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Les glacières

SESIANO, Jean

Abstract

D'où venait donc la glace en été lorsque nous n'avions pas de frigo? Et pourquoi ne fondait-elle pas? Explications sur un étrange phénomène climatique.

SESIANO, Jean. Les glacières. Echo magazine , 1998, no. 14 mai, p. 16-19

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:154545

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D'où venait donc Io glace en été lorsque nous n'avions pas de frigo? Et pour- quoi ne fondait-elle pas? Explications sur un étrange phéno-

mène climatique.

14 MAI 1998 L'ÉCHO MAGAZINE L'ÉCHO MAGAZINE 14 MAI 1998

n de u:ês n0mll>re~ en- droits du globe, parf0is mêmè jwsqu'·à basse altitu- de, on pel!ll tf0uver des ca- vités, grottes ou gouffres, rem- plies de neige ou de glace en permanence: c'est ce qu'on ap- pelle des névières ou des gla- cières.

Dans nos régions, elles ont très vite attiré l'attention à cause de leur importance économique.

En effet, jusqu'au début du

xx·

siècle, elles représentaient de véritables «carrières» de ce qui était alors une denrée pré- cieuse: la glace. On ne se faisait donc pas faute de les exploiter afin d'alimenter l'ancêtre de notre réfrigérateur, l'armoire à glace. Cette glace était transpor- tée parfois fort loin, jusqu'à Pa- ris, par exemple. Dans nos ré- gions, on utilisait aussi directe- ment ces endroits comme caves froides.

Mais comment la neige peut- elle se conserver et la glace se former jusqu'à basse altitude, là où les étés peuvent être très chauds?

Les spécialistes vous diront qu'il faut deux conditions in- dispensables: un hiver froid, mais pas trop, et des chutes de neige importantes. On pourra alors distinguer deux types de glacières.

Le piège à air froid

La première se présente sous la forme d'un simple puits, large- ment ouvert tout en étant un peu abrité par des arbres, ou logé au fond d'une cuvette. Ce puits donne en général accès à une plus vaste chambre où la neige et l'air froid s'accumulent durant l'hiver. La cavité joue alors le rôle de piège à air froid.

L'été suivant, les rayons du soleil ne pouvant atteindre le fond du gouffre, et l'air froid ne pouvant en être délogé, une partie de la neige va subsister jusqu'à l'hiver sui-

vant, pendant lequel le phénomène va se renouveler. Sous le poids des couches de neige qui s'accumu- lent année après an-

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St-Livres (Jura vau- dois): Cette glacière

est en voie de disparition en raison de l'absence répétée de précipitation nei-

geuses. La grosse stalagmite de la photo rétrécit d'année en année ...

En haut: le bouquet de sapins qui cachent l'entrée de la glacière de St-Livres.

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Inattendu! Malgré la chaleur dégagée par son volcan, /'Etna abrite aussi quelques glacières.

née, et sous l'influence de l'eau de pluie et de fusion de surface qui percale à travers la neige durant !'été, les masses infé- rieures vont progressivement se transformer en glace. Si la neige de !'année, à cause de sa faible quantité, ou de trop hautes températures, disparaît chaque fin d'été avant d'avoir eu le temps de se transformer en gla- ce, on n'aura qu'une névière.

Au bout d'un certain nombre d'années, un équilibre s' établi- ra entre ce qui tombe chaque hi- ver et ce qui fond par dessous, au contact avec la roche. C'est ainsi qu'un véritable glacier sou- terrain prend naissance. Mais il suffit de quelques années pauvres en neige, d'une éléva- tion des températures moyen- nes annuelles durant quelques années, ou d'une surexploita- tion de la glacière, pour qu'un déséquilibre s'installe. La quan- tité de glace diminuera jus- qu'à disparaître parfois, quitte à réapparaître si les conditions d'alimentation et de températu- re sont à nouveau remplies.

Si des ruissellements d'eau se produisent sur les parois ou à la voûte, une couche de glace, des stalactites, des stalagmites ou des piliers de glace se formeront.

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Les glacières du Jura Dans le Jura, on connaît plu- sieurs glacières de ce type: men- tionnons celle de St-Georges, au-dessus de Gimel, celle du Pré-de-St-Livres, à l'est du col du Marchairuz, celle de Monlé- si *, près de Fleurier dans le Val- de-Travers; cette dernière a le plus grand volume de glace par- mi les glacières du Jura, soit en- viron 8 000 à 10 000 m3, et son état n'a que peu changé depuis le milieu du siècle passé.

Dans toutes ces glacières, on constate que la glace présente une structure en couches. Ceci est dû au fait qu'à la belle sai- son, des poussières, des pol- lens, des insectes choient dans la glacière, formant un niveau

«sale»; il sera séparé du suivant par la neige de l'hiver qui est plus propre. Le dénombrement de ces couches, quand elles n'ont pas été trop perturbées par l'écoulement de la glace, permet de lui attribuer un âge.

