Mesure du rayonnement acoustique des plaques
3.1 Introduction
Dans le cadre du contrˆole vibroacoustique, la mesure du rayonnement acoustique d’une structure est pr´ef´erentiellement obtenue `a partir de capteurs dispos´es sur celle-ci. Ce proc´ed´e permet d’´eviter tout d´elai inh´erent `a la propagation acous- tique, tout en favorisant l’int´egration des diff´erents ´el´ements au sein de la struc- ture.
Les capteurs de rayonnement acoustique destin´es au contrˆole vibroacoustique, ex- ploitent principalement les notions de modes radiatifs et de vitesse volum´etrique.
Dans ce chapitre, apr`es une br`eve pr´esentation des techniques d’estimation des modes radiatifs, nous pr´esentons en d´etails les deux capteurs de vitesse vo- lum´etrique, l’un discret et l’autre distribu´e, ´etudi´es dans notre laboratoire. Leur utilisation dans une boucle de contrˆole fait l’objet du Chap.5.
3.2 Capteurs de rayonnement acoustique
3.2.1 Estimation des modes radiatifs
L’Equation (2.29) d´efini le rayonnement acoustique d’une plaque mince comme
´etant la somme des contributions de modes radiatifs orthogonaux entre eux. Cette relation peut constituer le point de d´epart pour l’estimation des modes radiatifs et donc du rayonnement acoustique de la structure. Le principe est illustr´e Fig.3.1.
On constate que l’op´eration n´ecessite un filtrage spatial et fr´equentiel.
Q1i(!) j j2
j j2
j j2
õ1(!)
õ2(!)
Î d W
õL(!) Q2i(!)
QLi(!)
v(x; y; t) y1
y2
yL
W=vHQTËQv
=P
i=1 I
õijyij2 Filtrage
spatial
Filtrage fréquentiel
{
Fig.3.1 – Principe g´en´eral de l’estimation de l’´energie acoustique rayonn´ee bas´e sur les modes radiatifs Equ.(2.29).
Diff´erentes solutions ont ´et´e propos´ees pour la r´ealisation pratique d’un capteur de rayonnement acoustique `a partir de capteurs structuraux ; dans tous les cas, des approximations doivent ˆetre faites, principalement au niveau de la d´ependance fr´equentielle des vecteursQ(ω) et valeurs propresΛ(ω) des modes radiatifs. Bien qu’aux basses fr´equences l’estimation de seulement quelques modes radiatifs soit suffisante pour tenir compte de la plus grande partie du rayonnement acoustique, la d´ependance fr´equentielle des valeurs propres λi(ω) et vecteurs propres Q(ω) rend difficile la r´ealisation pratique de ces capteurs, surtout quand l’obtention des modes transform´esyi est r´ealis´ee `a l’aide de capteurs distribu´es.
Dans l’optique de simplifier la conception de capteurs de rayonnement acoustique, Borgiotti et Jones [43] ont montr´e qu’en calculant les vecteurs propres deQ(ω)
`a une fr´equence fixefM constituant la borne sup´erieure de la bande de fr´equence consid´er´ee, l’approximation de l’´energie acoustique rayonn´ee reste valable pour toute fr´equence f telle que f < fM. Les r´ealisations pratiques de capteurs de rayonnement acoustique pr´esent´ees ci-apr`es exploitent cette propri´et´e.
Dans [44, 45], les modes transform´esyi sont obtenus par optimisation de la forme de films piezo´electriques PVDF, pour une plaque en acier sur appuis simples.
La d´ependance fr´equentielle des valeurs propres associ´ees aux modes transform´es λi(ω) est, quant `a elle, impl´ement´ee num´eriquement par traitement du signal. Le principe du dispositif se r´esume `a celui de la figure 3.2. Les auteurs valident ce capteur de rayonnement acoustique dans une boucle de contrˆole feedforward. Une autre possibilit´e est l’utilisation d’un r´eseau de capteurs discrets comme le montre
j j
2j j
2õ1(!)
õ2(!)
d W
yê1
yê2
Î
Fig. 3.2 – Principe de l’estimation de la puissance acoustique rayonn´ee par des capteurs distribu´es. Exemple pour les deux premiers modes radiatifs.
j j2 j j2
õ1(!)
