FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE
BORDEAUX
ANNÉE 1897-1898 !• M
EXAMEN
CALCULS ET DES C0ICRÉT1S
à l'aide des Rayons X
THESE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquementle 12 Janvier 1898
PAR
Amédée-Marius-Paul-Gustave GAIMARD
Néà Saint-Zacharie(Var), le 30juin 1873.
Élèvedu Service de Santé de la Marine
Examinateurs de laThèse :
MM. de NABI AS professeur.... Président.
LAYET professeur 1 POUSSON agrégé /-Juges.
SABRAZÈS agrégé
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les
diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNGL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91
1898
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES , Doyen.
I»uofiossioiiii$
MM. M1GE...
AZAM..
DUPUY.
Professeurs honoraires.
Cliniqueinterne
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANEbONGI N.
Clinique externe...
Pathologie interne.
Pathologie et théra¬
peutique générales. VERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecine opératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments MOUSSOUS.
Anatomie pathologi¬
que COYNE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie VIAULT.
AGU10fi 10S 10X
SKC.TION DE MÉDECINE (Pdtholog
MM. MESNARD. | CASSAET.
AUCHu.
Physiologie Hygiène Médecinelégale Physique
Chimie
Histoirenaturelle ...
Pharmacie Matière médicale Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique desmaladies chirurgicales des en¬
fants
Clinique gynécologique
10 X 10IICIC10 : ie interne etMédecine
MM. SABRAZÈS.
LE DANTEC.
MM.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
BERGON1É.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
DE NABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
PIECHAUD.
BOURSIER.
légale.)
SECTION DE CHIHUUGIE ET ACCOUCHEMENTS
Pathologieexterne
Accouchements, \MM. RIVIERE.
) CHAMBRERENT
Anatomie,
;MM. YILLAR.
BINAUD.
|
BRAQUEHAYE|
SECTIONDESSCIENCES AN A T OM1Q U E S ETPHYSIOLOGIQUES
JMM. PRINCETEAU | Physiologie
MM. PACHON
•••î CANN1EU. | Histoirenaturelle BEILLE.
SECTION DESSCIENCES PHYSIQUES
Physique '.. MM. SIGALAS.
| Pharmacie M. BARTHE.
Chimie etToxicologie DENIGÈS.
j
FOUIlS CO11I*li10.1110 A T A1 II 10& :
Clinique interne desenfants
MM. MOUSSOUS.
Clinique desmaladies cutanées et syphilitiques
DUBREUILH.
Clinique desmaladies desvoiesurinaires
POUSSON.
Maladies du larynx,des oreilles et du nez
MOURE.
Maladiesmentales
RÉGIS.
Pathologie externe
DENUCÉ.
Accouchements
RIVIÈRE.
Chimie DENIGES
LeSecrétaire dela Faculté: LEMA1RE.
Pardélibération du 5 août1879, laFaculté aarrêté que les opinions émises dans les
Thèsesqui luisont présentéesdoiventêtreconsidérées commepropres à leurs auteurs, et
qu'elle n'entend leurdonner ni approbationniimprobation.
A LA MEMOIRE DE MON PÈRE ET DE MON FRÈRE
A MA MÈRE
A MES PARENTS
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR DE NABIAS
DOCTEUR ÈS SCIENCES
J'ROFESSEUR DE MATIÈRES MÉDICALES A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
OFFICIER DE i/lNSTRUCTION PUBLIQUE
C'est àM. le professeuragrégé Sabrazès que nous devons
l'idée de
notre travail. Pendant notre courtséjour àson service, ils'est toujours
montré pour nous un maître bienveillant, plein de
sollicitude
;dans le
laboratoire, qu'il agracieusement mis à notredisposition,
il
n acessé de
nous prodiguerles conseils les plus amicauxet les
plus éclairés. Qu'il
nous soit donc permis delui exprimer ici notre vive
reconnaissance.
Que nos maîtres de la Marine, dela Facultéet des Hôpitaux, qui se
sont intéressés à nouspendantle cours de nos études,reçoivent
aussi
l'expression de notre profondegratitude.
Notre oncle; M. le D1' Monin,nous a toujours entouré de la plus grande affection, c'estsous sa directionque nous avons
commencé
nosétudes médicales. Aussi, sommes-nousheureux de lui témoigner publi¬
quement aujourd'hui notre attachement et l'assurance
de
notreentier
dévouement.
