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LA PHYSIQUE NUCLÉAIRE AUJOURD'HUI ET DEMAIN

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HAL Id: jpa-00215465

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Submitted on 1 Jan 1973

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LA PHYSIQUE NUCLÉAIRE AUJOURD’HUI ET DEMAIN

V. Gillet

To cite this version:

V. Gillet. LA PHYSIQUE NUCLÉAIRE AUJOURD’HUI ET DEMAIN. Journal de Physique Collo-

ques, 1973, 34 (C10), pp.C10-1-C10-11. �10.1051/jphyscol:19731001�. �jpa-00215465�

(2)

JOURNAL DE PHYSIQUE

Colloque C 10, supplément au no 1 1- 12, Tome 34, Noueinbre-Décembre 1973, page C l 0- 1

LA PHYSIQUE NUCLÉAIRE AUJOURD'HUI ET DEMAIN

V. GILLET

Département d e Physique Nucléaire, C E N Saclay, BP 2, 91 190 Gif-sur-Yvette, France

Résumé. - Quelques exemples sont empruntés

à

la physique des noyaux avec des faisceaux d'ions lourds ou de particules de haute énergie pour illustrer les questions actuelles et les direc- tions nouvelles de ce domaine

:

recherche d'espèces nucléaires, exploration du phénomène d'iso- mérie de forme dans les noyaux lourds et légers, étude des sous-structures a petit nombre de nucléons dans les noyaux, mise en évidence des états intrinsèques, effets des courants mésiques et des résonances baryoniques dans le milieu nucléaire.

Abstract. - In order to illustrate problems of current interest and new directions in nuclear physics, a few examples are chosen in the field of heavy ion physics and nuclear reactions with high energy particles

:

search for nuclear species, investigation of shape isomerism in light and heavy nuclei, study of few nucleon sub-structures

in

nuclei, direct evidences for intrinsic States, mesonic current and baryonic resonance effects in nuclei.

1 . Introduction. - Le titre de cet exposé essaie d'exprimer le travail de réflexion qui est actuellement en cours parmi les physiciens nucléaires du monde entier [l]. L a physique nucléaire traverse en ce moment une période de bilans, de choix et de décisions qui doivent déterminer son avenir dans les prochaines années. Cette conjoncture est la conséquence de plu- sieurs facteurs. Tout d'abord, i l y a des doinaines de la physique nucléaire qui sont maintenant bien défri- chés, et compris. On peut penser que ces domaines ne nous réservent plus de surprises majeures. Ensuite, a u cours d e ces toutes dernières années, des phéno- mènes nouveaux et surprenants ont été découverts o u entrevus avec les accélérateurs actuels, mais à la limite des possibilités de ces équipements. Ces phéno- mènes représentent des aspects très fondamentaux du comportement de la matière. Il s'agit, par exemple, d e la stabilité d'espèces nucléaires nouvelles, de la coexistence d e phases dans les noyaux, du comporte- ment d e la matière nucléaire à faible densité ou i très haute excitation, de la manifestation explicite des courants mésoniques et des résonances baryoniques dans les noyaux, etc. L'intérêt pour ces phénomènes nouveaux est d'autant plus grand que leur découverte correspond a une évolution parallèle des préoccupa- tions des théoriciens. Ceux-ci ont mis a u point des formalismes et des méthodes numériques puissants pour décrire les manifestations complexes du pro- blème à N corps nucléaires. Ils commencent même à développer les outils d'une physique nucléaire relati- viste entièrement nouvelle qui fait appel aux degrés de liberté non seulement niicléoniques mais encore mésoniques pour décrire les phénomènes nucléaires.

Malheureusement, avec les accélérateurs actuels, ces

expériences sont au mieux marginales et ceci explique le travail de réflexion mentionné plus haut. Compte tenu des progrès de la technologie, les physiciens nucléaires doivent définir maintenant une nouvelle génération d'accélérateurs qui permettront, vers les années 1980, d'aborder pleinement ces nouveaux doi-iiaii.ies.

Coniine la physique nucléaire est au carrefour de noinbreuses sciences, tous les physiciens sont plus ou moins familiers avec elle. Il faut bien l'admettre, pour la plupart d'entre eux, la physique nucléaire est une science relativement achevée, qui a un riche passé mais dont le programme leur semble à peu près terminé maintenant. Ce programme, c'est la connaissance du noyau et effectivement, à l'heure actuelle, les expérimentateurs ont accumulé une mul- titude de données sur les états nucléaires, leurs éner- gies, leurs spins, leurs parités, leurs moments magné- tiques ou quadrupolaires, leurs transitions par inter- actions faibles, électromagnétiques ou fortes. A travers toutes ces données, le noyau apparaît comme un corps d'épreuve privilégié du problème à N corps.

Ceci est dû à l'extrême variété de ses excitations

:

excitations de particules, de quasi-particules, vibra- tions, rotations, fission, etc. qui, toutes, peuvent coexister dans un même système.

O n peut, je pense, résumer très schématiquement le développement de la physique nucléaire en trois périodes. Premier chapitre, ce sont les découvertes des faits fondamentaux du noyau

:

la radioactivité naturelle ou artificielle, le neutron, la fission. Cette époque se termine vers les années 1940 par toutes les applications technologiques que nous connaissons.

Le de~ixiC.ii~e ch:ipitre, ri partir de 1948 jusqu'à

Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphyscol:19731001

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CIO-2 V. GILLET

maintenant, voit le développement prodigieux de la spectroscopie et des modèles nucléaires. La décou- verte du modèle en couches du noyau, puis des modèles collectifs, va permettre de classifier, de relier entre elles et de prédire une masse de données expérimentales. Toutes ces données démontrent la coexistence de deux aspects des structures nucléaires a priori contradictoires et aujourd'hui bien expliqués.

