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Submitted on 1 Jan 1979
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Topologie des lignes singulières des smectiques C non chiraux
Y. Bouligand, M. Kléman
To cite this version:
Y. Bouligand, M. Kléman. Topologie des lignes singulières des smectiques C non chiraux. Journal de
Physique, 1979, 40 (1), pp.79-97. �10.1051/jphys:0197900400107900�. �jpa-00208887�
Topologie des lignes singulières des smectiques C non chiraux
Y. Bouligand
Laboratoire d’Histophysique et de Cytophysique de l’E.P.H.E., Centre de Cytologie Expérimentale du C.N.R.S., 67, rue Maurice-Gunsbourg, 94200 Ivry sur Seine, France
et M. Kléman
Laboratoire de Physique des Solides, Université Paris-Sud, Bât. 510, 91405 Orsay Cedex, France (Reçu le 14 avril 1978, révisé le 7 août 1978, accepté le 3 octobre 1978)
Résumé. - Les principales configurations des défauts curvilignes des phases smectiques C sont décrites en se
référant à deux classifications : celle basée sur le processus de Volterra et celle définie par les classes d’équivalence
du premier groupe d’homotopie de la variété des états internes du milieu ordonné. On compare ces deux classi- fications. L’article a pour but de montrer sur l’exemple des smectiques C l’usage de ces classifications. Elles ne
permettent pas une description complète des lignes de défaut et il faudrait y adjoindre des considérations éner-
gétiques ainsi que des données sur les interactions topologiques avec les défauts de dimensionnalité différente.
Les coniques focales demandent un élargissement des conceptions présentées ici.
Abstract.
2014The principal configurations of curvilinear defects in smectic C phases are described on the basis
of two classifications, by the Volterra process and by the classes of equivalence of the first homotopy group of
the manifold of internal states of the ordered medium. These two classifications are compared. The purpose of this article is to show the use of these two classifications in the case of smectic C phases. These classifications do not allow a complete description of curvilinear defects. Consideration of energetics and topological interactions with defects of other dimensionalities must at least be added. Focal conics demand a widening of the discussion in this paper.
Classification Physics Abstracts
02.40 - 61.30
-61.70
1. Introduction.
-La synthèse de divers corps
smectiques C a permis d’observer d’emblée des types variés de défauts et de textures [1] particulièrement
intéressantes lorsque des molécules chirales intro- duisent un arrangement torsadé [2, 3]. Les couches smectiques ne peuvent pas être distinguées en micro- scopie à lumière, étant donnée leur faible épaisseur,
souvent de l’ordre de 30 à 50 A. La structure héli- coïdale forme au contraire un système de lignes parallèles séparées par des intervalles de plusieurs
microns et on les observe parfaitement au microscope polarisant. La transition d’une phase smectique A
en phase smectique C chirale permet d’examiner la nucléation de ces lignes.
Les corps smectiques C simples ou chiraux forment
des domaines à coniques focales. Ils renferment en
outre des disinclinaisons et des dislocations. Il est clair qu’il existe entre les smectiques C simples et
chiraux des rapports très comparables à ceux que l’on trouve entre les corps nématiques et cholesté-
riques. Un tout petit échantillon d’un smectique C
chiral dont les dimensions sont très inférieures à celles du pas hélicoïdal a une structure qui ne le
différencie pratiquement pas de la forme C non
torsadée. Il est donc clair que les lignes de disincli- naison qui introduisent une discontinuité au niveau des orientations moléculaires auront fondamentale- ment la même topologie qu’il y ait ou non torsion.
Ainsi, il est commode de commencer l’étude par
ces smectiques C simples.
2. Conventions de figures.
-Les molécules paral-
lèles au plan de nos figures sont représentées par un trait de longueur unité et par un point, si elles lui
sont normales. Les molécules obliques sont repré-
sentées par un clou de longueur cos a, l’angle a étant l’angle de la molécule avec la figure. La pointe du
clou correspond à l’extrémité de la molécule tournée
vers l’observateur. (Ces conventions interviennent dans les figures 3b, c ; 8a, b, c ; 23 ; 25 ; 27 ; 28).
LE JOURNAL DE PHYSIQUE.
-T. 40, N° 1, JANVIER 1979
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphys:0197900400107900
Très souvent, nous remplaçons une distribution de clous par leurs lignes de force fléchées dans le sens
des pointes. Des lignes doubles indiquent le lieu des
molécules parallèles au plan de la figure (convention adoptée dans les figures 8a’, b’, c’).
Il est commode d’appliquer ces conventions aux
figures comportant des dessins en perspective. Dans
ce cas, un point, un clou ou un trait représentent une
molécule normale, oblique ou parallèle à un plan
vu en perspective (c’est le cas des figures 4 ; 5 ; 6a, b ; 9 ; 10 ; 14 ; 17 ; 20 ; 26). Une molécule est donc repré-
sentée en projection sur un premier plan (qui sépare généralement deux couches smectiques), puis dessinée
dans une deuxième projection sur le plan de la figure.