Nousadressons à M. le professeuragrégé Pousson nos vifs remercie¬
ments pourl'obligeance aveclaquelle il a mis ses diverses
collections à
notre disposition, nous facilitantainsi la plupart de nos recherches.
Nous prions M.leprofesseur de Nabias de vouloir bien être
assuré de
toutenotre gratitude pourle grandhonneur qu'il nous fait en accep¬
tant la présidencede notre thèse.
Historique. Division du sujet.
Au lendemain de la découverte de M. le professeur Rœnt¬
gen, le monde savant se saisissait de la question, et pas un jour ne se passait quinevits'étendreparquelque application
nouvelle le nouveau champ d'investigation que l'on croyait
tout d'abord réservé au seul domaine de la chirurgie. Dans l'industrie, on seservit de la nouvelle méthode pour décom¬
poser certains produits de nécessité première, vérifier leur pureté, analyser leurs falsifications. Les diverses branches
des sciences médicales, anatomie, physiologie, clinique,
médecine légale, hygiène, profitèrent toutes dans une cer¬
taine mesure des avantages apportés par les nouveaux rayons. Mais ce furent surtoutles chirurgiens qui songèrent
à en tirer le plus grand profit, etleurs premiers effets furent
merveilleux : par les rayons X, l'on put se rendre compte en quelquesinstants du siège de certaines fractures ou luxa¬
tions, de la situation exacte de corps étrangers métalliques,
fragments d'aiguilles ou éclats de fer accidentellement implantés dans les tissus. Grèce à eux, le chirurgien put,
avec une incision minime et un puissant électro-aimant,
débarrasser un bras ou une main d'un corps étranger qui depuis longtempsy séjournait et sur lequel un examen des plus minutieuxne pouvait donner que de vagues et incer¬
tains renseignements.
L'on s'efforça alors d'étendre ces recherches : un corps métallique se laissait facilement déceler à travers les tis_
sus^environnants, un corps organique, calcul de la vessie ou des reins, plaque calcaire, dépôt d'urate de soude se révélé-
- 12 -
rait-il lui aussisur* l'écran fluoroscopique, son image irait-
elle se fixer sur uneplaque sensible ? Mais, d'un autre côté,
n'était-ce pas un leurre d'aller rechercher ces corps étran¬
gers à travers l'organisme, si ceux-ci étaient perméables,
s'ils se laissaient pénétrer par les nouveaux rayons sans donner aucune tracede leur présence ?
On commença donc par déterminer la transparence aux rayonsX de différents calculs. Denombreuses expériencesse
firent simultanémentet un peu partout, en France, en Alle¬
magne, en Angleterre, aux
États-Unis.
Nous pouvons ainsiciter en Amérique l'étude, par M. Henry Morris,de l'effet des
rayons X sur les diversessortes de calculsurinaires extraits
du corps humain. En France, nous voyons un mémoire que M. Guyon, au nom de MM. Chapuis et Chauvel, présente, le
11 avril 189G à l'Académie de médecine, sur le diagnostic par¬
les rayons X des calculs rénauxou biliaires sur le cadavre.
L'année suivante, ce sont MM. Buguet et Gascart qui font la radiographie de certainscalculs biliaires et vésicaux et mon¬
trent tous les avantages que la nouvelle méthode d'investi¬
gation va donner au chimiste. Grâce aux nouvelles radia¬
tions, celui-ci saura dorénavant en quels points delaconcré-
tiondevrontporter ses investigations; il verra, sans qu'il lui
soit nécessaire d'ouvrir lecalcul, l'homogénéitéou la struc¬
ture dece dernier, sa composition chimique dans certains
cas, la position exacte et très souvent la nature dunoyau qui
lui a donné naissance.C'est ainsi que ces auteurs ont pu voirenfermés dans certains calculs vésicaux des morceaux
d'ambre, de ferou d'os, origine première de la concrétion.
Tous ces renseignements obtenus etenregistrés en quelques
minutes sans compromettre l'intégrité du calcul seront donc
pour le chimistede la plus haute importance.Quelques jours après, MM. Gilbert Fournieet Oudin font des recherches
analogues et arriventaux mêmes résultats.