Simultanément, les nucléons se comportent comme des particules indépendantes dans un potentiel moyen, parcourant des trajectoires bien définies, tout à fait comme les électrons d'un atome et, d'autre part, au contraire, ils coopèrent à des modes d'exci- tation collectifs de la surface, vibrations ou rotations, un peu comme les molécules d'une goutte liquide.

A ces deux types de comportement vient s'en ajouter un troisième, découvert vers 1960, analogue à la supraconductivité

:

c'est l'appariement nucléaire. Dans un noyau, les nucléons identiques des couches externes ont tendance à se coupler fortement par paire de moment angulaire total nul et à former un état fon- damental supraconducteur auquel est associé un spectre typique d'excitations élémentaires de quasi- particules.

Notre troisième chapitre, c'est la théorie micro- scopique des noyaux qui se développe à partir de 1955. Le but ambitieux de cette théorie est d'expliquer tous les phénomènes nucléaires que nous venons de mentionner, dans un cadre unique, à partir du seul postulat de force à deux corps entre les nucléons.

Ce postulat non relativiste remplace les courants iiiésiques, responsables des interactions entre les nucléons, par des potentiels comportant des forces d'échange de positions, de spins et de charges. La théorie microscopique des noyaux va rencontrer un grand succès. Elle explique qualitativement, et sou- vent quantitativement, nombre de données expé- rinientales dans le cadre unifié du problème à N corps, telles que les rayons et les densités nucléaires, les états du modèle en couches, les états collectifs de vibration, de rotation, etc.

Nous laisserons de côté ces résultats acquis et l'extrapolation qu'on peut en faire pour les pro- grammes expérimentaux futurs. Nous considérerons plutôt plusieurs classes de problèmes dont le déve- loppement devrait certainement entraîner des chan- gements qualitatifs dans notre connaissance des noyaux. Afin d'être aussi concret que possible, nous allons illustrer ces directions nouvelles par des faits expérimentaux récents, choisis un peu arbitrai- rement mais ayant tous valeur démonstrative.

2. La recherche d'espèces nucléaires nouvelles. - Le problème de la recherche d'espèces nucléaires nouvelles est illustré par la figure 1. La région des noyaux stables, tous connus, comporte environ 450 iso- topes. De part et d'autre de cette région,

011

a repré- senté In zone des noyaux exotiques, c'est-à-dire ayant un grniid cscks dc protons ou de neutrons instables

FIG.

1. - La vallée de stabilité, les régions des noyaux exotiques et des noyaux superlo~irds [2].

par émission /lS et /?- ou par émission

ci,

ainsi que les limites prédites par différents modèles de formule de masse pour une énergie de liaison nulle du neutron ou pour un temps de vie par rapport à l'émission de protons de IO-'' S. Dans ces régions prédites, il y a environ 4000 espèces nucléaires dont 1200 seu- lement sont connues. Par exemple, selon certains modèles, les isotopes du calcium peuvent aller d e A

=

32

à

A

=

70, tandis que ceux de l'uranium de A

=

196 à A

=

302. Autre région inconnue, celle des noyaux superlourds, qui est figurée sous forme d'une île dans la partie supérieure droite de la figure 1.

La vallée de stabilité des noyaux connus est en effet interrompue vers A

N

250 lorsque l'effet des forces coulombiennes répulsives l'emporte sur les forces nucléaires attractives et induit des fissions spontanées.

Cependant, tous les modèles théoriques actuels prédisent que ces forces coulombiennes peuvent de nouveau être contrebalancées par le gain d'énergie de liaison nucléaire d û à la fermeture de la couche de neutrons a u nombre magique 184 et d e la couche de protons aux nombres magiques 114 et 126. Ces nouvelles espèces nucléaires, appelées noyaux super- lourds, auraient ainsi des nombres d e masse de l'ordre de 300.

2 . 1 NOYAUX

EXOTIQUES. -

La recherche des noyaux exotiques avec les moyens actuels s'est surtout limitée aux éléments Iégers. La figure 2 présente l'ensemble des isotopes légers découverts depuis 1966 par diverses équipes utilisant soit des réactions d e transfert, d e noyaux composés ou de fragiiieritation avec des pro- jectiles de très haute énergie. Ainsi, Klapisch et Mme

Thibault [2] ont étudié les fragments produits en bom- bardant de l'uranium avec des protons d e 24 GeV, a u PS du C E R N , par spectrométrie d e masse en ligne. Ils ont ainsi mesuré les masses des isotopes d u sodium jusqu'à A = 32, du lithium-11, mesuré les périodes de 29Mg et 3 0 ~ g , identifié 33Na, 48K, 50K, etc. Des spectres ont été mesurés pour certaines d e ces espèces, soit par leur désintégration /l soit par leurs neutrons différés.

Un autre moyen de fornlation des noyaux exotiques

(4)

LA PHYSIQUE NUCLÉAIRE AUJOURD'HUI E T DEMAIN C 10-3

FIG.

2. - Noyaux exotiques légers identifiés et domaine de stabilité par rapport à l'émission de nucléons prédit par les

modèles actuels (réf. [ 2 ] ) .

est l'emploi des réactions de transfert. Si l'on envoie un ion lourd sur une cible lourde, avec une énergie suffisante pour vaincre la barrière coulombienne, des nucléons peuvent être échangés entre les deux frag- ments. Or, il apparaît que, pendant le temps relative- ment court de la collision, des courants intenses de nucléons s'établissent entre cible et projectile. Le faisceau sortant est constitué de noyaux qui ont ainsi perdu ou gagné plusieurs nucléons et qui sont identi- fiés soit par temps de vol, soit par séparateur magné- tique. La figure 2 présente ainsi les résultats du groupe Volkov [3] en URSS, obtenus en bombardant une cible de thorium avec 160.

Le phénomène de courant nucléonique entre frag- ments lourds est également illustré sur la figure 3 par une étude, due au groupe de M. Riou [4], des réactions nucléaires induites par des ions d'argon de 300 MeV sur une cible d'or, à accélérateur linéaire d'Orsay.

