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Fractures scolaires et inégalités de financement, d'accès aux établissements et de dotation en postes.

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Academic year: 2021

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1 Fractures scolaires en France et inégalités de financement, d’accès aux établissements et de dotation en moyens humains

P. Caro, Université de Caen Normandie – CNRS ESO

Les inégalités socio-spatiales se définissent comme des disparités vécues comme des injustices (Brunet, 1992). Elles peuvent couvrir un tel éventail de situations inégales que l’usage de la notion de fracture peut être utilisée. Ces inégalités ou ces fractures divisent l’espace français en plusieurs types de zones (Le Bras H., 2013), aux conditions de vie et aux caractères démo- socio-économiques radicalement hétérogènes (opposition entre les Outre-mer et la France métropolitaine par exemple). Le champ de la formation initiale et de la scolarisation n’échappe pas à de tels clivages comme le montrent la « Géographie de l’école » publiée régulièrement par le Ministère de l’Education nationale (MEN, 2017), et des rapports publiés à la fin de l’année 2018 par le CNESCO (Schneider A., Botton H., Miletto V., Champollion P. et Caro P., 2018). Un atlas des fractures scolaires faisait le point en 2010 sur ces partitions de la France métropolitaine et d’Outre-mer (Caro P. et Rouault R., 2010). Une mise à jour de cet atlas est disponible en ligne

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depuis quelques mois, les auteurs y réaffirment que « les fractures scolaires sont le résultat de processus qui entraînent une rupture de l’égalité de position ou de parcours scolaires entre élèves. Elles peuvent résulter de processus spatiaux ou sociaux, ou leurs interactions, elles se manifestent pour les élèves par le retard, la difficulté scolaire, l’échec, le décrochage. ». Si on sélectionne certaines dimensions du fonctionnement du système scolaire, quelles fractures apparaissent lorsque l’on spatialise des données statistiques récentes dans une logique multi-scalaire ? Après avoir examiné des disparités de financement de la part des collectivités, il conviendra de se focaliser sur les inégalités d’accès aux établissements scolaires, puis sur celles qui sont relatives aux profils des enseignants selon les communes et les académies pour confirmer l’existence de fractures scolaires ou nuancer cette affirmation.

1. Des disparités de financement de la part des collectivités

Départements et régions sont source d’inégalité scolaire par leurs investissements en matière de transports scolaires, de construction et de rénovation d’établissements. Les départements abritant une métropole bénéficient du réseau de transport en commun de celle-ci. Les autres plus ruraux doivent consentir des dépenses plus soutenues dans ce domaine, surtout en milieu montagnard. En 2015, les dépenses de fonctionnement des départements par collégien sont les plus élevées en Morbihan, Cantal et Charente. Les conseils départementaux en charge des collèges consacrent en moyenne 5,4 % de leurs budgets de dépenses de fonctionnement à l'enseignement, alors que l'action sociale en absorbe 63 % (Simon & Delsol, 2015). La situation

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https://fracturesscolaires.fr/, consulté en juin 2019.

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est différente pour ce qui est des dépenses d'investissement pour l'enseignement puisqu'en moyenne 15,2 % des budgets sont dévolus à ce poste.

Les dépenses de fonctionnement pour les transports scolaires représentent un peu plus de 57 millions d'euros engagés en 2015 dans l'Oise et le Pas de Calais, pour moins de 1 dans le Gers, les Hauts de Seine, la Haute Vienne et la Seine Saint-Denis (Figure 1). C'est seulement 6,6 millions en Lozère, 13,2 en Aveyron et 15 dans la Nièvre. On est loin des très fortes dépenses en Seine-Maritime. Ramenées par habitant, ces dépenses distinguent les départements montagnards comme le Jura (96 euros/h, pour 30 en moyenne), la Corse-du-Sud (90), la Lozère (81) ou l'Ardèche (76). La Guyane et Mayotte font partie de ce groupe. À l'inverse, le ratio de dépenses par habitant est le plus faible dans des départements abritant une métropole dotée de nombreux réseaux de transports en commun (Val d'Oise -3 euros/h-, Rhône -4 euros/h-, Var 8, Val-de-Marne 10, Bouches-du-Rhône 10, Nord 14).

Figure 1 : Dépenses totales des conseils départementaux en 2015 pour les collèges par département (en millions d’euros)

Source : DGCL - DESL, budgets primitifs 2014 et 2015, Insee - population totale 2015

Note de lecture : le département de la Seine-Saint-Denis (93) a des dépenses de fonctionnement pour les collèges élevées (116 millions d’euros) mais des dépenses de fonctionnement pour les transports scolaires faibles

(0,8 millions d’euros) en 2015.