Enmême temps que se poursuivent ces expériences, l'on
s'efforce d'un autre côté à rechercher si sur des malades présentant tous les symptômes courants de lithiase rénale
- 13 —
(pesanteur dans la
région lombaire, hématuries, coliques
néphrétiques, urines
chargées d'acide urique, etc.), le diag¬
nosticencore incertain peut devenir évident,
grâce
aux nou¬veauxrayons. Aprèsquelques
tentatives
sansrésultat pro¬
bantsurcinq sujets différents, le Dr
J. Macintyre finit par
trouver sur un malade, déjàopéré par le
Dr Adams, la pré¬
sence d'un calcul rénal qui s'était de nouveau
formé après
une premièreintervention. Une
opération chirurgicale vint
confirmer ces résultats, quoiquele
diagnostic porté fût
en¬core hésitant, ne s'appuyant pas sur
des faits précis, bien
déterminés, comme ils le furent
quelques mois plus tard
(enseptembre
1896) dans
uneobservation de M. James Swaim,
deGlifton. Cedernier, en effet, opérait à coup
sûr,
verscette
époque, un maladesur
lequel
uneexposition de vingt minu¬
tesà l'action des rayonsXavaitrévélé la présence
d'un calcul
rénal.
Dans un même ordre d'idées, l'étude radiographique des petites concrétions de
l'économie tentait aussi les savants.
Les tophus de la goutte, les lésions
de l'artério-sclérose, les
nodosités d'IIeberden éveillaient leur attention, étaient de
leurpartl'objet de recherches
analogues. C'est ainsi
que,dès
le mois d'avril 1896,M. Huber présentait à la Société de
Mé¬
decine interne quelques photographies de
rhumatisants et
de goutteux, et montrait les
différences radiographiques de
ces deuxaffections. Cestravaux furent infirmés par un très
grand nombre d'auteurs. Le 18 janvier
de l'année suivante,
M. le professeur Potain faisait
à l'Académie des Sciences,
aunomdeM. Serbanesco, la communication d'une étude sur la
goutte et les rayons Rœntgen. Comme ses
devanciers, il
re¬marquaitau niveau desextrémités des
phalanges et des mé¬
tacarpiens, parfois même sur le corps de l'os,
des taches
blanchâtres entouréesle plus souvent d'uneauréole foncée.
Ces taches translucides étaient pour ces auteurs le résultat
de la substitution des urates aux phosphates de chaux en¬
trantnormalement dans la composition des os, et huit fois
moins transparents qu'eux aux rayonsX. Quant aux
nodo-
- 14 -
sitesd'Heberden, le même professeur émettait l'opinion que les taches transparentes, fort distinctes, que l'on trouve au niveau desphalanges, doivent rapprocher cette
affection de
la goutte.
A cesujet, il était loin de l'avis du Dr Destot, deLyon, dont
onne pourrait passer sous silence les nombreux et intéres¬
sants travaux sur les mêmesquestions ; pource dernier, en effet, ces nodosités sont d'origineosseuseetles déformations
du rhumatismechronique, attribuées par les uns à une os¬
téite condensante accumulant les sels calcairesaux extrémi¬
tés,nesontque le résultat d'une ostéite raréfiante, avec
infil¬
tration graisseuse des extrémités articulaires, aspect diffus
de la trabéculation.
Pour l'artério-sclérose enfin, il était évident a priori que les vaisseauxincrustés de sels calcaires devaient être opa¬
ques aux rayons X, et que l'on pourrait peut-être déceler
leur présence par l'épreuve radiographique. C'est ce que
nous voyons relaté le 7 avril 1896, dans la Mïmch. Med.
Wochcnschr., parM. Hoppe Seyler, qui publia de très inté¬
ressantes observations à ce sujet.
Ainsi donc, à l'heure actuelle, l'étude des calculs et des
concrétions de l'économieau moyen des rayons X a été en¬
visagée à tousles points de vue: on les a examinés seuls,
dans leur structure intime; dans le corps humain, on les a étudiés dans leurs rapports avec les organes qui les entou¬
rent. Aussi ne prétendons-nous pastraiter ici un sujet nou¬
veau. Il nous a cependant paru digne d'intérêt, à la fin de
nos études médicales, de voir par nous-même tous les ser¬
vices que sous ce rapport la nouvelle découverte pouvait
rendre au clinicien et au chimiste, et c'est cette pensée qui a dirigé notre travail. Les expériences que nous avons faites
à ce sujet nous ontpermis de formuler quelquesconclusions précises.
Ilétait unpoint particulier dont l'étude, à notre connais¬
sance du moins, n'avait pasété abordée ou dont la solution
n'avait pasété donnée : Pouvait-on, par les rayons X, aller
— 15 —
déterminer la présence cle calculs arrêtés dans la portion
abdominale d'un uretère? Cette question, si importante pour le chirurgien dans les cas d'anurie, a été l'objet denosefforts particuliers, et nous serons trop heureux si,
parles résultats
obtenus, nous avons pu contribuer en quelque sorteà la re¬
cherche de la vérité.