õ2(!) yê1
ë
1ë
2 yê2Î d W
Fig. 3.3 – Principe de l’estimation de la puissance acoustique rayonn´ee par des capteurs discrets. Exemple pour les deux premiers modes radiatifs.
la figure 3.3. Les modes transform´es sont obtenus par combinaisons lin´eaires des signaux de chaque capteur. Le nombre de ces derniers doit bien ´evidemment ˆetre largement sup´erieur `a ceux repr´esent´es sur la figure. Ce principe bas´e sur un r´eseau programmable de capteurs a ´et´e d´evelopp´e de mani`ere th´eorique dans [46, 47] et une application exp´erimentale d’estimation des modes radiatifs est propos´ee dans [48].
3.2.2 Vitesse volum´etrique
La vitesse volum´etrique, approximation aux basses fr´equences du premier mode radiatif, est une grandeur physique plus facile `a reconstruire que l’´energie acous- tique rayonn´ee. D’apr`es [41], la corr´elation entre l’att´enuation de la vitesse vo- lum´etrique et l’att´enuation effective de la puissance acoustique rayonn´ee est valide jusqu’`a des fr´equences telles quekl'3.5. Pour une plaque carr´ee del= 1 m de
cˆot´e, la fr´equence correspondante vaut environ 190Hz(dans l’eau, elle vaudrait 840Hz).
La r´ealisation d’un senseur de vitesse volum´etrique peut se faire soit `a l’aide d’un r´eseau de capteurs discrets [49, 50], soit `a l’aide d’un capteur distribu´e [51, 52, 53, 54]. Apr`es un br`eve pr´esentation du principe du QWSIS [51], nous d´eveloppons les deux capteurs de vitesse volum´etrique qui ont ´et´e r´ealis´es dans notre laboratoire dans le cadre de ce travail (il s’agit en fait d’une mesure du d´eplacement volum´etrique car un amplificateur de charge est utilis´e `a la place d’un amplificateur de courant). Le premier est bas´e sur une matrice r´eguli`ere de c´eramiques piezo´electriques coupl´ees `a un combinateur lin´eaire programmable [46, 50] ; le second est constitu´e d’un film pi´ezo´electrique en PVDF dont la densit´e de l’´electrode est modifi´ee en deux dimensions selon le principe d’une porosit´e variable [54].
3.2.2.1 Capteur QWSIS
Le capteurQWSIS(Quadratically Weighted Strain Integrator Sensor) est un cap- teur distribu´e qui s’applique `a n’importe quelle plaque sans mode rigide [51]. Il est bas´e sur l’utilisation de bandes de PVDF ´equip´ees d’´electrodes `a profil para- bolique.
Poutre
Soit une poutre de longueur a, fix´ee `a ses extr´emit´es (Fig.3.4), et couverte par un capteur PVDF dont la largeur de l’´electrode est d´efinie par
bp(x) = 4∆x a(1−x
a) (3.1)
La charge ´electrique d´elivr´ee par le capteur (connect´e `a un amplificateur de charge) vaut
Q= Z
0 a
D bp(x)dx (3.2)
dans laquelle le champ de d´eplacement ´electriqueDest li´e au d´eplacement w de la poutre par (hypoth`ese d’Euler-Bernouilli)
D=K w00 (3.3)
o`u K regroupe les diverses constantes (Q ne doit pas ˆetre confondu avec la ma- triceQd´efinie `a la section pr´ec´edente).
b (x)
D x
y
pz
w
a
Fig. 3.4 – Poutre ´equip´ee d’un capteur PVDF avec ´electrode parabolique.
En introduisant (3.3) dans (3.2) et en laissant tomber les constantes, le signal d´elivr´e par l’amplificateur de charge vaut
v0 ∼ Z a
0 bp(x) w00dx∼ Z a
0 b00p(x) w dx∼ Z a
0 w dx (3.4)
apr`es avoir int´egr´e par parties et en tenant compte des conditions limitesbp(0) = bp(a) = 0 etw(0) =w(a) = 0. Ce capteur au profil parabolique fournit donc une mesure du d´eplacement volum´etrique de la poutre.
Plaque
Pour l’application du capteurQWSIS`a une plaque, celle-ci est discr´etis´ee en un ensemble de bandes au profil parabolique, connect´ees en s´eries (Fig.3.5). Si on consid`ere chaque bande ´el´ementaire comme une poutre, la somme des charges
´electriques g´en´er´ees par ce capteur repr´esente le d´eplacement volum´etrique de la plaque.