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Dep e n se s fo n cti o n n e men t tr an sp o rts s co la ir e s 2 0 1 5

Depenses fonctionnement colleges 2015

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Fort logiquement, cette variation de dépenses en millions d'euros est à l'image de l'hétérogénéité des tailles démographiques des départements. Les Bouches-du-Rhône (1,98 million d'habitants en 2012, Insee) et le Nord (2,58 millions d'habitants), sont environ 20 à 30 fois plus peuplés que les Hautes-Alpes (139 000), ou la Lozère (76 000). L'écart s'accroit en matière de dépenses totales de fonctionnement (de 1 à 50), puisque ces dernières représentent en Bouches-du-Rhône plus de 100 millions d'euros (129 millions dans le Nord, 116 en Seine-Saint-Denis), pour un peu plus de 2 en Lozère et en Ariège, moins de 3 dans les Hautes-Alpes. Le nombre d'euros dépensés en fonctionnement par collégien constitue un indicateur plus pertinent (environ 800 euros/collégien médian en 2015, cas des départements de la Mayenne ou de la Haute-Loire. Il varie de 214 à La Réunion, pour 1947 en Morbihan, soit 9 fois plus (moins de 300 en Guyane, moins de 400 en Ariège). L'écart entre la situation du Nord (1364) et celle de la Lozère (884) se réduit par rapport au nombre d'habitants.

Avec les dépenses totales des conseils régionaux en 2015 pour les lycées publics et privés, on change d'échelle. Elles isolent les régions métropolitaines peuplées de plus de 4 millions d'habitants comme l'Île-de-France (880 millions), le Nord-Pas-de-Calais (presque 400 millions), PACA (377) ou Rhône-Alpes (309), face aux petites régions rurales peuplées de moins de 1,5 million d'habitants comme l'Auvergne (1,32 millions), la Basse-Normandie (1,37 millions), la Corse (0,32 millions) ou le Limousin (0,78 millions).

Figure 2 : Dépenses totales des conseils régionaux en 2015 pour les lycées publics et privés par lycéen et par région (en euros par lycéen)

Source : DGCL - DESL, budgets primitifs 2014 et 2015, Insee - population totale 2015. DGCL, 2015, Les

budgets primitifs des régions. Coll. Statistiques et finances locales, P. Simon et B. Delsol, octobre, 25 pages

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Exprimées en euro par lycéen, les plus fortes dépenses de fonctionnement distinguent le Limousin, l'Auvergne, les Normandie, la Corse, Champagne-Ardenne, Bourgogne et Picardie (Figure 2). Toutes ces régions sans métropole (pas d'aire urbaine peuplée d'au moins 700 000 habitants), dépensent plus que la moyenne. La présence d'une ou plusieurs métropoles (PACA), explique de plus faibles dépenses puisqu'une grande masse de lycéens bénéficie des réseaux de transport en commun des métropoles.

Exprimées en euros par habitant, ces dépenses mettent en avant les régions d'Outre-Mer avec des ratios de 124 (La Réunion) à 144 (Guyane), pour 81 en moyenne. Cet effort financier est lié à la croissance démographique à l'œuvre dans ces territoires, croissance plus forte qu'en France métropolitaine. Le taux annuel moyen de variation de la population entre 2007 et 2012 était de +2,4 % en Guyane et +1 % à La Réunion, pour +0,5 % en France métropolitaine

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Que ce soit pour les dépenses des départements (collèges) ou des régions (lycées), la Guyane se distingue par les plus forts ratios de dépenses par habitant, avec la Guadeloupe. À l'inverse, des régions comme la Franche-Comté et tous ses départements, sauf la Haute-Saône, concentrent des ratios faibles, en dessous des moyennes. Cette situation tient en partie à la structure par âge de la population. La jeunesse de la population de certains Outre-Mer contraste avec le vieillissement de celle des départements de régions rurales sans métropoles comme la Bourgogne ou la Franche-Comté (34 % de 0-14 ans en Guyane en 2013, 24 % à La Réunion pour 18 % dans le Jura ou en Martinique). Abstraction faite de cet effet de la structure par âge, la dépense des départements est source d'inégalité scolaire puisque les financements destinés à la construction d'établissements scolaires, à leur rénovation, à leur équipement et aux transports scolaires varient selon les départements et les régions dans des proportions de 1 à 4 pour les collèges (euros/habitant), période clé des scolarisations, et de 1 à 2,6 pour les lycées. Cet éventail varie de 1 à 4 pour les dépenses de fonctionnement pour les lycées (en euro/lycéen).

Ces écarts traduisent des choix politiques et budgétaires opérés par les collectivités en charge des établissements scolaires. Elle ne présume pas des efforts financiers effectués par ces acteurs publics dans la période précédente (avant 2015), ni de ceux qui seront engagés pour les années à venir.

