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Submitted on 1 Jan 1905
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L’action des rayons sur les tissus vivants et la lécithine
H. Mouton
To cite this version:
H. Mouton. L’action des rayons sur les tissus vivants et la lécithine. Radium (Paris), 1905, 2 (11), pp.370-372. �10.1051/radium:01905002011037001�. �jpa-00242157�
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monographies détaillées de cette question (Ruhnier,
Korn, Amaduzzi). L. ilnperfectiol1 des résistances de sélénium et aussi la complexité des mécanismes à réa- liser a empêché jusqu’ici le développement de ces applications.
Pour conclure, nous répéterons encore que tous les
progrès dans l’emploi du sélénium sont subordonnés maintenant à la réalisation de résistances stables à
propriétés constantes et susceptibles d’être reproduites
il coup 8Ùr. Nous avons indiqué, à plusieurs reprises,
dans quelle voie il nous paraissait, après étude de la
question, que l’on devait poursuivre les recherches.
Espérons que l’avenir nous apportera la solution des nombreux problèmes théoriques et pratiques qu’elle
soulève et que, sur ce sujet comme sur beaucoup
d’autres, les progrès désintéressés réalisés dans les laboi atoires seront le point de départ des perfection-
nen1cnts pratiques : le champ des applications est,
comme on l’a vu, assez vaste, pour justificr tous les
efforts. Eugène Bloch,
Docteur ès sciences,
ancien élève de l’Ecole normale supérieure.
L’action des rayons sur les
tissus
vivants et la lécithineAL sujet de 1"action biologique des rayons de
A Röntgán et de ceux du Radium un certain nombre de points sont définitivement acquis
nombre de points sont définitivement acquis aujourd’hui. Tous les expérimentateurs reconnaissent que les uns et les autres produisent des effets compa- rables, en sorte que pour los applications pratiques l’emploi du tube de Crookes ou du Radiuili est surtout
une question d’opportunité, L’action dans’tous les cas
parait se porter de préférence sur les tissus où les cellules sont en voie de multiplication rapide (tissus embryonnaires, tissus de régénération, tumeurs) et sur
les organes lymphatiques et génitaux où la formation
de cellules est abondante. Mais si les modifications subies par les éléments histologiques semblent aujour-
d’hui assez bien connues, le mécanisme par lequel elles
se produisent reste encore assez mystérieux.
Peut-étl’c l’est-il pas défendu de supposer que les rayons de Rontgen agissent directement sur la stabi- lité des colloïdes et en particulier de ceux dont est con-
stituée la matière vivante. Cette hypothèse ne parait
pas avoir été soumise au contrôle de l’expérience.
On a cherché au contraire, et surtout dans les pays de langue allemande, n rattaclier cette action aux nl0di- fications chimiques subies sous l’influence des rayons par une substance très répandue dans l’organisme, la
lécithine, matière grasse, phosphorée, de formule
complexe et qui s’émulsionne dans l’eau sans s’v dis-
soudre. L’attention des biologistes a été attirée sur ce produit depuis deux ans par le rôle curieux qu’elle joue vis-ii-vis de certains poisons (venins de serpents) agissant sur les éléments du sang. On veut en l’aire au-
,jourd’hui l’intermédiaire obligé entre les ravous et les cellules qu’ils modifient. D’assez nombreux travaux sunt d accord là-dessus bien qu’il y ait des divergences
notables daii, le détail des expérience. Il nous paraît
interessant de résumer aujourd hui les faits de cette
cause qu’il serait prématuré de Bouloir juger dès
maintenant.
C’est Schwarz qui, le premicr, en 1905, soumettant
à l’action d’une capsule de radium des oeufs de poule
en incubation, observa, en même temps que la forma-
tion d’embryons monstrueux et que le noircissement de la coquille, l’odeur spéciale de triméthylamine que
prennent les oeufs ainsi exposés. Il vit d’ailleurs que les parties de l’oeuf les plus riches en lécithine étaient
les plus profondément modifiées, et que l’on peut sous
l’innuence des mêmes rayons modifier in vitro la lé- cithine qui prend alors une couleur brune, une saveur spéciale et cette odcur de triméthylamine qui l’avait . frappé dans les oeufs. (La triméthy lamine est un des produits de désagrégation de la lécithine.)