Le capteurQWSIS est bas´e sur la th´eorie des poutres mais le comportement de la plaque induit des d´eformations suivant les deux axes du plan ; en faisant l’hy- poth`ese que le premier axe principal du mat´eriau piezo´electrique co¨ıncide avec l’axex, la charge ´electrique g´en´er´ee par un tel capteur (connect´e `a un amplifica- teur de charge) vaut
Q= Z
ΩDdS= Z
Ω(e31S1+e32S2)dS (3.5) o`u D est le champ de d´eplacement ´electrique suivant l’axe perpendiculaire `a l’´electrode, e31 et e32 les constantes piezo´electriques du mat´eriau, S1 et S2 les d´eformations dans les deux axes du plan. L’int´egrale s’´etend sur la surface de l’´electrode. Si on peut n´egliger les d´eformations membranaires par rapport aux d´eformations de flexion, la relation (3.5) devient
Q=zm
Z
Ω(e31∂2w
∂x2 +e32∂2w
∂y2)dS (3.6)
aveczm la distance entre le plan moyen du capteur et le plan moyen de la plaque.
Si e32 = 0, on retrouve le cas de la poutre, ce qui garantit la convergence du capteur lorsque le nombre de bandes augmente. Bien que du PVDF fortement anisotropique existe, la constant pi´ezo´electrique e32 vaut au moins 20% de e31, ce qui introduit in´evitablement une erreur dans le capteur [46].
3.2.2.2 Capteur discret
Le capteur de d´eplacement volum´etrique discret est constitu´e d’une r´eseau r´egulier den capteurs coll´es sur une plaque (Fig.3.6). Chaque capteur est connect´e indi- viduellement `a un amplificateur de charges de sortieQi. Les signaux sont ensuite pond´er´es par un ensemble de coefficients r´eelsαi et combin´es lin´eairement :
y = Xn i=1
αiQi (3.7)
Les c´eramiques piezo´electriques n’´etant sensibles qu’aux courbures locales de la vitre, ce type de capteur ne peut ˆetre utilis´e en pr´esence de modes rigides.
Les coefficients du combinateur lin´eaire peuvent ˆetre programm´es de telle sorte quey corresponde au mieux `a une grandeur physique d´esir´ee. Il peut s’agir d’une amplitude modale, ou dans notre cas, du d´eplacement volum´etrique de la plaque.
La r´ealisation pratique du combinateur lin´eaire se trouve Fig.3.7. Les coefficients r´eelsαisont programm´es par l’interm´ediaire d’un convertisseur digital analogique de 12 bits.
Les charges ´electriques Qi g´en´er´ees par chaque capteur sont une combinaison lin´eaire des amplitudes modaleszj :
Qi =X
j
qijzj (3.8)
o`uqij est la charge ´electrique g´en´er´ee au capteuripar une amplitude unitaire du modej. Le d´eplacement volum´etrique V est ´egalement une combinaison lin´eaire des amplitudes modales,
V = Xm j=1
Vjzj (3.9)
Fig.3.5 – Capteur QWSIS[51].
piezo patches
Linear Combiner
reconstructed volume displacement Qi
ë
i yFig. 3.6 – Principe du combinateur lin´eaire pour la reconstruction du d´eplacement volum´etrique.
Fig. 3.7 – Combinateur lin´eaire - r´ealisation ´electronique.
o`uVj est le d´eplacement volum´etrique modal du modej.
En basse fr´equence,V est domin´e par la contribution des quelques premiers modes et seules leurs amplitudes modales respectives, zj,j = 1, ..., m, doivent ˆetre re- construites `a partir des chargesQi produites par l’ensemble redondant (n > m) desm capteurs :
zj =X
i
ajiQi (3.10)
o`u les coefficientsaij sont encore inconnus `a ce stade.
En combinant Equ.(3.9) et Equ.(3.10) on obtient V =X
j
X
i
VjajiQi =X
i
αiQi (3.11)
avec
αi =X
j
Vjaji (3.12)
L’´equation (3.11) `a la forme d’un combinateur lin´eaire `a coefficients constants.