Nousavons ainsi divisé notre travail :
Dans une première partie^ la plus importante, nous par¬
lons exclusivement des calculs des reins, de la vésicule
biliaire et de la vessie.
Nous les étudions pris en eux-mêmes (pathologie, struc¬
tureet examen radiographique) et nous voyons ensuite ce que ce même examen peutnous donnerpar des expériences
sur le cadavre. Dans un troisième paragraphe nous citons
enfin quelques observations de lithiase rénale ou biliaire diagnostiquée sur le vivant, grâce aux nouvaux rayons.
Dans la seconde partie, nous esquissonsles donnéesde la
radiographie dans quelques autres concrétions de l'écono¬
mie : lésions de l'artério-sclérose et de la goutte, dont les
déformations sontparfois si difficiles à différencier de celles
du rhumatisme chronique déformant.
Suivent enfin les conclusions de. ce modeste travail.
Pathogénie. Structure. Radiographie des divers
calculs.
Bien des théories ontété émises sur la pathogénie des cal¬
culs urinaires; leur nombre et leur diversité nous montrent
malheureusementd'une façon trop évidente que nulle d'en¬
tre elles n'est encore suffisante pour satisfaire l'esprit du
clinicien. C'est ainsi que l'on a d'abord subordonné la for¬
mation des calculs et des graviers à l'inflammation des mu¬
queuses : c'est la théorie du catarrhe lithogène. On l'a
attribuée ensuite à une fermentation acide ou alcaline de l'urine; mais cette théorie ne pouvait suffire à expliquer la
formation des calculs d'oxalate, qui se rencontrent pourtant
assez fréquemment. Une troisième opinion enfin, fondéesur la découverte de Galippe qui avait trouvé quelques microor¬
ganismes au centre de certains calculs, donne aux bactéries
introduites dans les organes génito-urinaires un rôle pré¬
pondérantdans la production des diverses lithiases. M. Bou¬
chard incrimine un trouble de la nutrition, mis en évidence par lesrelations qui unissent la gravelle uriqueà l'uricémie:
« Pour qu'ily ait gravelle, il faut non seulementque l'acide urique soit en excès dans le sang, maisque les urines soient concentrées, hyperacides par la présence des phosphates
acidesen excès, conditions qui traduisentl'insuffisance des mutations nutritives » (Bouchard).
Quant à la lithiase biliaire, elle paraît duesurtout à une
précipitation de la cholestérine survenant à la suite de la stagnation prolongée de la bile dans la vésicule chez les per¬
sonnes prédisposées. Al'état normal, la cholestérine existe
G, 2
— 18 —
en abondance dans certains tissus et dans certaines hu¬
meurs, mais toujours à l'état de dissolution grâce à la léci-
thine des premiers, aux sels alcalins de soude et de potasse
des dernières. Que sa production vienne à augmenter dans l'organisme , quecelle des acides biliaires diminue, quela proportion dechaux augmente ou que la bile cesse enfin de
couler, la cholestérine se précipite dans les voies biliaires
d'excrétion, vésicule et canaux, d'où formation de cristaux qui, d'abord libres, finissent pars'agglomérer et former des
calculs.
Quoi qu'il en soit, toutcalcul, pour se développer, exige la
présence d'une substance organique albuminoïde indispen¬
sable à la formation du noyau, à moins que ce dernier ne soit formé par un corps étranger. Cette substance albumi¬
noïde,produite dedifférentes manièresdans l'organisme des sujets atteints delithiase, fournit avec certaines autres subs¬
tances (acide urique et ses composés) la base constante des
concrétions à partir du sable urinaire jusqu'aux calculs les plusvolumineuxjusticiables d'une interventionopératoire.
D'abord simples sédiments qui se déposent dans un point quelconque du trajet urinaire ou biliaire, les concrétions, lorsqu'elles ne sont pas expulsées par les voies naturelles,
se fixent et s'accroissent par suite d'un dépôt continuel de
substances de même nature qu'elles ou d'une nature diffé¬
rente. Cette croissancese fait toujours, en partie par apposi¬
tion de couches concentriques, en partiepardépôt de masses cristallines irrégulièrement disposées; en partie aussi par combinaison de ces deux modes, mais en tous cas avec le
concours de la substance organique albuminoïde ci-dessus
mentionnée. Si cette dernière fait défaut, le calcul cesse de croître. Ceci peut être prouvé non seulement par l'analyse chimique descalculs urinaires chez l'homme et chez les ani¬
maux, par l'étude de leur structure, par leur reproduction
comme volume, forme etmode de développement, mais en¬
corepar la possibilité d'enreproduire expérimentalement de
semblables chez des animaux nourris d'oxamide. (Commu¬
nication de M. Ebstein au dernierCongrès deMoscou.)
