Le Courrier de la Transplantation - Vol. XVII - n° 2 - avril-mai-juin 2017
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CAS CLINIQUE 2 e lauréat Grand Prix 2017
Transplantation rénale – Durée de vie – Greff ons rénaux – Hétéro généité – Réponses allo-immunes.
Renal transplantation – Long- term kidney graft survival – Heterogeneity – Alloimmune responses.
Le greffon rénal du siècle !
The kidney graft of the century!
Antoine Sicard * , Lionel Badet ** , Olivier Thaunat * , Emmanuel Morelon *
* Service de transplantation, néphrologie et immunologie clinique, hospices civils de Lyon, hôpital Édouard-Herriot, Lyon.
** Service d’urologie et transplantation, hospices civils de Lyon, hôpital Edouard-Herriot, Lyon, France.
Présentation
Malgré des avancées thérapeutiques importantes, la durée de vie moyenne des greffons rénaux n’est actuellement pas satisfaisante. Elle est inférieure à 15 ans. Nous décrivons ici l’histoire de M B., qui célébrera cette année le 50 e anniversaire de sa transplantation et le 100 e anniversaire de son greffon rénal !
M B., 73 ans aujourd’hui, a bénéfi cié le 21 avril 1967 à l’hôpital de l’Antiquaille, à Lyon, d’une transplantation rénale préemptive avec le rein de son père, alors âgé de 50 ans, en raison d’une insuffi sance rénale terminale secondaire à un syndrome d’Alport (fi gure 1) . Le traitement immunosuppresseur a consisté en une induction par du sérum anti- lympho cytaire et l’association de fortes doses de corticostéroïdes et d’azathioprine (AZA). Le compte-rendu opératoire de l’intervention décrit la technique chirurgicale employée (fi gure 2) .
L’évolution précoce a été marquée par une reprise immédiate de la fonction rénale, mais s’est compliquée d’une fi stule urinaire ayant nécessité 3 reprises chirurgicales. L’évolution a ensuite été étonnamment favorable puisque M B. a conservé une fonction rénale excellente (créatinine plasmatique autour de 100 µmol/l) jusqu’au 96 e anniversaire de son greffon, soit 46 ans après la transplantation. Son traitement immunosuppresseur n’a jamais été modifi é (association corticostéroïdes et AZA) et il n’a jamais développé d’anticorps anti-HLA contre son greffon (DSA). Les complications de cette immunosuppression prolongée ont été essentiellement des carcinomes cutanés spinocellulaires non invasifs multiples.
Ce n’est qu’au cours de la 97 e année de vie du greffon que sont apparus des stigmates de néphropathie chronique. Actuellement, à bientôt 50 ans de la transplantation et 100 ans de vie pour le greffon, la protéinurie est à 4,6 g/24 h et la créatinine à 216 µmol/l (débit de fi ltration glomérulaire [DFG] MDRD [Modifi cation of Diet in Renal Disease] à 28 ml/ mn/1, 73 m 2 ) .
Discussion
En plus de rappeler la formidable épopée de la transplantation rénale (fi gure 3, p. 98) , la longévité exceptionnelle de ce greffon soulève des questions importantes sur les déterminants de la durée de vie des greffons rénaux. La fi gure 4, p. 98 résume les facteurs classiquement impliqués de manière synergique dans la perte des greffons à long terme. La longévité du greffon de M B. s’explique par l’absence d’un grand nombre d’entre eux (barrés sur la fi gure). Il est particulièrement étonnant de constater que M B., à la différence d’un grand nombre d’autres patients, n’a jamais développé de DSA malgré une bithérapie immunosuppressive non optimale, ce qui pourrait correspondre à une certaine forme de tolérance lymphocytaire B. Cela souligne l’extrême hétérogénéité de la réponse allo-immune dans la population, certainement gouvernée par de nombreux facteurs qu’il reste, pour beaucoup, à caractériser.
Conclusion
Le “greffon du siècle” rappelle à la fois l’épopée incroyable de la transplantation rénale au cours du siècle dernier et le besoin actuel de mieux comprendre les causes de l’hétérogénéité de la survie des greffons rénaux dans la population.
Légendes
Figure 1. Les conditions de la transplantation de M B.
Figure 2. Compte-rendu opératoire de la transplantation de M B. le 21 avril 1967.
A. Sicard déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Les autres auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.
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Hôpital de l’Antiquaille où M B. a été pris en charge par les équipes du Pr Traeger et du Pr Perrin.
Salle des hommes (salle Mangini) dans laquelle M B. était hospitalisé.
Une chambre stérile (lampe à rayons ultraviolets) avait été aménagée au fond de la salle. M B. se souvient qu’un interne, le Dr Bernard, lui était dédié et restait avec lui 24 h/24 sans repos de garde.
Préparation du sérum antilymphocytaire : une extraction axillaire de lymphe avait été réalisée chez M B. 3 mois avant la transplantation (M B. se souvient que son bras avait coulé pendant 1 mois).
Un cheval des écuries de l’hôpital de l’Antiquaille avait été immunisé avec la lymphe de M B., ce qui avait permis la génération du sérum.
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CAS CLINIQUE 2 e lauréat Grand Prix 2017
Légendes
Figure 3. Événements marquants de l’histoire de la transplantation rénale et de l’histoire de M B.
Figure 4. Facteurs impliqués de manière synergique dans la perte des greffons à long terme. Sont barrés les facteurs absents chez M B.
Naissance du1917 donneur de M B.
(père) Alexis Carrel : 1902 Technique de suture des vaisseaux sanguins
1906 Mathieu Jaboulay : Greffes de reins de porc et de chèvre au pli du coude
1952 Jean Hamburger : première tentative
de greffe rénale à partir d’un donneur vivant
(Marius Renard) Peter Medawar :1940
premières études du rejet avec des greffes de peau
1954 Joseph Murray, John Merill
et John Harrison : première greffe rénale
réussie à partir d’un donneur vivant (jumeaux monozygotes)
Jean Dausset :1958 groupes HLA et rôle dans le rejet d’allogreffe
René Küss et Marcel Legrain :1960 3 premières greffes hors gémellité 1957
Synthèse de l’azathioprine
1980 Synthèse de la ciclosporine
Étude BENEFIT2016 Bélatacept Transplantation1967
de M B. 2017
100e anniversaire du greffon de M B.
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Facteurs liés au donneur Toxicité médicamenteuse Facteurs immunologiques
Facteurs métaboliques et vasculaires
Facteurs néphrologiques Facteurs infectieux
Complications per- et postopératoires Facteurs liés au prélèvement et à la conservation de l’organe
Compatibilité HLA,
donneurs décédés après arrêt cardiaque, donneurs à critères élargis
Inhibiteurs de la calcineurine Rejets cellulaires
Rejet humoral (DSA) : première cause de perte de greffons à long terme
HTA, dyslipidémie, diabète
Récidive d’une maladie initiale, rein unique Pyélonéphrites, infection au virus BK
Complications anésthésiques, choc, épisodes d’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle, obstructive, etc.
Donneurs décédés :
ischémie froide, conditions de conservation
Perte des greffons à longs terme
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