Sur la figure, on voit que de nombreuses réactions sont produites, l'énergie du faisceau étant nettement supérieure à la hauteur de la barrière coulombienne.

Les noyaux légers dans le flux sortant sont identifiés

sans ambiguïté en Z et en A par une combinaison d'une analyse magnétique et d'un télescope différentiel en énergie, placés dans le plan focal. Les noyaux Iégers sont, pour la plupart, excédentaires en neutrons.

Plusieurs isotopes ont été ainsi observés pour la première fois, tels que les soufres-38 et 40.

Une autre expérience récente de transfert à grand nombre de nucléons, effectuée par le groupe Lefort sur l'accélérateur Alice d'Orsay, permet d'éclairer le mécanisme de ces réactions [ 5 ] . Cette expérience utilise des ions de krypton et elle consiste à mesurer les frag- ments de fission issus des interactions (Kr + '::HO), (Kr + ' 8 ; ~ i ) et (Kr + 2 : 2 ~ ) . D'après le montage expérimental, i l était possible, en mesurant l'angle de corrélation entre les fragments émis en coïncidence et I'énergie de ces fragments, de remonter sans ambiguïté au mécanisme de l'interaction. Dans les trois cas, I'énergie des ions incidents était supérieure à la bar- rière d'interaction d'environ 40 MeV (dans le centre de masse). Pour l'uranium, aucune fission issue d'un noyau de fusion ( 3 : ~ r +

2 ; ; ~ )

soit

322 128X,

n'a été observée. Quelques événements ont été observés pour le bismuth, correspondant à une section efficace d'en- viron 20 mbarns, et pour l'holmium (100 mbarns).

Par contre, une grande partie de la section efficace conduit à des noyaux qui apparaissent au voisinage du nombre de masse de l'ion incident et, complémen- tairement, au voisinage de celui de la cible, mais avec une énergie très inférieure à celle de la diffusion élas- tique (Fig. 4) ; tout se passe comme si un échange de nucléons important avait lieu entre les deux noyaux, au cours d'une diffusion très inélastique. Typiquement, la figure 4 à trois dimensions résume les résultats. Eri ordonnées, on a porté I'énergie des produits de réac- tion, en abscisse leur masse. Tous ces produits sont vus en coïncidence, c'est-à-dire que, pour le bismuth

+ Kr, à une masse A

=

90 correspond une masse voisine de A

=

200. En lignes de niveau, on a le nombre d'événements. Au centre, sont les noyaux

FIG. 3. - Noya~ix exotiq~ies identifié9 dans la réaction Ar

-+

Au FIG. 4. - Production et énergie des fragments de la réaclion avec des argons de 300 MeV i I'accélérate~ir linéaire Alice à xJKr

+

*li9Bi à 40 MeV environ au-dessus de la barrikrc cou-

Orsay (réf. [4]). lombienne ; Alice Orsay (réf. [SI).

(5)

C 10-4 V. GILLET

provenant d'une vraie fission issue d'un noyau voisin du noyau composé. A gauche et à droite, on a les pics de diffusion élastique et inélastique. En dessous, à plus basse énergie, les noyaux issus d'un phénomène très inélastique jamais observé avec les ions plus légers (y compris l'argon). Ce peut être une fission asymétrique à partir d'un ensemble ayant gardé la mémoire de l'approche de Bi par Kr.

Le transit de nombreux nucléons du projectile vers la cible, et vice versa, pendant le temps bref de la collision conduit à imaginer l'existence d'états quasi moléculaires intermédiaires entre lesquels les nucléons de valence constitueraient les liens entre les deux fragments. Un courant nucléonique intense s'établirait ainsi entre les deux fragments, comme le

montre schématiquement la figure 5. Nous aurons plus loin d'autres exemples de ce phénomène.

2.2 NOYAUX

SUPERLOURDS.

- La recherche des noyaux superlourds pose un problème non encore résolu. Ces noyaux ont pu être créés dans l'explosion de super-novae, mais leur observation dans la nature dépend de leur temps de vie qui, pour l'instant, nous est inconnu. Les prédictions vont de quelques nano- secondes à 10'' années. En fait, comme on ne les a pas encore trouvés dans les minerais, leur temps de vie est certainement inférieur au temps géologique.

Certaines indications, peu convaincantes, de leur présence dans les rayonnements cosmiques ont été avancées. Aussi, est-ce dans le laboratoire que l'on cherche à les créer, par exemple en bombardant une cible lourde par un faisceau de noyaux lourds de façon à arriver dans la région des superlourds par fusion. Lefort [6] a ainsi bombardé du thorium avec un faisceau de krypton de 400 MeV dans l'accélérateur linéaire Alice d'Orsay. De multiples produits sont formés au cours de cette réaction. Ils sont identifiés par les particules a qu'ils émettent. Sur la figure 6, on voit les raies cc observées. Les énergies de désinté-

u gration cc croissent jusque vers 10 MeV lorsque le nombre atomique croit et atteint 240. Une formation

FIG. 5.

-

La formation d'états quasi moléculaires de temps

de vie brefs pendant la collision ion lourd sur cible lourde par

éventuelle de superlourds dans la réaction reposerait

l'échange des nucléons de valence pourrait expliquer l'apparition

Sur l'observation de raies

a

d'énergie nettement s u ~ é -

de courants nucléoniques intenses entre les deux fragments.

rieure à 10 MeV. De telles raies sont effectivement

\

\

\

It .

zoo m

Canal FIG. 6. - Energies des particules a émises par les produits de fission obtenus par bombardement du thorium

avec un faisceau de Kr de 400 MeV (réf. [6]).

