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ENJEUX ET LIMITES DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE
Michel Casteigts
To cite this version:
Michel Casteigts. ENJEUX ET LIMITES DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE. Ter-
ritoires 2040 : revue d’études et de prospective, Documentation française ; DATAR, 2003. �halshs-
01558396�
ENJEUX ET LIMITES
DE LA COOPERATION TRANSFRONTALIERE
Michel CASTEIGTS
*Article publié dans la revue Territoires 2020 - Les nouvelles échelles territoriales – DATAR - Janvier 2003
Mots clés : effet-frontière ; coopération transfrontalière ; intégration européenne ; échelle territo- riale ; gouvernance
Résumé : La construction européenne bouleverse l’organisation et le fonctionnement des zones fron- talières. De part et d’autre de la frontière, les collectivités publiques s’associent pour mettre en œuvre des projets de coopération, afin d’accompagner les évolutions sans les subir. Véritables laboratoires de l’intégration communautaire, ces territoires émergents s’emploient à compenser les handicaps liés à la frontière en expérimentant de nouvelles formes d’action publique et de gouvernance.
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Inspecteur général de l’administration. Professeur des universités associé à l’Université de Pau et des pays de
l’Adour (IAE). courriel : michel.casteigts@univ-pau.fr
ETAT DES LIEUX
Pour qui s’intéresse aux effets spatiaux de l’intégration européenne un constat d’une immense banalité, mais trop souvent oublié, s’impose : ce sont les zones frontalières qui ont été historiquement les plus marquées par les effets de la frontière, dans leur structuration spatiale, leur spécialisation éco - nomique ou l’organisation de leurs relations humaines (Sayer, 1983); ce sont donc elles qui sont appe- lées à connaître les bouleversements les plus profonds avec le développement de la circulation des biens et des personnes et l’unification monétaire.
Dans son analyse du fait frontalier, la littérature économique classique insiste sur les effets de la frontière comme barrière, constituant un lourd handicap pour le développement des régions conti- guës : elles sont à la fois marginalisées par leur situation périphérique dans le système économique na - tional et coupées de régions voisines qui leur auraient fourni, en l’absence de frontière, un espace natu- rel de coopération et d’échanges. Sans que sa validité soit radicalement remise en cause, ce type d’ana- lyse doit être relativisé par la prise en considération d’autres dimensions de la frontière, notamment son rôle de filtre ou sa fonction de zone de contact (Ratti, 1993) .
En tant que filtre, la frontière constitue « un médiateur discriminant entre deux ou plusieurs systèmes politico-industriels et entre différents systèmes économiques…L’introduction d’une frontière institutionnelle servant de filtre et modifiant les espaces économiques évoque l’important concept de rente différentielle. En d’autres termes, l’économie des zones frontières peut provoquer des zones de quasi-rente, positive ou négative, pour les deux côtés de la frontière ; rente dont l’effet d’ensemble – et ceci est important – ne correspond pas nécessairement à une somme nulle.
1» Les travailleurs fronta- liers connaissent bien ce type de situation, qui leur permet de jouer de façon optimale sur les diffé- rences de salaire, les régimes fiscaux ou la qualité de la couverture sociale. Les phénomènes de rente peuvent constituer pour les salariés comme pour les entreprises un avantage comparatif qui compense tout ou partie des inconvénients des effets-barrière.
Avec les progrès de la construction européenne, c’est un troisième aspect qui est appelé à de- venir prédominant, celui de la « frontière ouverte où domine la fonction de contact – et non celle de séparation – entre deux ou plusieurs systèmes politico-institutionnels ou sous-systèmes socioécono- miques… Dans ce contexte, le développement économique des zones de frontière ne sera plus détermi- né par le différentiel politico-institutionnel – et donc par les rentes de position positives ou négatives dues à l’appartenance à telle ou telle nation – mais bien par la rente de position , c’est à dire les avantages comparés, de l’ensemble des deux zones de frontière
2. » C’est précisément dans cette appa- rition d’une solidarité stratégique entre les deux côtés de la frontière que s’effectue le basculement d’une logique de juxtaposition d’espaces frontaliers à celle d’émergence d’un territoire transfrontalier.
L’exemple de la conurbation qui va de Bayonne à Saint-Sébastien est une bonne illustration de ce qui précède : l’agglomération de Bayonne, même élargie à l’ensemble de l’aire urbaine qui couvre la côte basque, pèse peu dans le système urbain du Sud-Ouest de la France, face aux agglomérations de Bor- deaux ou de Toulouse ; il en va de même de Saint-Sébastien face à la puissance et au dynamisme de Bilbao ; mais que l’agglomération de Bayonne et celle de Saint-Sébastien unissent leurs forces dans le cadre du projet transfrontalier Eurocité basque Bayonne San Sebastian, et la donne géo-stratégique est radicalement transformée, le nouvel ensemble atteignant, avec 600000 habitants, la taille critique pour exister réellement face à ses puissants voisins.
Les conséquences de l’intégration européenne sur les zones frontalières ne sont pas systémati- quement positives. Au fil du temps, la frontière, barrière ou filtre, a suscité l’implantation d’activités
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Ratti, 1993, op. cité
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