De même que le vitellus de l’0153uf de poulet, le Ni-
tellus de tous les 0153ufs est riche en lécithine. Scllaper
étudiant le développement des oeufs de batraciens
sous l’influence des rayons vit que les parties de
l’oeuf qui contenaient le plus de matières vitellines étaient les plus modifiés. (Nous avons l’an dernier
(déc. 1904) résumé assez longuement ces travaux.) Il rapprocha ses observations de celles de Schwarz et se
rallia à l’opinion de cet auteur sur le rôle de la léci- thine.
Du terrain de l’observation, R. Werner tenta de faire passer cette théoric sur celui de l’expérimellta-
tion. Il chercha à imiter al l’aide de la lécithine modi- fiée in vitro par les rayons les actions que l’on obserBe par l’action directe des rayons sur les tissus. Pour cela, il soumit pendant 2 ou 3 jours au rayonnement d’une capsulc de 10 milligrammes de bromure de ra- dium pur une petite quantité de lécithine (oN-oléci- thille) de Merck 1. Sous cette influences l’aspect du pro- duit se modifie ; il devient plus foncé avec des trainées
brun rouge, une odeur forte et piquante, alors (Itie le même produit conservé le même temps Îl l air libre 1. Il n’y a d’âpres Werner. aucune différence entre les modi- fications produite dans la lécithine par les rayons du Radium et par les rayons X.
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/radium:01905002011037001
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ne subit aucune modification appréciable. Broyé et
émulsionné dans l’eau tiède ( Igr. dans 5 cc. ), ce produit
est injecte soit sous la peau, soit rlans la peau même des animaux d’expérience. En injections sous-cutanées,
le liquide rapidement résorbe ne donne lieu à aucun
trouble particulier. En injections intracutanécs, au con- traire, il reproduit, d’après l’auteur, le tableau
typique des suites d’un traitement intense par le Ra- dium. C’est d abord une rougeur circonscrite de la peau accompagnée de gonflement. Ce phénomène dis- parait pour faire place, au bout de 2 ou 5 jours, à l’ap- parition de petites ampoules de l’épiderme dont le
contenu d abord clair ne tarde pas à se troubler.
Cette description des accidents produits par l’illocula- tion ne suffirait peut-être pas a rendre le rappro- chement évident. L’auteur la complète dans une publication ultérieure. L’action élective pour les divers éléments normaux ou pathologiques de la peau est la même qu’on observe avec le Radium (touffes de poils, verrues). Les pertes de substance se réparent plus len-
tement que celles qui sont ducs à d’autres causes, les ulcères du Radium excepté qui guérissent encore plus
lentement. Les cicatrices glabres et peu pigmentées
sont tout à fait selnblables à celles du Radium. Bref,
la localisation des accidents étant aussi facile ou même
plus facile qu’avec le Radium même, Werner pense que, dans la pratique, le Radium pourrait être sou-
vent remplacé par la lécithine préalablenlent soumise
à l’action de ses rayons.
Bien entendu, l’auteur n’a pu reproduire dans la
peau les mêmes désordres en y injectant diverses sub-
stances plus ou moins irritantes (acides, alcalis, huiles, sels, pepsine acide) ou en y produisant des nécroses
par anélnie.
Plusieurs auteurs ont obtenu des résultats ana-
logues à ceux de Werner. Ainsi Il. Hoffmann et 0. E.