— 19 —
Parmi les calculs urinaires, 011 compte par ordre de fré¬
quence les calculs d'acide urique,
de phosphate, carbonate
et oxalate de chaux, puis, mais bienplusrarement,ceux
for¬
més de cystine, de fibrine etd'indigo.
Les calculs uratiques, les plus nombreux comme aussi les
plus Volumineux, d'une coloration
variant entre le jaune
orangé et le rouge vif, sontpresque tous formés d'acide
uri¬
que pur oumélangé d'uratealcalin et terreux
(soude,
ammo¬niaque, chaux, magnésie). L'urate
d'ammoniaque peut s'y
trouver en de fortesproportions etcontribuerquelquefois à
former à lui seul la masseentière du calcul. La réaction de
lamurexide au moyen de l'acide azotique ou de l'eau bromée
suffit à les caractériser. Si l'on aaffaire à desurates d'ammo¬
niaque, on a une forte odeur d'ammoniaque en
les traitant
par la potasse après calcination. Si ce sont des urates
de
po¬tasse ou desoude, la calcination les transforme en carbona¬
tes dont la réaction est alcaline. On peut enfin se servir de
l'examen microscopique etrechercher la formecristallinedu
calcul en en dissolvant une faible quantité dans la lessive
alcaline et en précipitant par l'acidechlorhydrique.
Les calculsphospha tiques accompagnentsurtout lessuppu¬
rations des voies urinaires. Devolume variable, leur colora¬
tion estblancgrisâtre, ilss'effritentfacilement, laissantaprès
leur calcination un résidu total, tandisque les précédents
n'en laissent quepeu ou pas du tout. Pour enfaire l'analyse,
on ajoute de l'eau etde l'acide azotique à un de leurs frag¬
ments ; 011 porte le tout à l'ébullition, onfiltre et011 traitepar
une solution azotique tiède de molybdate d'ammoniaque. On
obtientalorsun précipitéjaune de molybdate d'ammoniaque
que seuls les phosphates donnenten pareille circonstance.
Les calculs oxaliques sont assez rares. Ce sont les plus
durs et les plus résistantsaux moyens de dissolution habi¬
tuellementemployés; cette dureté les empêche de s'arrondir
dansla vessie où ils se trouvent le plus souvent, et les aspé¬
rités dont ils sont couverts finissent par blesser cet organe, y déterminent des hémorragies qui, à la longue,leur donnent
- 20 -
une teintebrunâtrecaractéristique. Traitésparl'eauetl'acide azotiqueavec lesquels on lessoumet à Pébullition,onobtient après leur avoir ajouté une solution saturée d'acétate de
soudeadditionnée de chlorure de calcium unprécipité d'oxa-
late de chaux reconnaissableau microscope.
Les autres variétés de calculs formés de cystine, fibrineou d'indigo, constituent des espèces très rares dont on compte les observations et dont nous ne nous occuperons pas ici.
Parmi les calculs biliaires, ce sont les plus riches en clio-
lestérine quel'on rencontre le plus souvent. Ilsse reconnais¬
sent à leur coloration blanche, verdàtre, à leur transparence lorsqu'ils sont frais. Arrosésd'acide azotique, si on les laisse évaporerasiccité dans une cupule de porcelaine, on obtient
un résidujaunâtre quel'addition de quelques gouttes d'am¬
moniaque fait passer au rouge orangé. Un de nosmaîtres de
la Faculté, M. le professeur Denigès, a publié, en mai 1897,
un nouveau mode d'essai de ces calculs que nous ne pou¬
vons rapporterici et pourlequel nous renvoyons auBulle¬
tin des travaux de la Société de pharmacie de Bordeaux.
Ayantprocédé avecMM. Sabrazôset Rivière à l'analysechi¬
mique dedifférents calculs rénaux, biliaires ouvésicaux (*)
nous les avons ensuite soumisavec euxà l'examen radiogra- phique. C'est de cet examen que nous donnons quelques ex¬
traits dans notre première planche.