L’analyse des dépenses cumulées d’investissement des régions et de départements de 2004 à 2014 met en évidence des écarts entre départements qui sont plus forts qu’entre régions (5 pour 3,5, Figures 20 et 21). Les départements et régions du grand nord-ouest, mais aussi ceux de Bourgogne et de Lorraine se démarquent par des dépenses d’investissement en deçà de la moyenne ou autour de celle-ci (moins de 5 200 euros / collégien en Ille-et-Vilaine, moins de 11 600 euros / lycéen en Bretagne). À l’inverse, certains départements ruraux comme la Haute- Marne ou les Landes, mais aussi des départements beaucoup plus urbains comme le Nord, les Hauts-de-Seine ou l’Isère, dépensent plus que la moyenne pour leurs collégiens (plus de 10 000 euros / collégien en Bouches-du-Rhône et plus de 15 000 euros / lycéen en Guyane ou en Midi- Pyrénées).

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https://www.insee.fr/fr/statistiques/zones/1405599

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À une échelle plus locale, le rôle des communautés de communes (EPCI) et des communes en matière de PEDT, PEL, PESL, de PRE

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et de mise en œuvre des Temps d’Activités Périscolaires TAP, est aussi source d'inégalités (David, 2008). Selon le ministère de l'Éducation nationale, lors des Temps d’Activités Périscolaires (TAP), « les élèves pourront accéder à des activités sportives, culturelles, artistiques qui pourraient développer leur curiosité intellectuelle et renforcer le plaisir d’apprendre et d’être à l’école » (MEN, 2013

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). Les PEL et les PRE visent les mêmes objectifs, à savoir compenser le manque d'accès à des activités sportives, culturelles ou artistiques pour certains élèves issus de milieux sociaux défavorisés. Il n'est pas possible de dresser la carte de France, Outre-Mer compris, des communes et des communautés de communes impliquées actuellement dans ces dispositifs d'aide aux élèves.

Cependant, on peut avancer qu'une réorganisation complète des dispositifs, mis au point par certaines communes et communautés de communes depuis 2013 (mise en place des nouveaux rythmes scolaires, décret n°2013-77 du 24 janvier 2013), est en cours avec le mouvement actuel de fusion des communautés de communes tendant à devenir de plus en plus étendues et peuplées. À cela s’ajoutent les effets de l’assouplissement récent du décret.

Cette première approche des inégalités de financement et de dotation par départements et académies donne à voir des fractures entre zones rurales et urbaines en France métropolitaine, et entre les espaces d’Outre-mer et ceux de France métropolitaine. Si leurs effets sur la carrière scolaire peuvent être discutés (effets directs ou indirects), ceux des inégalités de temps d’accès aux établissements scolaires sont sans doute plus nets et moins discutables. Consacrer plus de temps aux transports scolaires, c’est sans doute un handicap pour certains collégiens ruraux enclavés. Résider à plus d’une heure du lycée professionnel le plus proche peut jouer sur des choix individuels et familiaux en matière d’orientation.

2. Des inégalités d’accès aux établissements scolaires

Tous les élèves ne disposent pas d'un collège ou d'un lycée dans leur commune, leur canton ou leur communauté de commune. Un très grand nombre effectue donc des navettes pendulaires, voire des migrations hebdomadaires entre internat et commune de résidence des parents.

Certains géographes parlent de capital spatial pour qualifier l'accumulation par certains individus, voire de familles, de savoirs et de savoir-faire en matière de mobilité (Ripoll &

Veschambre, 2005). Les cartes suivantes donnent à voir les distances entre communes non équipées et établissements scolaires sans tenir compte des distances-temps à couvrir par la route pour accéder au service. En zone rurale sans contrainte de relief, ces distances cartographiées constituent un reflet assez fidèle des temps de déplacement par la route, alors qu'en milieu montagnard, il en va autrement.

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PEDT : Projet Educatif Territorial, PEL : Projet Educatif Local, PESL : Projet Educatif Social Local, PRE : Programme de réussite éducative.

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La réforme des rythmes scolaires à l’école primaire, Dossier de presse, http://www.education.gouv.fr/

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Encadré 1 : Commentaires sur la méthodologie : cartes de distance euclidienne aux établissements scolaires L'objet des cartographies suivantes est de fournir un premier regard sur l'éloignement relatif de la population par rapport aux établissements scolaires sur le territoire français (France métropolitaine, Mayotte, Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Guyane).

Les distances utilisées dans cette partie sont calculées selon les coordonnées géographiques réelles des collèges et des lycées.

Le principe retenu est celui du calcul de la distance euclidienne (distance rectiligne entre deux points, ou encore distance « à vol d’oiseau ») entre un lieu et le plus proche établissement scolaire identifié. On a ainsi, pour chaque unité spatiale, une distance calculée qui est ensuite représentée selon 5 classes en une gamme de couleur d'intensité croissante : de 0 à 5 km ; de 5 à 10 km ; de 10 à 15 km ; de 15 à 20 km ; plus de 20 km. Les distances sont calculées pour trois types d'établissement scolaire : les collèges, les lycées et les lycées professionnels, dont la localisation est obtenue au travers de leurs coordonnées géographiques

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.