(6)

LA PHYSIQUE N U C L É A I R E AUJOURD'HUI E T DEMAIN CIO-5

observées. Néanmoins, c'est une preuve circonstan- cielle très faible car la statistique est insuffisante et les particules cr énergiques observées pourraient tout simplement être émises par des états nucléaires excités.

Par ailleurs, on s'attend à ce que la formation de superlourds, par fusion intégrale de deux fragments, ait une section efficace faible, sinon nulle, parce que le noyau composé est formé dans un état de grande énergie et de grand moment angulaire qui, certaine- ment, est de vie très courte.

On a proposé d'autres moyens plus prometteurs pour la formation de noyaux superlourds tels que, par exemple, la fusion d'ions uranium sur uranium.

Un noyau intermédiaire de A élevé, environ 460, forte- ment excité, est formé et c'est dans ses produits de fission que l'on pourrait espérer trouver les superlourds, si toutefois leurs temps de vie ne sont pas négligeables.

Une autre possibilité consiste à transférer un groupe- ment de nucléons d'un ion lourd à une cible lourde ; de cette façon, le fragment émergent peut emporter I'énergie de la réaction et laisser le noyau formé dans son état fondamental. Ces moyens impliquent la construction d'accélérateurs spéciaux permettant d'ac- célérer des ions à des énergies suffisamment élevées pour vaincre les fortes barrières coulombiennes entre les fragments.

La découverte des noyaux superlourds serait très importante. Elle apporterait une connaissance nouvelle des phénomènes de nucléo-synthèse dans l'explosion des super-novae. Tout comme les noyaux exotiques, les noyaux superlourds fourniraient un ensemble de données expérimentales essentielles pour le dévelop- pement de la théorie de la stabilité et des formes nucléaires. Enfin, ils apporteraient une contribution très fondamentale au développement d'un autre domaine de la physique, celui de l'électrodynamique quantique, en fournissant des atomes dont le nombre d'électrons s'approcherait du nombre fatidique de 137.

Notons que ce nombre pourrait être dépassé largement dans les systèmes composés éphémères obtenus par diffusion d'ions lourds sur cibles lourdes.

3. Coexistence de phases dans les noyaux.

-

Un autre domaine qui excite actuellement l'intérêt des physiciens nucléaires a été ouvert par la découverte de la coexistence dans les noyaux, à des énergies identi- ques, d'états correspondant à des formes ou à des structures nucléaires si totalement différentes qu'on a pu parler de coexistence de phases. Nous avons déjà plusieurs exemples de ce phénomène.

3 . 1

ISOMÉRIE DE FORME DANS LA FISSION. -

Consi- dérons tout d'abord le phénomène d'isomérie de forme récemment découvert dans la fission. Une interprétation simplifiée du phénomène est donnée sur la figure 7. Les ordonnées représentent I'énergie du système nucléaire en fonction d'un paramètre de déformation du noyau, porté en abscisse, qu'il n'est pas nécessaire d'expliciter. L'énergie totale du système

',O 1.5 2,O 2,5

OEFORMATION ( o l c )

FIG. 7. - Schéma du phénomène de double barrière de fission.

présente un minimum correspondant à une certaine forme du noyau. Lorsqu'on s'éloigne de cette forme d'équilibre, I'énergie augmente jusqu'à ce que la déformation soit suffisante pour que le noyau se fissionne sous l'effet du champ coulombien (courbe a).

Maintenant, i l peut y avoir un deuxième minimum dans I'énergie potentielle, c'est-à-dire qu'il existe des énergies où le noyau peut prendre deux formes diffé- rentes (courbe b)

:

c'est l'isomérie de forme. Les transitions entre ces deux phases se font par effet

« tunnel » à travers la barrière de potentiel située entre les minimums. La figure 8 représente l'expérience du groupe Michaudon à Saclay [7] qui a révélé I'exis- tence de cette coexistence de phases. A énergie égale, les états de la phase II sont de densité plus faible que les états de la phase 1. Pour des neutrons d'une réso- lution de quelques dizaines d'électrons-volts, on observe les pics peu denses de la phase II et, avec des neutrons d'une résolution de quelques électrons-volts, chacun de ces pics présente une structure fine correspondant aux états de la phase 1.

FIG. 8. - Structure fine des sections efficaces de capturc dc neutrons par 237Np (réf. 171).

(7)

CIO-6 V. GILLET

3 . 2 LES

NOYAUX

SUPERMOUS.

-

Depuis quelques années, on a réalisé progressivement que ce phénomène de coexistence de phases est très général sous des formes diverses. Depuis 1964, on sait que le premier état excité de I6O est déformé alors que l'état fonda- mental est sphérique. Il en est de même de "'Ca mais non de "'Pb. Il existe des isotopes du samarium oii l'état fondamental est déformé mais le premier état excité sphérique, etc. Les calculs de Hartree-Fock, d'ailleurs, conduisent toujours à plusieurs minimums de l'énergie totale, très voisins les uns des autres, pour des valeurs très différentes des paramètres de déformation utilisés dans les fonctions d'onde d'essai.

Comme corollaire de ce phénomène de coexistence de phases, les noyaux présentent plusieurs spectrosco- pies construites sur chacune des phases formées, qui viennent s'ajouter à la spectroscopie des excitations simples ou collectives dans la phase du fondamental.

R. Foucher [8] s'est attaché à délimiter l'ensemble des régions nucléaires où le phénomène de coexistence de phases peut se produire à des énergies peu élevées. Ce sont les noyaux supermous. Pour ce faire, il a indiqué, sur la figure 9, les frontières de séparation entre des domaines où les noyaux ont des formes différentes dans leurs états fondamentaux. Les frontières indi-

zone de stabilité, ce qui nous ramène au problème déjà évoqué de la formation de noyaux exotiques.

De manière plus générale, l'étude des coexistences de phases exige des moyens d'investigation nouveaux.

En effet, la spectroscopie nucléaire classique résulte d'excitations particulièrement simples du noyau.