Schulz, en injectant dans la peau des rats de la léci- thine préalablelnent exposée aux rayons, ont obtenus nlais d ’une manière inconstante suivant les échantil- lons choisis - la chute des poils de la partie inoculée, parfois suivie d ulcération. Schlachta depuis a vu des phénomènes analogues. Hoffmann et Schulz ont aussi
observé en injectant la lécithine préparée dans le tes-
ticule des rats une atrophie progressive de l’organe
avec diminution de poids, inflammation interstitielle, nécrose complète de toutes les cellules épithéliales
dans la région oii a été poussée l’injection, est, plns près de la périphérie, obstruction de tous les canali- cules par des masses nécrosées. Ce tableau amènerait
peut-être la conviction absolue de l’identité de l’action de la lécithine et dcs rayons, si les auteurs n’avalent observé les mêmes modifications de l’oraane en em- ployant de la lécithine non soumise 2l l’action des rayons. Ce fait pourrait trouver d’ailleurs son explication
tion dans des faits que nous aurons à examiner ulté- ricurement
Admettons donc que c’e·t par l’intermédidire de la lécithine modifiée que les rayon agissent sur l’orga-
nisme . Aussi bien semble-t-il que la preuve directe telle que les auteur lentent de la donner ne peut être établie rigoureusement . Il parait difficile que être
lion d’un produit modifié dans l’épaisseur d’un tissu ait même l’fret sur les cellules vivantes que la modi- fcatioll du même produit existant dans l’interieur de chacune d’elles. Aussi Werner invoque-t-il à l’apppui
de la thèse qu’il soutient, en même temps quels faits
déjà énoncés par Schaper.l’observatioan qu’il fait que
l’on augmente la sensibilité des tissus au Radium en
y determinat une infiltration leucocylaire : or on sait
que les leucocytes sont riches en lécythine et particu-
lièrement fragile à il l’aclion des rayons
Nous pouvons nous demander maintenant par quel moyen la lécithine modifiée par les rayons agirait tir
les tissus. Là-dessus, les auteurs sont d’accord : la lécithine est décomposée par les rayons en plusieurs éléments, et ce sont ceux-ci dont se fait sentir sur les cellules l’influence nocive. Seulement, ce n’est pour Werner aucun des produits connus de la désagrégation
de la lécithine $(choline, triméthylamine , acide phospho-
blycéricjue ou acide stéarique) pris isolement : ce ne pourrait étrc que l’ensemble de ces corps et il
esquisse même une théorie assez iagiie d’après laquelle
les rayonsne feraient que proparer in vivo la lécithine à subir l’action des ferments dédoublants.
S’il est vrai toutefois que la lecithine agit jl,tr des
produits de dédoublement de sa molécule, il est vrai semblable qu’on peut dédoubler la lécithinc par des moyens purement chimiques qui donneront des produits d’action analogue, sillon égale, à celle de la lécithine exposée aux rayons, Plusieurs procédés ont
en cffct fourni a Werner des produits plus on moins
actifs. Parmi eux, il retient surtont l’action prolongée
dela pepsine acide (l’essai du produit n’ayant lieu. bien entendu, qu’après neutralisation) et ccHc de l’ozone sur la lécithine dissoute dans l’alcool ou dans l’huile d’olive. Dans ce dernier cas , l’activité du produit ne se
maintient pas indéfinement , et comme elle a disparu à
mesure que le liquide cessait décolorer en bleu la tein- turc de gayac , Werner pense que l’oxygene en exces
daiis lc liquide doit avoir un role . Ce role d’ailleurs mal
précise par Werner .l’oxygène le jouerait dans l’action
sur le, tissus: cela reste assez douteux Il est au
contraire vraisemblable que l’oxgene intervient dans
le dédoublement de la lécithine par les rayons . La
première indication en tut donnée par Shcwarz qui
constata que dans l’hydrogène le jaune d’0153uf ne prend
pas sous l’infulence des rayons le gout particulier qu’il
prend dans l’air que la lécithine n’est pas activer par les rayons en l’absence d’oxygène.
Schalachta a obtenu des effets analogues à ceux de
BYcrIler en se servant d’une émulsion de lécithine dans
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l’eau distillée dans laquelle il fait barbotter un courant
d’ozone. Le liquide devient moucseux et prend une
odeur forte, puis devient épais et filant. Injecté au cobaye dans la peau du ventre, il produit une chute
des poils suivie d’une ulcération dont la réparation est
d’ailleurs assez rapide (18-25 jours). Une modification active de la lécithine est encore obtenue par le même auteur en faisant agir l’eau oxygénée sur la lécithine.