On est frappé tout d'abord des différences notables d'opa¬
cité que présententces diverses concrétions; tandis que les premières ne diffèrent que très peu entreelles, la neuvième
et la dixième sont remarquables par le caractère absolu¬
ment opposé de leur coloration. L'une, formée d'oxalate, a présenté aux rayons X une résistance très grande: c'està
cette dureté qu'estdue la teinte sombre qui la caractérise.
L'autre, est un calculbiliaire formé de cholestérine: cette
0) Cescalculsappartiennent àla collection de la Faculté, à la clinique de
M. le professeur Démons, enfinà lapratique de MM. Denigès, Pousson et Braquehaye.
— 21 —
substanceà l'état frais est presque transparente et la radio¬
graphie vientaccentuer ce caractèrelorsqu'on compare
les
calculs qui en sont formés avec les autres concrétions de
l'économie. Chezcertains, on trouve une teinte uniforme d'o¬
pacité ; chez d'autres, on voit nettementau centre
de la
con¬crétion le noyau qui lui a donné naissaiice.on perçoit et on compteles différentes couchesqui sont venues
à
lapériphé¬
rie contribuer à sa croissance.Ces diverscalculs ont étésou¬
mis à l'action des rayons X pendant une durée d'exposition
variant entre trois et dix minutes.
Pour avoir des résultats absolument exacts, pour pouvoir
comparer avec justesse les différences de résistance que ces
concrétions offrent aux rayonsX, il aurait fallu naturelle¬
ment opérer sur des corps possédant les mêmes dimensions, pendant un même espace de temps,avec une même
intensité
lumineuse. Cela ne nous est pas permis ici ; lescalculs exa¬
minés diffèrenttoussensiblement dans leurépaisseur et l'on
ne pourrait compter sur des résultats mathématiques. Mais
ces différences elles-mêmes ne viennent-elles pas accroître
en quelque sorte la valeur des expériences, lorsque l'on con¬
sidère qu'un corps tel que l'acide urique présente, sous une épaisseurplusconsidérable, moins de résistanceaux rayons, qu'un autre composéd'oxalateoude phosphate de chaux de
moindre épaisseur?
Les figures 1 et 2 donnent l'image radiographique de deux
calculsd'acideuriquepur,ayant,à quelques millimètres près,
une même épaisseur. Leur teinte est sensiblement la même.
On remarque cependant dans le premier une zone périphé¬
rique plus opaque, due à la présence de phosphate tribasi-
que de chaux.
Les figures 3 et 4 représentent des calculs mixtes d'acide urique et de phosphate. Cette dernière substance est ici bien plus régulièrement répartiequedans le calcul précédent; on la voit entourer comme d'un anneau régulier la masse en¬
tière du calcul formé d'acide urique. Au centre, on perçoit
nettement le noyau primitif dont laradiographieapermis au
chimiste uneanalyse complète de la
concrétion,
sansqu'il
aiteu la peine de la broyer.
La figure 6 est l'image d'un autre calcul uratiqueavec une légère couche de phosphate aux extrémités de son grand
diamètre.
Les figures 7 et 8 sont deux calculs formés de carbonate
de chaux. On peut voir dans le premier une teinte d'opacité
se rapprochant beaucoup de celle que l'on
observe dans le
calcul n° 9. Le second présente autour de son noyau de car¬
bonate de chaux les différentes couches minérales qui sont
venues à la périphérie accroître la concrétion.
Fig. 8, calcul mixte de carbonate et phosphate de chaux.
Fig. 9, calculd'oxalate de chaux. C'est le plus opaque
de
tous. D'une épaisseur moindre que les concrétions 1 et 2, il présente une opacité bien plus grande.
Le dernier, enfin, est un calcul formé par l'agglomération
d'une série de petits graviers polyédriques de cholestérine
pure. On remarque au centre un grand espace clair dû
à
lacavitéclosequel'on observe généralement dans les calculs
biliaires.
La radiographie est donc pourlechimiste de laplus grande
utilité; elle lui permet après un court examen de voir en premierlieu l'homogénéité d'un calcul ou la pluralité des
substancesqui entrent dans sa composition. Elle le rensei¬
gne ensuite sur la présence d'un noyau, lui enindique la po¬
sition exacte etparfois la provenance organique ou étran¬
gère. Grâce aux nouvelles radiations, le chimiste peut, en comparant entre elles les ombres de certains calculs,en
étu¬
dier les différences et en déterminer par suite la nature.Il
arrive souvent enfin qu'une analyse chimique demeure in¬
complète ; au laboratoire, il est nécessaire de broyer le cal¬
cul, d'en pulvériser une partie, et c'est surce fragment par¬
fois bien minime que l'on vaprocéderauxdiversesréactions.