L'absorption de rayonnements gamma, la diffusion élastique ou inélastique de particules, le transfert d'un nucléon, qui ont été les modes quasi uniques d'investigation du noyau jusqu'à présent, correspon- dent à des opérateurs d'excitation à un corps. C'est-à- dire que ces réactions conduisent à des états nucléaires qui diffèrent du fondamental par un tout petit nombre de nucléons excités. Ces processus d'excitation sont beaucoup trop simples pour nous permettre de passer, avec une bonne probabilité, d'un état du système à un autre de nature très différente. Il faut faire appel à de nouveaux types de réactions nucléaires qui condui- sent à des perturbations profondes des états nucléaires.

Pour déterminer les meilleures réactions nucléaires qui conduiront à ce résultat, i l faut avoir une idée de la nature de ces phases dans les noyaux.

3 . 3 Sous-STRUCTURE

A PLUSIEURS NUCLÉONS DANS LES

NOYAUX.

-

En ce qui concerne les noyaux légers, l'interprétation est relativement simple car peu de nucléons sont en jeu. Ainsi, l'on sait que le premier état excité de

1 6 0 O U

de 40Ca correspond à l'excitation de quatre nucléons. De même, dans ''Ne, à la bande de rotation du fondamental vient s'ajouter une autre bande obtenue par l'excitation de quatre nucléons.

Prenons comme illustration le spectre d'excitation de

1 6 0

vu par la réaction 12C +

a -+

'Be + 8Be représentée sur la figure 10. Elle a été étudiée par le groupe Chevallier de Strasbourg, avec une équipe israélienne, sur le tandem de Heidelberg [9]. Les

mYRRE 3 E Y E u I R D Ï S i':! ~ ~ C > . F ~ L , W , G . , ~ I ? R ~ ~ G e ~ ~ . , > k o * w 5 ' < ~ 5

" c + a - ' ~ e + ' ~ c

FIG.

9. -Régions des noyaux supermous (réf. [8]). 0 = 9 O o C m

quent le passage de noyaux sphériques à des noyaux déformés ou de noyaux déformés à moments quadru- polaires positifs (+) à des noyaux déformés négatifs (-). Dans ces régions de transition, i l faut s'attendre

à ce que des isomères de forme existent pour des

1 11 E. I*.VI 16 17 18

énergies proches de l'état fondamental. Un ensemble

d'observations doit être fait pour étayer cette prédic- tion. Ainsi, Foucher et son groupe ont étudié plus particulièrement, avec le SC de 600 MeV du CERN, un ensemble de noyaux entre A

=

130 et A

=

200.

Dans les régions indiquées en noir, des états 0' anor- malement bas, ainsi que des anomalies dans les spectres de rotation et de vibration, pourraient être associés h cette coexistence de phases. L'étude de ces noyaux inous, où le phénomène est particulièren~ent inarqiié à basse énergie, exige qu'on s'éloigne de la

FIG.

10. - Spectre d'excitation de 1 6 0 dans la réaction

"C

+

a + sBe

+

8Be (réf. [9]).

résonances observées à 13,05 MeV, 13,35 MeV,

14,50 MeV, etc., indiquent qu'il existe, à ces énergies,

des structures très particulières dans lesquelles les

nucléons se sont réorganisés en deux sous-ensembles

('Be + 'Be) en faible interaction mutuelle. Les quatre

pics dominants forment exactement une bande de

rotation. Donc, ces états sont déformés. Ils appar-

(8)

LA PHYSIQUE N U C L É A I R E A U J O U R D ' H U I E T D E M A I N C 10-7

tiennent à une phase particulière du système. En effet, si l'on avait induit une réaction à partir de '('O dans son fondamental sphérique par absorption y ou diffusion inélastique de particules (opérateur à un corps), on aurait obtenu dans la même région un spectre plus dense très différent, interprété avec succès comme celui d'excitations simples (appelées excitations particule-trou), construites sur la phase sphérique du fondamental.

O n a avancé [IO] le mécanisme suivant pour expli- quer l'existence d'excitations aussi compliquées à des énergies relativement basses. Dans les noyaux, les interactions entre nucléons ne sont pas toutes équiva- lentes, en dépit d e l'idée de champ moyen que nous nous faisons. Ceci ressort de la structure de la table des masses nucléaires ainsi que des calculs de Hartree- Fock [ I l ] et de spectroscopie théorique. Un nucléon interagit très fortement avec un autre seulement s'il est sur la même orbite que lui. Leurs fonctions d'onde se recouvrent alors exactement, ce qui est nécessaire pour donner un élément de matrice important, étant donné la portée relativement courte des forces nucléon- nucléon par rapport aux dimensions du noyau. On peut mettre ainsi sur une même orbite, sans violer le principe d e Pauli, jusqu'i quatre nucléons mais pas plus. Dans le cas de quatre nucléons, deux sont des protons, deux des neutrons, et chaque paire a des spins opposés. C'est un « quartet ». L'interaction d'un nucléon avec le reste du noyau est faible et c'est cette interaction entre les quartets, relativement faible, qui est responsable du champ moyen nucléaire et de la forme des noyaux. Donc, toute réaction qui entraî- nera un réarrangement des liens entre les quartets, sans modifier la structure interne de ceux-ci, conduira à des états d'excitation peu élevée mais de nature bien évidemment très différente de l'état fondamental.

