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Qui est le plus déstabilisé par une affection vestibulaire : le malade ou le médecin ?

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Academic year: 2022

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eaucoup de médecins admettent se sentir mal à l’aise lorsqu’un patient consulte pour des vertiges. Après avoir exclu une possible origine cardio-circulatoire, neurologique, toxique, métabolique ou endocrinienne, reste la possibilité d’une affection vestibulaire. Et c’est là que les doutes s’installent. Alors, adressons le patient à un ORL… Aura-t-il le fin mot de l’histoire ?

Pourquoi les vertiges déstabilisent-ils tant les médecins ? Plusieurs rai- sons peuvent être avancées.

La première est que les patients rapportent souvent de «drôles d’his- toires», un malaise, une instabilité, une insécurité, une perte de repères, des troubles visuels, un flou, un éloignement ou rapprochement de l’ima ge, une sensation de s’enfoncer dans le sol ou dans le matelas du lit, une bas- cule de 90 degrés ou une inversion de 180 degrés de l’image visuelle, une perte des moyens physiques et psy- chiques, une désorientation spatiale, l’angoisse de se perdre, la sensation de ne pas sentir son corps, voire de sortir de son corps, de mort immi- nente…

La deuxième est qu’on enseigne encore qu’un vertige d’origine vesti- bulaire périphérique est «harmonieux». Le patient doit décrire une illusion de tournoiement (certains enseignants et certains livres précisent encore que c’est le malade qui doit se sentir tourner dans l’environnement et pas l’environnement qui tourne autour de lui… ou l’inverse), présenter une déviation du côté déficient aux épreuves de stabilisation et un nystagmus battant du côté sain. Si le tableau n’est pas celui-là, il s’agit d’un «faux ver- tige» (pourquoi pas d’un faux malade pendant qu’on y est ?). Ces notions se répètent, s’enseignent, se transmettent… stagnent malgré tous les si- gnaux montrant combien ce dogme est erroné.

La troisième est que l’examen de la fonction vestibulaire a longtemps été limité à la seule évaluation fonctionnelle du canal semi-circulaire laté- ral, donc à une seule des cinq structures sensorielles du système vestibu- laire, par le fameux test calorique. Or, au cours de cette dernière décennie, d’énormes progrès ont été réalisés. Aujourd’hui, il est possible de tester les trois canaux semi-circulaires par le test de mouvements impulsifs de la tête et les deux organes otolithiques par l’enregistrement des poten- tiels évoqués myogéniques et par la mesure de la perception subjective de la verticale. Ces développements sont malheureusement peu suivis en raison de l’inertie de la plupart des médecins à changer leurs habitudes cliniques. Beaucoup s’arrêtent aux stratégies apprises au cours de leur for- mation. Jusqu’à la fin du siècle passé, on recourait à l’enregistrement des seuils du réflexe stapédien et des potentiels évoqués auditifs précoces pour chercher une éventuelle lésion rétrocochléaire à l’origine de toutes sortes de troubles. Si ces tests restent indiqués aujourd’hui pour l’inves- tigation d’un trouble de l’audition, un acouphène par exemple, ils n’ont plus cours dans celle d’un trouble de l’équilibre ou de vertiges et ne de- vraient même plus être remboursés par les assurances dans une telle in- dication.

La quatrième est que si des tests de la fonction vestibulaire ont été

Qui est le plus déstabilisé

par une affection vestibulaire : le malade ou le médecin ?