Or, il peut arriver que dans des calculs mixtes, certaines
parties échappentà l'examen : la radiographie pare à cet in¬
convénient en faisant ressortir par une ombre distincte le
siège des nouvelles substances,
qu'elle signale ainsi à l'at¬
tention del'opérateur.
Au point de vue
radiographique
pur,nous sommes donc
heureux deconfirmerici les résultats
déjà obtenus par MM.
Buguet et Gascart, et nous pouvons
établir de la manière
suivanteune échelle de résistance aux rayons
X des divers
calculs.
Calculs formésde selsde chaux :
oxalates, carbonates et
phosphates.
Calculsmixtes: phosphate
ammoniaco-magnésien.
Calculs d'acide urique et urates.
Calculsbiliaires : cholestérine.
Expériences personnelles sur
le cadavre.
I. Sur les reins.
Nous nous sommes efforcé dans nos expériences surle ca¬
davred'opérer dans des conditionsse
rapprochant le plus de
celles que l'on estsusceptible de trouver sur le
vivant. Pour
cela, nous noussommes servi de sujetsrevêtus d'une
couche
adipeuse assez abondante, et pour l'inclusion
des calculs
nous avons suivi des méthodes opératoires nous permettant
d'atteindre les organes cherchés avec le moins de dégât pos¬
sible.
Nous avons ainsi employé pour la vessie la taille hypogas- trique ordinaire. Le rein a été misà découvert par une
inci¬
sion verticale de 8 centimètres, à partir du bord inférieur de
la douzième côte et à quatre travers de doigt de la ligne des apophyses épineuses. Les calculs une fois inclus, on suture soigneusement chaque plan de l'incision en respectant dans
la mesure du possible les rapports des divers organes entre
eux.Nousn'avons suivipourlarecherche del'uretère aucune méthode opératoire particulière; une première fois, c'est par
la voie abdominale que nous sommes allé àsa découverte,en faisant une incision verticale à 10 centimètres de la ligne blanche.Uneseconde fois,l'incision agrandie d'une néphrec-
tomieprécédente nous a permis de le saisir et d'y inclure
les calculs del'expérience. C'est enfin par une incision hori¬
zontale, faiteau-dessous du cartilagedesneuxièine etdixième
côtes droites, quenous avons pu mettre à nu la vésicule bi¬
liaire.
— 26 —
L'appareil employé était constitué par un tube focus biano- dique (de M. Seguv), excité par une puissante bobine de Ruhmkorff, donnant avec un courant d'une intensité de 6ampères sous16 volts des étincelles de 35 centimètres de longueur. Al'aide de cette ampoule, on obtient des radiosco¬
pies à une distance de 3 mèt. 50 et derrière une cloison en
planches. Ce dispositif permettait évidemment une facile exploration thoraciqueou abdominale.
Pourobtenir le plus de rendement possible, le tube,situé à
des distances variant entre 20 et 40 centimètres environ des objetsà radiographier, atoujoursétédisposédetellesorte que la surface de l'anticathode fût bien perpendiculaire à ces derniers (le centre de la partie d'émission des rayons X devant toujours être dans la verticale par rapport à l'objet
examiné et à son centre).
Expérience I
Femme d'une trentaine d'années. Dans le rein droit nous insérons quatre calculsde nature et de dimensions différentes : le premier, phos- phatique, du volume d'une olive, pèse 5.700 milligrammes, avec une
épaisseur de 15 millimètres et unelongueur de 3 centimètres environ. Il
est placé dans le parenchyme rénal, tout près du bord externe et unpeu au-dessous de la partie médiane de l'organe. Un second et un troisième gravier, de même nature, mais de dimensions deux fois moindres, sont insérés l'un danslebassinet, l'autre à 2 centimètres au-dessus (poids
1.250 et1.120 milligrammes). Un dernier calcul enfin, d'acide urique,
du volumed'unegrosselentille, est poussé dans l'extrémité supérieure
de l'uretère, à 2 centimètres environ du bile rénal.
Le reingauche ne reçoit qu'un seul calcul d'acide urique, ovale, de
15 millimètres delong sur 8 d'épaisseur et pesant 2 gr. 300.
Sous la région lombaire du sujet est placée une plaque sensible (18 X24), recouverted'une enveloppe de papier aiguille et située à
33 centimètresenviron de la source fluorescente.