On peut la reformuler dans le domaine fr´equentiel : V(ω) =
Xn i=1
αiQi(ω) (3.13)
o`uV(ω) est la r´eponse fr´equentielle entre une excitation appliqu´ee `a la plaque et le d´eplacement volum´etrique (mesur´e par exemple `a l’aide d’un vibrom`etre laser),
et Qi(ω) est la r´eponse fr´equentielle entre cette mˆeme excitation et les charges
´electriques du capteur i. Si nous reformulons l’Equ.(3.13) en un nombre discret de l points fr´equentiels (l > n) r´eguli`erement r´epartis sur la bande de fr´equence qui nous int´eresse, on obtient un syst`eme redondant d’´equations lin´eaires
Q1(ω1) . . . Qn(ω1) Q1(ω2) . . . Qn(ω2)
. . .
Q1(ωl) . . . Qn(ωl)
α1
α2 ... αn
=
V(ω1) V(ω2)
... V(ωl)
(3.14)
ou, sous forme matricielle
Qα=V (3.15)
avec Q une matrice l×n complexe, V un vecteur de valeurs complexes et α le vecteur des coefficients r´eels du combinateur lin´eaire. Notons `a ce stade que l’Equ.(3.14) peut ˆetre ´etablie soit num´eriquement soit exp´erimentalement. Dans le second cas, certaines pr´ecautions doivent ˆetre prises afin d’´eliminer le bruit de mesure lors de la r´esolution de ce syst`eme d’´equations redondant. Les coefficients α obtenus par la m´ethode pseudo-inverse
α=Q+V (3.16)
sont tr`es irr´eguliers et sensibles `a la localisation de l’excitation acoustique utilis´ee pour les mesures. Ce probl`eme peut ˆetre r´esolu en utilisant la d´ecomposition en valeurs singuli`eres deQ[55]
Q=U1ΣU2H (3.17)
o`uU1 and U2 sont des matrices contenant les vecteurs propres deQQH etQHQ respectivement, et Σ est une matrice rectangulaire de dimensions (l, n) avec les valeurs singuli`eresσisur la diagonale (´egales `a la racine carr´ee des valeurs propres QQH etQHQ). Si ui sont les vecteurs colonnes de U1 etvi les vecteurs colonnes de U2, Equ.(3.17) devient
Q= Xn i=1
σiuiviH (3.18)
et la pseudo inverse est
Q+= Xn i=1
1
σiviuHi (3.19)
Cette derni`ere ´equation montre clairement qu’`a cause de la pr´esence de 1/σi, la valeur singuli`ere la plus faible domine la pseudo-inverse et est responsable de
ëi
-50 -30 -10 10 30
10 100 400
dB
Amplitude
-360 -270 -180 -90 0 90
10 100 400
degrees
Hz
Phase
(a)
(b)
(c)
array sensor
laser scanner vibrometer
Fig. 3.8 – Validation exp´erimentale du capteur de d´eplacement volum´etrique discret (a) dispositif exp´erimental (b) coefficientsαi du combinateur lin´eaire (c) comparaison entre la sortie du combinateur lin´eaire et d’un vibrom`etre laser.
la grande variabilit´e des coefficientsαi obtenus par Equ.(3.16). Le probl`eme est r´esolu en tronquant le d´eveloppement en valeur singuli`eres (Equ.(3.19)) et en sup- primant la contribution relative aux valeurs singuli`eres les plus faibles, domin´ees par le bruit de mesure.
Une fois le bruit ´elimin´e, le nombre de valeurs singuli`eres significatives (le rang du syst`eme) est ´egal au nombre de modes ayant une r´eponse significative dans la bande fr´equentielle qui nous int´eresse (on suppose ce nombre inf´erieur au nombre nde capteurs discrets utilis´es). En pr´esence de bruit de mesure, la s´election des valeurs propres significatives est un peu d´elicate, ´etant donn´e que la diff´erence des amplitudes entre les valeurs significatives et non significatives n’est pas franche- ment marqu´ee. On proc`ede par quelques it´erations successives pour d´eterminer les valeurs propres `a ´eliminer [50].