L'unité spatiale de référence est choisie en fonction de l'échelle d'analyse. Pour la France métropolitaine, le choix s'est porté sur la commune permettant ainsi une précision suffisante pour apprécier les fines variations de distance observées sur le territoire. Ces cartes représentent donc la distance de chaque commune au plus proche établissement scolaire. Pour les départements d'Outre-mer, le choix s'est porté sur une échelle infra-communale avec une subdivision régulière de l'espace en une grille de 500 mètres de côté. Pour cette échelle, ces cartes représentent donc la distance de chaque lieu (cellule de 500 m de coté) au plus proche établissement scolaire.

Ces premiers résultats permettent effectivement d'avoir une synthèse pertinente et globale des différences relatives d'éloignement de la population par rapport aux établissements scolaires. Il faut néanmoins nuancer cette information et donc rester prudent dans l'interprétation des résultats.

En effet, le principe de la distance euclidienne, rapide à mettre en œuvre et globalement informatif, ne permet pas dans certains cas de rendre compte des distances "vécues" par la population en déplacement. Cela est particulièrement flagrant sur certains territoires difficiles d'accès (espaces montagneux entre autres), où "distance"

et "distance-temps" revêtent des significations bien différentes. Une extension souhaitable de ce travail dans le futur pourrait donc être le calcul plus raffiné d'une distance-réseau (distance de parcours sur les réseaux de circulation), d'où on pourrait déduire des distances-temps (durées de parcours sur les réseaux).

De la même manière, il faudrait raffiner cette première appréciation des distances en fonction des conditions globales de circulation sur le territoire où le déplacement des populations est multiforme : intégrer les réseaux de transport en commun, les différents modes de déplacement (voiture, deux-roues, piétons, etc.), les trafics et vitesses pratiquées qui conditionnent les durées de parcours, etc.

Ces cartes constituent donc une première exploration d’une problématique d’accessibilité aux lieux d’éducation, à multiples dimensions qu’il s’agira par la suite d’analyser globalement.

Mohand Medjkane et Thierry Saint-Gerand - UMR IDEES CNRS - Université de Caen Normandie

Avec les académies de Guyane et de La Réunion, celles de Reims, Dijon, Montpellier, Grenoble, Toulouse et de Corse sont les seules à abriter des zones où les élèves des communes non équipées se situent à plus de 20 km à vol d’oiseau de l’offre de formation (Figures 3 et 4).

La diagonale du vide, orientée nord-est/sud-ouest réapparait logiquement ici.

5

Source : ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, mai 2016.

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Figures 3 et 4 : Distance euclidienne au plus proche collège et au plus proche lycée (LEGT), public ou privé, en France métropolitaine, en 2016, pour les communes non équipées

Les distances à vol d’oiseau au plus proche lycée général et technologique font apparaitre les mêmes zones de faibles densités que dans le cas des collèges, mais, dans ces zones, le nombre de communes concernées est ici plus élevé. Le nombre d’académies concernées par ce phénomène est aussi plus élevé. Aux académies "rurales" de Reims, Dijon, Montpellier, Grenoble, Toulouse et de Corse, il convient d’ajouter toutes les autres, à l’exception de celles, plus « urbaines », de Strasbourg, Rouen, Créteil, Versailles, Paris et La Martinique. La localisation des préfectures équipées, centrale dans leur département, met en relief de nombreuses communes situées aux frontières départementales (de 16 à plus de 20 km du lycée).

Il en va ainsi aux marges des départements de la Meuse et de la Marne, de la Haute-Marne et de la Haute-Saône, du Puy-de Dôme et de la Creuse, de l'Ardèche et de la Lozère, etc.

Il est plus pertinent de cartographier les inégalités d’accès aux mêmes établissements scolaires

mais en prenant en compte les temps d’accès par la route en conditions normales de trafic

(méthode METRIC de l’Insee). Cette approche met en évidence les mêmes zones de France

métropolitaine défavorisées au regard de cette accessibilité routière. Cette dernière sous-estime

les temps de transports que certains élèves doivent supporter, notamment des collégiens, car les

transports scolaires suivent des parcours de ramassage non linéaires.

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Figure 5 : Temps d’accès routier d’une commune non équipée à la commune équipée d’un collège la plus proche en 2016

Figure 6 : Temps d’accès routier d’une commune non équipée à la commune équipée d’un lycée

général et/ou technologique la plus proche en 2016

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Figure 7 : Temps d’accès routier d’une commune non équipée à la commune équipée d’un lycée professionnel la plus proche en 2016

Les zones les plus défavorisées du point de vue des temps d’accès au collège sont essentiellement des zones rurales de montagne, souvent localisées aux marges de certaines régions (Figure 5). Ces zones concentrent aussi les communes qualifiées par l’Insee de très peu denses. Les temps d’accès routiers d’une commune non équipée à celle qui est la plus proche équipée d’un collège public ou privé varient ainsi de quelques minutes à plus de 30 minutes en 2015, voire plus d’une heure pour quelques communes corses notamment.