Par conséquent, une réaction avec un faisceau d'ions lourds, dans laquelle les noyaux projectiles transfèrent deux, quatre, six, huit nucléons, ... sans briser les liens internes des paires et des quai-tets, doit exciter préférentiellement à basse énergie des états apparte- nant à des phases différentes de celle du fondamental, si les conditions de recouvrement des fonctions d'onde s'y prêtent. Pour vérifier cette hypothise, le groupe Faraggi-Mermaz [12], avec le tandem de Saclay, étudie des réactions du type 1"(5"Fe, " c ) ~ ~ N ~ , 160(90Zr, 1 2 C ) y 4 ~ ~ . Le transfert de quatre nucléons à partir d'un faisceau d'oxygène sur le fer, figure 11, excite très peu les premiers états qui appartiendraient à la phase d u fondamental, c'est-à-dire à un état supraconducteur d e BCS avec ses excitations à deux quasi-particules. Par contre, i l excite fortement et sélectivement à partir de 3 MeV quelques états parti- culiers qui appartiendraient, dans un langage micro- scopique, à la phase déformée q ~ i a t r e particules-deux trous [13] par rappor-t à l'état fondamental sphérique des nickels formés. Bien évidcn~ineiit, cette vue extrême des choses doit être corrigée par le mélange des phases qui peut être très important.

IO0 200 300

NUMERO UU CANAL

FIG. 1 1 . - Réactions de transfert de quatre n~icléoiis sur des isotopes du fer et du nickel (réf. [12]).

3 . 4 ETATS

QUASI MOLÉCULAIRES. -

Voici encore un exemple caractéristique d e ce que pourront nous apporter les réactions de fusion faites avec une grande précision. Les énergies actuelles des tandems eii fonctionnement nous permettent, par exemple, de faire la réaction de fusion sur noyau léger '('0 + "C.

Sur la figure 12, nous voyons les résultats de I'expé- rience du groupe Fernandez sur le tandem de Saclay [14]. Le noyau 28Si est formé avec une excita- tion d'environ 40 MeV. D'après nos modèles usuels, la densité des états possibles a cette énergie est si grande que la résolution expérimentale utilisée ne devrait pas permettre de séparer ces états. Le spectre obtenu devrait être un continu à variation lente. Or, nous observons, chose très surprenante, des résonan- ces relativement étroites d'environ 300 keV et peu nombreuses. Ces résonances apparaissent lorsqu'on détecte en coïncidence un alpha dans la voie de sortie.

Comme le montre la figure, les positions de ces états ne changent pas lorsque la particule alpha émise laisse le noyau résiduel '"Mg dans différents états excités.

Ceci iious assure bien qu'on a formé un état intermé- diaire. Différentes interprétations, encore très primi- tives, de ce phénomène ont été données. Elles sont du type quasi moléculaire avec des forces associées

à

l'échange de iiucléons, comme le montre la figure 5.

Au moment de leur intcractiori, la densité nucl6kiirc

entre les deux fragments est trCs faible. Ceci donric

néanmoins un potentiel iiuclé:iire clu même ordrc de

(9)

CIO-8 V. GILLET

FIG.

12. - Spectre d'excitation de Z8Si obtenu dans la réaction 12C

+

1 6 0 + Z4Mg

+

a. Les différentes courbes correspondent à des énergies de la particule a associées à différents états du

noyau résiduel de "Mg (réf. [14]).

grandeur que les interactions responsables du champ moyen dont nous parlions tout

à

l'heure. Par consé- quent, i l a été spéculé qu'il pouvait y avoir des orbites pour des paires ou des quartets de nucléons en forte interaction mutuelle qui seraient déterminées par le potentiel à deux centres formé a u moment de la ren- contre des deux fragments. Ces orbites constituent bien évidemment des résonances du système, avec des possibilités non négligeables de transfert de plusieurs nucléons entre les deux fragments. Ainsi, le phénomène d'états quasi moléculaires nucléaires s'accompagne d'un effet connu en physique du solide

:

un effet Josephson nucléaire, c'est-à-dire un état collectif global de nos deux fragments, permettant la transmis- sion cohérente de nombreux nucléons à travers la barrière de potentiel coulombienne.

Ces études, qui sont capitales pour comprendre la structure des noyaux, sont très vite arrêtées par la difficulté expérimentale que représente la barrière coulombienne entre fragments incidents et noyaux cibles pour les énergies de faisceaux qui sont actuel- lement réalisables.

4. Physique nucléaire avec des particules de haute énergie.

-

Nous allons maintenant discuter de quel- ques exemples d'un autre domaine encore très neuf de la recherche nucléaire

:

l'étude des structures nucléaires avec des particules ou des photons d'éner- gies intermédiaires de l'ordre de 150 MeV à 2 GeV.

La première de ces énergies correspond a u seuil d'émission de mésons

TC,

la seconde permet de produire des mésons K et de former des hyper-fragments nucléaires (noyau où un nucléon est remplacé par une particule A ) . Parmi les multiples possibilités offertes par ces nouveaux moyens d'investigation, nous en choisirons trois qui sont caractéristiques : l'étude des états intrinsèques nucléaires, l'étude du comportement des résonances baryoniques dans le milieu nucléaire, l'étude des effets des courants mési- ques et des composantes virtuelles de baryons excités dans les états nucléaires de basse énergie.

4.1 ETATS

INTRINSÈQUES NUCLÉAIRES.

- L'utilisa- tion de projectiles d'énergie élevée apporte des infor- mations spécifiques sur les fonctions d'onde nucléaires.

Ces projectiles pénètrent profondément dans le noyau et, sous certaines conditions, ils peuvent être diffusés par plusieurs nucléons avant que tout réarrangement des nucléons puisse se produire, fournissant ainsi une vue instantanée et détaillée de la situation nucléaire.

Pour illustrer ce point, considérons la figure 13 qui représente le spectre de ''C obtenu par diffusion de protons de 1 GeV des angles petits, correspondant par conséquent à des transferts d'impulsion au noyau relativement nod dé rés. Cette mesure a été faite récem- ment sur le synchrotron Saturne à Saclay par le groupe Thirion [15]. La très haute résolution de I'expé- rience, de l'ordre de 180 keV, met en évidence un eilsemble de niveaux en général bien connus, par exemple le niveau de 15 MeV de 12C correspondant au renversement du spin d'un nucléon de l'état fonda- mental. L'observation de ce niveau pose déjà un pro- blème intéressant, l'amplitude spin-flip de l'interaction à deux corps devant décroître avec l'énergie. E n des- sous de ce niveau, on voit un autie état relativement large dont la nature exacte n'est pas encore déterminée.