La figure 3.8 montre les r´esultats obtenus sur une vitre (1.26 × 0.56 × 0.004 m) couverte d’un r´eseau de 4×8 c´eramiques piezo´electriques rectangulaires (25
× 13.75 × 0.25 mm). La corr´elation entre la sortie du combinateur lin´eaire y et le d´eplacement volum´etrique mesur´e `a l’aide du vibrom`etre laser est bonne
101 102 103
−40
−20 0 20 40
Hz
dB
101 102 103
−600
−400
−200 0 200
Hz
degrees
Fig. 3.9 – R´eponse fr´equentielle exp´erimentale entre les 4 actionneurs (configu- ration Fig.3.10.a) et (i) le capteur discret (trait pointill´e) (ii) le vibrom`etre laser (trait plein).
en basses fr´equences, l`a o`u le d´eplacement volum´etrique est corr´el´e avec la puis- sance acoustique rayonn´ee (environ 150 Hz pour cette application). Par contre, si on s’int´eresse `a ce qui se passe une d´ecade plus loin, on constate que le si- gnal d´elivr´e par le combinateur lin´eaire est bien sup´erieur en amplitude `a ce qu’il devrait ˆetre (ceci n’est pas visible sur la Fig.3.8 car `a ce moment de l’´etude, l’aliasing spatial n’avait pas encore ´et´e mis en ´evidence). La figure 3.9 montre la r´eponse fr´equentielle exp´erimentale entre 4 actionneurs de force ponctuels plac´es dans les angles de la vitre et pilot´es en parall`ele (par le mˆeme courant d’entr´ee), et le d´eplacement volum´etrique mesur´e, d’une part, par le capteur discret et d’autre part par le vibrom`etre laser. La configuration exp´erimentale est celle de la Fig.3.10.a. On constate un comportement similaire `a celui de la simulation num´erique (Fig.3.10.c), c’est-`a-dire une tendance du signal `a augmenter en am- plitude aux hautes fr´equences. L’aliasing spatialest la cause de ce probl`eme.
3.2.2.3 Aliasing spatial
Lorsque le nombre d’onde k d’un mode de flexion de la plaque est plus grand que le nombren de capteurs r´eguli`erement espac´es le long de cette direction, le signal pr´esent `a la sortie du capteur apparaˆıt comme ´etant produit par un mode de nombre d’onde inf´erieur (2n−k). Ceci est illustr´e par la figure 3.11. Dans la partie gauche, on trouve les d´eform´ees modales des modes (1,1) et (1,15) ; dans la partie droite se trouvent les charges piezo´electriquesQig´en´er´ees aux capteurs dis- crets par chacun de ces deux modes. On observe que les charges piezo´electriques g´en´er´ees par le mode (1,1) ont la mˆeme forme que celles g´en´er´ees par le mode (1,15). A la fr´equence de 1494 Hz, la plaque vibre selon le mode (1,15) dont la contribution au d´eplacement volum´etrique est faible. Cependant, le signal de sortie d´elivr´e par le combinateur lin´eaire poss`ede une amplitude anormalement
´elev´ee, comme lorsque la plaque vibre `a la fr´equence du mode (1,1), contribuant largement au d´eplacement volum´etrique. Ceci explique qu’en hautes fr´equences, le signal de sortie du capteur d´evie largement du d´eplacement volum´etrique r´eel.
Bien que le capteur discret reproduise assez fid`element le d´eplacement volum´etri- que aux basses fr´equences, son int´egration dans une boucle de contrˆole par r´etro- action devient plus d´elicate pour les raisons suivantes :
– Le roll-off attendu et caract´eristique au d´eplacement volum´etrique n’est pas pr´esent. L’impl´ementation de contrˆoleurs tirant parti d’un tel roll-off (Lead, DVF,...) est compromise (rappelons qu’il s’agit de notre objectif).
– Dans le cas o`u de tels contrˆoleurs peuvent ˆetre effectivement impl´ement´es, les marges de gains seront faibles et lespilloverau-del`a de la fr´equence de coupure sera ´elev´e.
Afin d’explorer l’effet de la taille du r´eseau sur l’aliasing, on peut augmenter le nombre de capteurs dans le r´eseau. La figure 3.12 illustre l’effet de la taille du r´eseau sur la r´eponse fr´equentuelle et montre qu’un r´eseau de 16×32 capteurs permet d’obtenir une bonne corr´elation jusqu’`a 5000Hz. Cette augmentation du nombre de capteurs entraine ´egalement un augmentation du nombre des ampli- ficateurs de charge et des composants ´electroniques associ´es pour la r´ealisation pratique d’un tel capteur. Cette derni`ere difficult´e peut ˆetre lev´ee en int´egrant les coefficientsαi dans les capteurs eux-mˆeme, par exemple en modifiant la taille des ´electrodes. On obtiendrait ainsi un r´eseau de capteurs de taille variable inter- connect´es entre-eux. Ce type de capteur, illustr´e Fig.3.13 ne n´ecessite qu’un seul amplificateur de charges, mais il ne permet plus la programmabilit´e du capteur.