Le centre et le nord de PACA

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(arrière-pays des Alpes Maritimes, Alpes de Haute Provence, Hautes Alpes), ainsi que tout le sud-est de Rhône-Alpes (Savoie, Isère, Drôme) se trouvent dans la même situation. Au sud-est du Massif Central, les temps d’accès sont aussi parmi les plus longs en Ardèche, Lozère, Aveyron ou Haute-Loire, aux marges des régions Auvergne, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes. Il en va de même à proximité de la frontière espagnole en Pyrénées orientales, Aude et Ariège. Plus au nord, les temps d’accès sont défavorables, mais dans une moindre mesure (de 20 à 30 mn), sur tout le tracé de la diagonale du vide, c’est-à-dire de la Meuse et des Ardennes à la Dordogne et au Lot, en passant par la Haute-Marne, la Côte d’Or, l’Allier, la Corrèze ou le Cantal. Là encore, frontières régionales riment avec difficultés d’accès routier. La diagonale du vide coïncide avec les contacts entre Champagne-Ardenne et Bourgogne, Bourgogne et Auvergne, Auvergne et Limousin, Limousin et Aquitaine.

Au total, le centre de gravité de cet ensemble de zones défavorisées au regard des temps d’accès routier se situe dans le quart sud-est de la France métropolitaine, quelque part entre Languedoc- Roussillon (Occitanie), PACA et Auvergne-Rhône-Alpes. La faible densité de population et un relief montagnard caractérisant ces zones génèrent un réseau de collèges au maillage plus lâche

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Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur

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qu’ailleurs, d’où des temps d’accès plus longs. Les régions du grand Est et de Bourgogne Franche-Comté sont aussi concernées par ce phénomène, mais pour un nombre plus restreint de communes.

Ces mêmes zones dans les mêmes régions constituent le cœur de la France rurale éloignée des lycées généraux et / ou technologiques et des lycées professionnels (figures 6 et 7), mais le temps d’accès entre communes équipées et non équipées s’allonge. La notion de fracture scolaire prend ainsi du sens parce que les mêmes zones sous faible influence urbaine cumulent une accessibilité défavorable pour tous les types d’établissements. Outre l’accessibilité aux établissements, une dimension toute aussi importante pour la scolarisation réside dans les moyens humains que possèdent ces établissements.

3. Des enseignants aux profils différents selon les communes et les académies

En 2015, les jeunes enseignants (moins de 30 ans) et les non-titulaires se concentrent dans les académies de Créteil, Versailles, Amiens et de Guyane, là où se situe en partie le centre de gravité des risques d’échec scolaire et de décrochage (Boudesseul et al. 2016).

Le profil des enseignants en activité dans les collèges et les lycées traduit en partie l’attrait des académies du sud, de l’ouest et de la capitale (Veschambre, 1994). Rennes, Bordeaux, Toulouse ou Montpellier font figure de pôles attractifs dans l'analyse du mouvement inter académique des enseignants du second degré public (Hilary & Louvet 2014). À l'inverse, le trio Créteil, Versailles et Amiens constitue le pôle le plus répulsif.

À l’instar des flux migratoires observés de recensement en recensement, beaucoup d’enseignants souhaitent accéder à une académie plus ensoleillée où la réussite des élèves est supérieure à la moyenne et où s’est développée une métropole comme à Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse ou Grenoble. Il est frappant de constater que le couple des académies de Paris/Créteil détient, en 2012 comme en 1990, le record d’enseignants âgés de plus de 50 ans le plus fort (24,6 % à Paris en 1990) et le plus faible (11,1 % à Créteil en 1990, MEN-Depp, 1993, p. 114).

La composition locale du corps enseignant peut être appréhendée via la part des jeunes de moins

de 30 ans et celle des plus de 50 ans à l’échelle de tous les collèges et lycées d’une même

commune. Au plan académique, l’opposition est radicale entre Paris et ses périphéries

(Versailles et Créteil). La proportion d’enseignants de plus de 50 ans varie du simple au double

entre Paris et Créteil (Figure 8). Dans le 1

er

cas, l’académie regroupe la plus forte proportion de

plus de 50 ans en raison d’un vieillissement du corps enseignant qui connait peu de turnover,

alors que dans le second cas, il s’agit d’académie à fort renouvellement où beaucoup de postes

sont à pourvoir. Les plus jeunes y débutent plus souvent qu’à Paris. Les académies de Guyane,

de Lille et d’Amiens partagent le même profil que les banlieues parisiennes, pour les mêmes

raisons. Certains débutants affectés en Guyane quittent leur poste, sur les fleuves, par exemple,

ce qui génère un fort turnover (commune de Saint-Laurent du Maroni au nord-ouest de la

Guyane en position frontalière).

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Figure 8 : Les enseignants du second degré public : part des plus de 50 ans et des moins de 30 ans à la rentrée 2015 selon les académies

Source : MENESR DEPP, base "Bulletins de salaire", décembre 2015

Note de lecture : en 2015, l’académie de Créteil compte 37,1 % d’enseignants âgés de moins de 35 ans, la proportion des plus de 50 ans est de 22 %. À l’inverse, l’académie de Paris concentre un taux de plus de 50 ans de 41.7 %, près du double de celui de Créteil.

