tifiques que je n’ai jamais connue au cours de quarante années de carrière dans le domaine. G
BIOFUTUR 287 • AVRIL 2008 60
Quelques pages
Repenser les biotechno- logies / Rethinking the Biotechnologies Daniel Thomas, André-Yves Portnoff Futuribles, Coll. Perspectives 978-2-84387-346-1 13 €
Parce qu’il vient d’obtenir le prix Roberval dans la catégorie enseignement supérieur, nous vous pro- posons un retour sur l’ouvrage Nanosciences – Nanomatériaux et nanochimie, paru en 2006.
Deuxième tome d’une série de trois ouvrages, il propose un tour d’horizon exhaustif du sujet.
Les premières parties détaillent les principes de base et les propriétés fondamentales liés à la taille nanométrique des matériaux, puis les pro- priétés physico-chimiques des nanomatériaux.
Les auteurs proposent ensuite une revue complète des connaissances disponibles sur l’élaboration des nano- particules et nanomatériaux. Les procédés de fabrica- tion des matériaux massifs nanostructurés et nanoporeux sont aussi largement abordés. Enfin, l’ou- vrage s’achève sur un volet important consacré aux applications industrielles existantes ou en dévelop-
P RIX R OBERVAL
pement : cosmétiques, écrans, pneus, béton, transports, médicaments... le champ d’application des nanoma- tériaux est vaste.Les perspectives présentées dans cet ouvrage témoi- gnent des potentialités économiques importantes du développement des nanosciences. Près de 700 pages, 55 auteurs... Nanosciences – Nanomatériaux et nano- chimie est un ouvrage complet qui allie connaissances théoriques et applications industrielles.
Le prix Roberval en quelques mots
Ce prix a pour objectif de « mettre à la portée du grand public francophone l’actualité de la technologie» et de « promouvoir l’utilisation de la langue française dans la production et la diffusion des connaissances scientifiques et techniques». Décerné annuellement depuis 1987, il récompense des œuvres consacrées à la technologie dans quatre catégories : grand public, ensei- gnement supérieur, télévision et multimédia. G
Les nanosciences : nano- matériaux et nanochimie Marcel Lahmani, Cathe- rine Bréchignac, Philippe Houdy (coord.) Éditions Belin 978-2-7011-3831-2 49,50 €
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BIOFUTUR 287 • AVRIL 200861 Les bactéries lactiques, agents bio-
logiques très étudiés, font l’objet de nombreuses publications. Cet ouvrage complet, de plus de 800 pages, avec une bibliographie qui comporte plus de 3 600 références, rassemble toutes les informations disponibles à ce jour sur le sujet.
Les aspects scientifiques des bac- téries sont traités : génétique, métabolisme, taxonomie. Ces chapitres richement documentés constituent une synthèse des connaissances sur la biologie, le fonctionnement, l’évo- lution et les méthodes d’étude des bactéries lactiques.
Après cette première partie théorique sur les caracté- ristiques physiologiques des bactéries, l’ouvrage traite des applications industrielles et nutritionnelles. Les propriétés fonctionnelles sont détaillées (fermenta- tion, propriétés acidifiantes, aromatisantes, gazogènes, texturantes...), ainsi que les phages, virus qui mena- cent les bactéries lactiques.
L’exploitation industrielle de ces bactéries est abor- dée en fin d’ouvrage, avec une étude précise des condi- tions de production et de conservation des ferments commerciaux : sélection, préparation et traitement thermique, fermentation, méthodes de stabilisation...
avant un dernier focus plus spécifique sur les appli- cations dans les fabrications fromagères.
L’importance industrielle des bactéries lactiques et leur potentiel nutritionnel expliquent la publication de cet ambitieux ouvrage collectif, rédigé par trente- sept spécialistes.G
Bactéries lactiques : de la génétique aux ferments Georges Corrieu, François-Marie Luquet (coord.) Éditions Tec & Doc - Lavoisier
Coll. Sciences et techniques agroalimentaires 978-2-7430-1016-4
195 €
Bactéries lactiques
Quinze ans après la signature par plus de 150 états de la Convention sur la diversité biologique (CDB), cet ouvrage se penche sur les effets de ce protocole. Il s’in- téresse aux politiques de conservation existantes et pro- pose une analyse critique de la réalité du marché. Selon les auteurs, nous sommes aujourd’hui dans une ère de la marchandisation des ressources génétiques. Com- ment la CDB a-t-elle pu conduire ou favoriser l’émer- gence de ces marchés ?
Les auteurs s’attachent à prouver l’existence de ces mar- chés, au sens économique du terme : elles nous détaillent l’objet des transactions, le produit (les ressources bio- logiques), la demande (les besoins des industriels) et l’offre (l’existence de ces ressources).
Les demandeurs potentiels sont présentés : quand, comment et pourquoi ont-ils besoin de ressources génétiques ? Chiffres à l’appui, l’ouvrage expose la réalité de deux grands secteurs d’activité utilisateurs de ressources biologiques : l’industrie pharmaceu- tique et l’agro-industrie.
Les difficultés des détenteurs de ressources sont ensuite évoquées. Les pays du Sud doivent faire face à des pra- tiques de biopiraterie : acteurs, procédés, préjudices...
l’ouvrage pointe toutes les défaillances puis propose des pistes pour empêcher ces pratiques. Les exemples bré- silien et bolivien viennent étayer le propos et témoignent des difficultés d’accès aux ressources et du partage des avantages. Cette étude de cas met en avant les difficul- tés de transposition au niveau national des dispositions de la Convention, qui conduisent parfois à des blocages à l’accès et à l’utilisation des ressources génétiques.
Cet ouvrage démontre ainsi l’existence des marchés de la biodiversité, détaille leur fonctionnement, leurs acteurs et leurs rouages. La complexité des systèmes en place est évidente, avec au centre une réelle interro- gation quant au statut juridique des ressources géné- tiques. Les auteurs ont choisi d’interroger les valeurs, les représentations et les hypothèses à la base de la CDB en pointant surtout les faiblesses de ce texte.G
Les marchés de la biodiversité
Les marchés de la biodiversité Catherine Aubertin, Florence Pinton, Valérie Boisvert IRD Éditions 978-2-7099-1636-3 25 €
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