PZT patches
point force actuators
101 102 103 104
-250 -200 -150 -100 -50
dB
101 102 103 104
-3000 -2000 -1000 0
Frequency (Hz)
Phase (deg)
Volume displacement Sensor output
ëi
y = P
i
ë
iQ
i( )a ( )b
( )c
1 2
3 4 0
1 2 3 4 5 x1046
Fig.3.10 – (a) g´eom´etrie du capteur discret (b) coefficients de pond´erationαi du combinateur lin´eaire (c) comparaison des fonction de transfert entre les action- neurs et le d´eplacement volum´etrique, et le capteur discret (simulations).
Modal response of the sensor
mode (1,15) mode (1,1)
40.7 Hz
Q
iQi (a)
(b)
(c)
mode (1,1) Mode shape
(d) mode (1,15)
1494.4 Hz
Fig.3.11 – Illustration de l’aliasing spatial : (a),(b) D´eform´ees modales (1,1) et (1,15) ; (c),(d) charges piezo´electriquesQi g´en´er´ees par les modes (1,1) et (1,15).
101 102 103 104 -200
-180 -160 -140 -120 -100 -80 -60
dB
Frequency (Hz)
Volume displacement
Sensor output
101 102 103 104
-200 -180 -160 -140 -120 -100 -80 -60
dB
Frequency (Hz)
Volume displacement
Sensor output
(a)
(b)
8 1
23 4
56 7 0 200 400 600 800
1000ai
0 5
10 15 0 200 400 600 800
1000ai
Fig. 3.12 – Influence des dimensions du r´eseau de capteurs sur la mesure du d´eplacement volum´etrique (a)8×16, (b)16×32.
101 102 103 104
-200 -180 -160 -140 -120 -100 -80 -60
dB
101 102 103 104
-600 -400 -200
Frequency (Hz)
Phase (deg)
Volume displacement
Sensor output
Electrode
Fig. 3.13 – R´eseau de capteurs de taille variable (les 16 ×32 capteurs sont connect´es entre-eux).
3.2.2.4 Capteur distribu´e
Le r´eseau pr´esent´e `a la figure 3.13, consistant en 16 × 32 capteurs de taille va- riable reli´es entre eux par une seule ´electrode, pr´esente encore un ph´enom`ene d’aliasing spatial mais `a une fr´equence plus ´elev´ee de l’ordre de 10.000 Hz. Pour repousser encore cette limite vers les hautes fr´equences, on peut imaginer un capteur distribu´e (film PVDF) dont l’´electrode est poreuse comme illustr´e `a la figure 3.14. L’´electrode est pleine en son centre et devient graduellement poreuse vers les bords de la plaque, de telle mani`ere `a r´ealiser une pond´eration en deux dimensions correspondant au coefficientα. Ce motif peut ˆetre r´ealis´e sur les deux faces de l’´electrode ou sur une seule face. Il est cependant plus facile de r´ealiser le motif sur une seule face, l’autre face ´etant couverte d’une ´electrode continue.
La charge ´electrique g´en´er´ee par un tel capteur (connect´e `a un amplificateur de charge) a ´et´e d´efinie par la relation (3.5). L’int´egrale s’´etend sur la surface de l’´electrode. On constate dans cette ´equation que changer la densit´e locale de l’´electrode (dS) revient `a obtenir des constantes piezo´electriques variables dans le mˆemes proportions. On fait ici l’hypoth`ese que les dimensions de l’´electrode sont largement sup´erieures `a son ´epaisseur. La densit´e spatiale du motif qu’il faut r´ealiser d´epend des propri´et´es pi´ezo´electriques du mat´eriaux, des propri´et´es m´ecaniques de la structure ainsi que des conditions aux limites.
Ce nouveau concept d’´electrode a ´et´e d’abord valid´e sur une poutre encastr´ee [54] ; ensuite, un capteur de d´eplacement volum´etrique au format A4 a ´et´e r´ealis´e pour une plaque en fibres de verre epoxy (Printed Circuit Board - PCB) telle que celles utilis´ees pour la r´ealisation de circuits imprim´es en ´electronique. Les conditions aux limites exp´erimentales sont proches de l’appui simple.