Pour les académies de Montpellier, la Guadeloupe, la Martinique, Limoges et la Corse, le ratio

a considérablement augmenté sur la période. La structure d’âge est donc plus déséquilibrée

qu’elle ne l’était avec, par exemple, 12 fois plus d’enseignants de plus de 50 ans que

d’enseignants de moins de 30 ans à Montpellier en 2014 comparativement à environ 5 fois plus

en 2005. Les autres académies conservent leur profil, la relative jeunesse des enseignants à

Amiens, en Guyane, à Versailles et Créteil contraste avec la maturité de ces derniers à Paris,

Bordeaux et à Rennes. Parmi les facteurs explicatifs de cette structure par âge, les possibilités

d’emploi du conjoint dans les différentes régions et l’attachement à la région de naissance

pourraient jouer un rôle.

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Figure 9 : Les enseignants du second degré public : évolution du ratio des plus de 50 ans/moins de 30 ans de 2005 à 2014

Sources : Géographie de l'école, 2011, n°10 (p. 52-53) et Bilan Social du ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche 2013-2014 (p.30)

Données : MENJVA-MESR DEPP, fichier de paye 2010 et MENESR-DEPP, fichier de paye 2014.

Note de lecture : Dans l’académie de Montpellier en 2005 le ratio était de 4.7, il y avait donc 4,7 fois plus d’enseignants âgés de 50 ans et plus que d’enseignants âgés de moins de 30 ans. En 2014, ce ratio s’élève à 12, la proportion d’enseignants de 50 ans et plus dans l’Académie est 12 fois plus élevée que celle des moins de 30 ans.

Ce premier constat doit être affiné à l’échelle communale et cantonale en faisant la somme de tous les enseignants des collèges et des lycées, publics ou privés, selon leur âge (Figures 10 à 12). En collège, la proportion d’enseignants de moins de 30 ans est maximale à Dugny en Seine- Saint-Denis (56 % en 2014), relevant de l’académie de Créteil, alors qu’elle n’atteint pas 1 % à Vannes dans l’académie de Rennes. La commune de Dugny compte 10 200 habitants

7

, plus de 38 % des habitants âgés de plus de 15 ans sont sans diplôme et 48,5 % des ménages sont imposés sur le revenu. Celle de Vannes (53 032 habitants

8

) est nettement plus favorisée socialement (27,1 % de sans diplôme et 57,8 % de ménages imposés). La jeunesse des enseignants rime-t-elle systématiquement avec habitat social et paupérisation des communes ? Cela se vérifie dans le cas des académies franciliennes (Botton H. et Miletto V., 2018).

La moyenne pour la part des enseignants âgés de moins de 30 ans par canton en collège public s’établit autour de 12 % en 2014. C’est par exemple le cas dans un canton comme Bollène

7

https://www.insee.fr/fr/statistiques/1405599?geo=COM-93030

8

https://www.insee.fr/fr/statistiques/1895081

(13)

(académie d’Aix-Marseille). Les proportions de jeunes enseignants sont les plus élevées en 1

re

et 2

e

couronnes parisienne (plus de 40 % à Grigny ou à Evry), surtout dans les parties est et nord, les plus paupérisées d’Île-de-France (plus de 40 % au Bourget, à La Courneuve, à Villepinte, à Stains ou Pierrefitte sur Seine). Les marges de l’aire urbaine parisienne sont tout autant concernées (rayon de 70 à 80 km de Paris), en direction de l’Yonne (académie de Dijon), de l’Eure (académie de Rouen), du Loiret (académie d’Orléans-Tours), ou de la Marne (académie de Reims). Il en est de même à Mayotte et au sein du bassin houiller de l’académie de Lille, toujours en reconversion industrielle. La croissance démographique et la masse des jeunes à scolariser dans ces zones induit de nombreux postes à pourvoir. À l’inverse, toutes les communes des grandes aires urbaines connaissent des situations proches de la moyenne, à l’instar de Fort-de-France, Reims, Nantes ou Besançon. Les académies attractives, pour ce qui concerne les vœux d’affectation et de mutation des enseignants sur la longue période (1995- 2015), concentrent des communes où la part des jeunes est plus faible que la moyenne ou équivalente (façades atlantique et méditerranéenne, académies de Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Aix-Marseille, etc.). Ces trois dernières académies (Bordeaux, Toulouse, Aix- Marseille), ainsi que celle de Nice, se démarquaient déjà en 1990-1991 par des taux d’enseignants de plus de 50 ans de plus de 18 % (MEN-Depp, 1993, p. 29).

Figures 10 à 12 : Part d’enseignants de collège, lycée général (LEGT) et professionnel publics âgés de moins de 30 ans par canton équipé en 2014

Note de lecture : En 2014, la part d’enseignants de moins de 30 ans en collège est de 49.5 % dans le canton du

Bourget en Seine-Saint-Denis (académie de Créteil).