Peut-èlre faut-il chercher dans l’activation plus ou
moins grande de la lécithine par divers agents la cause des résultats incertains de quelques expériences dans lesquelles les auteurs (voir plus haut Hofl’mann et Schulz) ne se sont pas astreints à partir d’une léci- thine fraichement préparée.
Exner et Zdarek ont apporté au problème une con-
tribution intéressante en indiquant, contrairement à
l’opinion première de Werner, que le produit actif
dans le dédoublement de la lécithine était la choline.
De la choline, extraite de la lécithine par dédouble-
ment chimique, injectée dans la peau des rats à la dose de 2 centimètres cubes d’une solution à 1,5 pour 100, produisait au bout de 5 jours la chute des poils, puis 5 jours après une ulcération grave de la peau.
L’injection de 0,5 centimètres cubes dans le testicule des mêmes animaux amenait une atrophie de l’organe
tout à fait semblable à celle qu’à la même époque
Hoffmann et Schulz obtenaient avec la lécithine entière soumise aux rayons. Enfin, plus récemment Exner
communiquait à la Société médicale de Vien ne que la choline produit dans les organes lymphatiques, par
injection intra-péritonéale, les mêmes effets qui ont été
décrits par Heinecke à propos de l’action des rayons de Rôntgen.
L’activité de la solution de choline est très grande lorsqu’elle a été fraichement préparée, elle diminue beaucoup en quelques semaines, d’où l’erreur pre- mière de Werner qui depuis a reconnu l’activité de la solution récente et l’a attribuée, comme il l’avait fait
pour la lécithine activée à quelque sursaturation d’oxy- gène sur laquelle il nc s’explique pas davantage.
Lue explication plus vraisemblable a été proposée
récemment par Schlachta dans un travail analysé
ici-même (Le Radiulti, septembre 1905). Pour cet
auteur. l’action de la choline est due à sa fonction
basique forte : elle disparait au fur et à mesure que ce corps fixe le gaz carhonique. On peut d’ailleurs repro- duire, d’après lui, les accidents dus a la choline en
lui substituant en injection iiitra-cutaiiée dillérents alcalis forts. Il est seulement important de n’tm- ployer que de fort petites doses de ces corps (Omg,7 de potasse, par exemple). Peut-être faut-il en conclure
(me dans les premiers essais d’imitatioii d’action des rayons par les alcalis les doses employées furent trop brutales.
Nous avons essayé de résumer rapidement les tra-
vaux publiés depuis un an sur cette question, Ils ont
abouti à construire une théorie assez vraisemblable de l’action des rayons sur les tissus vivants : les rayons,
en présence de l’oxygène, détruiraient la lécithine des cellules ; l’un des produits de sa transformation, la choline, corps basique, agirait sur la cellule vivante
qui la contient ou sur les cellules voisines pour pro- duire les troubles observés. Malheureusement, tous les
travaux publiés à notre connaissance ne sont que des
notes brèves parues dans les journaux médicaux, sans
détails suffisants, en sorte que nous ne pouvons juger
par l’affirmation des auteurs de l’aspect des lésions
ou des troubles produits. Enfin, il semble, comme
nous l’avons dit, que la preuve qu’ils veulent fournir ne
peut être demandée qu’approximative à des expé-
riences de la nature de celles auxquelles ils se livrent.
Il semble pourtant qu’il y ait là un ensemble des recherches dignes de retenir l’attention.
H. Mouton,
Docteur ès sciences.
Attaché à l’Institut Pasteur de Paris
SCHWARZ, Pfluger’s Archiv., 1903, t. c., p. 532.
SCHAPER, Deutsche med, Woch., 1903. nos 59 et 40.
R. WERNER. Zentralbl.f. Chirurgie, 1904, n° 43.
EXNER. Wien. klin. Woch., 1904, n° 50.
R. WERNER, Deutsche 1iwd. Woch, 1950 UO 2.
EXNER et ZDAREX Jfien. hlin. Jrocll., 1905, n° 9.
HOFFMANN ct SCHULZ, Wien lain. Woch.. 1905, no 3,
H. WERNER Munch med. Woch. 1905, n° 15.
SCH Munch . med Woch ., 1905 n° 19 et 26 EXNER Wien klin Woch 1905 n° 27.