Pendant une durée de quinze minutes, nous soumettons ainsi notre
sujet àl'action desrayons
X, l'intensité du courant étant de 4 ampères.
Ledéveloppement du cliché, très
long à
sefaire,
nedonne qu'un
résultatmédiocre. L'on est en effetfrappé dela
quantité de taches poly¬
morphesdisséminées dans toute
la surface de la plaque, recouverte
comme d'un léger voile. C'est àpeinesi
l'on peut
soupçonnerà l'un des
anglessupérieurs unezone
blanchâtre, arrondie, tranchant légèrement
avecl'opacité des parties voisines.
Elle
neconstituerait sûrement pas un
moyen dediagnosticpour une personne non
prévenue.
Nous étant servi immédiatement
après du même appareil
et dans de mêmes conditions pour
examiner le coude d'un
enfant atteint d'arthrite tuberculeuse
suppurée, le dévelop¬
pement du cliché nous
apporta
encoreun résultat analogue :
plaque tigrée en certains
points,
nuagegénéral recouvrant
letout, cubituset radius à peine
sensibles. Ce défaut était
sûrementdû à une vicieuse installation, comme nous
le
montra l'expérience suivante.
Expérience II
Ayanten effetremarqué dans
les deux épreuves précédentes
queles
endroits leplus troublesétaient précisément les
points où le sujet pesait
leplussur la plaque,nous eûmes
l'idée de soulever
cedernier, de
nelui
donner avec elle qu'unsimple rapportde
contiguïté
pourempêcher,
enunmot, toutepression de l'un surl'autre.
L'on entoure la plaquesensible d'une double enveloppe
de papier noir
etl'on interposeenfin entrele corps etelle une
feuille de gutta-percha
pouréviter toutetrace
d'humidité.
Aprèsvingt minutesd'exposition,
le développement du cliché donne le
résultat suivant (plancheII): la colonne
vertébrale
sedessine merveil¬
leusement avec tous sesdétails osseux,corpsvertébraux, apophysesépi¬
neuses, transverses, disques intervertébraux. Au basde la
plaque,
on distinguelecommencement de la crête iliaque, etc'est cette ligne qui
vanousservir avecla direction des apophyses transversesà nousorienter
dansnos recherches.
— 28 —
Ala partie supérieure, et de part et d'autre durachis, on trouve à droite, à6, 8 et 9 centimètres dela crête iliaque, quatre taches opaques
qui ne sont autre chose que l'ombre des calculs insérés dans le reinet l'uretère de ce même côté.
A gaucheet àun niveau plus élevé, on remarque à une même dis¬
tance de laligne des apophyses épineusesunedernièretacheovale,tran¬
chant fortementpar son opacité avecles parties environnantes.
La forme, la situationrespective de chacune de ces taches nous en
indiquent nettementl'origine.
Expériences III et IV
Sur un autre sujet,nous nous sommes particulièrement etforcé de déceler l'image radiographique de petits calculs engagés dans l'uretère.
Ce canal étant fendu sur unelongueur de 2 centimètresenvironet à une distance de G centimètres du hile rénal, nous faisons successivementpé¬
nétrer par son orifice entr'ouvert unesérie de cinq calculs uratiques de plus en plus gros(d), variant comme volume de lagrosseur d'un plomb de4 à celle d'une chevrotine et pesant tous de 200 à 350 milligrammes.
Pourguider notre future interprétation, nous avons soin d'insérer dans le rein, du même côté, et aux extrémités du grand axe du bassinet deux calculs phosphatiques de 12G0 et2100 milligrammes.
Le reindroit, mis à nuparla voie lombaire, reçoit lui aussi uncalcul de 12 millimètres d'épaisseur et pesant5 gr. 320 environ.
Le toutétant remisen place, chaque plan musculaire suturé, nous soumettonslesujet à deux expériences successives.
Une première fois,nouslaissons agir lesrayons X pendant quinze mi¬
nutes; la [daque sensible(24X30)est enveloppée dans du papier aiguille
et en contactimmédiat avec larégion lombaire du sujet. Le tube focus
en estséparé par unedistance de 32 centimètres, émettantses rayons à 18 centimètres au-dessusde la surfaceabdominale,avec uneintensité de 5ampères.
Résultat: clichéassezpâle, qui, même renforcé, estloin de donner des
(0 Ces calculs, dusàl'obligeance de M. le Dr Pollssop, avaientétéexpulsés spontanément de l'urètre d'un gravelleux.