Nous pr´esentons ici bri`evement les r´esultats de validation de ce capteur de vitesse volum´etrique ; son utilisation dans une boucle de contrˆole sera pr´esent´ee au cha- pitre 5. Le choix du PCB comme support se justifie par le fait qu’il est plus simple d’un point de vue technologique de r´ealiser le motif dans l’´electrode en cuivre du PCB, plutˆot que dans l’´electrode en argent du film PVDF. La r´esolution est alors de 100µm `a la place de 500 µm. De plus, la fabrication d’´electrodes de grande dimension (de la taille d’une vitre par exemple) est difficile.
La plaque PCB ´equip´ee du capteur PVDF est proche du format A4 ( 180mm× 260mm×1.6mm). Le motif d´efinissant l’´electrode est r´ealis´e dans la couche de cuivre du PCB d’une ´epaisseur de 37 µm (Fig. 3.15). Un film PVDF bi-orient´e d’une ´epaisseur de 40µmet muni d’une ´electrode continue est coll´e sur l’´electrode en cuivre. Le dispositif exp´erimental est d´ecrit Fig. 3.16. La plaque est mont´ee
(a)
(b)
Fig. 3.14 – (a) Electrode poreuse et d´etail du motif (b) modification du motif tenant compte des contraintes de fabrication et des connexions ´electriques.
dans un cadre en aluminium ´equip´ee de joints cylindriques en ´elastom`eres re- produisant au mieux les conditions limites simplement appuy´ees. Quatres action- neurs ´electromagn´etiques pilot´es en parall`ele servent d’excitation (leur position sera justifi´ee plus tard).
La figure 3.17 compare les r´eponses fr´equentielles entre le courant de commande des actionneurs et(i)le d´eplacement volum´etrique obtenu par le capteur distribu´e et(ii) le d´eplacement volum´etrique obtenu par le vibrom`etre laser. On constate une bonne corr´elation entre les deux courbes ; la pr´esence d’un z´ero non-minimum de phase dans la r´eponse du capteur PVDF est inattendue et reste sans explica- tion. Nous verrons au Chap.5 que ce z´ero non-minimum de phase ne pose pas de probl`eme particulier pour le contrˆole.
Fig.3.15 – (a) Film PVDF coll´e sur la plaque PCB (b) plaque PCB sans le film PVDF, montrant le motif de l’´electrode en cuivre (c) d´etail du motif.
3.3 Conclusions
L’utilisation de capteurs structuraux de rayonnement acoustique pour des appli- cations de contrˆole vibroacoustique est motiv´ee par la n´ecessit´e de s’affranchir des d´elais de propagation acoustique et par l’int´erˆet d’un syst`eme compact et int´egr´e `a la structure.
Les capteurs structuraux peuvent ˆetre r´ealis´es `a l’aide de capteurs discrets dont la combinaison pond´er´ee des ´el´ements favorise la modularit´e, ou `a l’aide de cap- teurs distribu´es dont la mise en forme doit ˆetre pr´ealablement d´etermin´ee en fonction de l’objectif final. Qu’ils soient discrets ou distribu´es, les capteurs de rayonnement acoustique visent `a estimer une s´election de modes radiatifs, ou `a obtenir une estimation du premier mode radiatif `a travers la mesure de la vitesse volum´etrique.
Deux familles de capteurs structuraux ont ´et´e ´etudi´es dans notre laboratoire : – Les capteurs discrets sont pleinement programmables et fournissent un bon es-
timateur en basse fr´equence. Nous avons cependant mis en ´evidence qu’ils sont sensibles `a l’aliasing spatial qui d´etermine significativement leur performance lors d’applications en boucle ferm´ee.
– Le capteur distribu´e bas´e sur un film PVDF et une ´electrode poreuse permet d’´eliminer l’aliasing ; la distribution spatiale de la porosit´e permet le d´evelop- pement d’une famille de senseurs, mais la reconfiguration d’un tel senseur est impossible.
Fig. 3.16 – Dispositif exp´erimental pour la validation du capteur distribu´e.
Zéro non minimum de phase
Fig.3.17 – R´eponse fr´equentielle entre 4 actionneurs ´electromagn´etiques pilot´es en parall`ele et le d´eplacement volum´etrique mesur´e par le capteur distribu´e et par le vibrom`etre laser.