Mais la caractéristique la plus intéressante de ce résultat, c'est la large bosse qui apparaît depuis le

A

C

12

- 12

:AB ; protons

1

GeV

10000 9 O00 8000 7000

SEUIL t55 MeV

Frc. 13.

-

Diffusion inélastique de protons de 1 GeV par 12C

(réf. 1151).

(10)

LA PHYSIQUE N U C L É A I R E A U J O U R D ' H U I E T D E M A I N C 10-9

seuil d'émission de particules alpha. Cette bosse correspond exactement à la cinématique de diffusion du nucléon incident par un alpha quasi libre dans 12C. Cette cinématique quasi libre sur une structure

u

dans le noyau a été déjà observée par le groupe de P. Radvanyi [15] avec des protons de 157 MeV sur des cibles de 24Mg, "Si, 40Ca et Th au SC d'Orsay.

Dans cette expérience, on mesure le spectre du noyau résiduel A-4 pour des valeurs d'impulsion q du noyau de recul bien définies. On observe deux faits. La sec- tion efficace différentielle décroît fortement lorsqu'on passe d'une valeur de

q

égale à la valeur quasi élastique à une autre valeur de

q

#

q

élastique ( q < 200 MeV/c).

Ensuite, une structure apparaît en fonction de l'énergie du noyau résiduel (avec de forts maximums pour l'état fondamental et le premier 2' dans le cas d'une cible de 24Mg) ce qui donne une analyse spectrale du cœur A-4 dans l'état fondamental du noyau A . Pour com- prendre ce nouveau phénomène de diffusion quasi élastique sur une particule a, il faut introduire explici- tement le temps de la collision et les modèles micro- scopiques de I2C. Les théories actuelles décrivent 12C par un état « intrinsèque » formé de 3 a disposés au sommet d'un triangle équilatéral. Cet état, cependant, n'est pas un état physique car il n'est pas invariant par rapport à une rotation dans le système de référence du laboratoire. Les états physiques sont obtenus en projetant de cet état intrinsèque les composantes de moment angulaire total bien défini. C'est-à-dire que la configuration intrinsèque à 3

u

est moyennée par rapport à toutes ses orientations pour donner des fonctions d'onde invariantes par rotation de moment angulaire total défini. Les états ainsi obtenus par projection du moment angulaire d'un état intrinsèque forment généralement une bande de rotation qui, dans le cas de 12C, s'étend sur environ 20 MeV. Pour des expériences de diffusion inélastique de protons d'énergie inférieure à environ 50 MeV, le temps de traversée du noyau est suffisamment long pour ne permettre de détecter I'état intrinsèque que moyenné dans toutes ses orientations. A plus haute énergie, le temps de la réaction est court et l'on a, pour ainsi dire, un instantané de la situation nucléaire mettant directement en évidence I'état intrinsèque dans une de ses orientations. Les sous-structures

u

de cet état intrinsèque conduisent à un effet de diffusion, la cinématique élastique étant moyennée sur la distribu- tion des impulsions des a dans I'état intrinsèque.

4 . 2 RÉSONANCES

BARYONIQUES DANS LE MILIEU

NUCLÉAIRE.

-

Le but recherché avec la physique nucléaire à haute énergie est d'accéder à une vue entièrement nouvelle du noyau, qui fasse intervenir directement les degrés de liberté associés aux mésons n ,

p , w ,

etc., qui sont responsables des forces nucléaires.

Les problèmes sont nombreux. La distribution des mésons sur chaque nucléon dans u n noyau doit être différente de celle d'un nucléon libre mais dc quelle manière ? Lorsqu'un noyau est forteinent excité, les

mésons sont émis par les nucléons liés mais d'une façon différente par rapport à celle d'un ensemble de nucléons libres puisque tout d'abord la source est différente et qu'ensuite les mésons émis peuvent rencontrer d'autres nucléons sur leur chemin. A une énergie bien détermi- née, le pion créé peut former un état résonnant avec un nucléon. Quelles sont les caractéristiques de ces résonances baryoniques dans le milieu nucléaire, leur énergie, leur largeur ? II est tout à fait possible que ces études apportent une révision de nos idées actuelles sur la structure nucléaire. Il est certain, en tout cas, qu'elles permettront de comprendre plus profondément comment les forces nucléaires agissent à l'intérieur des noyaux.

Prenons comme exemple une expérience récente réalisée à I'ALS de Saclay 1171. La figure 14 donne la section efficace de photoproduction de pions à l'aide d'un rayonnement de Bremsstrahlung au voisinage de la résonance du nucléon (+ 2 ) dans 4 ~ e . On peut

\ / I

/

"4- -

+ 1 1 *

a nm mo 12m 1 2 ~lm MeV ENERGIE DE (P,x-)Mt6 LEUR CENTRE DE PASSE FIG. 14. - Photoproduction de pions sur 4He (réf.

[16]).

imaginer un modèle du phénomène où tout se passe comme si le nucléonétait libre, à part des corrections tenant compte des distorsions de la fonction d'onde de ce nucléon dans le champ nucléaire des trois autres.

Ce modèle donne la courbe en traits discontinus.

Pour une impulsion de recul du noyau résiduel de

50 MeV/c, l'accord est excellent, ce qui signifie que

le phénomène, dans ce cas-là, n'apporte pas d'infor-

mation nouvelle par rapport à la photoproduction

sur un nucléon libre. Par contre, pour un recul de

200 MeV/c, le désaccord porte non seulement sur

l'ordre de grandeur mais encore sur la forme de la

section efficace. Donc une information nouvelle, qui

reste à déterminer, est apparue. Je voudrais signaler

d'ailleurs que ces résultats sont actuellement utilisés

par les théoriciens pour obtenir des informations sur

l'interaction entre In résonance créée et le milieu

nucléaire [IS].