(14)

La part des enseignants, exerçant en collège public âgés de moins de 30 ans atteint son maximum dans le canton du Bourget (49,5 %) dans le département de la Seine-Saint-Denis (académie de Créteil). La part des enseignants exerçant en lycée général et technologique public âgés de moins de 30 ans atteint son maximum dans le canton de Mitry-Mory (34,1 %). La part des enseignants exerçant en lycée professionnel public âgés de moins de 30 ans atteint son maximum dans le canton de Suresnes (25 %) dans le département des Hauts de Seine (académie de Versailles), pour moins de 1 % à Bastia, La Rochelle ou Aix-en-Provence.

Le constat est identique à l’examen des données relatives aux lycées généraux et technologiques (LEGT) publics, toujours à l’échelle des cantons. Le record de jeunesse du corps enseignant est détenu par Mitry-Mory (34,1 %), pour moins de 2 % à Biarritz, Dinard, Gap, Royan ou Anglet, par exemple. À l’inverse, le taux d’enseignants de moins de 30 ans pour cette catégorie d'établissements atteint son minimum à Gap (moins de 1 %). Cette petite station touristique des Alpes du sud est en rupture avec Le Bourget en matière de tissu social (29,9 % de plus de 15 ans sans diplôme à Gap pour 42,4 % au Bourget en 2013).

L’éventail des écarts se resserre lorsqu’on se focalise sur la part des jeunes enseignants en lycée professionnel public. Le canton de Suresnes (académie de Versailles) fait figure de situation extrême avec 25 % d’enseignants de moins de 30 ans. Au cœur de ce canton, la commune de Suresnes abrite une population défavorisée, paupérisée et vulnérable (risque de chômage) puisque la part des habitants de plus de 15 ans sans diplôme (20,5 % en 2013

9

) et le taux d’imposition des ménages sur le revenu à la même date (75,9 %) sont très supérieurs à la moyenne. Au plan national, l’opposition entre couronnes périurbaines parisiennes et aires urbaines de « province » se confirme. Une nuance de taille apparait avec cet indicateur puisque beaucoup de petites et moyennes aires urbaines (de 30 000 à 150 000 habitants en 2012, exemples d’Alençon 68 000 h ou de Colmar 130 000 h), à l’exception de la Bretagne, se distinguent des plus peuplées, métropoles ou non, où les taux sont plus faibles (Nantes, Reims, Bourges, Besançon, Valence, etc.). La Bretagne connait peu de renouvellement de son corps enseignant pour cause de stabilité des professeurs dans leurs postes. Il est difficile d’y entrer, c’est l’une des raisons pour lesquelles les taux de jeunes sont forts aux portes de l’académie de Rennes (Orne, Sarthe, etc.). On se rapproche le plus possible jusqu’au jour où l’on pourra accéder à cette académie (nombre de points suffisants dans le mécanisme d’affectation

10

).

Avec les académies de Versailles et Créteil, celles de Lille, Amiens, Orléans-Tours, Nancy- Metz et Strasbourg sont les plus jeunes. Elles présentent toutes un profil économique et social

9

https://www.insee.fr/fr/statistiques/1405599?geo=COM-92073

10

Un barème inter-académique défini nationalement et des barèmes académiques arrêtés par les recteurs et le vice-recteur permettent le classement des demandes ainsi que l'élaboration des projets de mouvement. Néanmoins, ils n'ont qu'un caractère indicatif. Les barèmes traduisent d'abord les priorités légales et réglementaires de traitement des demandes de certains agents : rapprochements de conjoints, fonctionnaires handicapés et agents exerçant dans les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, mesures de carte scolaire, etc. Ils privilégient les éléments liés aux priorités légales puis, dans une moindre mesure, prennent en compte d'autres éléments relatifs à :

- la situation personnelle ;

- la situation de carrière (ancienneté de service et de poste) ;

- la situation individuelle de l'agent.

(15)

marqué au cours du XIX

e

et du XX

e

siècle par une industrialisation intense, source de développement de l’enseignement professionnel.

Après les inégalités liées aux âges des enseignants, celles qui sont liées aux statuts de ces derniers sont analysées à l’échelle cantonale (part d’enseignants non titulaires), mais cette fois- ci on globalise les effectifs pour les niveaux collèges, LEGT et lycées professionnels, publics et privés (Figures 13 et 14).