On arrive rarement à plus d'un siècle ou deux pour les couches les plus anciennes.

Certaines glacières ont eu leurs heures de gloire. On cite sou- vent celle de la Genolière, près de la Givrine, d'où toute glace a disparu il y a quelques années

(surexploitation commerciale d'abord, puis éclaircissage des arbres qui la protégeait), et celle du Creux-Percé, près de Dijon, qui avait la particularité d'être à très (trop!) basse altitude, soit 4 7 5 m environ, ce qui lui a été fatal.

Ailleurs, on tro11w ég<tle:ment de nombreuses glacières de ce type dans les montagnes cal- caires vaudoises, fribourgeoises et valaisannes, ainsi qu'en Hau- te-Savoie, sur le plateau du Par- melan, par exemple.

Les tubes à vent

Il existe un second type de gla- cière, dont l'origine est totale- ment différente. Il s'agit de cavi- tés situées à plus haute altitude dont le développement est rela- tivement horizontal. Ce ne sont donc plus des pièges à air froid.

Par contre, ces cavités possèdent des entrées multiples qui peu- vent se présenter sous la forme de fissures impénétrables ou de galeries largement accessibles à l'homme. Ces entrées étant si- tuées à différentes hauteurs ou présentant diverses expositions, des circulations d'air y pren- nent naissance. Selon la saison, le jour ou l'heure, l'entrée la plus basse du système peut as-

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pirer ou souffler de l'air. C'est en fait un tube à vent jouant sur les différences de densité de l'air froid (lourd) et de l'air chaud (léger); en termes tech- niques, on pourrait parler de

«thermoventilation».

Ainsi, l'eau provenant de la fon- te des neige ou de la pluie, s'in- filtre dans des fissures et congè- le au contact de l'air froid de la grotte, en automne et au prin- temps surtout. En hiver, rien ne se passe en général, car l'eau est figée, tandis qu'en été on constate une fusion partielle de la glace précédemment formée.

Cette glace se distingue de celle du premier type de glacière par sa structure beaucoup plus ho- mogène, transparente, parfois cristallisée: c'est de la glace de regel. Une rythmicité saisonniè- re sera cependant souvent dis- cernable, du fait que les eaux d'infiltration sont plus ou moins chargées de limon selon la saison.

Il ne semble pas y avoir de gla- cière de ce type dans le Jura, à cause de sa trop faible altitude.

En revanche, dans les Préalpes vaudoises, on trouve les grottes de Nayes, qui appartiennent si- multanément aux deux types de glacières: circulation d'air entre les entrées supérieure et infé- rieure et alimentation en neige à mi-hauteur, au Trou à !'Aigle).

En Haute-Savoie la Grande Cave dans la chaîne du Bargy et la Cave à Glace des Fis (circula- tion d'air seule). Plus à l'est, et très connue, l'Eisriesenwelt, dans les Tennengebirge, en Au- triche.

On pourrait multiplier les exemples de ce second type de glacières en Russie, en Ukraine, en ex-Yougoslavie, en Rouma- nie, en Turquie, en Géorgie, en Iran, en Algérie, au Canada et aux Etats-Unis, en plus des pays qui nous entourent.

Pour l'étude du climat L'intérêt del' étude des glacières, outre leur beauté intrinsèque, réside dans le fait qu'elles sont L'ÉCHO MAGAZINE 14 MAI 1998

sensibles aux fluctuations du climat. Cependant, leur situa- tion dans le milieu souterrain leur évite de réagir trop rapide- ment à toute variation, car il y a une inertie thermique du mi- lieu. C'est ainsi que cette réac- tion «à la bernoise» va lisser les fluctuation annuelles du cli- mat, dépourvues de significa- tion (bruit de fond), pour ne garder que les tendances à plu- sieurs années, voire à plusieurs décennies. Si l'on se réfère à nos propres observations régio- nales, force est de constater que les glacières sont dans la plu- part des cas en mauvaise santé, c'est-à-dire que la glace y est partout en régression. Deux rai-

sons peuvent être invoquées:

d'une part, les précipitations neigeuses peu abondantes à la fin des années 1980 et au début des années 1990, et, d'autre part, une succession d'années chaudes ces derniers temps.

Mais il suffirait que la tendance s'inverse durablement pour que les glacières «engraissent» à nouveau. A l'heure où l'on se pose la question de savoir si l'homme perturbe ou non le climat, l'outil que représentent les glacières est d'un grand in-

térêt. •

Jean Sesiano

* De: Montagne à la Lésine, où lésine = gouffre, puits.

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Cave à glace des Fis (Haute-Savoie): la photo de l'intérieur montre une belle cascade de glace de regel. De l'entrée (photo du bas) on domine les chalets d'Anterne.

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