(11)

CIO-10 V. GILLET

4 . 3 RESONANCES

BARYONIQUES VIRTUELLES DANS LES

NOYAUX.

-

L'exemple que nous venons de discuter correspond à l'étude d'un effet se produisant à une énergie élevée, celle de la résonance (3 3). Mais nous avons également des phénomènes associés à l'existence de résonances baryoniques (ou états excités du nucléon) qui se manifestent dans la structure des états de basse énergie des noyaux.

Les résonances baryoniques ont des énergies supé- rieures de plusieurs centaines de MeV à celle de l'état fondamental du nucléon, mais les constantes de cou- plage sont de l'ordre de la dizaine de MeV. Par consé- quent, on peut s'attendre à des mélanges de l'ordre de quelques pour cent de composantes baryoniques exci- tées dans la fonction d'onde des états nucléaires de basse énergie. Ainsi, à tout instant, un des nucléons dans l'état fondamental du plomb existe sous la forme d'une résonance baryonique. Ces composantes étant très loin de la couche de masse, elles se manifesteront par l'existence d'impulsions élevées dans la fonction d'onde nucléaire.

La figure 15 représente la diffusion élastique de protons aux angles arrière sur deutons pour des transferts de 2 à 4 fm-'. Le calcul du processus [19]

D i f f u s i o n p r o t o n sur Deuton aux g r o n d s angles

1 590

M e V

I

1 G e V

Thiorle

10 :

- T h i o r i e 590 MeV \

-

sans -1

D. \

1 '

\

I I l I

1.0 2.0 390 '.,O

A

FIG. 15. - Section efficace différentielle de diffusion élastique de proton sur le deutéron pour des transferts de 2

ii

4 fm-1

(réf. [18]).

avec la fonction d'onde non relativiste ordinaire du deuton conduit à des sections efficaces trop petites d'un ordre de grandeur. On ne peut pas introduire dans cette fonction d'onde une composante virtuelle avec un seul N + (résonance 3 3) en raison des règles de sélection d'isospin du deuton. Par contre, une composante faible de l'ordre de 1 % avec un des nucléons dans un état excité D*(+ +) suffit à rendre compte de l'expérience jusque vers 4 fm-'.

4 . 4 COURANTS

MÉSIQUES

NUCLÉAIRES.

-

Les faibles longueurs d'onde et les transferts d'impulsion impor- tants disponibles dans les réactions avec des projectiles d'énergie permettent d'atteindre spécifiquement des phénomènes nucléaires de courte portée tels que, par exemple, l'échange de mésons lourds

p,

w , ..., responsa- bles des forces nucléaires à courte distance. Par exemple, sur la figure 16, on a présenté le facteur de forme magnétique du deuton mesuré par diffusion d'électrons de grande énergie et à des transferts élevés. Si nous supposons que l'interaction électromagnétique se fait uniquement avec les nucléons, le facteur de forme calculé est largement en désaccord avec l'expérience.

Si l'on ajoute la possibilité de l'interaction du photon avec un courant d'échange de mésons lourds, l'accord devient remarquable. Remarquons qu'en raison des nombres quantiques du deuton et du photon, I'ab- sorption ne peut se faire que par un processus parti- culier où un méson p se transforme en

7 ~ .

L'utilisation d'un autre noyau conduirait à introduire les autres courants mésiques possibles. Nous avons donc au passage un exemple de l'apport de la physique nucléaire à la physique des particules élémentaires par les règles de sélection qu'on peut introduire à partir du choix d'un noyau particulier. Ces derniers exemples présen- tent des aspects tout à fait nouveaux des noyaux, qui ne sont contenus dans aucun des modèles nucléaires non relativistes actuels.

FACTEUR DE FORME MAGNETIOUE DU DEUTON

FIG. 16. - Facteur de forme magnétique du deuton haut transfert d'impulsion mesuré par diffusion d'électrons de

grande énergie.

5. Conclusion.

-

A la fin de cette énumération de

faits expérimentaux récents, j'ai bien conscience de

n'avoir nullement épuisé la liste des problèmes nou-

veaux qui sont actuellement activement explorés par

les physiciens nucléaires. Je me suis volontairement

limité à des exemples empruntés à la physique des

ions lourds et à la physique nucléaire avec des parti-

(12)

LA PHYSIQUE N U C L É A I R E AUJOURD'HUI ET DEMAIN CIO-Il

cules d e haute énergie. J'aurais pu citer, comme autres directions nouvelles, l'étude des atomes hadroniques, c'est-à-dire ayant capturé sur une orbite atomique un n-, K - , 1- ou 7 pour l'étude de la surface nucléaire, l'étude du halo nucléaire, c'est-à-dire du nuage nucléo- nique à grande distance d u noyau par interférence entre effets coulombiens et nucléaires dans des colli- sions noyaux-noyaux, l'étude des modifications brus- ques des structures nucléaires aux très hauts moments de rotation, la spectroscopie des rayons X émis par les états quasi moléculaires à temps de vie brefs formés dans les collisions noyaux-noyaux, etc.

Toutes ces directions de recherche nouvelles sont appelées à modifier, parfois très profondément, notre connaissance des systèmes nucléaires et elles vont exiger un travail, dans les prochaines années, au moins aussi important que celui des deux dernières décennies.

Remerciements.

-

L'auteur remercie, pour d'utiles discussions et communications de leurs résultats

:

R. Bertini, R. Beurtey, D. Disdier, H. Faraggi, B.

Fernandez, R. Foucher, R. Klapisch, M. Lefort, A. Michaudon, P. Radvanyi, M. Riou, J. Saudinos, C. Thibault, J. Thirion, C. Tzara.

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Références

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