Figures 13 et 14 : Taux d’enseignants en collège et lycée public et privé non titulaires parmi l’ensemble des enseignants en 2004 et 2014 par canton

Tableau 1 : Taux d'enseignants non-titulaires en 2004 et en 2014 (en %)

2004 2014

Guadeloupe 8,2 10,7

Martinique 6,3 10,9

Guyane 25,8 39,3

La Réunion 4,3 7

Mayotte 26,8

Total DROM 8,7 15,3

En 2014, plus de 86 % des enseignants en poste dans la commune de Grand-Santi en Guyane

ne sont pas titulaires. L’ensemble des Outre-mer se trouve dans une situation un peu

(16)

comparable, sauf La Réunion (Tableau 1). Saint-Laurent du Maroni compte 225 enseignants dont plus de ¾ ne sont pas titulaires. En France métropolitaine, les académies de Versailles et Créteil connaissent le même problème que ces Outre-mer, à savoir une difficulté à attirer et garder leurs enseignants. Des cantons comme Le Palais, Annot ou L'Ile d'Yeu, concentrent des records d'enseignants non titulaires (50 à 60 %). Pour pallier le manque de candidats pour occuper leurs postes, les recteurs de ces académies recourent à des vacataires et autres agents non titulaires. En 1990, la part des non-titulaires parmi les enseignants du second degré public de l’académie de Créteil faisait déjà figure de record avec 13,6 % pour 12,4 % à Versailles (moyenne de l’époque 9,7 %, MEN-Depp, 1993, p. 114).

De 2004 à 2014, le nombre d’enseignants non titulaires, tous types d’établissements confondus –collèges, lycées, publics et privés -, a légèrement augmenté (+3 % en moyenne), surtout en Seine-Saint-Denis et en Île-de-France en général. Il a aussi progressé en Outre-mer passant de 8,7 % à plus de 15 %. En France métropolitaine, en règle générale, les croissances sont d’autant plus fortes que les cantons et les communes se situent aux marges de leurs départements, c’est- à-dire en périphérie rurale sous faible influence urbaine. Ces espaces, souvent mal desservis par le train ou l’autoroute et donc mal reliés aux grandes aires urbaines, ne sont pas des lieux de travail ni de résidence recherchés par les enseignants titulaires. L’emploi du conjoint y est sans doute plus difficile à trouver que dans les aires urbaines du sommet de la hiérarchie urbaine (Veltz, 1996).

C’est le cas par exemple des marges de la Haute-Marne (frontière avec les Vosges), département constituant lui-même une marge aux confins du bassin parisien et du système urbain régional du grand-est, sont particulièrement concernées par la croissance du taux de non titulaires. De même aux frontières entre la Haute-Garonne et l’Ariège, ainsi qu’aux confins du Morbihan et de l’Ille-et-Vilaine, ou entre le sud-est de la Guyane et le Brésil. Ces périphéries, peu urbanisées et donc peu équipées (services aux particuliers, infrastructures de transport), n’abritent pas un marché du travail varié et diversifié, autant d’éléments qui jouent en défaveur de l’installation de ménages actifs et diplômés de l’enseignement supérieur comme c’est le cas pour les enseignants. À l’inverse, un recul du taux de non-titulaires bénéficie à des zones bien reliées aux réseaux de transport comme le sud du département de la Manche. Cette hypothèse d’explication n’épuise pas le sujet.

Conclusion

Combien de France apparaissent lorsque l’on analyse des inégalités de distribution de moyens

financiers, humains et des inégalités d’accessibilité aux établissements scolaires ? Après

examen des inégalités de dotation financière allouée par des collectivités territoriales aux

collèges et lycées, des inégalités d’accessibilité par la route à ces établissements, et des

disparités de localisation des moyens humains dans ces établissements comme les enseignants,

l’usage de la notion de fracture scolaire ne semble pas abusif vu les écarts constatés entre

cantons, départements et académies.

(17)

S’il fallait ne retenir qu’une dimension de ces fractures, ce serait sans doute celle qui est relative au taux d’enseignants non titulaires. La part de ce type d’enseignants augmente, comme on l’a vu, en moyenne en France métropolitaine entre 2004 et 2014 pour passer de 4,2 % à 6,9 %, mais elle est multipliée par 1,7 dans les DROM sur la même période, et passe de 25,8 % à 39,3

% en Guyane (!). Le taux moyen métropolitain en la matière est 2,2 fois plus faible que celui des DROM.

En élargissant le propos, une fracture scolaire isole les Outre-mer de la France métropolitaine, et au sein de cet Outre-mer, la Guyane et Mayotte se distinguent nettement des autres DROM.

En France métropolitaine, les académies d’Amiens, de Créteil et de Versailles s’opposent par leurs caractéristiques à celles de Paris, Rennes, Montpellier ou Bordeaux (âge des enseignants par exemple). A une échelle plus fine, en France métropolitaine, une fracture sépare les espaces ruraux montagnard et ceux de la diagonale du vide, au réseau urbain et à ses franges périurbaines, lorsque l’on se concentre sur les inégalités d’accès routier aux établissements scolaires.

Mais ce constat multi-scalaire nécessite d’être confirmé par la prise en compte de données statistiques de même nature sur une décennie pour mesurer une éventuelle stabilité de ces fractures, une réduction de celles-ci ou une aggravation. De plus, des indicateurs comme ceux de l’accessibilité routière aux établissements gagneraient à être affinés par type de lycée professionnel par exemple (LP à offre de formations industrielles ou tertiaires, à offre de formations rares).

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Références

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