3. Symétries des corps smectiques C.
-Les molé-
cules forment des lamelles d’égale épaisseur, où elles
sont libres de se mouvoir en gardant une orientation constante, oblique par rapport aux lamelles. Il y a donc un plan de symétrie P (Fig. 1) normal aux
Fig. 1.
-Structure et symétries d’un corps smectique C simple.
P : plan de symétrie ; as et aG : axes de symétrie.
[Structure and symmetry of a non chiral smectic compound ; P : plane of symmetry ; as and aG : symmetry axes.]
lamelles et parallèle aux molécules. Il existe deux types d’axes autour desquels une rotation d’un angle mul- tiple de n est une opération de symétrie, dans la phase smectique C parfaite : ce sont les axes nor-
maux à P situés soit dans les plans S séparant les
couches smectiques successives, soit dans les plans
médians G, correspondant à la distribution des centres de gravité des molécules. Tout point de S
ou de G est centre de symétrie. Toute translation est
Fig. 2.
-Structure et symétries d’un corps smectique C chiral.
as : axe de symétrie dans un plan S séparant deux couches successives sn et sn+ 1 ; cet axe est orienté selon la bissectrice extérieure de l’angle
des projections sur S des molécules dans sn et sn+1; aG : axe de
symétrie dans un plan médian G. Cet axe est normal aux molécules.
[Structure and symmetry of a chiral smectic C. as : symmetry axis, belonging to a plane S separating two successive layers sn and sn+ 1;
this axis is the extemal bisector of the projections onto S of the
molecules of sn and sn + 1 ; aG : symmetry axis in the median plane of a
smectic layer.]
permise si sa composante normale aux lamelles smectiques est en grandeur un multiple entier de l’épaisseur de celles-ci. Dans un smectique C chiral (Fig. 2), seuls subsistent les axes de symétrie normaux
en chaque point à la direction de plan selon laquelle
se projettent les molécules sur le plan des couches.
On peut encore se représenter les symétries des phases SmC à l’aide d’un trièdre orthonormal n, t, N (n, normale à la couche, t, projection du directeur
sur la couche, N = t A n), tel que :
. n est un axe de symétrie d’ordre 1
t est un axe de symétrie d’ordre 1
N est un axe de symétrie d’ordre 2
l’origine du trièdre est centre de symétrie.
La description des symétries à l’aide de ce seul trièdre est incomplète : il faut ajouter évidemment
la symétrie de translation quelconque selon t et N
et quantifiée selon la direction n.
Les cristaux solides et la phase fluide anisotrope
de 3He constituent d’autres exemples connus où les symétries de rotation se représentent à l’aide de
trièdres, exemples qui se différencieront les uns des autres selon le cas, par la nature des symétries autour
de leurs axes. Au lieu de discuter de ces symétries,
on peut considérer, pour ces axes, des propriétés de directeur, de vecteur, de pseudo-vecteur, etc..., don- nant ainsi aux éléments du trièdre des définitions du type paramètre d’ordre. Ainsi, dans un smectique C,
on est tenté de définir n et N comme des directeurs,
t comme un vecteur : cette définition signifie que l’on peut, par exemple, changer n en - n, t et N restant constants, c’est-à-dire décrire le même cristal SmC aussi bien à l’aide des trièdres (t, n, N) que
(t,
-n, N). Bien que cette opération ait un sens physique clair, elle n’est pas une opération de symétrie
du système. En revanche, si l’on ne s’intéresse qu’aux opérations de symétrie, t est changé en - t par une rotation (permise) de n autour de N et se comporte donc pour cette opération comme un directeur.
On voit donc qu’il y a quelques difficultés à utiliser ici les propriétés en question. Il en est de même pour tous les milieux définis par un trièdre local (auxquels
nous donnerons le nom de milieux de Cosserat), où
en général l’entité globale du trièdre constitue le
paramètre d’ordre.
On notera que les nématiques biaxes et les smec- tiques C sont tous deux des milieux de Cosserat
optiquement biaxes, mais présentent des trièdres
locaux différents. (Dans un nématique biaxe, les
trois axes du trièdre sont des axes de rotation d’ordre 2 et des directeurs.)
Le contenu de cet article porte sur la classification et la description des défauts curvilignes (dislocations)
dans les smectiques C. Nous utiliserons deux classi- fications ; l’une de ces classifications fait corres-
pondre à chaque défaut, par le processus de Volterra,
un élément du groupe de symétrie ponctuel [4],
l’autre fait correspondre une classe de conjugaisons
du groupe fondamental n,(V) de la variété V des
états internes [5]. La première classification est bien
connue et la dernière plus récente [5, 6, 7]. Il sera intéressant, dans une dernière partie, de comparer
ces deux classifications.
4. Défauts des corps smectiques C simples.
-Un
certain nombre de défauts sont de même nature que
ceux déjà décrits dans les smectiques A [9-11]. Nous distinguerons quatre types principaux de lignes.