«… Aujourd’hui, il est possible de tester les trois canaux semi-circulaires et les deux organes otolithiques …»

éditorial

Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 1er octobre 2014 1803

Editorial

J.-P. Guyot R. Maire

du professeur

Jean-Philippe Guyot

Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale Département des neurosciences cliniques

HUG, Genève et du docteur

Raphaël Maire

Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale CHUV, Lausanne

Articles publiés sous la direction

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réalisés une fois, même des mois ou des années auparavant, ils ne sont que rarement répétés, alors que si vous vous plaignez de votre audition, vous aurez droit sans hésitation à plusieurs tests auditifs comparatifs, un audiogramme tonal, chez certains systématiquement complété d’une im- pédancemétrie (dont l’utilité est plutôt discutable). Pourquoi n’en va-t-il pas de même avec les tests vestibulaires ? Parce qu’ils sont inconfortables pour le patient ? Vraiment ? Un test de mouvements impulsifs de la tête, par exemple, est basé sur les mouvements que chacun fait spontanément à longueur de journée, par exemple par le lecteur de cet article qui lève le nez du journal pour répondre à une interpellation d’un collègue ! Est-ce si inconfortable ?

La cinquième est que, pour les jeunes médecins qui s’orientent vers l’ORL, l’attrait majeur est pour la plupart l’aspect chirurgi- cal de la discipline, ouvrir des cous ou des nez. Et cette orientation chirurgicale est favo- risée tout au long de leur formation en mi- lieu hospitalier pendant laquelle ils passent beaucoup plus de temps à s’occuper de malades souffrant d’un cancer de la sphère ORL que de pa- tients vertigineux. Alors, l’investigation de troubles fonctionnels, pensez donc ! Certes, il est important de former les jeunes spécialistes en ORL à un minimum de gestes chirurgicaux. Mais y a-t-il tant de gens souffrant d’un problème ORL nécessitant une chirurgie ? Par contre, dans le do- maine de l’investigation des troubles fonctionnels, s’ils apprennent à réa- liser un audiogramme tonal, un prérequis pour être avalisé à prescrire des aides auditives, combien sont à même de réaliser les principaux tests ac- tuels de la fonction vestibulaire ?

Comment rectifier le tir ?

Tout d’abord, en modifiant la notion de vertige qui n’est pas limitée à une sensation erronée de tournoiement, de mouvement. Jean-Pierre Sauvage considère plus subtilement que le vertige correspond à «tout trouble de la préhension de l’environnement spatial résultant d’un conflit ou d’une incongruité entre les informations fournies par les capteurs de l’équilibra- tion et la sensation escomptée sur la base d’un modèle cortical préétabli».

Ce concept implique non seulement la participation des diverses struc- tures sensorielles nécessaires à l’équilibre mais aussi le système nerveux central intégrant les données ainsi que le vécu et le psychisme.

Ensuite, en donnant confiance aux médecins, à commencer par le mé- decin de famille. S’il ne comprend pas la «drôle d’histoire» de son malade et a des difficultés à la mettre en lien avec ce qu’on lui a enseigné, ce n’est pas parce qu’il est incompétent. C’est que l’enseignement n’était pas adé- quat ! La diversité des symptômes décrits par les malades est l’expression des multiples systèmes influencés par le sens vestibulaire, le système limbique par exemple. Il faut aussi se rappeler que si les patients n’ont aucune difficulté à décrire les effets d’une perte d’un organe sensoriel dont ils sont conscients, la vision, l’audition, le goût, l’odorat, la sensibilité, comment peuvent-ils décrire les troubles résultant d’une dysfonction d’un sens dont ils ignorent tout de l’existence ?

Il découle de ceci la nécessité de modifier l’enseignement, en mettant beaucoup plus de poids qu’actuellement sur les troubles vestibulaires (dans nos populations, on estime que 5 à 10% des individus souffrent à un moment ou un autre d’un tel trouble). Il s’agit de prendre exemple sur d’au- tres spécialités et d’apprendre aux internes en formation à réaliser eux- mêmes les tests fonctionnels, la meilleure méthode pour en bien com- prendre l’apport et les limites (les cardiologues, par exemple, savent tous réaliser un ECG). Bref, apprendre à ne pas chercher à simplifier les tableaux cliniques pour arriver à dépeindre des tableaux qui ne correspondent pas au ressenti des malades, admettre que le sujet est complexe, mais tant enthousiasmant et en plein essor.

1804 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 1er octobre 2014

«… la notion de vertige n’est pas limitée à une sensation erronée de tournoiement …»

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