4.1 LES DISLOCATIONS DE TRANSLATION.
-Le vecteur de Burgers normal aux lamelles est en gran- deur un multiple entier de leur épaisseur. Ces dislo-
cations peuvent monter plus aisément qu’elles ne glissent. Elles peuvent être sinueuses et former des boucles comme dans les smectiques A. Une disloca-
tion oblique peut être formée en alternance de seg- ments coins et de segments vis qui ont la valeur
de décrochements. Les dislocations de translation ne se croisent pas dans un smectique, mais, dans de
nombreux cas elles recombinent, c’est-à-dire qu’une
dislocation AB rencontrant une dislocation CD,
on obtient par exemple le couple AC, BD. Nous appellerons lignes d,, de et dg les dislocations de translation suivant qu’elles ont un caractère vis,
coin ou une orientation plus générale oblique.
4.2 LES DISINCLINAISONS 1.
-Les dislocations’
d’axe de rotation selon N agissent sur les conforma- tions des champs t et n, et de tout être physique
dont au moins une composante selon t ou n n’est
pas nulle. L’axe de rotation qui permet de les définir est normal à P et donc aux molécules. L’angle de
rotation est un multiple de n et très généralement + n
et - n. Nous appellerons ces lignes 1 +n et 1 -Il (Fig. 3).
Fig. 3.
-Disinclinaisons 1 + n et 1’" en coupe dans le plan P conte-
nant les molécules.
[Disclinations 1+n and 1- 1t observed in section in the plane P of projection of molécules onto the layers.]
Elles peuvent être sinueuses, mais leur orientation moyenne, en position parfaite, est normale au plan P.
Les lignes 1 + n et 1 -’ peuvent former diverses associa- tions comme dans d’autres cristaux liquides et, notamment, des pincements élémentaires et des dis- locations coin. Agissant sur n, elles agissent sur la
lamellation smectique ; mais il ne faut pas perdre
de vue qu’elles agissent aussi sur t (Fig. 3 : dislocation de rang 1/2 pour t). Rappelons que t n’est cependant
pas un directeur : c’est un élément d’un trièdre t, n, N indissociable.
Une ligne sinueuse, située soit dans une lamelle, soit dans un plan perpendiculaire à une lamelle,
doit présenter des variations par rapport à la distri- bution de la figure 3. Celles-ci peuvent être décrites
en termes de densité de dislocations de translation accrochées à 1 (cf. réf. [12]), obéissant à la relation ( 1 )
Cette quantité est nulle si v, vecteur unitaire sur l’axe de rotation, est parallèle à 1, tangente unitaire à 1.
Dans le cas présent, v est selon N et db doit être
ds
une dislocation de translation permise. Nous savons
que dans un smectique C les seules translations de
symétrie sont les translations quantifiées normales
aux couches et les translations non quantifiées dans
le plan des couches. On a donc deux cas possibles :
-
ligne 1 dans le plan des couches. D’après l’équa-
tion (1), il est possible de donner à 1 une forme quel-
conque, en lui ajoutant des dislocations de translations
non quantifiées. Considérons par exemple (Figs. 4
et 5) une ligne faisant un angle a avec N : ceci nécessite
Fig. 4.
-Lorsque, pour une ligne 1 +03C0 le vecteur rotation n’est pas
perpendiculaire au plan P, on a inévitablement la formation d’une paroi (h). Dans cette figure, N est parallèle à 1.
[A wall ô appears in the vicinity of a line 1 + 1t, when the rotation vector of the disclination is not perpendicular to the plane P. In this figure,
N is parallel to 1.]
Fig. 5.
-Représentation de la paroi b de la figure 4 dans une
couche smectique isolée en remplaçant les clous par leurs lignes de
force fléchées.
[Different representation of the wall ô of figure 4 in a single smectic layer, where the nails have been replaced by their intégral lines with
arrows indicating the sense of the nails.]
e) Cette relation diffère de celle de la référence [12], laquelle
est établie en supposant Q (angle de rotation) petit. On trouvera
en annexe la démonstration de l’équation (1).
la présence d’une rotation autour de n et d’angle 2 a
affectant le vecteur t ; cette discontinuité, relaxée, conduit à une paroi de Néel de t (Fig. 6). L’ensemble
ainsi obtenu est analogue à une dislocation torse de t rencontrée dans un nématique, si on fait abstraction des couches smectiques. La description en termes de
densités de dislocations de translation est alors celle que l’on serait amené à faire pour le nématique
ainsi défini ;
Fig. 6.
-a) Substitution d’une paroi de flexion à la paroi b de la figure 4 ; b) étape intermédiaire entre les figures 3a et 4 ; c) flexion f d’angle 2 ce dans la figure 6b.
[A pure bent replaces the wall of figure 4 ; b) intermediary step between figure 3a and 4 ; c) flexion f by an angle 2 a in figure 6b.]
-